A la recherche
du pagus des Viromandui

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Cheval ardennais

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Les 4 Rocquigny

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

 

A la recherche du pagus des Viromandui

Conclusion et ouvertures

Site du Mont de Châtillon qui domine la Thiérache ardennaise

 

 
Ainsi reconstituée, la civitas des Viromandui se présente comme un quadrilatère englobant le haut-bassin de l’Oise, depuis ses sources à la frontière-nord jusqu’à son confluent de Compiègne, à l’angle sud-ouest ; la région argileuse de Thiérache s’y trouve entièrement contenue.
Elle est séparée des pagi voisins par les chemins de crêtes qui ont pour nom : le Grand Chemin, Le Haut-Chemin, le Chemin des Romains, protégés par des places fortes. Les angles de ce quadrilatère semblent avoir été des lieux de rencontre privilégiés comme l’ont confirmé des fouilles archéologiques : au sud de Compiègne, celles qui furent entreprises sous Napoléon III et qui ont livré de nombreux témoins des époques gauloise et romaine ; il en va de même pour les fortifications de Macquenoise et pour ses carrières de pierre meulière exploitées depuis des millénaires : en ce lieu devaient se retrouver les Nervii, les Tongres, les Viromandui et peut-être les Rèmes (Les chemins de Macquenoise).

De larges zones forestières protégeaient ces frontières et, malgré les déboisements, la plupart subsistent, favorisées par la présence de nombreuses sources :
- au nord, la grande forêt d’Arrouaise et la forêt Charbonnière, prolongées par les forêts d’Andigny, du Nouvion, de Fourmies, de Mondrepuis, de St Michel et d’Hirson, ainsi que par la Haie d’Aubenton.
- à l’ouest, les forêts des Pothées, d’Estremont, et les bois de Rocquigny, premières futaies du grand massif d’Ardenne.
- au sud, les forêts de Compiègne, de Laigue et de St-Gobain, ainsi que la vallée boisée de l’Ailette dans laquelle les Romains ne purent se frayer passage sans l’aide des Rèmes pour gagner Bibrax.
D’autres éléments plaident en faveur de notre hypothèse quant à la frontière-sud des Viromandui : en effet, de récentes découvertes archéologiques donnent la rivière de l’Aisne comme ligne de séparation des peuples : elle fait la démarcation entre diverses monnaies, et aussi, selon S. Fichtl, elle est la limite nord d’importation des amphores qui fournissaient aux Gaulois le vin méditerranéen ; de même, elle est pour S. Verger celle des tombes à char dont les plus septentrionales ont été découvertes près du Grand-Chemin, comme celles d’Hannogne et de St-Germainmont.
Par ailleurs, aucun sanctuaire semblable à ceux de Picardie n’y a été décelé, mais les frontières élargies du pagus montrent d’autres oppida que Vermand, comme ceux de Mondrepuis ou de la colline St-Thomas.

Une telle configuration de la civitas des Viromandui semble s’accorder avec les critères ordinairement retenus par les Gaulois dans les tracés de leurs frontières, qu’il s’agisse de l’utilisation de bassins fluviaux, des chemins de crêtes périphériques, ou des points de jonction des peuples. E. Desjardins nous a précédés dans cette voie en attirant l’attention sur le fait que les pagi ont pu faire l’objet de remaniements après la conquête romaine : c’eût été logique pour la Thiérache, située au nord de la métropolitaine de Gaule Belgique, et qui ouvrait les routes de la Grande Bretagne et de la Germanie : c’est là que furent construites, dès le Haut-Empire, les grandes voies qui reliaient Reims à Amiens, Bavay et Boulogne, Tongres et Cologne ; il était important pour les conquérants de confier cette région à des alliés fidèles. Les documents écrits manquent à ce sujet en ce qui concerne les Viromandui, mais l’on peut espérer que les recherches archéologiques éclaireront cette question dans l’avenir.

