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Qu'est-ce qu'être français ?

Frédéric Beigbeder et Philippe Claudel. (Baltel/SIPA/Francesca Mantovani/Stock)

ENQUÊTE - Sept écrivains, sept visions de la France et de son identité.

Être français, qu'est-ce que cela veut dire ? Tenter de répondre frontalement à la question tourne vite au casse-tête, et parmi les écrivains auxquels nous l'avons soumise, un certain nombre se sont défilés : trop compliqué, insoluble, vain, absurde. «Je ne pense jamais à ce hasard qui m'a fait naître français», affirme le romancier Stéphane Audeguy. Certes, à part la langue française - mais nous la partageons avec les Belges, les Québécois, les Congolais, etc. -, le point commun entre un Marseillais, un Breton ou un Alsacien ne saute pas aux yeux. Un mot fameux du général de Gaulle résume cette diversité : «Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage ?» Un époisse, un ossau-iraty, un crottin-de-chavignol n'ont certes pas la même physionomie, ni la même texture, ni la même saveur. N'empêche, bandez les yeux de n'importe quel Français, faites-les-lui goûter, il saura qu'il s'agit de fromages et pas de charcuterie ! Les Français sont un peu comme leurs fromages, ils ne se ressemblent pas mais on les reconnaît. À quoi ? À certains gestes, intonations, une forme d'ironie, un zeste d'arrogance, leur esprit critique : Benoît Duteurtre, dont nous publions un extrait du prochain roman, Le Retour du général (à paraître le 2 mars chez Fayard), Philippe Claudel, Frédéric Beigbeder, François Taillandier, Catherine Cusset, qui vit à New York depuis dix-huit ans, Anouar Benmalek et Eugène Green, qui ont acquis la nationalité française, ont accepté de nous parler de la France, et de ces petits quelque chose qui font qu'on retrouve chez les Français comme «des airs de famille». Cette expression nous a été soufflée par Vincent Delecroix, écrivain et philosophe, qui par ailleurs s'insurge contre la notion d'identité nationale.

Un air de famille?

Un air de famille, donc. Filons la comparaison, elle en dit long sur le lien ambivalent que nous entretenons avec notre pays. Enfant, on aime la France, comme on aime ses parents, sans se poser de question ; jeune, on la fuit, on la dénigre, besoin d'aller voir ailleurs. Arrive un âge où l'on constate qu'on y est attaché. On critique son pays, on critique sa famille mais quand on s'en éloigne, leur absence se fait sentir.

Même si vous avez hérité du teint mat du grand-père auvergnat et votre sœur de la peau de lait de l'ancêtre russe, vous partagez avec elle des références et des souvenirs communs : vous avez les mêmes aïeux, dont vous connaissez plus ou moins l'histoire, les faits d'armes qui l'ont illustrée. Cela ne vous empêche pas de vous étriper à leur sujet, comme en France, le Vendéen et le Basque, le catholique et le protestant, au sujet de Charlemagne, Henri IV, Robespierre, Napoléon, de Gaulle? Dans un pays, comme dans une famille, il y a aussi des pièces rapportées, qui crée parfois du tiraillement mais lui apportent un sang neuf. Il y a des enfants d'adoption, dont la situation est toujours délicate : qu'ils le veuillent ou non, ils sont pétris de l'idiome, de la culture familiale et nationale où ils ont grandi, cependant ils ne peuvent oublier d'où ils viennent.

On le sait, depuis Platon, sur un sujet subtil et complexe, l'allégorie s'avère parfois plus efficace, plus éloquente que les concepts. C'est la raison pour laquelle nous avons mené cette enquête sur la France auprès de romanciers et non de philosophes.

LIRE AUSSI :

» Un extrait du «Retour du Général» de Benoît Duteurtre

» INTERVIEW - Philippe Claudel : «Une mosaïque de paysages»

» Frédéric Beigbeder : «Un art de vivre»

» François Taillandier : «Une féconde inquiétude»

» Catherine Cusset : «Une sensibilité ironique»

» Anouar Benmalek : «Une grande littérature»

» Eugène Green : «Une langue mystérieuse?»

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