jeudi 18 septembre 2014

Le précieux général Proust


Les grains de poussière glacés voletaient çà et là derrière les carreaux, ils s’égayaient en des milliers d‘atomes éclatants comme autant d’étourneaux tourbillonnant au hasard du blizzard et virevoltant au gré de la bise, ce spectacle de millions et d’infimes papillons de neige, cherchant un chemin dans l’hiver des boulevards parisiens en Février compte parmi mes plus heureux souvenirs et je pouvais m’enivrer pendant des heures de ce spectacle magique tant que s’il n’était le babil minaudant des cousines, je m’en serai littéralement glacé, et la joue, et le nez à la vitre de fascination, comme offert à la béatitude que seul l’hiver en son cœur est capable de nous offrir. Emotions enfantines et mélancoliques. Quand le givre scintille sur les vitres comme des petits soleils, que la bise s’invite sous les fenêtres, elle, dont le moindre petit souffle nous pique les lèvres comme le ferait une ortie blanche, qu’il fait tellement froid que l’on craint que nos lobes nous quittent, quand nos narines crissent et que nos lèvres craquent, quand la danse des fumées ne semble qu’une trainée morte, quand nos pas dans la mousse semblent briser du verre, quand le froid implacable, sec, obstiné par tous nos espaces veut nous envahir, nous traverser, il n’est point de lutte possible, par sa seule volonté il nous impose le repli et derrière la fenêtre, calfeutré, à l’abri, je sortais de ma torpeur quand j’entendis Antoinette qui, d’un pas doux nous faisait servir sur un plateau d’argent, ciselé à la manière d’un Barye, que tante Marthe affectionnait tant et qu’elle nous légua à son départ, ce délicieux thé doux à la bergamote auquel un savoir-faire acquis de ses années passées à Burgess Hill dans le Sussex au service des Hutchinson a donné la saveur d’un délice. La conversation entre Léontine et Clémence prenait un tour ennuyeux, chacune chamaillant l’autre sur les vertus comparées de ce qu’il sied le plus élégamment de revêtir aux mains pour les protéger du vent glacial ; l’une, Clémence, vantant le manchon en peau de jeune phoque, Hortense elle, restait campée, pour des raisons essentiellement pratiques, sur des gants en toison de vison que recouvraient des mains préalablement pommadées d’huile de castor, c’est à cette dernière combinaison qu’allait mon suffrage malgré l’aversion que je pouvais éprouver à l’idée de m’enduire les paumes d’un extrait de petit mammifère que l’on avait préalablement poinçonné à la dague à hauteur du jarret, la truffe vers le sol, pour le mieux vider de son sang puis, une fois dégorgé, mis sous une presse, en tirer le jus, puis bouilli jusqu'à le réduire en onguent, cette idée d’un castor sous l’étau me hérissait d’effroi, j’ai toujours eu en horreur ce genre de pratique d’un autre âge, enfin quoi, l’idée du petit animal écrasé me fit frémir et c’est avec la brusquerie du songe que je remis une bûche dans l’âtre ce qui eut l’heur de dissiper mon vertige, mais d’agiter mon tisonnier vivement dans les braises expulsa dans le petit salon une onde de chaleur qu’accompagnait aussitôt un picotement acre chatouillant les narines et démangeant la gorge ce qui incommoda immédiatement les cousines à les en faire toussoter alors, sous les récriminations et les plaintes j’allais tout contrit vers la fenêtre pour l’entrouvrir et nous laisser mordre un instant par le souffle des steppes de Sibérie, sur les vitres une buée s’était formée, témoignage humide du pépiement incessant des tendrons, j’y dessinai d’un doigt la face ronde d’un bonhomme rieur qu’aussitôt je recouvrit d’un chapeau, sur un autre carreau, la perspective d’un chemin menant à une