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DU SAMEDI 23 JUIN (19 H) AU SAMEDI 30 JUIN (14 H) 2007



EXERCICES DE MÉTAPHYSIQUE EMPIRIQUE

( AUTOUR DES TRAVAUX DE BRUNO LATOUR )


DIRECTION : Frédéric AUDREN, Christelle GRAMAGLIA, Dominique LINHARDT, Valérie PIHET, Olivier THIÉRY

Avec la participation de Bruno LATOUR

ARGUMENT :

Bruno Latour, philosophe, anthropologue et sociologue, est l’auteur d’une œuvre reconnue et traduite dans de nombreuses langues du monde. Ses travaux sur les sciences et les techniques font aujourd’hui autorité. Plus récemment, ses enquêtes empiriques et sa réflexion théorique se déploient sur le terrain de l’environnement, de la religion, du droit ou encore de la politique. Ce colloque, qui est l’occasion de prendre la pleine mesure de l’originalité d’un tel travail s’attachera plus spécifiquement à son terrain d’expérimentation et à son fil conducteur: le thème de la pluralité des modes d’existence et des régimes d’énonciation.

Des séances thématiques seront consacrées à la discussion à partir du manuscrit de son prochain livre, qui revient sur le chemin parcouru et souhaite ouvrir de nouvelles perspectives. Des intellectuels de grand renom, philosophes, historiens, sociologues, anthropologues, sémiologues, théoriciens de l’art, ont accepté de réagir à certains aspects de ce manuscrit en les confrontant à leurs propres réflexions. D’autres séances prendront la forme d’ateliers empiriques. Ces ateliers, animés par des spécialistes du domaine concerné, associeront l’ensemble des participants dans un travail collectif.

CALENDRIER DÉFINITIF :

Samedi 23 juin
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée:
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Dimanche 24 juin
Des réseaux d'associations aux régimes d'énonciation (Présidente: Vinciane DESPRET)
Matin:
Andrew BARRY: Les préoccupations des métallurgistes
Luc BOLTANSKI: Bruno Latour et la critique

Après-midi:
Peter GALISON: Dover, Doubt, Darwin

Ateliers en parallèle
1) Faire exister des objets psychiques (Andreas MAYER)
2) La tradition de la métaphysique empirique (Graham HARMAN)
3) Autour du Manuscrit (Isabelle STENGERS)


Lundi 25 juin
Quelle métaphysique pour les sciences? (Présidente: Delphine GARDEY)
Matin:

Lorraine DASTON: Observation and Ontology
Simon SCHAFFER: The mountain and its double

Après-midi:
Frédéric KECK: La métaphysique du fétichisme

Ateliers en parallèle
1) Faire exister des objets psychiques (Andreas MAYER)
2) La tradition de la métaphysique empirique (Graham HARMAN)
3) Autour du Manuscrit (Isabelle STENGERS)


Mardi 26 juin
Quelle place pour la politique et le droit? (Président: Dominique BOULLIER)
Matin:
Isabelle STENGERS: Comment bien parler du politique?
Discussion autour du Manuscrit, avec Isabelle STENGERS

Après-midi:
REPOS


Mercredi 27 juin
Style, exposition, restitution (Présidente: Béatrice FRAENKEL)
Matin:
Patricia FALGUIÈRES: Au risque de l'exposition
Peter WEIBEL: Le système de l'art d'après les théories de Latour

Après-midi:
Gérard DE VRIES: Empirical Political Philosophy: How a bit of Aristotle might help?

Ateliers en parallèle
3) Cartographie d'un livre (Vincent-Antonin LÉPINAY, Véréna PARAVEL)
4) Produire des nombres pour gérer les temps (Emmanuel DIDIER)
5) Trésors cachés de la bifurcation (Fabian MUNIESA)


Jeudi 28 juin
Quel poids ontologique pour les divinités? (Président: Philippe PIGNARRE)
Matin:
Elisabeth CLAVERIE: Présences, absences, kieux, temps
Philippe DESCOLA: Présences, attachements, origines

Après-midi:
Bruno KARSENTI: Tenir un monde, le faire tenir

Ateliers en parallèle
3) Cartographie d'un livre (Vincent-Antonin LÉPINAY, Véréna PARAVEL)
4) Produire des nombres pour gérer les temps (Emmanuel DIDIER)
5) Trésors cachés de la bifurcation (Fabian MUNIESA)


