02/11/2005
Philippe Bloch (Co-fondateur
de Colombus Café) Je crois à la supériorité de l'échec sur le succès dans l'apprentissage
Ancien dirigeant de Colombus Café, Philippe Bloch revient sur son expérience mouvementée de créateur d'entreprise et les enseignements qu'il en tire.
Après avoir écrit un best-seller
sur le service client, "Service Compris", Philippe Bloch s'est lancé
en 1994 dans la création d'entreprise avec le co-auteur de l'ouvrage, Ralph
Hababou. S'inspirant de l'américain Starbucks, ils ont créé
une chaîne d'Espresso Bar en France, Colombus Café. Après
des débuts difficiles, le projet s'est développé avec succès.
Jusqu'en juin 2004, où Philippe Bloch a été débarqué
de l'entreprise. Récit de cette aventure et des leçons qu'il en
a tirées.
Que retenez-vous des débuts
difficiles de Colombus Café ?
Philippe Bloch.
Nous avons fait trois erreurs majeures à l'origine. La première tient au timing. Selon moi,
une bonne idée qui arrive trop tôt n'est pas une bonne idée.
Deuxième faute : nous n'avons pas eu une bonne appréciation de la
vitesse à laquelle il fallait entrer sur le marché. Comme nous ne voulions
pas qu'un autre, avec plus de moyens, se porte avant nous sur ce marché,
nous sommes allés trop vite en créant deux points de vente d'un
seul coup, l'un à Paris et l'autre à Lille. La conséquence
: nous avons fait deux fois les mêmes erreurs. Notre troisième faux
pas a été dans le choix des emplacements qui se sont avérés décevants. Finalement, au bout d'un an d'activité, nous étions
dans l'impasse et les banquiers nous harcelaient quotidiennement. Ce qui nous
a fait tenir et remonter la pente, c'est que des gens autour de nous ont continué
à croire au projet et à penser que notre intuition était la bonne.
Certes, nous n'avions pas assez de clients, mais ceux que nous avions étaient
ravis de notre service.
Comment avez-vous rebondi
?
Cela s'est fait en deux étapes. La première
a été de fermer notre magasin de Lille. Cela signifiait perdre
4 à 5 millions de francs en comptant l'ensemble des investissements que
nous y avions réalisé mais c'était se couper la main plutôt que le bras.
La seconde phase a consisté à trouver de nouveaux financements car
nous n'avions plus d'argent. Il nous a donc fallu penser autrement le développement
de notre projet : faire le même métier mais avec d'autres moyens.
La solution trouvée a été l'implantation dans des lieux moins
coûteux. C'est ainsi que nous avons commencé à créer
des espaces Colombus dans les Fnac par le biais de concessions. Cela nous a permis
de survivre et d'alimenter le concept entre 1995 et 1999. Après, nous avons
trouvé un nouveau banquier, ce qui nous a permis de racheter un magasin
dans le Marais à Paris qui a très vite gagné de l'argent et c'est ainsi
que tout est reparti, sur de bonnes bases cette fois-ci.
D'un point de vue financier, Colombus Café est un échec
pour moi."
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Puis vous avez fait entrer de nouveaux actionnaires...
A
partir de 2001, nous avons compris qu'il faudrait faire entrer des investisseurs
si on voulait se développer. Ils ont accepté, à
condition de faire quatre levées de capital où nous perdrions,
mon associé Ralph Hababou et moi, la majorité. Je savais que pour moi cela
signifiait être un dirigeant en sursis mais il n'y avait pas d'alternative pour développer le réseau. Parallèlement, les relations avec mon
associé se sont dégradées et, en juin 2004, j'ai été
révoqué de mon poste de président à sa demande. Depuis,
ma participation dans Colombus Café a été diluée par
le biais de deux nouvelles augmentations de capital que je n'ai pas suivi et de
différentes opérations financières. Aujourd'hui, il doit
me rester quelque chose comme 1 % des parts de la société...
Quelles
leçons tirez-vous de cette expérience ?
Je resterai
en colère toute ma vie sur la manière dont cela s'est fini mais
j'ai tourné la page. Je suis fier de la quarantaine de points de ventes
créés, des 200 collaborateurs recrutés, de notre essor
au Moyen-Orient et de nos partenariats qui nous ont permis de nous implanter dans des lieux comme
les gares ou des magasins. Certes, d'un point de vue financier Colombus est un
échec mais l'expérience était belle. Et puis je crois à
la supériorité de l'échec sur le succès dans l'apprentissage.
Cela permet de faire de gros progrès la fois suivante. On sait pourquoi
on échoue, on ne sait jamais précisément pourquoi on réussit.
Aujourd'hui, j'ai repris mon travail de consultant, je travaille à des
projets d'écriture et j'ai une émission hebdomadaire sur BFM. Cela
me prend environ 80 % de mon temps. Les 20 % restants sont consacrés
aux voyages, pour trouver une nouvelle idée et me lancer dans une nouvelle
aventure entrepreneuriale.
