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Le mystère Steve Jobs

octobre 14th, 2011 Posted in Design, Images, Interactivité

Steve Jobs est un personnage mystérieux et contradictoire : abandonné par ses parents biologiques, il a refusé de reconnaître sa fille ; promoteur d’un ordinateur techniquement démocratique mais financièrement aristocratique ; connu pour ses déclarations sur la liberté, mais ayant créé le système le plus verrouillé qui soit1 ; inventeur d’une manière différente de concevoir l’entreprise, mais faisant fabriquer ses produits dans les pires sweat shops de Shenzen ; créateur vraisemblablement génial mais ne pouvant être crédité lui-même d’aucune invention technique ; etc.2

Ce qui m’étonne le plus, ce n’est ni son existence ni son œuvre de créateur et d’industriel, c’est bien sa mort. Car je dois admettre que je ne me serais pas douté que son décès très prévisible (peu de gens ont survécu si longtemps à un cancer du pancréas) causerait un tel déchaînement d’hommages spontanés.

Quand Max Théret, fondateur de la Fnac, est mort il y a deux ans, il me semble que strictement personne ne s’en est aperçu et que la chaîne de boutiques qu’il avait fondé n’a pas spécialement ou pas ostensiblement porté le deuil. Mais cette semaine, de petits autels à la gloire du fondateur d’Apple ont été édifiés dans les Fnacs, avec un petit texte du PDG Alexandre Bompart qui dit s’exprimer au nom de son entreprise toute entière et rappelle que Steve Jobs a été un « changeur de monde qui a révolutionné notre époque et nos vies ». Les clients étaient invités à laisser un petit mot sur un livre d’or prévu à cet effet. Et ils le faisaient.
Cette pratique est tellement incongrue qu’on peut vraisemblablement penser qu’elle ne relève pas ou pas exclusivement d’une forme d’opportunisme commercial mais qu’elle exprime bien une émotion sincère.

Devant l’Apple Store du quartier de l’Opéra, pas de monument « officiel », mais des petits mots, des offrandes (fleurs, pommes, autocollants,…) et des bougies ont été disposées par des passants. J’ai vu une jeune femme écrire, dans un anglais qui ne me semble pas être sa langue maternelle : « I’ll miss you a lot Steve. We lost our best geek. Now we like (sic) orphans. Thanks for all ! May god can hear our prayers. Bless you. Love ».
J’ignorais que le grand public, et particulièrement en France, avait suffisamment de sentiments envers Steve Jobs pour traiter sa mort, toutes proportion gardées, comme on avait traité celle de la princesse Diana il y a près de quinze ans. Je savais que Jobs était plus célèbre que la plupart des personnages qui ont pesé sur l’histoire de l’informatique (Charles Babbage, Alan Turing, John Von Neumann, Douglas Engelbart, Dennis Ritchie, Richard Stallman, Tim Berners-Lee, Larry Page & Sergei Brin, Will Wright, Shigeru Miyamoto,…) mais je ne pensais pas que sa popularité ait pu dépasser à ce point celles de ses collègues Bill Gates (« l’homme le plus riche du monde ») ou Mark Zuckerberg (devenu un personnage grâce à The Social Network).

Quelle est la place exacte de Steve Jobs dans l’imaginaire de ceux qui sont si peinés de sa mort ? Il semble prendre ici un rôle comparable à celui de ces inventeurs, ingénieurs et industriels que l’on rencontre parfois dans la science-fiction et dont les créations ont à ce point changé le monde futur que leur nom est connu de tous. Il n’est pas le premier à qui ce soit arrivé ceci dit : Thomas Alva Edison et son nemesis Nikola Tesla ont été, de leur vivant, des légendes, et même des héros de récits de science-fiction où ils vivaient des aventures imaginaires et se voyaient créditer d’inventions extravagantes. La situation était tout de même un peu différente, car la science de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, dont les conquêtes s’accumulaient, était alors pour le public « magique » au sens d’Arthur C. Clarke (« Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie »).
L’émotion présente du public est-elle dirigée vers le fondateur d’Apple, vers le créateur du Macintosh, vers le fondateur de NeXT, le créateur de l’iMac, de l’iPod, de l’iPhone, de l’iPad, l’acquéreur particulièrement avisé de Pixar ? Le showman aux keynotes virtuoses ?… Est-ce que c’est le fait qu’il soit mort si jeune qui frappe à ce point les esprits ? Est-ce que c’est la couverture médiatique importante ?

