Le musée du Quai Branly, une conception coloniale

Dans une France qui est depuis quelques années en pleine préoccupation mémorielle quant à son histoire esclavagiste et coloniale va se dresser le musée du quai Branly, volonté bien plus politique que scientifique.

Ce musée, qui a pour ambition de faire « dialoguer les cultures par l’entremise de l’art tout en refusant la hiérarchie entre les peuples » [1] sera inauguré le 20 juin 2006 sur les rives de la Seine, à Paris. Ce musée, établissement public administratif est placé sous la tutelle de trois ministères : ministère de la Culture et de la Communication, du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Le musée sera ouvert au public dès le 23 juin 2006. L’établissement public administratif est la formule qui a été retenue à plusieurs reprises au cours des années récentes, pour des réalisations aussi importantes que le centre Georges Pompidou, la cité des sciences et le Louvre. Ce statut, doté d’un Conseil d’Administration, permet d’associer diverses entités à la gestion du futur établissement, notamment le muséum, la direction des musées de France, la tutelle financière du ministère de l’Economie et des Finances ainsi que les tutelles techniques du ministère de la culture et du ministère de l’Education nationale et de la Recherche.

Trois mille cinq cents objets sont présentés au public, choisis parmi une collection qui en regroupe trois cent mille. Cette collection réunit les anciennes collections d’ethnologie du musée de l’Homme et celles du musée national des arts d’Afrique et d’Océanie.

  • Le projet

Le projet nait d’une rencontre. En 1992, alors en vacances sur l’île Maurice, Jacques Chirac va faire la connaissance de Jacques Kerchache, marchant d’art, spécialiste de l’art africain et avec qui il va réaliser le projet du quai Branly et le pavillon des sessions. Jacques Kerchache sera nommé conseillé du futur établissement.

Le 7 octobre 1996, Jacques Chirac annonce au Premier ministre, Alain Juppé et aux ministres de l’Education nationale, François Bayrou de l’Economie Jean Arthuis, de la Culture, Philippe Douste-Blazy sa décision de créer un musée des Civilisation et des Arts premiers, en plus de la salle des sessions au Louvre, où seront exposés les chefs-d’œuvre les plus marquants des Arts Premiers. Il est à noter que le terme d’art premier fut inventé dans les années 1990 par Jacques Kerchache. Cette dénomination créa des polémiques, car selon ce concept, l’homme des sociétés industrielles produirait un art abouti, tandis que les arts premiers seraient l’expression d’un chaînon manquant entre l’homme de la préhistoire et l’homme industriel.

Le pavillon des sessions, annexe actuelle au Louvre du musée du quai Branly, à été demandé, quant à lui par Jacques Chirac dès son arrivée à la tête de l’Etat en 1995 et permettait ainsi la création d’un département d’arts premiers au musée du Louvre.

Plusieurs constats, résumés dans le Rapport de la commission arts premiers [2] ont été à la base de ces décisions. Tout d’abord, un état des lieux actuel sur les collections d’arts premiers :

« Il ressort du rapport que les collections d’art premier sont dispersées et les deux musées qui abritent la majeure partie, souffrent tous deux de difficultés chroniques (…) Au musée national des arts d’Afrique et d’Océanie, les collections couvrent les continents africains et océaniens et comprennent environ 23.000 objets dont plus d’un millier sont exposés dans les galeries permanentes.  La section africaine, qui a hérité de l’ancien fond colonial constitué à partir de 1931, pour le musée de la France d’Outre-mer, est la plus développée et représente environ le quart de l’ensemble (…) Au musée de l’homme les collections sont beaucoup plus fournies, mais une partie seulement concerne directement les arts premiers. (…)Hormis ces deux établissements, quelques musées de Paris ou de province détiennent des œuvres d’art premier. Parmi eux on peut citer le musée Dapper, établissement privé qui est entièrement consacré à ces arts. En province on trouve des fonds dispersés dans plusieurs établissements, le plus souvent muséums d’histoire naturelle (…) L’étude souligne également le musée des Arts et Traditions Populaires, situé en bordure du Bois de Boulogne et consacré exclusivement la France dont les collections, très représentatives de la société rurale comportent environ un million de pièces. (…) la dispersion des collections d’arts premiers peut paraître relativement limitée dans la mesure où deux établissements publics en détiennent l’essentiel. Cette situation est cependant dommageable puisqu’elle ne permet pas aux visiteurs de disposer en un seul lieu de l’ensemble du patrimoine situé à Paris ».