maisonnée, au toit de laquelle une cheminée fumait, Léontine, dont le rosé des joues par l’effet de la toux devint rouge-pivoine, brisa net mon élan créatif et m’enjoignit d’ouvrir, sous peine de s’évanouir ce que je fis après avoir noué autour de mon cou l’étole de soie de chine offerte par maman pour fêter ma fragile guérison.La main sur la crémone à tête de lion que nous eûmes tant de mal à trouver mais que papa découvrit en chinant rue de la Contrescarpe, le regard sur l’ardoise des toits blanchie des flocons, je pensais qu’il fallait que ce brave monsieur Léon se penchât sur le grincement pénible que faisait le battant gauche, tandis que le froid sec me saisit à me glacer le souffle, à me congeler le gosier, un éclat sonore me parvint d’en bas, de la rue, un bruit net, aigu, tranchant, démarqué du silence que le givre accentue, j’entendais du trottoir des onomatopées, des bribes de sons, de mots, des bruits, des borborygmes, un volapük débité par des badauds rassemblés en cercle autour de ce qui semblait être le matériel déballé d’une vente sauvage et je songeais que c’était là une insolite cérémonie qu’une braderie improvisée par un temps pareil et qu’il fallut que cela soit de bien belles affaires à saisir, méritant que l’on bravasse de telles températures, mais de cette cacographie de trottoir je n’en pouvais rien saisir et je refermai prestement la fenêtre car à me contorsionner de la sorte sous le nordet mordant je risquais au mieux un torticolis au pire une myalgie, je jetais un dernier regard aux piétons transis dont certains s’agitaient à sautiller sur place ou à souffler dans leurs mains pour se réchauffer, il y a dans ce monde bien des hurluberlus m’exclamai-je in petto, des prêt-à-tout qui, pour trois babioles seraient disposés à rallier Zanzibar à cloche pied et pied nu encore.
La journée passa lentement entre pépiements et affèteries des conversations futiles et c’est engourdis d’une douce chaleur produite par le feu de l’humble bûcher que nous arrivâmes au crépuscule ou l’on nous servit pour dîner une délicieuse crème de potimarrons relevés d’exquises baies de poivre rose, accommodée de croutons de blé complet et de fines tranches de saucisse d’Ardèche, le petit vin d’Arbois que nous récoltions dans nos vignes jurassiennes, une gorgée à peine me ramenait à chaque fois dans ce village des Arsures si cher à mon enfance et à ses cortèges de souvenirs, je revoyais les noisetiers au printemps, l’eau vive de la source qui coulait dans le domaine de grand-maman, les reines marguerites que nous mettions en sautoir après les avoir tressées en un seyant collier et qui à la moindre enjambée, se démettait, je revois aussi tonton Jean ordonnant aux ouvriers la place qu’il avait à tenir pour les vendanges et son discours qui se terminait systématiquement par un : « nous sommes chez les Mercadier bon sang » la faux qu’aiguisait grand-père pour que Plantier ait un instrument bien affuté pour affronter les foins. Ce soir Hortense insista derechef –c’est une manie à chaque repas elle recommence- pour que je lui fisse gouter notre familial breuvage ce que bien sur je ne fis pas de peur que cela ne la conduise aux inconséquences dont elle se rendait parfois coupable.
Avec les tartelettes aux poires, Antoinette me donna le journal du soir et j’y pus lire, outre la nouvelle qu’une guerre était imminente à nos frontières, qu’il y eut dans notre rue, à deux pas, un malheureux retrouvé mort de froid ce matin.
La lumière des bougies nous laissait voir à travers les carreaux, que les cristaux neigeux voletaient davantage et l’on pouvait se figurer devant ce spectacle que les étoiles s’étaient mises à danser.