Vendredi 29 juin
Peut-on inverser l'inversion économique? (Président: Fabian MUNIESA)
Matin:
François COOREN: Froideur des passions et chaleur des calculs. L’économie d’une révolution permanente
Michel CALLON: La coordination de la communauté "Open Source"

Après-midi:
Donald MACKENZIE: Carbon Markets

Atelier unique:
Dialogue posthume entre Emile Durkheim et Gabriel Tarde
, mis en scène par Frédérique AÏT-TOUATI, joué par Bruno LATOUR et Bruno KARSENTI


Samedi 30 juin
Clôture du colloque (Président: Dominique LINHARDT)
Matin:
Antoine HENNION: La critique et la grâce
Bruno LATOUR: Réponses et conclusion

Après-midi:
DÉPART DES PARTICIPANTS 

RÉSUMÉS :

Andrew BARRY: Les préoccupations des métallurgistes
Les métaux nous donnent une image particulière et conventionnelle de la matière. Les métaux sont durs, inertes et asociaux, avec des bords clairs et marqués. Dans cette communication, je pose des questions à propos de cette image des métaux par une discussion sur leur importance dans les travaux des métallurgistes et des ingénieurs et aussi dans les polémiques publiques. J'évoque surtout les questions étudiées par les métallurgistes en ce qui concerne les propriétés des métaux, parmi lesquelles la corrosion, la fatigue et le fluage. J'examine aussi comment, selon les métallurgistes, ces problèmes sont de plus en plus mis à l’écart par les entreprises et le gouvernement. Mon étude sur les travaux des métallurgistes et leur contribution au débat public, mettra en question nos suppositions sur les relations hiérarchiques dans la métallurgie et les autres domaines. En même temps, j'indiquerai que les métaux nous fournissent un site enrichissant pour conduire la recherche sur la métaphysique empirique.

François COOREN: Froideur des passions et chaleur des calculs. L’économie d’une révolution permanente
Peut-on inverser l’inversion économique? Je ferai jouer cette question en montrant que si froideur des calculs il y a, une certaine chaleur les parcourt toujours, passionnés que nous sommes pour les cadres et scripts que ne manquent jamais de créer l’économie de nos attachements. Par un effet de miroir, je tâcherai de montrer, par ailleurs, qu’une certaine froideur accompagne toujours nos passions dans la mesure où ces dernières nous amènent aussi à nous détacher de ce qui semble compter moins, voire ne plus compter du tout. Il n’y aurait donc pas, en bas, la chaleur des passions (les pieds) et, en haut, la froideur des dispositifs de calcul (la tête), mais bien un mouvement continuel entre ce qui nous attache et ce de quoi nous nous détachons, une révolution permanente qui nous amène d’une économie à une autre, sans qu’on soit jamais quitte de la dynamique sacrificielle que tout calcul et toute passion impliquent.

Lorraine DASTON: Observation and Ontology
Bruno Latour argues for a philosophy of science that embraces transformation rather than constants that survive all transformations as the basis of objectivity. Instead of clinging to an illusion of transparent access to objects of knowledge – “information double-clic” – he urges us to recognize, even rejoice in “opérations [de transformations ou de traductions] qui sont pourtant... la raison même”. Yet he admits the lingering power of a dream of transparency and immediacy – and the corresponding anxiety that envelops all discussion of chains of reference in science. My aim in this paper is to explore the historical and philosophical sources of both dream and anxiety: the dream of the data (literally, “the given”) and the anxiety about mediation. “Information double-clic” is only the latest in a long parade of metaphors for effortless cognition: seals impressed into soft wax, images reflected by polished mirrors, traces registered on sensitive photographic plates. Given that passivity has rarely counted as a philosophical virtue in the Western tradition, this epistemological cult of perfect receptivity cries out for explanation.
Both dream and anxiety stem from a view of perception as the in-between act par excellence: observation is the link between knower and known, between knowledge and nature. Since the mid-seventeenth century, the philosophy of perception, particularly as regards the sciences, has been understood in epistemological terms. More specifically, much epistemological attention has been paid (by Bacon, Descartes, Locke, Condillac, Kant, Helmholtz, Carnap, to name only a few) to perception as a source of systematic errors in the acquisition of knowledge about the world. The nineteenth-century investigations by sensory physiologists deepened suspicions of perception as a fallible source of knowledge: the philosophical status of perception slipped from the epistemological to the merely psychological, especially in the work of Frege and his followers. The claim that perception, even highly refined forms of perception such as scientific observation, might yield reliable information about ontology seemed as antique as Aristotle (who indeed held such views). But recent work in the history of science on ways of seeing, inspired by the classic analyses of Ludwik Fleck, have revived the notion that certain disciplined, collective forms of perception, cultivated through trained observation, may constitute the objects of scientific inquiry.