Ce qui me semble certain, c’est que l’extrême popularité de Jobs est, en France, récente, et qu’il y a quelques années encore, il fallait être un peu « geek » pour connaître son nom, et ce même après son grand retour chez Apple il y a quinze ans, même après l’iMac, après macOSX ou encore après l’iPod. Je ne suis pas indifférent à la mort de Steve Jobs bien au contraire mais j’ai le sentiment que ce Steve Jobs qui semble si universellement pleuré m’est assez étranger.
Ce qui est déterminant, c’est sans doute l’iPhone, un objet en lequel ses utilisateurs placent visiblement beaucoup d’eux-mêmes : leurs amis, leur musique, leurs photos, leurs vidéos, leurs conversations, leur temps libre, leur mémoire… tout ça tient en grande partie dans les cent cinquante grammes de leur smartphone, ou en tout cas y transite3.

Hier j’ai observé mes voisins de banquette dans le train, cinq personnes, toutes équipées d’un téléphone de marque Apple. Je fais ce genre de constat quotidiennement même si l’on voit souvent d’autres modèles — dont aucun n’est associé à une personnalité publique comme l’iPhone l’est à Steve Jobs.
Une jeune fille se servait de son téléphone pour raconter en détails ses efforts pour maigrir à une amie. Les quatre autres voyageurs, très concentrés, fixaient leur écran en silence : ils étaient en train de jouer, de lire, de répondre à des messages instantanés ou à des e-mails. Grâce à l’engin, ces personnes d’âge et sans doute de milieux sociaux très divers, effectuent leur trajet dans une sorte de bulle. Il me semblait que cela remplaçait la lecture de romans ou de magazines — autre moyen pour s’isoler et s’évader lorsque l’on emprunte les transports en commun —, mais ce n’est pas certain, car on voit souvent des gens qui lisent, leur portable à la main et les yeux passant régulièrement du papier à l’écran. On voit aussi beaucoup de gens consulter leur smartphone en marchant dans la rue, en regardant la télévision, en mangeant, en discutant,… Vu de l’extérieur, j’ai parfois le sentiment que certaines personnes ne sont plus jamais en situation d’être complètement à l’endroit où ils se trouvent et au moment où ils s’y trouvent.
Le rédacteur en chef de Car Magazine, cité sur InternetActu, pense que les téléphones mobiles sont en quelque sorte en concurrence avec les automobiles : « les concepteurs de voiture disent souvent que les adolescents d’aujourd’hui aspirent plutôt à posséder le dernier smartphone à la mode qu’une voiture »4. Je me demande ce que ça peut vouloir dire exactement, si le téléphone prend effectivement la place de l’automobile en tant qu’outil d’émancipation (très illusoire à mon avis), de lieu de solitude, de rapport aux autres, de sentiment de puissance, etc. — puisque l’on sait que l’automobile est bien autre chose qu’un simple véhicule. Je dois admettre que tout ça m’échappe un peu, n’étant ni automobiliste, ni utilisateur de téléphone mobile. Je dois me contenter d’imaginer, à vous, lecteurs-cyborgs, de m’en dire plus !5

En tout cas je remarque une tendance forte : les gens n’utilisent plus beaucoup leur téléphone pour téléphoner, ou plutôt ils l’utilisent principalement pour d’autres tâches, et il est de plus en plus fréquent que ces téléphones ne soient pas cachés dans une poche ou dans un sac, en attendant d’être utiles, mais au contraire, tenus en permanence à la main comme une extension de soi-même, une arme, un trésor.
Si Steve Jobs personnifie tout cela, je comprends un peu mieux l’intensité de la peine qu’a causé sa disparition.

