Le Burkina Faso est loin de certains pays de l’Afrique qualifiés de « Pauvres de leurs richesses ». Dans ce pays sahélien, il n’existe pas de ressources pétrolières, peu de ressources forestières. De plus, une grande partie du pays repose sur le Bouclier Africain, directement sur une roche-mère qui a été usée par des millions d’années d’érosion et qui n’a jamais été renouvelée par aucun processus tectonique. En fait, le Burkina Faso que je connais ressemble très fortement au nord québécois, les milliers de lacs et la forêt boréale en moins.
Ainsi, les principales ressources exportables du pays sont le coton, le bétail et (malheureusement) l’Or. Et oui, qui dit socle rocheux dit minerai et qui dit Or dit, du moins au Burkina Faso, problème. Grâce à un cadre économique favorable, le secteur aurifère est en développement constant au Burkina Faso. Est-ce un mal en soit? Non. Cependant, comme dans d’autres parties du monde, plusieurs problèmes semblent jaillir de l’extraction de ces ressources: corruption, déplacement de populations, pollution, déstabilisation sociale.
L’envers de la médaille: Les sites aurifères artisanaux
Mais, encore une fois, il existe l’autre côté du miroir: les sites aurifères qualifiables « d’artisanaux ». Comme à l’habitude, au comptoir du Café D’Eze, j’ai pu discuter des conditions de vie régnant sur ces sites avec les clients.
Comme c’est le cas pour n’importe quelle Ruée vers l’Or, ces sites prennent naissances lors de la découverte de petites quantités d’or et naissent des villes champignons, sans organisation sociale et politique. Ces sites attirent surtout de jeunes burkinabés appelés par la possibilité de faire un gain rapide, beaucoup plus rapide qu’en vendant des cartes d’appel dans les rues de Ouagadougou ou en cultivant une parcelle de terre dans leur village natal.
Cependant, le jeu en vaut-il vraiment la chandelle?
Premièrement, les méthodes d’extractions sont extrêmement dangereuses. Des trous de quelques mêtres de larges sont creusés à la main, sans renforcement des parois, à des dizaines de mêtres (on m’a parlé de plus 60 m dans certains cas). Une fois arrivé au fond du trou, les mineurs creusent des galeries transversales encore une fois sans renforcer la structure, en espérant taper la veine d’Or tant espéré. Dans de telles conditions de travail, les jeunes mineurs creusent en fait leur tombe: À presque tout les jours des galeries s’effondrent, scellant 3,4 voire des dizaines de jeunes. Il n’est pas rare que la nouvelle arrive qu’en une même journée jusqu’à 40 personnes perdent la vie.
Se faire ensevelir dans les trous n’est que la première de plusieurs possibilité de perdre la vie sur ces sites artisanaux. La fièvre de l’Or offre une panoplie de fin:
1)chuter dans un trou à la surface. Une petite nièce de Mustapha qui vendait des arachides sur le site a par exemple trébuché et est tombé dans un trou. Elle n’est pas décédée, cependant son visage a été gravement défiguré. Une autre connaissance qui était propriétaire d’un trou a voulu descendre afin de voir la veine d’or que venait de découvrir son groupe de mineur. La corde le descendant a cédé, la chute lui fractura le dos et il mourut peu de temps après à l’hôpital.
2)se faire assassiner dans son trou. Il n’est pas rare que la jalousie d’un trou prometteur amène les envieux à purement et simplement assassiner le propriétaire du trou qui est retrouvé quelques jours plus tard au fond.
3)suffoquer à mort. À 60 m de profondeur l’air se fait rare. Et comme vous vous en doutez, il n’existe aucun système de ventilation pour amener de l’air frais aux dizaines de mineurs qui travaillent en même temps dans les galeries. Plusieurs s’intoxiquent purement et simplement au dioxyde de carbone.
Les problèmes sociaux à la surface
Et même une fois sorti à l’air libre, plusieurs mineurs se font assassiner et voler en amenant leur or à l’acheteur ou en repartant de l’acheteur avec l’argent. Et même si les gens arrivent à s’en tirer avec leur argent, les gens la dépensent en alcool, drogue et prostitution avec la chance d’être impliqué dans une bataille de bar, de faire une overdose ou de contracter des MTS.
Finalement, c’est un épisode qui s’est produit cette semaine qui m’a vraiment amené à me questionner sur les sites aurifères artisanaux. Un site à proximité de Ouahigouya était exploité par des mossis (l’ethnie de la région, majoritaire) et des bissas (ethnie du sud du Burkina Faso, minoritaire). Or, dans la nuit de dimanche, une violente bagarre a éclatée entre les deux ethnies et les bissas ont été chassés du sites. Plusieurs familles ont fuit en pleine nuit dans la brousse et se sont réfugiés à la gendarmerie de Ouahigouya. Certains n’ont pas eu cette chance et on été tués lorsque les mossis. Dans un pays où il n’existe aucune violence ethnique, les sites aurifères réussissent même à créer ces tensions sociales.
La question à se poser
Alors ma grande question éthique est quel est le moindre des deux maux? Les problèmes encourus par l’installation d’une compagnie étrangère aux mœurs corporatifs discutables mais aux infrastructures décentes et organisées OU l’extraction chaotique de la ressource créant une plus grande distribution de la richesse à travers les mineurs mais engageant des problèmes sociaux importants?
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