Le rapport poursuit sur les difficultés que rencontrent les musées énoncés plus haut :

« Le rapport souligne certaines difficultés du MAAO telles que l’étendue limitée de ses collections, l’insuffisance de ses effectifs et des crédits qui lui sont alloués qui ne lui permettent pas de prendre son essor et que sa fréquentation s’appuie toujours largement sur l’aquarium tropical dont les entrées sont comptées avec celles du musée. Le musée n’expose qu’une faible partie, environ 1 200 pièces de ses collections. Et les atouts architecturaux du bâtiment de la porte dorée nécessiteraient une révision de l’aménagement intérieur (…)

Concernant le musée de l’homme, les locaux peu adaptés à la muséologie n’ont pas été rénovés depuis sont installation au Trocadéro en 1938. La présentation quant elle n’est pas anachronique est dépassée. Les moyens financiers consacrés aux collections sont faibles et les structures administratives insuffisantes. La fréquentation décroît »

Pour répondre à certaines questions qui se posaient vis-à-vis du musée Guimet, notamment la raison de l’absence de pièces asiatiques dans un musée présentant des œuvres extra européenne, le rapport répond :

« En ce qui le concerne, le musée Guimet spécialisé dans les arts asiatiques anciens, actuellement en rénovation, la commission a estimé que ses collections asiatiques devaient rester à l’écart du projet. L’établissement situé place d’Iéna bénéficie d’une réputation, d’une cohérence et d’un emplacement qui seront remis en valeur par les travaux dont il fait l’objet. Sa proximité géographique du Palais de Chaillot, permettra aux visiteurs soucieux d’avoir une vision plus large des productions non européennes, de compléter leur visite par celle du futur établissement sans avoir à traverser Paris. »

– Le musée Dapper

Musée privé, créé en 1986 œuvre pour la promotion des arts de l’Afrique, allié à tous les autres aspects culturel de la diaspora du continent africain il est placé sous la direction de Christiane Falgayrettes-Leveau. De 1986 à 1998, le musée Dapper présentera trente expositions thématiques, pour la plupart conçues et réalisées par Christiane Falgayrettes-Leveau, réunissant des œuvres sélectionnées dans le fonds propre de la Fondation, dans les musées du monde entier et dans des collections privées. On peut citer : Fang, Dogon, «Magies», Corps sublimes, Réceptacles, Chasseurs et guerriers…D’abord situé au 50 avenue Victor Hugo (Paris, 16ème arrondissement) en l’an 2000 il déménage au 35 bis, rue Paul Valéry, toujours dans le 16ème arrondissement de Paris dans un bâtiment plus grand et mieux adapté.

Le rapport conclu donc ainsi :

« Il faut créer un musée résolument nouveau, appuyé sur une ambition forte et doté de structures et de moyens adéquats. On peu ainsi donner à la France le grand musée des arts non occidentaux qui lui manque et qui ne sera ni un pur musée ethnographique ni un musée des Beaux Arts classique. Le musée du quai Branly veut dépasser la coupure entre musée d’art et musée ethnographique ».

  • Le pavillon des Sessions

Le pavillon des Sessions, situé en bord de Seine était généralement destiné aux expositions temporaires organisées par le département des arts graphiques et le département de la peinture. C’est un bâtiment d’une superficie de 1400 m2, d’un seul tenant, avec une très belle hauteur sous plafond (utile pour l’installation de grandes pièces) et disposant d’un éclairage direct.