(Lire ailleurs : La mort de Steve Jobs et la constitution d’une iconologie alternative sur 4chan par Patrick Peccatte ; Steve Jobs au Panthéon ? par Henri Verdier ; Steve Jobs, sur le charisme en économie, par Denis Colombi ; Les smartphones modifient le fonctionnement du cerveau (Le Figaro), signalé par Sylvie)

  1. cf. l’épitaphe que lui a réservé Richard Stallman pour qui Jobs est le pionnier de l’ordinateur comme prison « cool » : « Steve Jobs, the pioneer of the computer as a jail made cool, designed to sever fools from their freedom, has died. Nobody deserves to have to die – not Jobs, not Mr. Bill, not even people guilty of bigger evils than theirs. But we all deserve the end of Jobs’ malign influence on people’s computing. Unfortunately, that influence continues despite his absence. We can only hope his successors, as they attempt to carry on his legacy, will be less effective ». []
  2. Pour connaître un peu l’histoire de Steve Jobs, je trouve le téléfilm Pirates of the Silicon Valley (1999) plutôt bien fichu. Il raconte les ascensions parallèles de Steve Jobs et de Bill Gates, jusqu’au retour de Jobs chez Apple. Assez beau joueur malgré le portrait peu flatteur qui y était fait de lui, le fondateur d’Apple avait invité l’acteur Noah Wyle, qui l’avait incarné dans le film, à prendre sa place sur scène pendant une Keynote.  []
  3. Il y a même plus de choses encore que ne le savent les utilisateurs puisque l’on apprenait cette semaine que, chaque nuit, le téléphone envoie à la maison-mère le relevé des déplacements physiques effectués et des bornes wi-fi rencontrées. Lire à ce sujet Géolocalisation : l’iPhone bavarde pendant votre sommeil, sur le site de la Commission Informatique et Libertés. []
  4. Lire La fin de la voiture : avons-nous atteint un pic du déplacement ?, par Hubert Guillaud. []
  5. Moi aussi j’utilise la technologie pour être ailleurs que là où je me trouve mais c’est généralement associé à un lieu : le fauteuil de mon bureau pour Internet, le canapé devant le téléviseur, la salle de cinéma, mon téléphone « fixe », etc. []
  1. 33 Responses to “Le mystère Steve Jobs”

  2. By Henri Verdier on Oct 14, 2011

    Oui, tu dis avec finesse ce que j’ai dit avec émotion dans ce papier là : http://www.henriverdier.com/2011/10/steve-jobs-au-pantheon.html

  3. By @sylasp on Oct 14, 2011

    Je pense que le succès des smartphones est simple, car il pallie (en apparence ?) une des hantises humaines : l’ennui. Avec un smartphone, attendre chez le médecin passe plus vite, faire la queue est plus supportable etc.
    Cela nous rend plus docile, plus civilisé d’une façon (si on ne pense pas à l’aspect « j’ai le nez plongé dans mon téléphone même quand je suis accompagné » évidemment), je constate que les gens râlent moins dans les files d’attente, non ?
    En revanche, il faut toujours savoir utiliser son cerveau si on ne veut pas se retrouver totalement esclave de notre smartphone…

    Pour ma part, je ne téléphone jamais, sauf urgences et rdv mais je fais partie de ceux qui l’ont à portée de main depuis le canapé (mais pas au ciné !)

    Steve Jobs comme le Cylon originel, celui qui a su dupliquer tout plein de petits robots cylons, et nous, nous sommes à la fin de la chaine, orphelins de ce « créateur » ?
    En tant de crise, les gens ont encore plus besoin de figures de « leader », de gens à suivre (…Hello Twitter ?) et le monde en a perdu une (mais y’en a d’autres). Who’s gonna be next ?

  4. By Jean-no on Oct 14, 2011

    @sylasp : l’ennui me semble être une hantise assez récente : est-ce que l’on n’est pas en train d’arriver à une société où chaque seconde doit être remplie de quelque chose ?

  5. By @sylasp on Oct 14, 2011

    EDIT : dernier paragraphe « En temps de crise… »
    oups ;-)

  6. By Rama on Oct 14, 2011

    Donc tu penses que Jobs a acquis cette popularité surtout avec le iPhone, peut-être aussi avec les iPod et iPad, mais que s’il s’était cantonné au MacIntosh, il ne serait pas devenu une pareille super-star ? Ca serait finalement les toutes dernières années de sa carrière qui conditionneraient la vision de l’ensemble de son oeuvre ? (en filigrane, essayons d’imaginer ce que ça aurait donné si Apple avait continué de se concentrer sur des ordinateurs avec « parfum fraise, menthe ou myrtille au choix »)

  7. By Jean-no on Oct 14, 2011

    @Rama : Je peux me tromper mais je pense que oui, c’est vraiment l’iPod, l’iPhone surtout et pourquoi pas l’iPad qui expliquent ça.

