Introduction au système bancaire islamique
Réalisé par "Fleurs d'Islam"
Source(s) : Le Système Bancaire Islamique, Mohammed Boudjellal, 1998, Institut International de la Pensée Islamique;
Dictionnaire encyclopédique de l'Islam, Cyril Glassé, 1991, Editions Bordas.


Qu'est-ce que l'usure?
| La critique de l'usure dans l'histoire | La position de l'Islam face à l'intérêt | Principes de base du système bancaire islamique

La religion musulmane englobe tous les aspects de la vie spirituelle comme de la vie sociale du croyant, instituant des principes aussi bien pour le rapport de l'homme à Dieu qu'en ce qui concerne ses rapports sociaux et notamment les transactions commerciales.

Dans ce domaine, si le principe fondateur est celui de l'équité et de la transparence, Dieu a precrit ou interdit dans le Coran certaines pratiques. C'est notamment le cas de l'interdiction du prêt à intérêt (Riba), dont la pratique différencie principalement le système bancaire international actuel du système bancaire islamique.

Après une courte présentation du principe du prêt à intérêt, nous examinerons certains arguments opposés par les penseurs à cette pratique, avant d'exposer la position de l'Islam à ce sujet et enfin introduire les principes de base du système bancaire islamique.


  Le prêt à intérêt ou "usure" : faire des profits sur les besoins des emprunteurs
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L'usure, le prêt à intérêt consiste à prêter une somme d'argent à quelqu'un pour un temps donné, qu'il devra ensuite rembourser intégralement mais en payant en plus une somme que l'on nomme "intérêt" et qui représente une sorte de loyer versé pour la "location" de l'argent de prêté.

Dans le pensée occidentale, il existe traditionnellement une distinction entre "usure" et "prêt à intérêt", l'usure étant un prêt à un intérêt très fort. Dans la pensée musulmane il n'existe aucune distinction entre ces deux termes, ceux-ci recouvrant la même pratique.

  Le prêt à intérêt critiqué tout au long de l'histoire
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Même si de tout temps il y eût des penseurs, philosophes et économistes pour défendre l'utilité de la pratique de l'intérêt, il convient de rappeler que cette pratique fût également critiquée tout au long de l'histoire. En voici quelques exemples :

"Ce qu'on déteste avec le plus de raison, c'est la pratique du prêt à intérêt [...]"
Aristote

Dans la grèce antique, Aristote (384, m.322 av. J.C.) qualifie la pratique du prêt à intérêt de détestable car elle consiste à créer de la monnaie à partir d'elle-même, alors que la monnaie a été créée pour l'échange, non pour se servir elle-même.

Du côté des traditions monothéistes, la tradition juive condamne également très clairement cette pratique et ce ne fût, semble-t-il, qu'au retour de la captivité de Babylone que fût autorisé le prêt à intérêt pour les non-juifs exclusivement.

L'Eglise catholique était initialement très opposée à la pratique de l'intérêt, fondant sa position ferme sur le texte biblique très explicite à ce sujet. Sous l'impulsion de Calvin (au XVIe siècle) l'autorisation fût donnée aux protestants, et par la suite la pratique se répandit à l'ensemble de la communauté chrétienne, cependant qu'il fallait respecter une limite morale (ne pas pratiquer un taux d'intérêt trop fort).

De nombreux intellectuels ont de leur côté fustigé l'usure, le prêt à intérêt, en argumentant que celui-ci dissuade l'investissement dans ce qui n'est pas directement et certainement rentable, même si cet investissement a une importance sociale (développement des infrastructures, éducation, etc.). L'économiste et philosophe Adam Smith (1723, m.1790 ap. J.C.) estima pour sa part que par l'usure "le capital est au risque de l'emprunteur qui est comme l'assureur de celui qui prête". On voit très nettement apparaitre ici cette inversion qui amène celui qui a besoin à devenir l'assureur de celui qui possède.

"le capital est au risque de l'emprunteur qui est comme l'assureur de celui qui prête"
Adam Smith.

Les penseurs et théoriciens socialistes ont également développé la critique en argumentant que l'usurier (celui qui prête) reçoit des revenus sans fournir aucun travail, ce qui apparaissait à leurs yeux comme une injustice particulière.

  La position de l'Islam sur le sujet du prêt à intérêt
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A l'époque de la révélation coranique, la pratique du prêt à intérêt était très répandue dans la société arabe. La révélation coranique fût sans ambiguité au sujet de l'usure :

Ô croyants! Craignez Dieu; et renoncez au reliquat de l'intérêt usuraire, si vous êtes croyants.
Et si vous ne le faites pas, alors recevez l'annonce d'une guerre de la part de Dieu et de Son messager.
Et si vous vous repentez, vous aurez vos capitaux. Vous ne léserez personne, et vous ne serez point lésés.

