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Le prix d’une oeuvre, Vie d’André Charlier
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Nous donnons sur cette page les passages essentiels de la Vie d'André CHARLIER . Nous mettons également à votre disposition une chronologie exhaustive (bouton Chronologie)
André et Alice Charlier dans leur maison de Mandres (derrière, Jean Caquereau, frère d'Alice)
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« André Charlier se dépeint tout entier dans cette phrase où il essaie de décrire le génie français : “Notre génie ne serait pas si libre s’il n’avait pas cette exigence secrète qui nous fait faire, sans en rien laisser voir, les sacrifices qui nous coûtent le plus.” Sa voie était profondément mystique, et liée dans son usage aux grands faits historiques du temps où il a vécu. » Henri Charlier, André Charlier, ou Le secret d'une vie
SOMMAIRE : Liminaire I La vie à Paris avant la première guerre (1895 – 1914) — Les années d'enfance — Adolescence et conversion II Années de guerre et convalescence (1914 – 1924) III Époux et père de famille (1924 –1940) IV Le prix d'une œuvre — Maladie et mort d'Alice Charlier — André Charlier directeur d'école malgré lui V L'œuvre de Maslacq et de Clères (1941 – 1962) VI Les dernières années
Liminaire Nos remerciements vont aux trois filles d'André Charlier, Marguerite, Anne-Marie et Marie-Elisabeth Charlier, qui ont bien voulu nous laisser lire le Journal intime de leur père et nous ont aimablement autorisé à y puiser. La lecture de ces pages inédites révèle un visage d'André Charlier entièrement ignoré de ceux qui le connaissent à travers son œuvre éducatrice à l'École des Roches ou par les articles et les livres qu'il publia. Nous découvrons dans le Journal d'André Charlier les sacrifices sans lesquels il n'eût jamais pu réaliser sa grande œuvre de formation de la jeunesse : renoncement à la composition musicale qui était sa vraie vocation naturelle, et, après la mort de sa première femme, renoncement à mener la vie de famille normale de tout père auprès de ses enfants. André Charlier ne manifesta jamais ce que l'accomplissement de sa mission lui coûta, mais son frère aîné l'avait deviné : « André Charlier se dépeint tout entier dans cette phrase où il essaie de décrire le génie français : “Notre génie ne serait pas si libre s’il n’avait pas cette exigence secrète qui nous fait faire, sans en rien laisser voir, les sacrifices qui nous coûtent le plus.” Sa voie était profondément mystique, et liée dans son usage aux grands faits historiques du temps où il a vécu. » (André Charlier ou le secret d'une vie) Comme son Journal intime, qu'André Charlier écrivit à l'intention de ses trois filles, le présent récit de sa vie leur est dédié. F.  L.
La vie à Paris avant la première guerre Les années d'enfance
André Charlier est né à Paris en la fête de Noël, le 25 décembre 1895. Beaucoup plus jeune que son frère Henri, il ne connut point leur sœur Lucie qui était morte de maladie. Leurs parents ne firent baptiser aucun de ces trois enfants après la naissance, nous avons expliqué pourquoi dans la vie d'Henri Charlier : Berthe Bidet avait abandonné toute pratique religieuse en se mariant civilement avec son cousin Charles Charlier, qui était franc-maçon et farouchement anticlérical. Mais la maladie de leur fille semble avoir réveillé en eux l'inquiétude des fins dernières, car ils firent baptiser Lucie avant sa mort. C'est le seul témoignage qu'Henri Charlier a laissé sur sa jeune sœur : « Cet enfant mourut à six ans d’une méningite tuberculeuse après une rougeole. On a su, beaucoup plus tard, par le père même de la fillette, que cet enfant avait dû être baptisé sur son lit de mort ; et André Charlier attribuait à l’intercession de cette bienheureuse sœur les grâces qui les avait amenés lui comme son frère à la foi. » Nous renvoyons à la vie d'Henri Charlier pour le détail des origines familiales, qui furent rurales et paysannes du côté paternel aussi bien que maternel. Comme son frère aîné, André Charlier passa son enfance et sa jeunesse à Paris, se rendant pendant les vacances scolaires chez leurs grands-parents maternels Clovis et Ferdinande Bidet, vignerons à Cheny dans l'Yonne.