Antoine HENNION: La critique et la grâce
Une longue tradition d'analyses sociologiques et politiques oppose la description et l'engagement, les faits et les valeurs, le savant et le politique, quitte à inventer ensuite des postures souvent contorsionnées pour les réarticuler. C'est moins du côté de l'action ou de la politique, au demeurant, que cette tension fait problème — le rôle de l'intellectuel ou du sociologue dans la cité ont souvent été discutés — que du côté de la science, dont une conception positiviste revient en sous-main imposer son modèle à la production des sciences sociales. Qu'en est-il, si on applique aussi aux sciences sociales les analyses que la sociologie des sciences a développées sur les sciences "dures"? Vous vous changez, changez de politique! La sociologie de la traduction ou l'Actor-Network Theory, il est vrai, ne se sont pas empressées d'expliciter leur rapport au politique. Sont-elles pour autant, à l'instar du pragmatisme tel qu'il est "compris" en France, condamnées à renoncer à toute critique, au profit d'une description, voire d'une justification et d'une assistance, du monde tel qu'il est?

Références Bibliographiques :

La grandeur de Bach. L’amour de la musique en France au XIXe siècle (avec J.-M. Fauquet), Paris, Fayard, 2000.
Figures de l’amateur. Formes, objets et pratiques de l’amour de la musique aujourd’hui (avec S. Maisonneuve et É. Gomart), Paris, La Documentation française, 2000.
“A Sociology of Attachment: Music Amateurs, Drug Users” (avec É. Gomart), in Actor Network Theory and After, J. Law, J. Hassard eds, Oxford, Blackwell, 1999: 220-247.
“Music Lovers. Taste as Performance”, Theory, Culture, Society vol. 18(5), 2001: 1-22.
« Le goût du vin. Pour une sociologie de l’attention » (avec G. Teil), in Le goût des « belles » choses, V. Nahoum, O. Vincent éds., Paris, Ed. de la MSH, 2004: 111-126.
“Pragmatics of taste”, in The Blackwell Companion to the Sociology of Culture, M. Jacobs, N. Hanrahan eds., Oxford UK/Malden MA, Blackwell, 2004: 131-144.
« Cacothanasies. Le sociologue, l’opinion publique et la mort », in Vous avez dit « Âges de la vie » ?, dir. N. Barbe, E. Jallon, Haute-Saône, Texte(Pluriel), 2005: 268-287.
« Affaires de goût. Se rendre sensible aux choses », in Sensibiliser. La sociologie dans le vif du monde, M. Peroni, J. Roux coord., Éd de l’Aube, La Tour d’Aigues, 2006: 161-174.
“Rewriting History from the Losers’ Point of View: French Grand Opera and Modernity”, in Opera and Society, V.Johnson, T.Ertman, J.Fulcher eds, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.
“Those Things That Hold Us Together: Taste and Sociology”, in Cultural Sociology 1/1, 2007: 97-114.