La décision d’exposer des arts premiers au Louvre à fait l’objet de vifs débats. Pierre Rosenberg, le directeur du Louvre à l’époque ne partageait pas non plus l’enthousiasme du président de la République. Tout d’abord parce que les récentes rénovations dans le milieu muséal (le Louvre, le musée d’Orsay) avait privilégié le rassemblement dans un seul et même endroit l’ensemble des œuvres d’une même collection. De plus, décision de créer le pavillon des sessions au Louvre à été vue comme la volonté de priver le futur musée du Quai Branly de ses pièces majeures, et d’obliger ainsi les visiteurs à visiter deux musées différents, de plus, éloigné l’un de l’autre.  Une autre des revendications se porta sur l’homme nommé par Monsieur Jacques Chirac pour choisir les œuvres à exposer, Jacques Kerchache qui a opéré sa sélection sans concertation des membres d’une équipe scientifique.

Enfin, le problème de la cohérence de l’ensemble muséologique du Louvre s’est posé. Effectivement, ce musée qui se veut consacré presque exclusivement à l’art occidental (exceptés les pavillons des antiquités égyptiennes, donc en toute logique qui auraient du rejoindre le musée du quai Branly, et orientales) détient des pièces pour la majorité antérieures à 1850. Les arts que l’on qualifie de premiers sont pour beaucoup d’entre eux postérieurs à cette chronologie.

En contrepartie, exposer les arts premiers dans le plus grand musée de Paris et le plus visité pourrait permettre d’offrir au public une vision de ces arts, souvent méconnus, et de les renvoyés ainsi au musée du quai Branly pour en apprendre plus. Les œuvres elles sont, par contre, sous la responsabilité du musée du quai Branly.

En 2000, les arts premiers entrent au Louvre, où sont exposés environ cent vingt œuvres.

  • Ou mettre le musée ?

Le palais de Chaillot

La commission « Arts premiers » présidée par Jacques Friedmann avait recommandé, le 13 septembre 1996, l’installation du futur « établissement public administratif » dans l’aile Passy du Palais de Chaillot, où sont situés le musée de l’Homme et le musée de la Marine. Cette décision impliquait donc le départ du musée de la Marine (8000m2, crée en 1748 au Louvre, transféré en 1943 au Trocadéro) et laisserait une superficie totale de 31 000 m2 au nouvel établissement (dont neuf mille pour les salles de présentation et huit mille pour les laboratoires et les réserves).

L’armée, dont dépend le musée de la Marine ne se satisfera pas de ce projet et refusera son relogement dans les locaux du musée des Arts d’Afrique et d’Océanie jugeant que « le bâtiment serait trop connoté par la colonisation ». [3]

– La porte Dorée

Le bâtiment de la Porte Dorée était mal adapté au projet. Trop exigu il était surtout fortement pénalisé par ses origines à forte connotations coloniales avec ses fresques à la gloire de l’outre-mer. De plus, bien que facile d’accès, les pouvoirs publics préféraient établir le futur établissement au cœur de Paris.

A noter que l’origine coloniale du bâtiment fut problématique pour tous les établissements à qui ce lieu fut proposé, y compris la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration ouverte depuis 2007.

– Le choix du quai Branly

Lors d’un « conseil des ministres retreint aux ministres de l’Education nationale et de la Recherche (Claude Allègre), de la Culture (Catherine Trautmann), de l’Economie (Dominique Strauss-Kahn), au secrétaire d’Etat au budget (Christian Sauter), tous membres du cabinet socialiste de Lionel Jospin, et en présence d’Olivier Schrameck, son directeur de cabinet, le président de la République, Jacques Chirac, le mercredi 4 février 1998, fait par de sa décision. C’est le site du quai Branly, près de la tour Eiffel qu’il a choisi « pour établir le futur musée des Arts Premiers » sur 35 000 m2. [4]

En 1999, suite au concours organisé l’architecte Jean Nouvel est désigné architecte du projet. Il obtiendra de plus le soin de réaliser l’aménagement muséographique.