Les archives familiales possèdent un récit autobiographique, intitulé Homologia (en lettres grecques), dans lequel André Charlier raconte : « Mon enfance s'est passée à Paris dans un appartement dont je revois encore tous les détails ; à Pâques et aux grandes vacances on m'emmenait à Cheny dans la Bourgogne. Je n'ai pour ainsi dire jamais quitté ma mère. J'étais un enfant assez tranquille et sage ; un rien suffisait pour m'amuser, je n'étais jamais si heureux que lorsque Henri, mon frère, qui avait treize ans de plus que moi, me faisait une petite maison avec ses cartons à dessin. Je me glissais là-dedans, et on n'avait plus besoin de s'occuper de moi toute la journée (...) J'avais un amour profond pour mes parents. Quant à mon frère, je l'aimais tendrement ; il avait un talent spécial pour m'amuser, mais il restait plus loin de moi, car il travaillait beaucoup et on le voyait rarement à la maison, sauf durant sa maladie. (...) Je n'avais pas tout à fait six ans, si ma mémoire est bonne, lorsqu'on m'envoya à l'école primaire de la rue Saint-Ferdinand, et quelque temps après, au mois d'avril suivant, ma mère mourut. Je vois encore ma mère sur son lit de mort, dans la chambre où je suis né. » Berthe Charlier mourut à 41 ans, en 1902. Le jeune enfant de six ans et demi fut laissé aux soins de plusieurs femmes de ménage qui se succédèrent dans la maison paternelle. La présence de son frère aîné, et bientôt celle d'Émilie Boudard qui allait devenir sa belle-sœur furent alors pour André un grand réconfort.
 Henri et André Charlier dans l’appartement de leur père, aux environs de 1900
En septembre 1906, un mois après le mariage civil d'Henri et Émilie, Charles Charlier mit André au Lycée Janson-de-Sailly, où il devait effectuer ses années de classe de la sixième à la seconde. Il fut bon élève, ayant des facilités dans les matières littéraires, tout particulièrement en grec, langue pour laquelle il manifesta un goût très marqué, au point que son professeur en classe de troisième l'appelait “l'helléniste distingué”. Il réussissait excellemment en thème grec, et se vit attribuer à quatorze ans le Prix de l'Association pour l'Encouragement des Etudes grecques en France. En 1907, Charles Charlier avait quitté le quartier des Ternes pour s'installer à Passy, non loin d'Auteuil, afin d'être plus près de son fils aîné et de sa belle-fille qui louaient un appartement rue de l'Yvette, dans le XVIe arrondissement. André Charlier accueillit avec une très grande joie ce rapprochement , qui lui permit de se rendre très souvent chez Henri et Émilie. Le jeune ménage devint alors pour l'enfant une deuxième famille. Henri lui avait appris le piano dès 1902, relayé ensuite par un professeur, mais il garda toujours une influence bienfaisante sur les goûts musicaux d'André. Celui-ci écrit : « Il est certain que sa direction me fut d'un grand secours, et que son expérience (musicale) m'épargna bien des erreurs de goût. Nous voyions souvent nos amis Amyot. Jacques Amyot faisait de la musique avec Henri. Il arrivait souvent qu'ils me donnaient un morceau à exécuter — un morceau à ma portée, bien entendu — et je réussissais en général à rendre la pensée du compositeur. Ou bien, dans une page quelconque de musique, Henri me demandait ce qui m'avait particulièrement frappé ; et je me souviens qu'il fut plusieurs fois étonné de mes réponses justes. Si je fais cette remarque, c'est parce qu'elle présente un certain intérêt au point de vue qui nous occupe. L'art tient une grande place parmi les causes qui influèrent sur ma conversion. » Outre un sentiment religieux naturel très puissant, le sentiment esthétique eut en effet un rôle dans l'évolution spirituelle d'André, qui vit bientôt dans la beauté des œuvres d'art et de la création un reflet de la Beauté divine. Mais cette évolution, comme celle de son frère aîné, se fit à contre-courant des idées matérialistes et antireligieuses de sa famille.
Adolescence et conversion L'enfance d'André Charlier se passa dans un climat hostile à la religion catholique, dominé par l'athéisme et l'anticléricalisme de son père. Vers l'âge de 13-14 ans le jeune garçon, qui depuis la mort de sa mère avait redoublé d'amour pour son père, se rangeait aux idées de Charles Charlier : « Quelles étaient à cet âge mes connaissances concernant la religion ? Elles étaient toujours aussi vagues ; je peux même dire qu'elles n'existaient pas encore. J'entendais mon père se moquer des gens qui croient en Dieu et je trouvais tout naturel de penser comme lui, sans pouvoir dire, naturellement, que mon opinion eût un fondement quelconque. Je savais également que mon père était franc-maçon, je lui en avais entendu parler, et puis nous recevions des F. M. à la maison ; je voyais Papa écrire sur du papier à lettres orné d'une quantité d'insignes cabalistiques, triangles, truelles, etc.