Frédéric KECK: La métaphysique du fétichisme
L'Enquête sur les modes d'existence reprend une question d'abord soulevée par la sociologie positiviste (faire une anthropologie des sciences qui ne suppose pas leur séparation radicale avec les phénomènes religieux) en l'inscrivant sur le terrain du pragmatisme (partir d'un champ d'expérience où les relations sont données avant les termes dans des séquences d'actions). C'est Auguste Comte corrigé par William James: la société n'est plus supposée comme un sujet collectif capable de synthétiser tous les phénomènes, mais l'expérience est suivie dans la pluralité imprévisible et intotalisable de ses modes d'existence, selon une méthode à la fois empirique et métaphysique ("rien que l'expérience mais toute l'expérience"). Or c'est précisément dans le cadre de la première réception du pragmatisme en France au cours des années 1930 que la philosophie de Comte a été relue non comme fondation de la sociologie mais comme une anthropologie orientée vers la morale, et ce à partir de la question cruciale du fétichisme. Le fétichisme, d'abord condamné par Comte comme une "hallucination" depuis la norme épistémologique de la positivité, a ensuite été réhabilité par lui au nom de ses vertus affectives et morales, posant à ses commentateurs un problème récurrent. On exposera ces débats en adressant à cette occasion quelques questions à l'œuvre de Bruno Latour: en quoi la critique de l'économie politique oblige-t-elle à revenir à la question du fétichisme? Comment se constitue ce mode primitif de dédoublement des choses par lequel nous nous attachons à elles en même temps que nous les détachons les unes des autres? Quel type d'expérience permet d'en déployer toutes les possibilités? Et en quoi peut-on qualifier cette expérience de métaphysique?

Donald MACKENZIE: Carbon Markets
Can the economy inversion be turned upside down? Can market processes be channeled so that environmental damage is limited? Can global warming be slowed by the creation of a global market in greenhouse-gas emissions permits and related instruments? These questions relate to several themes prominent in the work of Bruno Latour; that in studying the world, we change it; that sciences such as economics (from whence carbon markets have sprung) bring into being that which they study; the fundamental role of metrology (you can’t trade what you don’t measure); that there’s a need for a political ecology spanning the ‘natural’/’social’ divide.
This paper will address these themes by way of a preliminary investigation of the development of markets in emissions permits, especially greenhouse-gas emissions permits. It will discuss the origins (within economics) of proposals for these markets; the first large-scale such market (the US sulphur-dioxide market, trading in which began in 1995); the 1997 Kyoto Protocol (especially the Clean Develoment Mechanism it established); and the European Union’s Emissions Trading Scheme (2005).
The paper’s central argument will be that overall arguments ‘for’ and ‘against’ carbon markets are of limited use. Such markets could be (a) effective political-technical tools (as the sulphur market has been), or (b) complicated ways of seeming to do something about global warming while actually achieving very little (a fate that in 2006 seemed to haunt the European Union’s Emissions Trading Scheme). Crucial questions of apparent ‘detail’ – precisely the sort of issue on which Latour’s work focuses – will shape whether outcome (a) or (b) is realised.

Simon SCHAFFER: The mountain and its double
It is claimed that a decisive moment in modern metaphysics was the emergence of a distinction between primary and secondary qualities, where primary qualities are judged those proper to the world, secondary those somehow proper to the world's observers. Such a distinction apparently served the useful purpose of explaining representations' adequacy: adequate representations allegedly share the primary qualities of the world they purport to represent. A striking example of such adequancy has been drawn from the geometry of mountains, such as Mont-Aiguille. This paper examines the strange history of mountains and their maps, their representations and their sciences: the aim is to explore some ironies of the moderns' distinctions of qualities and their consequences.

Isabelle STENGERS: Comment bien parler du politique?
Bien parler du politique, c'est célébrer la pratique politique dans son irréductibilité à toute autre pratique, quitte, comme c'est le cas aussi avec la religion, à ce que la question se pose de sa perte irrémédiable. Lorsque Bruno Latour écrit que "ni le  public, ni le commun, ni le 'nous' n'existent ; il faut les faire être" — et  qui plus est les faire être par reprises continuelles, sans quoi ils peuvent disparaître à la manière de fantômes que l'on ne sait plus ni invoquer ni convoquer — il désigne trois manières efficaces d'assassiner le politique, qui ont nom raison communicationnelle, (bonne) gouvernance et affirmation identitaire. On peut se demander en revanche de quelle efficace dispose encore la proposition politique. Qui dit, à propos du politique, "si vous me l'enlevez, je ne serai plus moi-même, je mourrai". Mais aussi, reprenant les concepts d'Etienne Souriau, si le public est une œuvre (fantômatique) à faire, qui peut encore entendre le message énigmatique de l'Ange de l'œuvre?