  • Le choix du nom

Diverses appellations ont été proposées. Tout d’abord il fut nommé musée des Arts primitifs, puis musée des Arts premier, puis musée des Arts et civilisations pour finalement se retrouver sans nom significatif quant-à sa fonction : musée du quai Branly, évitant ainsi les débats relatifs aux notions d’art primitif et d’art premier. Monsieur Dupaigne souligne, non sans sarcasme, dans son ouvrage :

« Puisque, faute de leur trouver un nom, on donne maintenant aux musées le nom de leur adresse. »

  • Les fonds du musée de l’homme et du MNAAO

– Le musée de l’homme

Contrairement à ses conservateurs qui le souhaitaient le musée de l’homme ne sera pas réaménagé pour recevoir le musée qui se trouve aujourd’hui à Branly. L’annonce du début du prélèvement des œuvres provoquera des contestations, d’autant plus que les déménageurs, contrairement aux engagements pris, emmèneront en premier non pas les réserves mais les objets exposés au public. Le prélèvement a débuté le vendredi 8 mars 2002 avec cent cinquante pièces d’Afrique subsaharienne. Seront également transférées, les photographies (cinquante mille photographies, quinze mille plaques photographiques) ainsi qu’une partie de la bibliothèque. Le prélèvement des collections ethnographiques s’est terminé le 30 septembre 2004.

Le musée de l’homme a fermé ses portes cette année et est actuellement en pleine rénovation. Les travaux devront se terminer en 2012 ou un nouveau musée consacré aux sciences de la vie comme aux sciences de l’homme aura pris place. Le futur musée disposera déjà d’une collection de préhistoire importante et des fonds concernant l’anatomie, l’environnement, ou la découverte du Globe. Il se définira autour du thème de l’homme en tant qu’espèce, au sein de son environnement naturel et culturel.

– Musée National des Arts d’Afrique et d’Océanie (M.N.A.A.O.)

La fermeture du musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie a lieu de 31 janvier 2003 à 17 h 30, et le déménagement de ses collections (25 à 30 000 pièces) a démarré aussitôt.

En 1933, le musée permanent des colonies devenait le musée de la France d’Outre-mer.  Ce musée de la France d’Outre-mer présentait au rez-de-chaussée deux galeries consacrées à l’histoire de l’Empire français, des croisades jusqu’à nos jours, et à l’étage deux sections. La première présentait les arts indigènes et leur influence sur l’art français, la deuxième offrait un aspect économique sur les ressources minéralogiques et agricoles.

En 1960, période des décolonisations, André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles rattacha le musée de la France d’Outre-mer à la direction des musées de France et en fit un musée d’art, le Musée des Arts Africains et Océaniens.

En 1991, le musée des Arts Africains et Océaniens change de statut : classé douzième département des musées nationaux, il prit un nouvel essor sous le nom de Musée National des Arts d’Afrique et d’Océanie.

Concernant le musée du quai Branly, Bernard Dupaigne dans son ouvrage Le scandale des arts premiers, La véritable histoire du quai Branly nous rappelle de façon très pertinente l’existence du M.N.A.A.O. :

« Dès lors que l’on supprime l’Europe, et qu’on ne concède qu’un espace très réduit (400 m2) pour les milliards d’habitants en Orient et en Asie, « les trois-quarts de l’humanité », il ne s’agit plus d’un musée des créations des hommes dans le monde, mais d’un musée des Arts d’Afrique et d’Océanie, qui existait déjà. Il semble au Président que rien d’important n’a été crée dans le monde depuis le XIXème siècle. » [5]

Enfin, il avait été souvent signalé la parfaite complémentarité des collections du musée de l’homme et du M.N.A.A.O, conservées dans une optique différente mais complémentaire, et recueillies sur les mêmes territoires aux mêmes périodes. Les rassembler dans un seul et même lieu fut un argument important pour la décision de la création du musée du quai Branly et une des priorités du chantier des collections.

  • Architecture

– L’extérieur du bâtiment

Jean Nouvel fut choisi, car son projet présentait l’intégration urbaine la plus intelligente, avec une grande ampleur des espaces jardins, notamment grâce à la présence d’un mur végétal de 15 000 plantes verticales de 150 espèces différentes et sur 800 m2 crée par Patrick Blanc, le jardinier des verticalités.

Le bâtiment, construit dans les tons ocre et rouges, message subliminal renvoyant aux couleurs imagées de l’Afrique à été choisi pour créer l’attraction, l’envie d’y pénétrer pour en découvrir l’intérieur.