mercredi 27 octobre 2010

Le mal est fait

Le mal est fait ! La fin est proche ! Foutus qu’on est !
J'espérais-naïvement- que cela allait s’arrêter mais elles ont progressé. Elles grignotent sans cesse. Très vite cessera toute l’humanité.

Sur la cheminée, là devant moi, la fissure en témoigne. Elle a progressé. Lentement. Imperceptiblement. Inexorablement.
Les créatures sont à l’œuvre.
La planète vit ses derniers instants, bientôt elle sera coupée en deux, fendue, comme une petite orange dont chaque moitié s’apprête à être pressée.
Partout, à l’heure de mourir, on se demandera d’où est venu le mal, comment est-il arrivé ? Moi seul aurais pu leur dire, mais j’aurai disparu déjà. L’épicentre est ici, sous mes yeux et il court le long de la cheminée.
Les créatures sont invisibles. Elles sont organisées, déterminées, disciplinées comme une armée de fourmis, elles grattent, creusent, rongent, entaillent…elles mordent et crachent, mordent et crachent, encore, encore. Jusqu'à la fin des temps. Notre fin.
Bientôt elles atteindront le noyau terrestre, puis, sans se bruler elles dévoreront insatiablement, la lave en fusion les nourrira aussi, les renforcera, comme Galactus elles tirent leur force de l’énergie des planètes qu’elles dévorent.

Dans un trait de lumière, des milliards de particules, dans une danse infinie, s’agitent. Ce n’est pas de la poussière. C’est notre terre qui est ainsi digérée et recrachée
Elles arriveront bientôt de l’autre coté de la surface du globe. Dans la grande explosion qui s’ensuivra, elles fêteront leur victoire, les unes sur les autres elles grimperont et dans cet infini fil invisible elles se mettront en quête d’une autre étoile à dévorer.
Qu’importe ! Nous sommes tous morts.

samedi 16 octobre 2010

Flingue

"-Tiens et si je n'étais pas bête ? Si enfin je disais ce que je suis vraiment et pas celui que tout le monde croît avoir catalogué ?
-Ça n'intéresse personne.
-Même pas la télé?
-Encore moins...
-Tu crois que..?
-Tu peux.
-Chargé ?
-Ouais.
-Bang.

Spartacus

- " T'y crois toi à tout ça ?
-Moi j'crois à c'que j'vois ! Et là j'crois à ça...(Il exhibe son flacon le débouche et boit).
-N'empêche le gars de tout à l'heure, il nous est bien apparu et de nulle part encore.
-Ouais, vachement doué l'Houdini.
-Plein d'billets et en veux -tu en voilà. C'est louche cette histoire. Tu crois pas qu'on devrait s'tirer d'ici Corso ?
-Non, moi j'crois qu 'tu devrais la fermer un peu avant de l'ouvrir et pour deux raisons un, j'arrive pas à penser avec tes questions à la con et deuxio la pièce n'est pas ventilée.
-Dis tout de suite que j'pue d'la gueule !
-Eh ben j'te l'dis.
-Merci.
-De rien.
-Tu sais un jour...
-Chut, y'a du bruit...y'a quelqu'un qui vient.
-Chuchotant. C'est les flics ?
-J'crois bien qu'oui. Salut Max, à un d'ces jours.

Eparpillé

Pablo relut encore une fois la dernière phrase, essuya ses larmes d'un revers de main, inspira profondément, regarda autour de lui, replia soigneusement la page et la remit soigneusement dans la poche de son costume anthracite. Encore une bribe. Un de ces bouts d'histoire que son père avait griffonné sur un bout de carnet. Il y en avait dix mille comme ça, des bouts de phrases, des bouts d'histoires, des bouts d'idées, des bouts de bouts, des morceaux d'êtres humains, des colères des peurs et des angoisses, des morceaux de bravoure et des scènes de bataille. Et de l'amour aussi. Des fragments, des pensées, éparpillés au gré des vents du temps et de l'inspiration, des phrases écrites sur la route ou dans des réunions, à la maison quand la nuit tombait, en pleine nuit, quand le jour se levait, n'importe où, n'importe quand. Il se souvint de son père qui lui avait dit un jour " je ne pourrais jamais écrire une seule histoire, j'écris des débuts, des cris, des fins, des morts et des vies, des morceaux. J'aurais voulu écrire un roman Pablo, tu sais un gros livre et dans ce livre je parlerais de toi, de ton frère et de ta sœur et de ta mère aussi; de mes parents et de tous ces gens que j'ai connus, aimés ou détestés, de ces années passées à vous attendre tous, à espérer..."