Coran, Sourate II, versets 278 et 279.

Ceux qui mangent [pratiquent] de l'intérêt usuraire ne se tiennent (au jour du Jugement dernier) que comme se tient celui que le toucher de Satan a bouleversé.
Cela, parce qu'ils disent: "Le commerce est tout à fait comme l'intérêt" Alors qu'Allah a rendu licite le commerce, et illicite l'intérêt.

Coran, Sourate II, verset 275.

On rapporte également cette parole de la bouche du Prophète Mohammed "Sur lui la bénédiction et la paix" (sur lui la bénédiction et la paix):

"Dieu a maudit celui qui se nourrit d'usure, celui qui l'offre, celui qui en témoigne et celui qui en établit le contrat."

Les savants musulmans ont déduit que le croyant musulman ne devait donc pas prêter son argent à intérêt, ni même avoir recours au prêt à intérêt. Devant l'apparition des nouvelles pratiques bancaires, au cours du XXe siècle, les savants musulmans se sont interrogés. En 1965, une commission de juristes musulmans venus de 36 pays s'est réunie en Egypte, à al-Azhar, afin de statuer sur la question de l'intérêt. Ils confirmèrent unanimement cette prohibition.

"en Islam, tout prêt à intérêt est prohibé, quel que soit son taux".

Des avis particuliers (fatwa) ont cependant été énoncés par certains savants, dont Youssouf al-Qaradâwî, qui autorise les musulmans vivant en occident, et qui ne peuvent bénéficier de prêts sans intérêt, à avoir recours au prêt à intérêt dans l'unique but d'acheter un bien indispensable, de première nécessité. Il faut cependant rappeler que cet avis n'est pas partagé par la grande majorité des savants contemporains, qui proposent plutôt aux musulmans d'avoir recours à la location, au lieu de l'achat.

  Principes fondamentaux du système bancaire islamique

Les premiers pas... sont toujours difficiles

Les premières expériences de banque islamique eurent lieu dans les années 1950 au Pakistan et dans les années 1960 en Egypte, sous l'impulsion du développement du système bancaire international.

Si ces expériences se soldèrent par des échecs (pour le premier du fait d'une demande trop importante et d'une offre trop faible et pour l'autre suite à l'assentiment du gouvernement égyptien), elles furent néanmoins riches d'enseignements qui profitèrent aux banques islamiques actuelles des pays du Golfe ou de l'Asie.

Jusqu'à présent le commerce et la banque avaient, en effet, été approchés sous un angle assez informel et la normalisation internationale corollaire du développement du système bancaire international a amené les musulmans à formaliser également un système bancaire avec ses valeurs propres.

Principes fondamentaux

"L'idée [...] de la banque islamique est le [...] partage
des risques"

Le principe du rejet du prêt à intérêt est une caractéristique fondamentale du système bancaire islamique mais il différe du système bancaire actuel à d'autres titres et notamment par le rapport particulier que joue la banque islamique dans ce système. En effet la banque islamique n'est pas un simple pourvoyeur de fond intéressé uniquement aux garanties offertes par les emprunteurs, encore moins un simple coffre de dépôt de valeurs, mais un véritable partenaire de l'entrepreneur emprunteur. La banque islamique offre à ce titre des nombreux services de gestion à ses clients, afin de les soutenir dans leur entreprise et assurer ainsi une activité économique saine et profitable aux deux partenaires.

L'idée qui supporte l'action de la banque islamique est le principe du partage des risques, appelé en arabe "al-Ghunm bi al-Ghurm". Celui-ci signifie que celui qui prête l'argent doit participer avec celui qui emprunte aux bénéfices, comme aux risques. La banque islamique joue donc ici son plein rôle de partenaire, partageant gains et pertes avec son client. Elle assurera sa pérénité en multipliant le nombre de ses clients (afin de répartir le risque) et en leur proposant des services de conseil et d'accompagnement en gestion.

Si la banque islamique propose comme les banques habituelles de simples comptes de dépôt pour les particuliers, dont les frais de gestion sont acquittés par les déposants, elle propose surtout des services financiers destinés aux entrepreneurs et qui prennent habituellement les formes suivantes :

Pour une présentation plus en détail des principes et de la structure des banques islamiques nous vous invitons à vous reporter à l'excellent ouvrage de Mohammed Boudjellal, Le Système Bancaire Islamique, paru en 1998 et édité par l'Institut International de la Pensée Islamique, USA (IIIT).

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