  8. By Rama on Oct 14, 2011

    @Jean-no: c’est intéressant, parce que j’ai aussi cette impression mais que les sectataires de Jobs invoquent des contributions de longue haleine à l’histoire de l’informatique. J’imagine qu’ils se réfèrent à la popularisation de l’interface graphique avec le Mac. On aurait donc une forte sympathie générée par l’utilisation des iPhones, qui est a posteriori justifiée par le MacIntosh de 1984…

  9. By @sylasp on Oct 14, 2011

    @Rama Seuls les informaticiens connaissaient Steve Jobs avant l’iPod et l’iPhone, donc je pense également que ce sont ces produits qui ont donné à cet homme cette « aura »

    @Jean-no je suis d’accord, plus on avance plus les gens redoutent plus que tout de se retrouver seuls avec eux-mêmes…
    je le constate avec les ados et jeunes adultes de mon entourage, leurs parents ne leur ont pas appris à s’ennuyer (je pense que cela s’apprend dès le plus jeune âge, en allant dans sa chambre et en laissant venir les choses), parce qu’il fallait toujours avoir une activité (sportive, artistique) et parce que les parents eux-mêmes, absorbés par leur vie d’adulte (boulot, soucis) n’avaient pas le temps (l’envie ?) de se consacrer à l’ennui de l’enfant (parce qu’il faut l’encourager à s’ennuyer, et lui montrer l’exemple !). J’associe ennui et savoir être avec soi-même, ennui et solitude, sans aucune arrière pensée péjorative.

  10. By Jean-no on Oct 14, 2011

    @syslap : pour ma part je remarque que les « jeunes de maintenant » s’endorment direct devant les films ennuyeux (c’est à dire où du temps passe, où le montage respire et contient des séquences où rien ne se produit en apparence) : Tarkovski, Kubrick, et généralement le cinéma des années 1960 qui me semble le moins frénétique de l’histoire du cinéma.

  11. By @sylasp on Oct 14, 2011

    @Jean-no je ne saurais parler des films des années 60 car je suis complètement inculte à ce niveau, mais je pense qu’on pourrait peut être résumer en disant que ces « jeunes » sont difficilement capables de contemplation, et assez dépourvus de patience dans en ce qui concerne les divertissements (cela ne semble pas les déranger que tous les films du moment soient dépourvus de réelles intrigues, et que nous puissions deviner les lignes de dialogues à l’avance tellement tout est cousu de fil blanc. Exception faite des films SF et d’horreur, par attrait du frisson probablement)

  12. By @sylasp on Oct 14, 2011

    @Jean-no je fais « campagne » depuis des années auprès de mes neveux (17 et 21 ans) et de ma demi-soeur (18 ans) pour qu’ils regardent en VO, et ils m’ont tous fait comprendre que c’était beaucoup trop long pour eux, car il fallait jongler entre le texte, l’image et la compréhension globale (enfin, dans leurs bouches c’est plutôt « en français c’est plus facile, pourquoi j’irais m’embêter, ça sert à rien »)

  13. By @sylasp on Oct 14, 2011

    et pour en revenir au sujet (!), c’est aussi la force de Steve Jobs et de l’image qu’il a véhiculée : tout sera simple, à portée de main en quelques clics (comme la télévision finalement).
    Et désenchantement lorsque on lance une mise à jour via iTunes et que ça plante, parce qu’il a réussi à nous persuader qu’avec ses produits on n’aurait plus besoin d’avoir une seule notion d’informatique/techique… ce qui est faux, bien sûr, même un iMac a besoin de maintenance…

  14. By r on Oct 14, 2011

    Et sinon l’inventeur du C, Dennis Ritchie, est mort. Mais c’est sur que le C, brutalement comme ça, c’est moins fun que l’Ipad.

  15. By Jean-no on Oct 14, 2011

    @r : tu remarqueras que je l’ai mentionné dans l’article

  16. By r on Oct 14, 2011

    Ah ben non j’avais pas remarqué, il fallait lire le nom de tous les pas funs de l’informatique, je m’étais arrété à Von Neuman. Encore que Turing soit bientôt joué par Leonardo di Caprio au cinéma… Mais Turing reste assez glamour comme héros (alors que Von Neuman…)

    En fait la grande victoire de Steve Jobs, c’est d’avoir réussi à être pris pour une rock star dans un univers où ce n’était pas gagné d’avance et où c’est toujours mal barré (voir la mort récente de Dennis Ritchie par exemple qui n’a le droit qu’à une actualité « Geek »).