Peter WEIBEL: Le système de l'art d'après les théories de Latour
Les années 1990 ont résumé sous les titres "context art" et "art relationnel" des tendances, qui ont commencé dans les années 1970 sous le mot clé de la "critique institutionnelle". Dans la continuation du concept de "l'œuvre d'art ouverte", qui n'a pas seulement permis une interprétation ouverte de l'œuvre par le lecteur et le spectateur, mais aussi leurs participations à son apparition, aujourd'hui dans l'art avancé le champ des "actants" s'est étendu et distribué. La théorie des acteurs-réseaux de Bruno Latour transgresse les règles de l'art de Pierre Bourdieu au niveau de la théorie esthétique et de la pensée politique et mets à la disposition un vocabulaire, qui permet de comprendre des pratiques artistiques contemporaines dans de ce que l'on appelle les "champs d'action ouverts".

PRÉSENTATION DES ATELIERS :

Faire exister des objets psychiques (Andreas MAYER)
On partira du problème des multiples techniques "psy" qui émergent pendant le XIXe siècle (hypnose, suggestion, psychanalyse, psychologies expérimentales) pour poser la question de savoir quels sont les objets qu'ils font exister. Beaucoup d'études récentes préférent de poser cette problématique dans les termes d'une construction ou fabrication des sujets.
Au lieu d'adopter une telle perspective, on s'interrogera sur les modes d'existence de ces objets qui se situent entre les sciences dites humaines et les sciences de la vie. Il s'agit de mettre en cause le présupposé que le reve, l'hallucination ou d'autres manifestations de l'inconscient peuvent être jugées par une épistémologie normative qui tend à faire l'économie des différences pratiques.

Cartographie d'un livre (Vincent-Antonin LÉPINAY, Véréna PARAVEL)
Bruno Latour a un intérêt prononcé pour les cartes et les tableaux. Nous proposons de soumettre son manuscrit à un exercice de simplification tardienne qui prendra la forme que nous souhaiterons lui donner. Nous espérons ainsi appliquer l'un des mots d’ordre latouriens: ne pas border l’espace de déploiement des êtres ; au contraire, les suivre pour les laisser dessiner leur contexte et leur logique propre. C’est une expérience collective à laquelle vous participez en produisant ce que vous voulez: un tableau, une carte des auteurs qui lient les arguments, une table des matières… La "cohérence optique" de cette simplification est à la fois un exercice typiquement latourien, un jeu aux règles simples et productrices d’intelligibilité ; c’est aussi un outil d’aide au décryptage du livre.

La tradition de la métaphysique empirique (Graham HARMAN)
La contribution de Bruno Latour au retour de la métaphysique n’a pas été suffisamment soulignée. Cet atelier est conçu pour évaluer cette contribution et pour stimuler les recherches ultérieures qui prolongeront les réflexions de cet auteur. Dans son nouveau livre, Résumé d’une enquête sur les modes d’existence, Latour identifie quatorze modes d’existence: quatre groupes de trois modes différents et un cinquième groupe permettant le déploiement des autres. Nous commencerons par interroger en profondeur ces quatorze modes d’existence et leurs interactions en nous référant à l’œuvre oubliée d’Etienne Souriau qui a très fortement inspiré la question des modes d’existence à Latour. Cela nous conduira inévitablement à réexaminer le premier et encore trop souvent sous-estimé essai philosophique de Latour, Irréductions, paru en annexe de son célèbre ouvrage sur Pasteur. Nous nous demanderons alors quelles sont les relations de cet auteur à la philosophie contemporaine et à la tradition empiriciste qu’il intègre et dépasse à la fois.

Produire des nombres pour gérer les temps (Emmanuel DIDIER)
L’organisation des colloques de Cerisy demande de respecter sur une longue durée un calendrier très précis: d’abord, définir les thèmes qui seront traités dans les années suivantes, puis s’assurer que les intervenants de chaque colloque s’inscrivent bien, préparent effectivement leur intervention ou encore fournissent une liste de participants éventuels à contacter. Ensuite, vérifier, au jour le jour, que suffisamment de participants s’inscrivent. Et tout cela dans le bon ordre, puisque personne ne s’est jamais inscrit à un colloque avant même de savoir qu’il existerait.
Pour tenir cette succession d’étapes, l’Association des Amis de Pontigny-Cerisy produit régulièrement toute une série de tableaux, de graphiques, de chiffres à usage interne. Ce sont des statistiques spécifiques, qui sédimentent toute la mémoire organisationnelle de l’Association, ce qui les rend d’ailleurs d’autant plus efficaces.
L’atelier nous donnera l’occasion de parcourir, de l’intérieur, quelques-unes des étapes grâce auxquelles les nombres sont produits pour faire tenir toute la temporalité de ces colloques, dont celui même auquel nous participons sur la métaphysique empirique.
Quoi de plus empirique qu’un document Filemaker? Quoi de plus métaphysique que le temps et les nombres?