Cela ne vous fait
pas peur ?
Il est certain que je ne referai pas certaines
erreurs comme m'associer à 50/50 avec quelqu'un. Soit je me lancerai seul dans quelque chose dont j'ai la maîtrise, soit je prendrai un associé
mais je garderai la majorité du capital,
pour que les choses soient claires dès le départ sur qui a les rennes
de la société. Mais le vrai sujet est de trouver un nouveau projet
sympa et excitant qui mérite que je travaille 100 heures par semaine.
Comment
définiriez-vous votre mode de management ?
Je suis
un socialiste californien. C'est-à-dire un mélange d'humanité
vis-à-vis des gens qui va de paire avec une immense exigence et un certain
libéralisme. Je suis convaincu qu'on ne peut rien faire sans ses salariés
et que ceux-ci sont nos premiers clients. S'ils sont bien traités, ils
traiteront bien les clients. Je
veux que les gens que j'emploie se sentent bien dans leur travail. C'est pourquoi
je les paye correctement et que j'ai institué certains principes comme
le "birthday off" : j un jour de congé offert le jour de
son anniversaire. Parallèlement, j'attends d'eux qu'ils
travaillent à 100 % pour la société, je leur donne des responsabilités
mais j'ai une exigence totale de résultats. Et puis je suis capable de
licencier des gens de manière brutale si je le juge nécessaire.
Je n'ai pas d'état d'âme sur la question.
Courage et ténacité sont les deux
qualités majeures d'un bon dirigeant."
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Quels conseils donner à
une personne qui veut créer son entreprise ?
Le
premier principe est de se méfier des études de marché. Face aux idées neuves, elles
vous disent toujours qu'il n'y a pas de marché. Ensuite, se méfier des estimations sur le papier. La réalité, ce
n'est pas le business plan. C'est toujours différent de ce qu'on
avait prévu : c'est plus long, plus difficile, plus cher. Cela peut
aussi être mieux que prévu, mais c'est rare. Autre conseil :
on peut surmonter à peu près toutes les difficultés si on
a l'énergie de combattre et, quoi qu'on fasse, il faut mettre beaucoup
d'ambition dans son projet. Nos débuts difficiles avec Colombus nous l'ont
montrés, même au bout du rouleau et à court de cash, si on
refuse d'abandonner, il est toujours possible d'avancer. Le tout est d'être
prêt à travailler énormément. Mais la passion n'est
pas fatigante, c'est l'ennui qui est mortel. Enfin, il ne faut pas hésiter
à dépenser de l'argent avec des conseils (avocats, experts-comptables...)
dès le début. Enfin, je retiendrais deux qualités majeures
d'un bon dirigeant : le courage et la ténacité.
Que
pensez-vous de la difficulté en France de créer des entreprises ?
Ce n'est pas créer qui est compliqué mais faire face aux
problèmes qui surgissent. J'en retiens deux. Le premier est la difficulté
à faire grandir une société en France. Quand nous avons commencé
Colombus avec deux magasins, Starbucks aux Etats-Unis en avait 200. Dix ans plus
tard, Colombus en compte une quarantaine quand Starbucks a dépassé
les 9.000 enseignes à travers le monde. En France, il n'y a pas de capitaux
pour investir dans ce type de projets. Les capitaux-risqueurs n'investissent pas
ailleurs que dans les biotechnologies et certains domaines IT. La seconde grande
difficulté porte sur l'emploi. Aujourd'hui, je me demande si
c'est bien en France qu'il faut créer des emplois. Le droit social est une
insulte à l'entrepreneuriat. Son manque de flexibilité crée
des frustrations énormes. Pour ma part, je suis plutôt d'accord avec le fait qu'il
faut parfois détruire des emplois pour en construire d'autres alors que
la France finance le chômage pour acheter la paix sociale.
Parcours
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Depuis juin 2004 : Nouveau cycle de conférences, nouveaux projets
d'écriture et recherche d'un nouveau projet entrepreneurial
1994-2004 : Création du réseau Colombus café
basé sur le concept d'Espresso Bar avec son associé Ralph Hababou.
En juin 2004, il est débarqué de la présidence par son associé
et les investisseurs
1987-1994 : Création de PBRH Conseil. Réalisation de
conférences (plus de 1.100 réalisées). Son produit de formation
"Service Plus - L'Etat d'Esprit Service" a par ailleurs permis de former plus
de 250.000 personnes dans des entreprises comme Citroën, Elf, Carrefour, France
Télécom, Monoprix, Le Printemps, etc.
1982-1984 :
Fait sa coopération à New-York en tant qu'Attaché Commercial auprès
de l'Ambassade de France
Auteur : Service compris (JC Lattès, 1986, vendu à 500.000 exemplaires),
Dinosaures et caméléons : Neuf paradoxes pour réussir dans un monde imprévisible
(J.-C. Lattès, 1991), Bien heureux les fêlés... : tout le monde peut
créer son entreprise (Robert Laffont, 2003)
Formation : Essec (promotion 1982)
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