Psychopathologie

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La psychopathologie (des mots grecs : psukhê, « âme » et pathos, maladie) est l'étude scientifique et clinique des troubles psychiques (ou troubles mentaux) par la psychologie ou la psychiatrie.

La reconnaissance des troubles mentaux comme maladies date du début du XIXe siècle avec la parution d'une publication de Philippe Pinel (1801).

La psychopathologie pose le problème de la définition et description des troubles, et de la différence entre le normal et le pathologique. Elle porte sur les critères diagnostiques des troubles et sur leur classification. Elle tente de comprendre les facteurs influençant ou causant les troubles, les mécanismes de mise en place et de développement des troubles, ce qui permet de proposer des traitements et d'évaluer des pronostics.

Histoire[modifier | modifier le code]

La reconnaissance des troubles mentaux comme maladies date du début du XIXe siècle avec la parution du Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale ou la manie de Philippe Pinel (1801)[1].

Classification internationales[modifier | modifier le code]

Les deux principaux systèmes de classification des troubles mentaux pour les personnes de tous âges sont la CIM-10 (système international de classification des maladies publié par l'Organisation mondiale de la santé) et le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders)Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux publié et régulièrement actualisé, par l'American Psychiatric Association (APA)[2],[3].

Les classifications du DSM et CIM tendent à circonscrire leur champ d'étude à la faveur d'une approche scientifique convoquant clinique, épidémiologie, génétique et neurosciences, positive des symptômes lesquels ne sont pas référés à des conflits inconscients sous-jacents à la différence de la psychanalyse[4]. Toutefois, la psychopathologie psychiatrique peut également faire référence à Freud ou à la psychanalyse[4],[5]

Normal et pathologique[modifier | modifier le code]

La distinction entre normal et pathologique a fait l'objet de nombreuses discussions, tant la frontière entre les deux est parfois difficile à définir[6].

En psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent, un comportement est considéré comme pathologique lorsqu'il remplit un ou plusieurs des critères suivants [6]:

  • excès ou insuffisance du comportement évalué par comparaison aux enfants ou adolescents du même âge,
  • enfreinte aux normes familiales, culturelles et sociales,
  • retard ou décalage développemental, comportement entravant le développement de l'enfant en l'empêchant d'acquérir des compétences affectives, sociales et instrumentales[6].
  • entrave au fonctionnement adaptatif, comportements perturbant le cours habituel du développement et entraînant une souffrance pour le jeune (et très souvent pour son entourage)[6].

Ces critères, considérés de manière isolée, ne sont pas suffisant pour parler de psychopathologie. En pratique, la distinction entre normal et pathologique est souvent difficile à établir[6]. Les diagnostics s'appuient sur plusieurs entretiens, examens ou tests psychologiques et / ou échelles de comportements qui évaluent non seulement la catégorie pathologique mais également sa nature précise et son intensité. Malgré cela, il existe toujours une part de jugement social et de valeur (familiale, sociale, culturelle) dans l'évaluation du normal et du pathologique[6].

Par ailleurs, on peut aussi étudier la psychopathologie des animaux qui se présente sous diverses formes.

Canguilhem[modifier | modifier le code]

Georges Canguilhem propose de substituer la notion de normativité à celle de norme et la notion d’ordre à celle de valeur. Cet auteur « biologise » la notion de norme et considère que ce n'est pas à la science de juger du normal car c’est avant tout la vie qui en fait un concept de valeur. On ne peut pas non plus poser le problème de la normalité ou de l’anormalité sans tenir compte des normes sociales ou individuelles. La psychopathologie identifie ainsi trois types de normalité : la normalité comme norme sociale, la normalité comme idéal, la normalité comme absence de maladie. Canguilhem propose encore le concept d’« anomalie » qui se définirait comme « ce qui se laisse voir en se dégageant de l’ensemble lisse et uni qui l’entoure ». Elle est observable. La psychopathologie s’intéresserait alors plus à l’anomalie qu’à l’anormalité.[réf. souhaitée]

Minkowski[modifier | modifier le code]

À propos de la différence entre une sémiologie étroite, c'est-à-dire simplement rivée aux symptômes, et une réflexion approfondie qui fonde la psychopathologie, Eugène Minkovski écrivait en 1929 : « Certes, quand il s'agit de rédiger un certificat d'internement ou d'enseigner les éléments de la psychiatrie au médecin praticien, les hallucinations, les idées délirantes, les impulsions, les réactions anti-sociales, l'agitation, la dépression, suffisent amplement. Il n'en est plus de même quand, en psychologues, nous essayons de comprendre le fond qui conditionne tous les troubles dont je viens de parler et sont déjà forts complexes de par leur nature. Ici, nous nous sentons souvent dépourvus de notions appropriées. De là le désir d'élargir les conceptions courantes, voire d'envisager les troubles mentaux sous un angle tout différent de celui auquel nous sommes habitués. Ce désir, évidemment, a quelque chose de révolutionnaire. Cela, cependant, ne doit pas nous faire reculer. »[7].