Trésors cachés de la bifurcation (Fabian MUNIESA)
Dans cet atelier, nous proposons de prendre ce que Bruno Latour appelle, après Whitehead, la « Bifurcation de la Nature » non pas comme un ennemi à abattre mais comme un trésor de l’humanité qui mérite d’être convenablement préservé (dans un esprit de protection du patrimoine culturel de la modernité). Des œuvres peuvent en ce sens être identifiées qui méritent d’être examinées de près. L’atelier démarrera avec les « célestographies » du dramaturge et amateur de sciences August Strindberg, pour poursuivre ainsi avec d’autres victimes de la bifurcation.

Dialogue posthume entre Emile Durkheim et Gabriel Tarde, mis en scène par Frédérique AÏT-TOUATI, joué par Bruno LATOUR et Serge KARSENTI
Cet atelier propose au public de Cerisy de participer au travail de répétition d'une mise en scène impossible: la reconstitution fictive, par de vrais faux acteurs, de la véritable controverse entre Dukheim et Tarde.
Au-delà de l’artifice et du jeu, on voudrait tenter, pour la première fois depuis 1903, de traiter également les deux penseurs. Temps de parole, mise en espace, lumières: il faudra s’efforcer de réunir les conditions d’écoute susceptibles de faire entendre un dialogue qu’on a peu écouté. Dialogue de sourds? C’est la scène, et le public de Cerisy, qui le diront.
L’expérience sera suivie d’une discussion qui nourrira un travail collectif. L’avant-première à Cerisy devrait ainsi déboucher sur une représentation prévue pour l’inauguration de la chaire Tarde par Bruno Latour, à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, en septembre 2007.

BIBLIOGRAPHIE :

Ouvrages de Bruno Latour

Latour B., Weibel P. (dir.), Making Things Public - Atmospheres of Democracy, MIT Press and ZKM Karlsruhe, Germany, 2005.
Latour B., Reassembling the Social. An Introduction to Actor-Network-Theory, Oxford University Press, 2005. Traduction française par Nicolas Guilhot : Changer de société. Refaire de la sociologie, La Découverte, Paris, 2006.
Latour B., La Fabrique du droit. Une ethnographie du Conseil d'Etat, Paris, La Découverte, 2002 ; éd. Poche 2004.
Latour B., Jubiler ou les tourments de la parole religieuse, Les Empêcheurs-Le Seuil, Paris, 2002.
Latour B., Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, 1999 ; éd. Poche 2004.
Latour B., Pandora's Hope. Essays on the Reality of Science Studies, Harvard University Press, Cambridge, Mass, 1999. Traduction française par Didier Gille : L'espoir de Pandore. Pour une version réaliste de l'activité scientifique, Paris, La Découverte, 2001.
(En collaboration avec Émilie Hermant) Paris ville invisible, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond & La Découverte, 1998.
Latour B., La clef de Berlin et autres leçons d'un amateur de sciences, La Découverte, Paris, 1993.
Latour B., Aramis ou l'amour des techniques, La Découverte, Paris, 1992 (prix Roberval 1992).
Latour B., Nous n'avons jamais été modernes. Essai d'anthropologie symétrique, La Découverte, Paris, 1991.
Latour B., Science in Action, How to Follow Scientists and Engineers through Society, Harvard University Press, Cambridge Mass, 1987. Traduction révisée en français : La Science en action, Editions La Découverte, 1989 ; éd. Poche Folio Essais 1995.
Latour B., Les Microbes : guerre et paix, suivi de Irréductions, Paris, A.-M. Métaillé, 1984.
Latour B., Woolgar S. Laboratory Life : the Social Construction of Scientific Facts, Sage, Los Angeles, Londres, 1979. Traduction française par Michel Biezunski : La Vie de laboratoire - La production des faits scientifiques, La Découverte, Paris. 1995 ; éd. Poche 1996.

