À PROPOS DES GAMMES MUSICALES
Daniel BEAUFILS, Martine GRENTE
© INRP - TECNE
Dernière mise à jour 22/05/1998
La consonance harmonique
Le cas simple de l'octave
Les intervalles consonants
La gamme dite diatonique majeure
La gamme naturelle, du physicien
L'accord parfait majeur
La gamme diatonique majeure
Tons et demi-tons
Tempéraments
Les problèmes de transposition et de modulation
Le tempérament égal
Les tempéraments modernes
Bibliographie
Un son d'instrument est, dans la majorité des cas, constitué d'une fréquence de base dite fondamentale et d'une série de composantes harmoniques. Selon Helmholtz, la consonance de deux sons s'interprète par le "taux de recouvrement" des deux spectres.
Ainsi, lorsque deux sons sont tels que l'une des fréquences fondamentales est double de l'autre, les harmoniques du son le plus haut coïncident exactement avec les harmoniques paires du son plus grave. De tels sons ont alors une propriété de consonance telle qu'ils ont été considérés comme deux aspects d'une même "note" : l'une est la transposée à l'octave (ainsi définie) de l'autre.
On notera donc que la notion de hauteur est directement dépendante de la richesse spectrale et n'a donc pas de sens pour des sons sinusoïdaux (dits "purs" par le physicien).
Voir dans le Lexique : fondamental, harmonique, consonance, sonagramme.
LA GAMME DITE "DIATONIQUE MAJEURE"
La gamme naturelle, du physicien
La gamme, constituée ci-dessus sur les consonances harmoniques, peut être représentée sur des portées qui permettent didentifier symboliquement les différents degrés (sans indication explicite des intervalles). Si lon choisit le do2 comme note génératrice, les cinq notes ainsi construites sur ses harmoniques sont do2 - do3 - sol3 - do4 - mi4 - sol4, et cest à partir de ces six notes quapparaissent les cinq intervalles les plus consonants.
Intervalles |
Octave |
Quinte juste |
Quarte juste |
Tierce majeure |
Tierce mineure |
Couples de notes |
C-C do2-do3 |
C-G do3-sol3 |
G-C sol3-do4 |
C-E do4-mi4 |
E-G mi4-sol4 |
Rapport des fréquences |
2/1 |
3/2 |
4/3 |
5/4 |
6/5 |
La musique classique occidentale a privilégié l'accord consonant dit "parfait majeur" et utilisé celui-ci pour définir les notes de la gamme bien connue dite "diatonique majeure".
La note G de fréquence 3f1 peut être transposée à loctave inférieure et sa fréquence, alors "ramenée à l'octave", prend pour valeur 3f1/2 (note G). De même, la note E de fréquence 5f1 peut-elle être ramenée à l'octave de base, sa fréquence prenant alors pour valeur 5f1/4 (note E).
Cet ensemble de trois notes (C, E, G) en rapport de fréquences de quinte juste et de tierce majeure forment ce qu'on appelle l'accord parfait majeur et sont alors dénommées respectivement : tonique, médiante, dominante.
On retrouve évidemment les intervalles calculés précédemment, et, en référence à la notation musicale française : l'accord "do-mi-sol".
La gamme dite diatonique majeure ou gamme de Zarlin (XVIe siècle, bien avant Fourier...) est fondé sur cet accord parfait majeur et se constitue de la façon suivante. La note supérieure de l'accord peut être considérée comme la note de base d'un accord parfait majeur suivant : on construit donc les notes de fréquence fondamentale 15f1/8 (5/4*3f1/2) et 9f1/8 (3/2*3f1/2 ramené à l'octave de référence).
Inversement, la note de fréquence fondamentale f1 peut être considérée comme la note supérieure d'un nouvel accord parfait majeur. Ainsi, peut-on créer les notes de fréquence 4f1/3 (2f1/3 ramené à l'octave supérieure) et 5f1/3 (10f1/12 ramené à l'octave). |
Synoptique de la construction des rapports des fréquences de la gamme diatonique |
Et la gamme engendrée par les trois accords parfaits majeurs peut se représenter par la portée ci-contre. |
La succession de ces notes constitue la gamme appelée gamme diatonique majeure. Mis dans l'ordre croissant, et en prenant do comme note de base, nous obtenons la suite :
Rapports à f1 : |
1 |
9/8 |
5/4 |
4/3 |
3/2 |
5/3 |
15/8 |
2 |
Notes : |
do |
ré |
mi |
fa |
sol |
la |
si |
do |
Dès lors, si l'on calcule les rapports représentatifs des intervalles entre sons voisins (fn+1/fn), on obtient la suite des valeurs suivantes :
Rapport : 9/8 10/9 16/15 9/8 10/9 9/8 16/15 |
Cette liste fait apparaître trois intervalles appelés : ton majeur (9/8), ton mineur (10/9) et demi-ton majeur (16/15). Un ton majeur est l'intervalle qui sépare, par exemple, le do du ré, un ton mineur celui qui sépare le ré du mi, un demi-ton majeur (dit diatonique) celui qui sépare le mi et le fa.