J'ignorais complètement ce qu'était la franc-maçonnerie ; mais du moment que mon père en était, je trouvais cela très bien. Je me souviens être allé plusieurs fois au Grand Orient, rue Cadet ; on y donnait des fêtes. Papa qui était vénérable de la Loge “Les Droits de l'Homme” siégeait sur l'estrade avec les gros bonnets de la F. M. À l'une de ces fêtes, j'eus même l'honneur de monter sur l'estrade et d'être embrassé devant tout le monde — j'ignore pour quel motif — par un de ces messieurs qui portait un tas d'ornements sur le ventre et sur les épaules. Toutes ces cérémonies avaient un certain air de mystère ; naturellement, je trouvais cela très bien, mais je ne sais pourquoi je n'osais en parler à aucune personne étrangère. » Du côté des grands-parents maternels Clovis et Ferdinande Bidet, les convictions à l'endroit de l'art n'étaient guère meilleures : « Mon grand-père, écrit André, avait une intelligence très vive, mais tournée tout entière vers les choses pratiques. L'œuvre artistique ne procurant pas un profit matériel lui paraissait parfaitement inutile. Il y avait là pour lui quelque chose d'incompréhensible. Avoir du génie était dans ses pensées fort peu de chose s'il ne servait pas à gagner de l'argent. (...) Il partageait les choses en deux catégories : celles qui devaient lui servir et celles qui ne lui étaient d'aucune utilité.
 Charles Charlier, 1857 - 1925
Il rejetait celles-ci pour ne garder que celles-là. Combien de fois, par exemple, lui ai-je entendu répéter qu'il n'y avait qu'un bon Dieu, c'était le soleil ; en effet, il en sentait directement et sans effort de la pensée l'utilité. Grand-mère était beaucoup plus sensible, plus artiste que grand-père, mais elle ne jugeait que par lui et adoptait toujours son avis. » Et ils étaient eux-aussi d'un anticléricalisme virulent : « Mon grand-père surtout avait la haine du curé ; pour lui, ceux qui allaient à la messe étaient des “fanatiques et des illuminés”. »
André avec son grand-père maternel Clovis Bidet, à Cheny aux environs de 1900
C'est dans ce contexte familial, et en dehors de tout contact avec le monde catholique, qu'André Charlier reçut la grâce de la foi. Il allait avoir quatorze ans. Cet événement, que l'on peut considérer comme vraiment miraculeux compte tenu des circonstances, se produisit à l'occasion d'un drame familial qui eut lieu vers la fin du mois d'octobre ou le début de novembre 1909, lorsque son père décida brusquement de se remarier. Charles Charlier s’était épris d’une jeune femme de 29 ans, et il voulut l’épouser. Mais lui-même était alors âgé de plus de cinquante ans. Outre ce grand écart d'âge, André, Henri et Émilie virent immédiatement que ce mariage ne ferait pas son bonheur et serait un désastre pour la famille. Henri tenta de raisonner son père, mais sa décision était arrêtée, et le mariage eut lieu un mois après que Charles Charlier l'eût annoncé à ses fils. Entre temps André, qui avait été le premier à apprendre la nouvelle et en avait éprouvé un choc très violent, avait été touché par la grâce divine. La chose se fit le plus simplement du monde : dans cette situation entièrement désespérée à ses yeux, il ne vit aucun autre recours possible que de s'adresser à Dieu. Les termes dans lesquels il parle de cet événement dans son autobiographie ne laissent aucun doute sur l'authenticité de son acte de foi : « J'étais dans le plus profond désespoir. Je comprenais bien qu'un grand malheur allait me frapper, le plus grand après la perte de ma mère. Je ne savais que faire… Comment pouvais-je empêcher l'événement qui se préparait ? Je m'adressais à Dieu, je le suppliai de toutes mes forces de ne pas livrer ma famille à la désunion. (…) Je criais à Dieu ma détresse, mon désespoir. Je ne savais quels arguments trouver pour fléchir Sa Volonté. Je ne savais pas les prières qu'on apprend d'ordinaire dès la plus tendre enfance. J'employais les premiers mots qui me venaient à l'esprit. (...) On se demande pourquoi je me tournai soudain vers Dieu et implorai Son secours, pourquoi le sentiment religieux prit naissance en