Georges Hirtz - Weygand, années 1940-1965

 

 

La réflexion autour du bel hommage rendu par Georges Hirtz à celui aux côtés duquel il travailla pendant la dernière guerre peut s’articuler autour de deux thèmes qui furent les deux grands axes complémentaires de la vie du général Weygand : l’action pour la France, le témoignage pour la vérité.

Alors que Foch était généralissime des armées alliées, Weygand en fut le major général ; le 11 novembre 1919, il défila à la tête de l’armée française, derrière les maréchaux Joffre, Foch et Pétain. Après avoir réorganisé l’armée polonaise en 1922 et repoussé l’avance russe, il avait été, en 1923, nommé au Haut-Commissariat de France à Beyrouth, poste dont il fut démis l’année suivante à l’arrivée au pouvoir du Cartel des Gauches. A partir de ce moment (sauf pendant un an à la tête de l’état-major), il fut tenu pratiquement à l’écart des grandes décisions militaires dont on sait d’ailleurs qu’elles n’allaient pas dans le sens d’un relèvement moral et matériel de la France en général et de l’armée en particulier.

 

Rappelé en catastrophe par le gouvernement Paul Reynaud en remplacement du général Gamelin le 19 mai 1940 , « il assume, écrira plus tard le général Beaufre, alors capitaine au GQG, le commandement avec une crânerie, une passion et une volonté farouches qui contrastent nettement avec le calme plat et figé de son prédécesseur ». Il fait tout pour résister à l’avance allemande jusqu’au moment où il ne peut plus que constater qu’une suspension d’armes est seule capable d’éviter une conquête totale de la France. Le Président du Conseil demande alors au général en chef de capituler, ce à quoi Weygand, soutenu par le maréchal Pétain, se refuse vigoureusement. « Jamais, répond-il, je n’accepterai pareille infamie... L’armistice est une suspension d‘armes, résultant d’un traité, un arrêt temporaire des hostilités ; il permet la reprise ultérieure du combat. La puissance qui le demande ne s’avoue pas définitivement vaincue... l’avenir est sauvegardé ». Finalement Paul Reynaud, chef d’un gouvernement en déroute entre Tours et Bordeaux, présente le 16 juin sa démission au Président de la République en l’engageant - curieusement - à désigner le maréchal Pétain pour lui succéder.

Signé le 22 juin, l’armistice sauvegardait l’avenir : la France conservait sa flotte, son Empire et une partie de son territoire. Aussitôt s’engagent, sous l’égide du maréchal et de Weygand, devenu ministre de la Défense Nationale, une multitude d’actions toutes orientées en fonction de la reprise du combat A ce moment, Weygand est l’un des rares à Vichy « à se demander si le Reich a vraiment gagné la guerre » et l’impulsion donnée pendant les quelques semaines où il restera à son poste se répercutera sur les années qui suivront et qui verront notamment « l’armée de l’armistice », dissoute en novembre 1942 se couler naturellement dans « l’O.R.A. » (Organisation de Résistance de l’Armée) dont le général Frère prendra d’abord le commandement.

C’est le 5 septembre 1940 que le maréchal charge Weygand de prendre en mains tous les territoires de l’Afrique française, du Maghreb aux tropiques, en vue d’y rétablir la confiance, l’espoir, l’unité de vues, de rassurer les populations et de les préserver contre toute tentative d’agression par « quiconque ». Il réalisera cette mission en un peu plus d’un an et, par l’intermédiaire de Robert Murphy, conseiller d’ambassade à Vichy détaché à Alger, parviendra à convaincre Roosevelt de sa détermination de revanche ; en novembre 1941, Hitler exigera impérativement son rappel et Georges Hirtz de noter : « L’Afrique vient de perdre son chef, un chef comme elle n’en a sans doute jamais connu, comme elle n’en connaîtra jamais plus, un chef qui avait, dès le premier contact, déclenché l’adhésion enthousiaste, la compréhension, le sursum corda moteur de la volonté d’effacer la défaite ».

 

Le 12 novembre 1942 le général Weygand, arrêté par la Gestapo après une entrevue avec le maréchal Pétain, est envoyé en captivité en Allemagne où il restera trente mois, d’abord seul en Allemagne du Nord, puis à Ittar, forteresse bavaroise où il devra cohabiter avec d’autres prisonniers : Gamelin, Daladier et Reynaud, Michel Clémenceau notamment. L’armée qu’il a forgée en Afrique a, dès lors, repris le combat auprès des Alliés, d’abord avec la campagne de Tunisie durant laquelle, encore mal armée et mal équipée, elle soutiendra le premier choc, puis, toujours sous les ordres du général Juin, ce sera la campagne d’Italie, la prise de Rome.

En mai 1945, les prisonniers sont libérés par l’avance des troupes américaines. C’est alors que l’inimaginable se produit : le général américain Patch, puis le général de Lattre de Tassigny qui commande alors la Première Armée Française, reçoivent de Paris, le premier, la demande « de s’assurer de la personne du général Weygand », le second, l’ordre de « mettre en état d’arrestation les personnalités qui ont, à un moment quelconque, rempli une fonction auprès du gouvernement de Vichy, en particulier du général Weygand, quels que soient les sentiments personnels que vous avez pu garder à son égard ».

Quel est alors le dessein du général De Gaulle qui, aidé par les communistes, vient de prendre le pouvoir en France ? Depuis 1940, il injurie et fait injurier les hommes qui assument le gouvernement de la France dans des conditions dramatiques ; dès ce moment, il tente un odieux amalgame entre capitulation et armistice, ressassant indéfiniment que « le maréchal et ses ministres ne sont que de soi-disant gouvernements dont le régime est sorti d’une criminelle capitulation ».

Jeté en prison, puis transféré au Val-de-Grâce d’où les communistes essaieront sans relâche - mais sans succès - de le faire sortir, Weygand qui a entrepris la rédaction de ses Mémoires, d’abord dans sa retraite provençale en 1942, puis au cours de son long internement en Allemagne, prépare maintenant minutieusement sa défense. L’armée qu’il a forgée a été, et de loin, la plus importante composante française de la victoire de 1945 - alors que De Gaulle déclarait, en 1941 (témoignage du général Odic) : « Il faut que la France soit en guerre aux côtés de l’Allemagne afin de prouver la culpabilité de Vichy ».

En définitive, il n’y aura pas de procès Weygand. Une dernière fois, il prendra à parti le mensonge dans son livre En lisant les Mémoires de guerre du général De Gaulle. Sa mort, en 1965, sera pour celui-ci, l’occasion de commettre à son égard une dernière vilenie en interdisant des funérailles nationales à Saint-Louis-des-Invalides. Mais personne ne s’y trompa ; Weygand avait d’ailleurs répondu par avance à un tel défi : « Quant à l’honneur, après la vie que j’ai menée - au grand jour, sans compromissions - j’affirme que personne ne peut me donner des leçons. D’ailleurs l’honneur, il ne suffit pas d’en parler. Il faut le pratiquer, c’est-à-dire être courageux et dire la vérité ».

 

Xavier Soleil

 

chez l’auteur - Georges Hirtz Al Koudia Hauts de Malouesse 13080 Luynes (tel. : 04 42 24 11 94) au prix de 22 E + 4 E de frais d’envoi.

 

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