  17. By david t on Oct 14, 2011

    pour répondre à jean-no: «Je peux me tromper mais je pense que oui, c’est vraiment l’iPod, l’iPhone surtout et pourquoi pas l’iPad qui expliquent ça.»

    c’est sans doute en partie vrai. mais, pour avoir observé cet étonnant phénomène de deuil collectif chez des designers et concepteurs publicitaires de ma connaissance, qui utilisent les produits mac depuis longtemps (souvent depuis bien avant le départ et donc le retour de jobs), ceux-là ont développé un attachement (inexplicable à moi qui ai été biberonné au PC) à toutes choses apple. c’est là, je pense, que le sentiment de deuil est le plus fort.

    mais ça n’explique pas toute l’histoire puisque le tout-venant des utilisateurs d’iphone et compagnie s’est littéralement emparé de ce deuil, qui n’aurait pas dû les concerner autant. disons qu’il y avait une étincelle très vive et que le grand public a fourni la poudre qui manquait. résultat, une étrange et soudaine confluence d’intérêts entre deux groupes d’individus ma foi assez différents.

    sinon, j’apprends par ce post et les commentaires la mort de dennis ritchie, ce qui pour le coup m’attriste, n’ayant pourtant jamais touché à son langage (mais à certains de ses descendants, oui), mais je suis fasciné par l’aventure intellectuelle qu’est l’invention du C (et par la bande, d’unix).

  18. By jlF on Oct 14, 2011

    Pour certain, Jobs c’est surtout l’informatique personnelle
    Apple II, Mac, Next (pro) et les portables. Le titanium a changé la typologie de ces machines. Après le reste c’est une autre histoire.

    Pour le DESIGN, C’EST LA DEMONSTRATION, que le design tel que révé par les designers, ça marche…

  19. By Jean-no on Oct 14, 2011

    @jlf : tiens tout le monde s’en fiche mais c’est sur un Cube NeXT qu’a été inventé le world wide web, tout de même !
    Le premier ordinateur personnel que j’aie vue de ma vie était un Apple II, chez un copain dont les parents avaient de sacrés moyens (sa salle de jeu, avec toutes les figurines et les maquettes Star Wars existantes et un vrai flipper me faisait rêver). C’était quelque chose, je pense qu’on était ne 1979, pas plus.

  20. By Neovov on Oct 14, 2011

    Tout d’abord, qu’est-ce que vous entendez quand vous parlez de « jeunes » dans vos commentaires ?

    Je n’ai pas vraiment d’élément de réponse pour les questions — comme toujours très intéressantes — que tu poses. Par contre, je peux essayer de te livrer mon opinion. Pour moi, Steve Jobs a surtout fait des choix audacieux, dans différents domaines. Récemment avec l’iPhone et l’iPad, c’était le choix de ne pas supporter Flash. Dans mon domaine — le développement web — , c’est une décision très importante qui change beaucoup de choses. Au dela de ça, il y a aussi un effort de cohérence dans les produits Apple que je respecte énormément. Je suis particulièrement sidéré de voir des produits bancals (bancaux ?) venant de grosses entreprises. Je suis particulièrement attristé de savoir que ce niveau de qualité ne sera plus jamais (j’espère exagérer) atteint ou dépassé.

    J’ai trouvé amusant que tu nous (lecteurs) qualifie de « lecteurs-cyborgs ». La semaine dernière, le jour de la mort de Steve Jobs, j’étais à une conférence. L’orateur, après avoir rendu un hommage, a commencé sa présentation en nous expliquant que nous sommes des cyborgs. Un cyborg c’est un humain amélioré avec de la technologie. Des appareils comme l’iPhone disposent de technologies intéressantes permettant de nous améliorer, comme une boussole, un GPS, une mémoire. Tout ça, dans le creux de la main.

    @Jean-no, je ne suis pas sûr que le Cube NeXT soit un élément essentiel de l’invention du web. Pour moi c’est plutôt une anecdote. Le web, c’est URL, HTTP et HTML qui ont plutôt été conceptualisé sur papier. Il me semble que le Cube avait rôle de premier serveur web par contre.