Les problèmes de transposition et de modulation
La présence de deux types de tons dans la gamme de Zarlin rend la transposition parfaite (changement de l'ensemble des notes en respectant les intervalles) impossible. Cette incompatibilité entre les exigences de consonance et celles de transposition a conduit à des compromis (moins de consonances parfaites mais de plus grandes possibilités de modulation et de transpositions) et donc à tempérer certains intervalles.
De nombreux systèmes ont été proposés, désignés sous le non de "tempéraments inégaux" aux XVII et XVIIIe siècles. Ainsi, la gamme bien tempérée immortalisée par J.-S. Bach repose sur un tempérament irrégulier proche des systèmes proposés par Werckmeister dès 1691. Ci-dessous, la valeurs des intervalles en cents du tempérament Bach-Kellner (le cent est par définition la 1/1200e partie de l'octave).
Do |
Réb |
Ré |
Mib |
Mi |
Fa |
Solb |
Sol |
Lab |
La |
Sib |
Si |
Do2 |
0 |
90,22 |
194,58 |
294,13 |
389,05 |
498,04 |
588,27 |
697,26 |
792,18 |
891,79 |
996,09 |
1091,0 |
1200 |
(D'après Lattard, 1997)
Dans un système dit à tempérament égal, l'octave garde sa définition initiale mais est divisée en 12 demi-tons identiques ; le ton et le demi-ton ont chacun une unique valeur : t = 12Ö 2 (100 cents) pour le demi-ton, et T = 6Ö 2 (200 cents) pour le ton. La succession des intervalles entre notes conjointes se conserve dans toutes les tonalités majeures, soit, à partir de la tonique : T T t T T T t. Ainsi, pour la gamme de do majeur :
Note |
do |
ré |
mi |
fa |
sol |
la |
si |
do |
Fréquence |
f1 |
21/6f1 |
21/3f1 |
25/12f1 |
27/12f1 |
23/4f1 |
211/12f1 |
2f1 |
Cent |
0 |
200 |
400 |
500 |
700 |
900 |
1100 |
1200 |
Lensemble de ces sept notes est complété par cinq autres (de fréquence fondamentale 21/12f1, 21/4f1, 21/2f1, 22/3f1 et 25/6f1) qui vienent scinder les tons en demi-tons, pour rendre possibles tous les changements de tonalité sans modification du tempérament. Dans ce système, la note comprise entre do et ré, par exemple, peut être considérée comme un do# ou un réb ; cette gamme possède donc par construction des notes de noms différents mais de même fréquence fondamentale : cette situation particulière a d'ailleurs reçu un nom : l'enharmonie.
Cette gamme ne peut donc posséder la "perfection harmonique" de la gamme naturelle. Dans le tableau ci-dessous, figurent les valeurs en cents (arrondies à l'entier) des quintes, quartes, tierces majeure et mineure des deux gammes ; un intervalle de 1 cent étant la limite de perception de loreille, on voit donc que ce sont surtout les tierces ainsi tempérées qui sécartent de la consonance parfaite.
gamme tempt. égal |
gamme naturelle |
écart |
|||
intervalle |
rapport |
cent |
rapport |
cent |
(cent) |
quinte juste |
27/12 |
700 |
3/2 |
702 |
-2 |
quarte juste |
25/12 |
500 |
4/3 |
498 |
-2 |
tierce majeure |
21/3 |
400 |
5/4 |
386 |
-14 |
tierce mineure |
21/4 |
300 |
6/5 |
316 |
+16 |
Les compositeurs modernes, soit pour des raisons esthétiques, soit pour des raisons théoriques, ont cherché à introduire de nouvelles notes. À partir de lidée dun découpage de l'octave en intervalles égaux la proposition a été faite, par exemple, d'utiliser un découpage en 54 intervalles (le micro-intervalle ayant alors pour valeur 54Ö 2) ou sur "crible" fondé sur des intervalles de 25Ö 5.
Voir dans le Lexique : gamme, tempérament, intervalle, savart.
BEAUFILS D., GRENTE M., 1995. À propos dacoustique musicale : la question des gammes, Bulletin de lUnion des Physiciens, n°775, 1995, 1107-1122.
LATTARD J., 1988. Gammes et tempéraments musicaux, Masson, 130p.
LATTARD J., 1997. Musique : Gammes et tempéraments (de Pythagore aux simulations informatiques), Diderot Editeur, Coll. Pratique des sciences, 224p.
PIERCE J., 1993. Le son musical : musique, acoustique et informatique, Belin, Coll. Lunivers des sciences, nouvelle édition, 242p.