Maman! Achète-moi un joli pénis!

Publié le par KalaSoa

Cette phrase est sortie mot pour mot (traduction libre du malgache) de la bouche de ma petite fille âgée de deux ans et demi. Et ce, après avoir vu trois petits garçons issus de la famille proche fraîchement circoncis. Sur le moment, j’ai été prise au dépourvu. Alors je lui ai fait un beau sourire et lui ai répondu par l’affirmatif. Du haut de ses cinq ans, ma fille ainée s’est alors lancée dans une explication scientifique sur la différence entre les sexes et avait soulevé qu’on ne peut pas acheter, ni « installer » un pénis sur les petites filles. Cette anecdote m’a fait sourire pendant quelques jours, et je l’ai d’ailleurs partagé avec mes proches.

 

Mais aujourd’hui, cette phrase m’interpelle sur les questions de genre à Madagascar, et ses relations avec la circoncision. Pourquoi ma fille m’a-t-elle fait une telle demande ? Paradoxalement, ne devrait-elle pas être effrayée par ces plaies sanglantes et gonflées ? Que non ! Parce qu’elle a vu tous les préparatifs auxquels nous nous sommes livrés avant et pendant la circoncision. Les petits garçons sont de véritables petits rois avant et après l’opération : festivités, allusions à peine masquées sur leur virilité future et le rôle qu’ils auront à jouer dans la société (Lahy ialahy anio !), fierté des parents, et de surcroit les cadeaux et jouets qui ne manquent pas en pareilles occasions. Quelle leçon les petites filles tirent-elles de cette situation ? A quel moment les petites filles malgaches peuvent-elles bénéficier d’une telle attention ?

 

Je n’ai rien contre nos traditions. Je suis moi-même parmi ceux qui, de peur d’une conséquence désastreuse souvent irrationnelle, se plient à quelques règles aux origines et significations souvent ignorées : brûler et enjamber un morceau de papier après avoir assisté à des funérailles ou à une présentation de condoléances, brûler le « senasena » quand le bébé pleure sans raison la nuit, éviter de passer sous une échelle pendant la grossesse…

 

Mais pour la circoncision, je me permets de réfléchir sur le début d’un déséquilibre entre la considération et la place accordées aux petits garçons et aux petites filles dès la petite enfance. Il serait illusoire de vouloir passer outre la circoncision. Des raisons médicales et hygiéniques confirment d’ailleurs que c’est une pratique saine et sans danger. Toutefois, les rites qui entourent la circoncision ne sont-elles pas déjà un moyen d’attribuer un rôle social plus important aux garçons, en défaveur des petites filles ? Loin de moi l’idée de faire subir à nos fillettes les horribles excisions encore pratiquées dans certaines régions d'Afrique, mais il serait bon que les fillettes sachent qu’elles sont aussi utiles et importantes que les garçons, et qu'elles aussi auront à jouer un rôle social important, notamment communautaire, économique et politique.

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R
<br /> Harisoa,<br /> <br /> le temps me manque mais je ne veux pas remettre à plus tard ce commentaire.<br /> c'est tellement vrai cette place et cette considération qui est, pourrait-on dire, naturellement attribuée à l'enfant mâle malgache, même si elle est semble discrète. il est le devenir, l'avenir,<br /> l'épaule sur laquelle les parents pourront s'appuyer, celui qui perpétuera le nom et qui détiendra l'autorité de toute décision au niveau de la famille et même de la société. tu as beau effectuer<br /> une action méritoire qui ne revient qu'à toi, si tu es femme, il y aura toujours un homme qui sera systématiquement et naturellement reconnu et mis en avant pour ta réussite.<br /> c'est ici que je ne comprends pas trop la manière de mener les programmes relatifs au genre. je ne crois pas qu'il s'agisse de réclamer une égalité sur n'importe quelle situation ou faire du<br /> néo-féminisme, comme cette fervente chercheuse en matière du genre que j'ai vu jubiler lors d'une présentation car elle avait vu une femme avec une bêche dans les champs et qu'elle était heureuse<br /> de constater l'égalité des sexes par cette situation ...<br /> <br /> pour moi, faire valoir le genre c'est d'abord permettre l'épanouissement de la personne qui qu'elle soit, qui qu'elle ait décidé d'être, homme ou femme, la reconnaître pour ce qu'elle est, pour ce<br /> qu'elle apporte et pour ce qu'elle représente, pour ce qu'elle accomplit ou accomplira, ou n'accomplira pas.<br /> <br /> un enfant, c'est une mine de possibilités, on ne peut savoir à l'avance ce qu'il nous apportera en bien ou en mal. Lui ôter cette assurance, c'est déjà amoindrir ses chances de s'épanouir et de<br /> s'aimer pour lui-même.<br /> <br /> Merci pour cet article et à ta fille pour avoir permis l'inspiration et bravo pour le titre : plus accrocheur, tu meurs !<br /> <br /> Rado<br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> Oui, et il faut aussi reconnaître que les femmes aussi renforcent cet état des choses! mais il est vrai que nous avons aussi grandement besoin des hommes, comme ils ont autant besoin de nous!<br /> c'est une question d'équilibre! merci pour le comment!<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> entièrement d'accord avec toi kalasoa a!!!!!!<br /> <br /> <br />
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H
<br /> C'est la société qui crée les inégalités hommes-femmes. Le garçon, plus valorisé dans son processus de croissance, obtient ainsi une caution sociétale non négligeable pour son devenir. La fille,<br /> elle n'est qu'admirative, un peu envieuse. Elle ne connaitra pas cette estime de son milieu social, mais plutôt des réprimandes. C'est une réalité de nos sociétés africaines.<br /> Pourquoi ne pas valoriser la poussée des seins chez la jeune fille, par exemple?<br /> C'est de l'éducation de base dont dépend la confiance que les femmes peuvent avoir en leurs propres capacités. Je valorise autant mon fils que mes filles dans toutes leurs actions, afin qu'ils<br /> sachent qu'ils sont différents, mais égaux devant les opportunités de la vie.<br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> Vous avez parfaitement raison, c'est la société qui crée les inégalités. Et j'ai aussi pu remarquer qu'à Madagascar, les femmes jouent un rôle non négligeable dans la perpetuation de ces<br /> inégalités à travers la façon dont elles assurent l'éducation de leurs filles et de leurs fils. Les choses tendent à changer mais très lentement. Je connais encore beaucoup de jeunes filles, dont<br /> le seul objectif dans la vie est de se trouver un mari riche! Elles n'éprouvent pas alors le besoin d'étudier et de se valoriser à travers un travail. Je trouve ça triste.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> Salut P'tite sœur,<br /> D'abord je tiens à te féliciter pour l'ouverture de ton blog et je lui souhaite déjà une longue vie! C'est vraiment une très très bonne initiative de ta part car c'est l'unique moyen pour nous de<br /> pouvoir "se parler" en n'étant pas obliger de se donner rendez vous quelque part à chaque fois.<br /> Ensuite, très bon sujet de réflexion. Bonne continuation<br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> Merci beaucoup! De tongava mamangy matetika e! mampahery be rehefa mankasitraka<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> bravo soa, c'est super interressant, bisous à la famille<br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> Merci beaucoup Andry! Bisous à vous deux aussi<br /> <br /> <br /> <br />