  21. By Jean-no on Oct 15, 2011

    @Neovov : j’ai remarqué une difficulté à supporter le rythme des films des années 1960 chez des gens de moins de trente-cinq ans aujourd’hui, donc plus si jeunes. Ce n’est évidemment pas une règle. Si je prends mes enfants, qui sont assez cinéphiles pourtant, je remarque une difficulté à garder les yeux ouverts devant des films qui étaient « d’action » à mon époque comme Bullit ou devant des séries comme The Prisonner ou The Invaders : pas assez de stimulation je pense. En revanche, le montage rapide et les dialogues à la mitraillette des « screwball comedies » des années 1930 (Capra, Hawks) leur vont très bien. Je constate tout ça si souvent que je pense pouvoir en faire une règle et dire que les gens nés après 1980 ont l’habitude de regarder des films ou des séries où il se passe une quantité phénoménale de choses – je prends souvent comme exemple les Simpsons ou Futurama. Et si j’ai raison (encore faudrait-il vérifier cette observation en laboratoire mais j’avoue que ce genre de tâche ne m’intéresse pas outre-mesure), j’ai l’intuition que la cause directe est le bombardement d’images à comprendre rapidement auquel sont soumis les spectateurs : les animations japonaises sont speed, les publicités durent quelques secondes (pour expliquer qu’une machine à laver lave on prenait bien quarante secondes, quand j’étais petit), la durée des plans dans les films raccourcit (et c’est parfois pénible, comme dans Transformers auquel je pense pour l’avoir visionné récemment,…

    Sur la qualité et l’innovation chez d’autres boites que chez Apple, j’aurai des anecdotes à raconter sur le suivisme dans l’industrie mais je dois attendre qu’il y ait prescription vis à vis de certains clients qui se reconnaîtraient tout de suite si j’en faisais le récit tout de suite :-)
    Souvent, des boites très à la pointe en technologie pensent qu’avoir la machine la plus rapide possible ou la plus performante en ci ou en ça contentera le client. Apple a fait le choix de réfléchir à ce qu’on appelle « l’expérience utilisateur » et c’est une réussite c’est sûr.
    Pour Flash, je pense qu’Apple avait peur de sortir de la cohérence de sa plate-forme, mais je pense aussi surtout que c’est la menace de son modèle économique qui compte. Parce qu’Apple ce n’est pas que le design, c’est aussi une boite conquérante :-)
    Je pense que les utilisateurs de mobile sont des cyborgs car non seulement ils trouvent leur extension dans une technologie (sur ce point je suis pareil, avec on ordinateur et Internet), mais celle-ci est à présent sur eux en permanence, et depuis quelques années, tenue à la main. En fait si les machines n’étaient pas régulièrement changées, je pense que pas mal de gens accepteraient de se les faire greffer et on parle toujours de « wearable computer » (Ceci dit, porter une montre fait de quelqu’un un cyborg selon ma définition).
    Le rapport entre le Cube et le WWW (dont le premier serveur a tourné sur NeXT Step oui) est totalement anecdotique, tu as raison, mais les anecdotes sont faites pour être racontées :-)

  22. By sf on Oct 15, 2011

    « Le rythme des films »:
    Pourrait-on parler d’une génération MTV ?
    Même quand il ne se passe rien, il faut qu’il se passe quelque chose.

  23. By Xavier on Oct 15, 2011

    Le rapport entre Jobs (Apple) et le Web n’est pas si anecdotique, Tim Berners-Lee et Robert Cailliau se sont, entre autres, inspirés d’HyperCard.

  24. By Jean-no on Oct 15, 2011

    @Xavier : je ne connaissais pas cette interview, qui est très complète
    @sf : MTV, et aussi la pub de plus en plus courte, où quelques secondes suffisent. Je me rappelle que vers 1985 on nous parlait des pubs japonaises comme d’un truc délirant, parce qu’en quelques secondes les gens comprenaient de quoi on leur parlait…