Toponymie de plusieurs lieux cités au fil du texte

Fins, Fesmy : Limites, fin de territoires.
Bazuel : Basilique, lieu administratif ordinairement implanté au lieu de rencontre de peuples voisins.
Molain, Moislains, Montmeillant : S’apparentent au mot milieu, situé entre frontières.
Montmeillant : Le toponyme de Montmeillant (08) peut évoquer, dans son radical, la colline arrondie nommée “le Gros Mont” qui s’élève près du village. Pour la tradition locale, c’est un tumulus qui abrite des tombes au bord du Grand Chemin-frontière. Montmeillant désignerait ainsi le “mont médian”.
Catillon, Châtillon : ancien camp romain.
Macquenoise : De magus, marché sur l’Oise.
Condé : Pont

Rocquigny peut-il être considéré comme toponyme de frontière ?
Curieusement, il existe à chacun des angles du quadrilatère retenu comme pagus des Viromandui, et nulle part ailleurs en France, un village nommé Rocquigny : serait-ce un pur hasard ? Ou ce toponyme aurait-il pu être lié aux frontières du pays ? On trouve en effet :
• au NE Rocquigny (02), sur une route de crête frontière entre les départements Aisne et Nord, soit entre Wignehies et Etrœungt, près de Macquenoise et de la Belgique.
• au SE Rocquigny (08), au pied du Mont-de-Châtillon que G.A. Martin donne comme possible camp romain sur la route du Rhin et qui domine toute la Thiérache ardennaise. Ce point stratégique, où l’antique voie Macquenoise-Château-Porcien croise le Grand Chemin de l’Oise, présentait encore récemment une élévation oblongue, semblable aux fortifications de Vermand, et séparée de la colline calcaire par un éperon barré ; il est limite des trois communes de Chaumont, la Hardoye, Rocquigny.
• au SO Rocquigny (60), sur la route de crête qui contourne au sud la forêt de Compiègne, très prés du site gallo-romain de Champlieu, identifié comme terrain de rencontres de plusieurs peuples gaulois.
• au NO Rocquigny (62), à la jonction des quatre départements Pas-de-Calais, Somme, Nord, Aisne, non loin de Fins et Moislains, toponymes de frontières qui auraient pu être celles des Atrébates, des Ambiens, des Nervii et des Viromandui.
 
Aussi peut-on s’interroger sur le toponyme de Rocquigny. Il est admis par tous que le suffixe igny désigne le gîte, le lieu d’habitation, qu’on l’ait rattaché au latin ignis, le feu, ou comme le Grand Larousse de la Langue Française, à une origine germanique issue de gaharim, gaheim, la maison.
Quant à la racine “Rocq”, s’il est habituel de l’assimiler au nom du propriétaire ancien, rien ne prouve qu’il en ait été toujours ainsi : Wasigny (08) évoque un village au passage d’une rivière qui est ici la Vaux. Dans Rocamadour, Roc évoque une éminence calcaire, mais aucun des quatre Rocquigny cités ne présente de pierre dure. Ne pourrait-on le rattacher, comme le fait Larousse pour roquer, roquette, rocade à une source de l’ancien haut-allemand Rocken qui signifie fer de lance, fuseau, et qui était encore employé au moyen-Âge (1100) pour désigner l’extrémité des lances de joute, le rocket ?
Dans l'un des plus ancien document citant le village de Rocquigny (08), la racine de son nom s'écrit avec un K : Rokenis. Il s'agit de la charte d'affranchissement accordé en août 1249 par RogerII de Rozoy et sa femme Alix, à la commune de Maranwez (Cartulaire l'Abbaye de Signy).
De même trouve-t-on le même radical pour le village de Rocquigny (02) situé au Nord-Est du département de l'Aisne ; il est nommé dès 1223, en deux documents différents que sont les Archives de l'Empire et le Cartulaire de la Seigneurie de Guise, avec la même orthographe Rokenis, retenant la racine germanique Roken. Quelques années plus tard en 1272 dans le Cartulaire de Chaourse, il s'orthographie Rokennis, témoin d'un début de latinisation. En 1327 seulement, s'y ajoute le suffixe igny et il ne sera plus modifié après 1340 (Dictionnaire typographique de l'Aisne - Martin et Malsy).
Ce rapprochement semble donc bien étayer la thèse d'une origine germanique de Rokenis pour le toponyme de Rocquigny.
Il se pourrait donc que Rocquigny ait ainsi désigné, aux points de jonction des peuples, un lieu de protection armée, ou même de concertation pour une défense commune – les Viromanduens ne sont-ils pas cités, par César comme valeureux guerriers ? – à proximité des espaces de grands rassemblements pour le culte et les échanges commerciaux.

Geneviève Lefebvre Juillet 2008
   

 
 
 

Le Gros-Mont de Montmeillant est-il, selon la légende, un véritable tumulus ?

 
     
     
  BIBLIOGRAPHIE

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VERGER S. Les tombes à char Thèse de doctorat
 
     

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