Choix d’ouvrages des intervenants

Akrich M. (avec Pasveer B.), Comment la naissance vient aux femmes. Les techniques de l'accouchement en France et aux Pays-Bas, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 1996.
Akrich M. et alii (dir.), La Griffe de l'ours. Débats et controverses en environnement, Paris, Presses de l'Ecole des Mines, 2002.
Barry A., Political Machines: Governing a Technological Society. London and New York, Athlone Press, 2001.
Beck U., La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Aubier, 2001.
Beck U., Qu’est-ce que le cosmopolitisme ?, Paris, Aubier, 2006.
Boltanski L. (avec Chiapello E.), Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.
Boltanski L., La condition fœtale. Une sociologie de l’engendrement et de l’avortement, Paris, Gallimard, 2004.
Callon M. (avec Lascoumes P., Barthe Y.), Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Le Seuil, 2001.
Callon M. (dir.), The Laws of the Markets, Londres, Blackwell, 1998.
Cassin B. (dir.), Vocabulaire européen des philosophies. Le dictionnaire des intraduisibles, Paris, Editions Le Seuil/Le Robert, 2004.
Cassin B., L’effet sophistique, Paris, Gallimard 1995.
Claverie E., La guerre des vierges. Une anthropologie des apparitions, Paris, Gallimard, 2003.
Cooren F. (avec Taylor J. R., Van Every E.) (dir.) Communication as Organizing : Empirical and Theoretical Approaches to the Dynamic of Text and Conversation, Lawrence Erlbaum Associate, 2006.
Cooren F., The Organizing Property of Communication, Amsterdam / Philadelphia, John Benjamins, 2000.
Daston L. (avec Park K.), Wonders and the Order of Nature, 1150-1750, New York (NY), Zone Books, 1998.
Daston L., Eine kurze Geschichte der wissenschaftlichen Aufmerksamkeit, München, Carl-Friedrich-von-Siemens-Stiftung, 2001.
Descola P., Les lances du crépuscule, Paris, Terre humaine, 1994 [réédition poche 2006].
Descola P., Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005.
Fabbri P., La svolta semiotica, Rome, Laterza, 1998.
Fabbri P., Segni del tempo, un lessico politicamente scorretto, Roma, Meltemi, 2004.
Falguières P., Tekhnè. Art, nature et mécanique dans l’Europe du XVIe siècle, Paris, Gallimard, à paraître.
Falguières P., Les chambres des merveilles, Paris, Bayard, 2003.
Galison P., Image and Logic : A Material Culture of Microphysics, Chicago, Chicago University Press, 1997.
Galison P., L’empire du temps. Les horloges d’Einstein et les cartes de Poincaré, Paris, Robert Laffont, 2005 [édition folio 2006].
Karsenti B., La société en personnes. Etudes durkheimiennes, Paris, Economica, 2006.
Karsenti B., Politique de l’esprit. Auguste Compte et la naissance de la science sociale, Paris, Hermann, 2006.
Lynch M. (avec Bogen D.), The Spectacle of History : Speech, Text, and Memory at the Iran-Contra Hearings, Duke University Press, 1996.
Lynch M., Scientific Practice and Ordinary Action : Ethnomethodology and Social Studies of Science, Cambridge University Press, 1993.
MacKenzie D., An Engine, Not a Camera : How Financial Models Shape Markets, MIT Press, 2006.
MacKenzie D., Mechanizing Proof : Computing, Risk and Trust, MIT Press, 2001.
Schaffer S. (avec Shapin S.), Léviathan et la pompe à air. Hobbes et Boyle entre science et politique, Paris, La Découverte, 1993.
Schaffer S. (Clark W., Golinski J.), The Sciences in Enlightened Europe, University of Chicago Press, 1999.
Stengers I., La Vierge et le neutrino. Les scientifiques dans la tourmente, Paris, Le Seuil, 2006.
Stengers I., Penser avec Whitehead. Une libre et sauvage création de concepts, Paris, Le Seuil, 2002.
Weibel P. (avec Sloterdijk P., Houellebecq M., Finkielkraut A.), Das neue Menschenbild. Zur Konstruktion des Humanen, Karlsruhe, ZKM, 2000.
Weibel P., Jenseits von Kunst, Wien, Passagen Verlag, 1999.


Avec le soutien de Sciences Po Paris, de la Fondation Giannino Bassetti
et de la Maison Louis Latour





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