Une dame âgée et digne se dirigea vers lui. Il la trouva belle avec ses longs les cheveux noirs, les yeux noirs aussi, cette beauté orgueilleuse qu'ont les méditerranéennes. Elle le tira de ses pensées, lui sourit. Un magnifique sourire. Oui cette femme était belle.
-Que tu as grandi ! Que tu es beau mon Pablo! Comme je suis triste de te revoir, mon enfant. Elle prit Pablo dans ses bras et le serra très fort.
-Moi aussi tante Marie je suis triste, et je suis heureux de te voir. J'espère que vous ne partirez pas tout de suite après, - il renifla- je voudrais pouvoir vous regarder un peu, quelques heures, je voudrais vous entendre, vous parler, vous m'avez tellement manqué toutes ces années toi et les tiens.
-Elle souriait. « Ce sont les tiens aussi Pablo» ; Elle passa sa main sur le visage de Pablo. Il pleurait. "Tu es beau mon fils". Elle le regardait fixement. "On devrait rester quelques jours".
-Tu es venue avec quelqu'un ?
-Ton oncle -un silence- et sa femme.
Il sourit. Sa femme ?
Eh oui figure toi! Tiens, d'ailleurs le voilà.
Oh Lola, mais tu es là !? Ça fait un moment que je te cherche...
Bonjour tonton! Comment ça va ?
Comment veux-tu dans un moment pareil et toi ? Tu n’as pas changé Pablo. Un peu maigri peut-être.
Mais qu'est ce que tu racontes toi toujours, ça fait onze ans que tu ne l'as pas vu et tu trouves qu'il a maigri, par rapport à qui, à toi !? Ça c'est sur. Elle le tira par la manche, à tout à l'heure Pablo.
Pablo sourit. Il pensa que le frère et la sœur étaient toujours comme chien et chat. Il marcha pour rejoindre le cortège qui emmenait son père vers le port.

Philippe était là, debout près du prêtre. Le vieux Philippe, l'ami de toujours, vieil acteur aujourd'hui, celui qu'il n'avait jamais revu, sauf une fois, le jour de ses noces.
Il se racla la gorge, on le sentait prêt au lyrisme. Celui des cabots un peu aigri de n’avoir pas été reconnus pour leur talent. Celui qu’ils ne doutaient pas d’avoir. Il lança contre le vent les mots qu'il avait préparé pour lui dire adieu, Ô ami de bohème où plutôt a bientôt car il n'allait pas tarder lui non plus à rejoindre le paradis tragique, l'ultime et éternelle scène pour une unique et infinie représentation et que la vie et que merde. Il se mit à pleurer. Il replia sa feuille, avec dignité, la rangea dans sa veste. Eternua.

Vera se tenait près d'une petite boite en bois d'olivier incrustée de pierres turquoise. Le vent avait forci. On prévint tout le monde que cela risquait d'empirer encore et que de toutes les façons ils pourraient suivre la dispersion depuis le promontoire. Quelques volontaires décidèrent tout de même de braver les intempéries. Le canot quitta le quai en pétaradant, une vingtaine de personnes à son bord. L'ile au loin était vaporisée d'embruns.

Du bateau, on apercevait sur la jetée les silhouettes noires, les unes contre les autres comme des fourmis au garde à vous se rétrécir, pour n'être plus au bout d'un instant que de minuscules points noirs.