Les approches[modifier | modifier le code]

Psychopathologie biologique[modifier | modifier le code]

La psychopathologie biologique désigne une orientation particulière des conceptions et des recherches dans lesquelles l’accent est mis principalement sur l’influence des modifications morphologiques ou fonctionnelles du système nerveux sur la genèse des troubles mentaux[8].

Psychanalyse[modifier | modifier le code]

Sigmund Freud[modifier | modifier le code]

Pour Freud, les concepts de névrose et de psychose sont les plus opérants en ce qui concerne une classification des troubles psychiques[9] mais il prend soin, notamment à travers son ouvrage Psychopathologie de la vie quotidienne de faire remarquer que la psychanalyse ne se réduit pas au seul domaine du pathologique[10].

Dorey[modifier | modifier le code]

Pour le psychanalyste Roger Dorey : « Le recueil et l'assemblage de symptômes comme constituant une sémiologie "en-soi" est une pure abstraction. Il n'y a pas de sémiologie innocente, pas plus qu'il n'existe d'observation neutre ou objective. » Pour cet auteur, « le danger n'est pas ainsi d'être soumis à nos présupposés théoriques, bien au contraire, ce sont eux qui éveillent et enrichissent notre investigation; le danger c'est de méconnaître une telle détermination, de la nier, car c'est s'engager irrémédiablement dans une voie en impasse[11] »

Widlöcher[modifier | modifier le code]

Daniel Widlöcher déclare que juger d’une conduite en termes de normalité ou d’anormalité renvoie obligatoirement à un jugement normatif. Cependant, la notion de norme se réfère à celle de moyenne. Or, cette dernière est sujette à caution. Pour Widlöcher, le propre de la psychopathologie est l'étude de ces conduites marquées que sont les anomalies, d'en repérer la genèse, d'en définir la fonction et d'en préciser le mécanisme.

Bergeret[modifier | modifier le code]

En France la vision structurale (voir structure en psychopathologie ) développée par le courant du psychanalyste Jean Bergeret a influencé et influence encore les enseignements, notamment dans les facultés de psychologie. Pour Jean Bergeret, il faut éviter « une conception de la "normalité" empreinte du sadisme lié aux statistiques ou aux idéaux » tout autant qu'une tentation masochique systématiquement allergique à tout composé du radical "norme[12]".

Roussillon[modifier | modifier le code]

Pour René Roussillon, le symptôme est l'un des aspects du trouble psychique déterminé par des types d'angoisses, des défenses et de relations d'objet. La définition suivante permet de penser la relativité des normes : « La psychopathologie peut être définie comme une approche visant une compréhension raisonnée de la souffrance psychique. » [13]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Dumas 2013, p. 25
  2. Dumas 2013, p. 17.
  3. https://www.psychiatry.org/psychiatrists/practice/dsm
  4. a et b Berrios G E (1996) The History of Mental Symptoms. Descriptive Psychopathology since the 19th Century. Cambridge, Cambridge University Press (ISBN 0521437369)
  5. Ababei Cristina, « Manuel de psychiatrie sous la direction de J.-D. Guelfi et F. Rouillon. Traité de psychiatrie de M. Gelder, R. Mayou et P. Cowen », L'information psychiatrique 4/ 2008 (Volume 84), p. 317-321, DOI 10.1684/ipe.2008.0312 [1]
  6. a b c d e et f Dumas 2013, p. 11-15
  7. Évolution psychiatrique, octobre 1929
  8. Serban Ionescu, 15 approches de la psychopathologie, Dunod, (ISBN 978-2-10-078847-7, DOI 10.3917/dunod.iones.2019.01, lire en ligne)
  9. Voir par exemple Sigmund Freud, Névrose et psychose, Payot & Rivages, 2013
  10. Elisabeth Roudinesco et Michel Plon, Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, Fayard, coll. « La Pochothèque », (1re éd. 1997), 1789 p. (ISBN 978-2-253-08854-7), p. 1247
  11. Roger Dorey: Valeur et limites de la sémiologie dans l'approche psychanalytique dans l'Évolution psychiatrique no0 48, 1983
  12. Jean Bergeret, La dépression et les états limites, Payot, coll. Science de l'homme, 1992 (ISBN 2-228-88597-5)
  13. René Roussillon et coll. dans le Manuel, 2007.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Jean E. Dumas, Psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent, Louvain-la-Neuve, De Boek Supérieur, , 783 p. (ISBN 978-2-8041-7312-8, lire en ligne) Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Monographies (psychanalyse)[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]