  25. By Loïc on Oct 18, 2011

    J’aurai mis un peu de temps à réagir mais un trop plein de choses à faire m’en ont empêché. Désolé pour l’aspect très décousu de ce commentaire, il est un peu tard et j’ai du mal à bien ordonner mes pensées.
    Bien que je sois complètement équipé en mac, je ne me range pas dans la catégorie des macs addicts pur jus, trop de choses qui font râler chez Apple…
    Mais ça m’a quand même fait bizarre, je n’irai pas jusqu’au choc, mais quand même une espèce de tristes d’apprendre que ce mec est mort. M’étant levé très tôt le matin de l’annonce de son décès, j’ai du faire parti des premiers de mon réseau de contact à me sentir obligé de mettre un petit message.
    Concernant la place réelle qu’a occupé Steve Jobs, il est peut être trop tôt pour le dire, et nous ne serons probablement plus là pour en juger. Mais il est indéniable que peu de société de l’envergure d’Apple on à ce point été confondues avec leur créateur (Disney, Virgin et quelques autres ?). Quand je pense à Apple, la comparaison à Disney me vient assez facilement : à l’origine deux personnes, l’un a le savoir faire, l’autre la vision, et la vision finit par mettre le savoir faire dehors. Dans les 2 cas, ils s’agit d’entreprises qui ont largement dépassé leur vocation et corps de métier initiales pour peu à peu phagocyter leur secteur.
    Je serais également curieux de lire une analyse de ce que peuvent véhiculer comme sentiment les patronymes de nos chers créateurs d’entreprise de technologie de pointe. Il est quand même curieux que le créateur d’un système nommé fenêtre se nomme portail, et que le créateur des pommes se nomme travail.
    Si j’ai déjà pu lire des analyses liées à la tentation que peuvent exercer sur nous les appareils de chez Apple, je trouve que Jobs sur la fin de sa vie a quand même un parcours qui s’approche de celui de job sans s si j’en crois la courte fiche wikipédia le concernant. De là à faire un rapprochement quant à la ferveur populaire qui a entouré sa mort….
    Je n’essaye pas de tenir des raisonnements complètement tirés par les cheveux, ce sont juste quelques petites choses qui ont trottés dans ma tête, au moment où j’ai constaté l’effet qu’avais eu l’annonce de se mort sur moi, et comme Jean-Noël a cette faculté à faire des relations aussi surprenantes qu’enrichissantes sur tout un tas de choses, je serais ravi d’avoir un avis/échange/disgression sur tout ça ;-)

  26. By Jean-no on Oct 18, 2011

    @Loïc : les deux fondateurs dont un est évincé, il y a un exemple amusant : Microsoft. Là, Paul Allen (« l’ingénieur », Bill Gates étant « le visionnaire » – et c’est vrai, c’est lui qui a le premier cru au logiciel en prêt-à-utiliser vendu indépendamment des machines, avec MS-Basic) n’a pas été viré, il a contracté un cancer « incurable » et il a décidé de se laisser mourir en mer… ça fait trente ans qu’il vit la belle vie. Pas très loin de Job, là aussi !

  27. By Benoît on Oct 18, 2011

    Amha, j’établirais 3 éléments déterminants au phénomène :
    – les keynotes
    – l’écostyème d’Apple
    – l’iphone

    Les keynotes
    Quand on pense à Steve jobs ce sont visuellement les keynotes qui nous viennent en tête.
    Prenons le dispositif au premier degré pour ce qu’il est : un homme seul parle longtemps sur uns scène et bénéficie d’une audience énorme. En plus il est très bon.
    Nous sommes face à un évangéliste. Et le fait qu’il vende de la technologie met Jésus en phase avec sont époque.

    L’écosystème Apple
    Le débat Mac-Pc est le plus gros de tous les trolls, toujours aussi vivace. Prendre un produit Apple, c’est prendre parti, et ainsi crédibiliser le discours et la stature de son leader.

    L’iphone
    Oui il s’agit certainement de l’objet qui incarne le mieux que tout autre la drôle révolution technologique que nous vivons et qui bouleverse en partie notre manière d’être au monde.

  28. By Jean-no on Oct 18, 2011

    @Benoît : les keynotes me semblent un sujet un peu geek, tu peux demander à dix passants de quoi il s’agit et aucun ne pourra répondre. Pourtant ils connaissent Steve Jobs.
    L’écosystème Apple, là aussi ça me semble une vielle affaire mai qui a longtemps été un repoussoir : puisque passer au mac était un sacerdoce (il faut voir le nombre de logiciels indisponibles par exemple), c’était un truc pour graphistes… Et aujourd’hui encore je trouve souvent des gens qui ne savent pas vraiment ce qu’est un mac ou qui ne connaissent pas la différence entre mac et pc… Là aussi il me semble que c’est une problématique un peu geek qui ne concerne pas forcément autant de gens que Steve Jobs.
    L’iPhone me semble déterminant oui. Et c’est incroyable d’ailleurs de voir à quel point les derniers produits Apple (iPod, iPhone, iPad) ont été perçus comme des nouveautés radicales par le public alors qu’elles n’en n’étaient pas selon les ingénieurs : sur le papier, rien n’était nouveau, mais à l’usage, ça change tout… Car bien pensé.