Le prêtre tenait son mouchoir sur sa bouche, on voyait ses joues qui se gonflaient et qui se dégonflaient, joueur d'une invisible trompette, mais malade d'une réelle nausée.
Philippe, debout, le poing dressé tel Achab devant la baleine blanche se tenait face au vent, hurlait que "nous irions tous à Valparaiso" pour donner du courage à l'équipage, il éternua entre "Cap Horn" et "cachalot".
Tonton Christophe flegmatique, le tenait par la ceinture pour ne pas qu'il tombe à la mer et de temps en temps sortait sa fiole "contre le mal de mer." Je ne sais pas pourquoi mais je l'ai toujours appelé " tonton Christophe", nous n'avons aucun lien de parenté, mais il a toujours fait partie de la famille, comédien lui aussi, mais plus mesuré ; mon père disait toujours quand on le voyait sur les écrans, "regardez les enfants, c'est tonton Christophe" et c'est resté.

"Encore une minute on arrive, mais ça va être dur de garder le cap sous le vent, il faudra se dépêcher signora" prévint le capitaine de la barque.
Véra acquiesça. Elle tenait sa boite comme prête à en sortir un génie. "Quelle idée, cette boite en bois, je crois que je n'aurais jamais compris cet homme". Elle était jolie Véra, on lui donnait toujours trente ans, elle en avait cinquante. La bouche toujours pincée comme pour empêcher sa colère de sortir.
Hugo était là, près de sa mère, il revenait du Pôle Sud où sa mission avait découvert les premières traces d'une vie organisée antérieure à tout ce qu'on avait découvert jusqu'a aujourd'hui, les journaux ne parlaient que de ça. Il avait les traits tirés. "Le décalage" expliqua-t-il à son frère. Pablo lui souriait.

samedi 9 octobre 2010

La tache

Il y a ma table d’écolier. Sous les coudes une tablette de bois articulée, reposant sur des tubes métalliques épais et lourds qui, lorsqu’on la soulève découvre le matériel nécessaire au parfait petit écolier : des petits cahiers avec des lignes horizontales certaines avec un espacement large, permettant l’écriture appliquée mais large des petits apprenants, une boîte de plumes neuves, du papier buvard, une règle parallélépipédique en bois, des feuilles froissées malgré tout, une tablette de chocolat, que, dans un angle un contour disparu, avec pour seules traces des marques de dents, laisse deviner entamée. En haut à droite, un trou de la taille d’un ours. Il reçoit l’encrier. Un petit encrier blanc, en céramique. C’est là qu’on trempera la plume sergent major, pour faire de belles lettres, s’y efforcer tout du moins.

L’encre à une odeur de chien mouillé. De pluie d’automne dans un bois. Le goût du papier journal qu’on mâchouille pour faire des munitions qui, expulsées par une sarbacane improvisée viendront se coller au milieu du Sahara, en Italie, dans l’orbite du squelette pour les plus adroits, sur les lunettes de l’institutrice pour les moins chanceux.


J’ai taché un pantalon une fois avec cette encre. J’ai renversé l’encrier tout entier sur ma cuisse gauche. En plus des remontrances de la maitresse qui me fit observer devant toute la classe, non sans cruauté c’est certain, que c’était toujours les mêmes qui attiraient les bêtises, ce fut la honte de me trainer tout le jour dans la cour. Ca se moquait évidemment. On ricanait même, et j’étais sur d’entendre, a mon passage, entre les chuchotis les pires calamités.


Déshabillé, l’auréole sur ma cuisse, même en frottant récalcitra quelques jours. J’ai eu bien souvent d’autres hématomes qui, sans frotter disparurent; celui sur ma cuisse gauche est indélébile.

vendredi 8 octobre 2010

Chemin de croix


C’est mauvais. C’est mauvais. Mauvais. MAU-VAIS. Je tourne et retourne la chose dans tous les sens, mauvais. Un gâchis de papier, des branches entières, un arbre scié pour rien. Des hectolitres d’oxygène qui ne rafraichiraient jamais l’atmosphère d’un quelconque pays ,je suffoque.

il pleut…sur la dune au loin, des mirages…mon cœur, un jardin endormi… et mon cul alors ? C’est du Balzac ?