– L’intérieur du bâtiment

Au niveau du plateau des collections, galerie permanente et cœur du musée, quatre parcours géographiques sont organisées, chacun présentant des œuvres d’une aire géographique particulière et d’époques variées. Les quatre plateaux couvrent quatre de nos continents : l’Océanie, l’Asie, l’Afrique et enfin l’Amérique et sont articulés de façon à créer un parcours circulaire autour de la rampe permettant d’accéder aux mezzanines. Cette rampe, au ton ocre parait illustrer un mur de torchis plastifié.

De chaque côté de ces parcours se trouvent des renfoncements, sortes de petites pièces qui ont été construites comme des sanctuaires, lieux sacrés pour présenter les objets contenants des restes humains, des reliques ou objets symboliques. Cela illustre la volonté de respect souhaité par les équipes scientifiques.

Les vitrines ont été conçues pour que les œuvres flottent dans l’espace, à hauteur d’œil, avec une possibilité de tourner autour afin d’en connaitre toutes les facettes.

vitrines sections Océanie et Afrique

  • Le problème de certaines œuvres

– Des œuvres du XIXème siècle

Lorsque nous entendons parler d’art premier, nous nous attendons à observer des œuvres préhistoriques, quelles soient africaines, américaines, asiatiques, européennes ou océaniennes. On en revient encore une fois au problème de la dénomination que beaucoup juge au mieux colonialiste, au pire raciste, des arts non européens, qui une fois qualifiés de premiers ou primitifs, illustrent la non évolution des arts africains, américains, océaniens et à moindre échelle asiatiques.

De plus, nombre de ces objets primitifs ont été réalisés au début du XIXème siècle uniquement pour des collectionneurs, marchands, militaires, administrateurs ou visiteurs européens.

– Des œuvres non légitimes, l’exemple des pièces nok

L’ouverture du Pavillon des Sessions au Louvre soulèvera des problèmes concernant les acquisitions par le quai Branly, à des marchands européens, d’objets sortis illégalement de leur pays d’origine malgré les réglementations. Vincent Noce, journaliste, dénonce la présence au Louvre de terres cuites provenant de sites archéologiques entièrement pillés du Nigeria, deux pièces nok achetés à un marchand belge et interdites d’exportation depuis 1963.

L’UNESCO a demandé à ce sujet des explications à la France  et lors de sa réunion commémorant le trentième anniversaire de la Convention internationale de lutte contre le trafic des biens culturels qui s’est tenue à Paris le 15 novembre 2000, Lord Renfrew, directeur de l’Institut Mac Donald d’archéologie de Cambridge attaque Jacques Chirac qu’il accuse d’avoir couvert, pour le musée du Quai Branly, l’acquisition de sculptures nok, issues du pillage de sites nigérians :

« L’attitude de Chirac est déshonorante. Je regrette que le Nigeria ait eu la faiblesse d’accepter de signer un accord pour donner une apparence légale à cette acquisition. Mais, par-dessus tout, la faute en incombe au président français, qui en a fait la demande. Les responsables du musée des Arts premiers devraient avoir honte d’avoir placé leur chef d’Etat et leur propre pays dans une position aussi déplorable ; il faut restituer ces trois pièces. Et s’engager à renoncer à tout bien pillé ».

Le 11 décembre 2000 c’est au tour de dix-huit scientifiques collaborant avec le musée du quai Branly de signer une pétition dénonçant « l’acquisition dans des conditions suspectes » de ces objets archéologiques.

L’affaire se terminera diplomatiquement par un accord signé, le 13 février 2002, par Catherine Tasca, ministre de la culture en France et Boma Bromillaw-Jack, ministre de la culture au Nigéria, reconnaissant que la propriété des trois œuvres est assurée au bénéfice de la République fédérale du Nigeria.

Sculptures Nok - terre cuite – Nigeria- IVème siècle

De plus, un reportage dédié au musée du quai Branly et récemment diffusé sur Arte (septembre 2009) évoque le fait qu’un ensemble de parures, connu sous le nom le trésor d’Amadou, aurait également été acquis de façon peu orthodoxe.