  29. By Benoît on Oct 18, 2011

    @Jean-no

    Il ne s’agit pas de savoir ce que sont les keynotes ou de les avoir regardées.
    Mais de dire qu’elles ont forgé l’icône Steve Jobs. L’esprit des produits se sont incarnées dans ces séances de révélation ( ;-) ).
    Y a qu’à voir les images de Steve Jobs dans Google Images

    Oui beaucoup ignorent ce que sont les macs mais pas ceux qui en ont, qui ont généralement fait un choix conscient.
    Cela entraîne une identification à la marque, à ses valeurs et à celui qui justement l’incarne.
    La plupart des églises se fondent sur une opposition avec un monde existant et Apple a bien construit son image là-dessus (pub 1984).

    Oui l’Iphone est déterminant mais pas suffisant pour expliquer le phénomène. Le lien avec le personnage médiatique Steve Jobs et à ce qu’il incarne est aussi déterminante.

  30. By Jean-no on Oct 18, 2011

    @Benoît : je comprends bien ce que tu dis mais je n’arrive pas à voir comment ça atteint aussi fortement le grand public, tout ça, et surtout, le grand public français. Du coup je suis curieux de comprendre, j’ai l’impression de ne pas avoir toutes les clés, d’avoir raté un truc :-)
    Tiens, un pari que je fais, c’est que les gens seront plus nombreux à reconnaître Steve Jobs à 55 ans que Steve Jobs à 25.

  31. By Benoît on Oct 18, 2011

    @Jean-no
    >> Tiens, un pari que je fais, c’est que les gens seront plus nombreux à reconnaître Steve Jobs à 55 ans que Steve Jobs à 25.
    C’est à peu près ce que je me suis dit en tombant l’autre jour sur ces images de Steve Jobs au début des années 80.
    Là il a 26 ans et on est dans le stéréotype du geek barbu entreprenant. Après c’est devenu autre chose. L’icône Steve Jobs est récente s’est forgée avec les keynotes, de façon directe et indirecte. C’est de cette matrice spectaculaire que s’est fabriqué le personnage du démiurge en association avec la naissance médiatique des produits Apple.

    A une autre échelle Douglas Engelbart est sorti des oubliettes de l’histoire pour avoir sa place au Panthéon des nerds depuis que l’on retrouve sur la toile The mothers of all Demos (http://www.youtube.com/watch?v=JfIgzSoTMOs)

    Soyons plus explicite. Steve Jobs est une icône médiatique christique, construite par les keynotes, le côté sectaire d’Apple, la réussite de l’entreprise, le caractère révolutionnaire de l’Iphone et aussi, tristement, par la mort annoncée.

  32. By Neovov on Oct 19, 2011

    Ma question à propos de l’âge n’était pas un reproche, je cherchais juste à savoir si je rentrais dans la catégorie « jeune ». Je suis assez d’accord avec tes remarques, même si je pense être l’exception qui confirme la règle.

    Concernant la conférence dont je te parlais, elle est disponible en ligne : http://vimeo.com/30659519
    Au passage, il y a un excellent usage de la vidéo. (enfin je trouve)

  33. By Stephane Deschamps on Nov 2, 2011

    Tiens, un truc marrant sur la dichotomie mac/pc vue par le grand public : j’interviens auprès de gamins de 7-8 ans.

    Pour eux, le menu démarrer de Windows ou le menu pomme de Mac, c’est pareil. Mais alors vraiment, hein. Dérouler le menu, chercher « Arrêter » ou « Éteindre ».

    Ils se foutent comme de leur première couche pourtant pas si ancienne de ce qu’est un OS. Complètement agnostiques.

    De même, certains enfants de la classe disent que leurs parents ont des iPad comme nous disions des Walkman : sans comprendre que c’est une marque (hier Sony, aujourd’hui Apple).

    Bref. On en reparle dans dix ans, quand ils seront des consommateurs en pleine possession de leurs moyens.

  34. By et_ve on Nov 3, 2011

    Dans le même genre quelqu’un m’a déjà dit un truc du genre : « ah mais d’autres marques font des iphones, c’est pareil qu’un iphone, ils appellent ça un smartphone ».

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