C'est un sale boulot! Je l'arrête. Il me désemplit la tête d'immondices et des déchets d'autrui. Une souris pour des rats, tant pis la souris.
(De prime abord c’est un chant, un lustre, un duvet qui s’étire, une luciole sans fin qui éclaire la cour comme un sémaphore l’océan) Ouais !

Je pense à un chirurgien, sur la table d’opération, le cœur du patient dans la main, qui regarde son équipe, donne le cœur à la poubelle, arrache son masque et quitte la pièce sans un mot. Effondré.

Editer, ce n’est pas opérer à cœur ouvert, c’est à mots couverts que l’on doit dire au futur Nobel, au Goncourt potentiel, a l’illustre grand prix de la fête du livre de Trézouille-sur-Mer, que ce qu’il écrit, il faut qu’il le nourrisse (une lueur encore, nage dans l’immondice ; des ongles peints et des souliers vernis caressent le store, le chantier n’est pas loin et sur la marche, un prophète d’une mélopée litanesque, ironise sur ce que ces cons génèrent). Fatigué, sommeil, maison.

J’ai gobé en vingt années l’équivalent du Parc naturel de la Vanoise. Encore vingt ans à ce rythme, et j’aurais fait plus de dégâts pour l’humanité que tous les déracineurs de l’Amazonie. Il en va du salut de l’humanité que j’arrête ce boulot. D’un autre coté, j’ai assez de PQ pour tenir le siège (…) de la prochaine guerre de cent ans ! Et en plus, j’aurai des fesses de bébé, polies qu’elles auront été par l’usage quotidien et exclusif d’un quatre vingt grammes sans chlore ni javel. (des fragments et des larmes s’immiscent lascifs dans le trou de ta serrure, la foi mon jeune ami c’est absoudre, le courage c’est d’en découdre)

Il reste quoi en toute fin ? Une brasserie même plus en grève, une imprimerie installée en chine, une solitude à double tour, des fleurs fanées, des clichés par containers, pas même un seul vrai portrait de femme, juste des corps par mégatonnes, pas une once d’amour (une certaine familiarité et des similitudes, la preuve de l’abstinence et le tempo saccadé des horloges menacées)

J’ai des antennes je le sais, depuis toujours, fatales, à pourfendre à transpercer. Mais je n’ai pas le poing dressé, ni le rictus lippu. J’agis en tendre, en diplomate. Je n’ai pas pour eux la bosse de Lagardère. Le chanceux c’est moi et moi seul (tu le sais toi qui flotte que du sang fut versé, écoute mon cri et reprends ma plainte, porte mes larmes aux confins, aux tréfonds dis leur la lumière)

Il reste encore des cravates dénouées et des coins de table, des concerts de louanges et des chèques d’acomptes, quelques bas filés, une lèvre fendue et des rayures métallisées. Je ne trouve pas l’espoir, je ne lui ai pas fait de place. Rangé qu’il est depuis longtemps à la cave, à l’oubli. C’est le vide qu’il mérite, pour tout ce qu’il nous a fait. Et à eux.

Souvent, il vient me visiter, il vient quand je suis seul, il ne me surprend plus et même je le guette. Je l’attends. Je l’espère. Serai-je encore moi sans lui, qui serait-t-il sans moi ? Bla, bla, bla ce vieux William encore, Words words words, jusqu'à l’ivresse, sans la profondeur, ni les déesses, des mots, les miens un peu et ceux des autres, trop nombreux, ils vous inondent, vous étouffent, vous empêchent de respirer, d’être libres. Je sais des mots qui chantent pourtant, qui vous éloignent, vous soulèvent et lentement vous transforment (c’est l’automne encore que la buse étourdit le ver, notre main elle seule le précéde)