  • Le quai Branly, une conception coloniale ?

Nos relations avec les autres ont changé, notamment depuis les décolonisations, mais quant est il de notre regard sur l’altérité ?

Malgré l’attrait architectural du bâtiment, extérieur dans son écrin de verdure, ou intérieur avec son ambiance lourde et feutrée le musée se contente d’une présentation figée d’un monde du XIXème siècle à l’instar des musées d’art primitif qui présentait des œuvres indigènes avant tout dans un soucis esthétique. Il est, à l’image des musées ethnographiques traditionnels, un musée qui nous propose un tour du monde en une journée.

La compréhension des œuvres est difficile d’accès pour le profane, les cartels succins. L’art africain depuis ses origines dans l’Egypte ancienne est profond et symbolique. Allié aux écrits, à un culte, il se dénature lorsque nous regardons en lui que son seul aspect esthétique. En présentant les œuvres de façon éparses il devient très difficile aux visiteurs de faire une synthèse, de se représenter chronologiquement l’évolution des arts non européens, ce qui a pour conséquence d’enlever des millénaires d’histoire de l’art à ces continents. Pour concevoir un réel musée post-colonial, dénué de tout ressentiment raciste, il aurait fallut rendre aux objets leur fonction dans leur société au lieu de minimiser leur contexte.

Il serait également bon de noter l’influence des arts autrefois appelés nègres sur notre culture artistique, pour ne parler que du domaine de l’art pictural. De plus, il faudrait que ce musée laisse une place plus importante aux créations contemporaines, puisque actuellement en France, il n’existe pas de musée de l’art contemporain dédié aux artistes non européens, ces mêmes artistes étant peu représentés dans nos musées d’art moderne. Ce choix muséal donne l’impression que rien n’a existé en termes de création artistique depuis les indépendances africaines. L’artiste papou invité en 2005 pour décorer des parties du bâtiment à détourné des signes traditionnels en un usage qui n’était pas le leur.

Plafond peint dans les salles et bureaux du bâtiment de l’université du musée du quai Branly

« Le musée des arts premiers n’aime les artistes africains ou océaniens, que morts. » conclura Emmanuel Desveaux. [6]

Enfin, comme le souligne Monsieur Grognet dans son article Ce « musée de l’Autre » qui n’en finit pas de faire parler de lui :

« Le Musée du Quai Branly devient un nouvel avatar de la pensée occidentale se confortant dans une vision fantasmée de l’altérité. Basé sur une définition occidentale de l’art, il n’est donc pas ce musée de la rupture annoncée ». [7]

[1] Discours d’inauguration du musée du Quai Branly, par Monsieur Chirac
[2] Rapport de la commission « arts premiers » paris, août 1996
[3] DUPAIGNE B., Le scandale des arts premiers, La véritable histoire du quai Branly, Mille et une nuits, 2006, 262 p. p. 71
[4] DUPAIGNE B., Le scandale des arts premiers, La véritable histoire du quai Branly, Mille et une nuits, 2006, 262 p. p. 74
[5] DUPAIGNE B., Le scandale des arts premiers, La véritable histoire du quai Branly, Mille et une nuits, 2006, 262 p. p. 123
[6] DESVEAUX E., le musée du quai Branly a renoncé à accroître ses collections en achetant de l’art moderne « exotique », Journée d’information du 27 juin 2001, p. 57
[7] GROGNET Ce « musée de l’Autre » qui n’en finit pas de faire parler de lui, 23 Janvier

~ par Maroussia sur 10/04/2010.

Une Réponse to “Le musée du Quai Branly, une conception coloniale”

  1. Bonjour,
    nous preparions un exposé sur l’article « Grands hommes vus d’en bas » de Jaoul et Bonhomme, et votre article nous a aidé à mieux situer le Quai Branly qui (pourtant) édite la revue Gradhiva.

    Hier on a assisté à la projection du film de Grégory Lassalle
    « Des dérives de l’art aux dérivés du pétrole », très instructif aussi sur le mécénat de l’entreprise française PERENCO

    http://www.cqfd-journal.org/Perenco-chez-les-Mayas

    Merci

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