moi tout à coup. Cette brusque éclosion fut, je crois, le terme d'une évolution qui s'opérait lentement dans mon être sans que je m'en rendisse compte ; elle fut l'œuvre des événements qui la hâtèrent en se précipitant ; elle fut l'œuvre avant tout de la grâce de Dieu qui à mon insu avait touché mon âme. (…) Je ne fus pas exaucé. On me dira : pourquoi alors n'avez-vous pas reproché à Dieu d'avoir méprisé vos prières ? Comment se fait-il que votre raison ne se soit pas révoltée et n'ait pas secoué son joug ? Je ne répondrai qu'une chose : je croyais. Il ne me restait donc qu'à adorer la volonté divine. Dieu n'est pas fait pour satisfaire tels ou tels intérêts particuliers. Son immense Charité embrasse toutes les créatures. » (Homologia) André Charlier ne dit jamais rien à personne de cet acte de foi, pas même à son frère. Il se résigna à accepter en silence le remariage de son père, se renfermant davantage sur lui-même, et s'échappant le plus souvent possible de l'appartement familial pour aller retrouver Henri et Émilie. A cette époque, âgé de quatorze ans, André Charlier avait déjà choisi comme profession de devenir agriculteur et comptait reprendre la ferme des grands-parents maternels à Cheny : « A mesure que je grandissais, mon amour de la campagne se développait. Ce fut vers cette époque que l'idée me vint de me destiner à l'agriculture et à la viticulture. Henri qui voyait mes goûts m'y avait engagé. Le professorat ne me tentait que médiocrement. » Malgré son ignorance des vérités chrétiennes, sa foi alla en s'approfondissant dans les années suivantes, à la faveur de lectures personnelles ou de l'exemple d'Henri. « Dire à quel point je fus alors influencé par l'évolution de mon frère, je ne le saurais. Il est certain que les effets s'en firent sentir en moi. (...) Son goût très sûr m'avait guidé dans tout ce qui touche aux arts, et en m'apprenant à discerner le Beau véritable, il me poussait, sans le savoir, vers Dieu. Je ne me souviens pas du tout à quelle époque exacte il se convertit. Toujours est-il qu'à ce moment-là son évolution n'était pas encore achevée. Quant à moi, j'avais prononcé déjà mon acte de foi. Mon cœur s'était tourné spontanément vers Dieu. Ma raison ne devait parcourir le même chemin que beaucoup plus lentement. » À cet égard, la lecture de Pascal allait être décisive. En 1911, après la naissance de sa demi-sœur Mireille, son père acheta une maison à Bellevue, près de Meudon, où la famille Charlier s'installa au mois d'avril. A la rentrée de septembre, Charles Charlier retira André de Janson-de-Sailly et l'inscrivit au Lycée Louis-le-Grand, où il acheva ses études secondaires. Elève de rhétorique A (première en section littéraire), André Charlier fit durant l'année scolaire 1911-1912 la découverte des Pensées de Pascal, dont la lecture fut pour lui une « illumination » et confirma fortement sa foi : « J'y trouvais exposées dans une langue admirable les idées que je sentais germer obscurément en moi, sans pouvoir les définir. J'avais éprouvé si souvent le sentiment que malgré toutes les belles œuvres dont il peut s'enorgueillir, l'homme n'en est pas moins profondément misérable ! Mais personne au monde ne me parut avoir dépeint avec plus de grandeur, je dirai même plus de réalisme, cette double nature de l'homme… Ses Pensées me faisaient comprendre ce que jusqu'alors j'avais ressenti, ce qui n'était encore en moi qu'une impression indécise. Je croyais déjà. Toutes les choses, dans la matière, m'avaient révélé une création divine. Pascal me montra que, raisonnablement, Dieu était nécessaire. Grâce à lui, le mystère de l'au-delà m'apparut d'un intérêt capital dans notre existence… Les Pensées qui traitent des prophéties et des préfigurations du Christ me frappèrent vivement. J'y trouvais des preuves tout-à-fait convaincantes que le christianisme était la seule véritable religion… Enfin j'y voyais clair. Les doutes plus ou moins vagues qui avaient effleuré mon esprit avaient disparu. J'étais en possession d'une certitude absolue. » Durant l'année 1912 il lut aussi L'Annonce faite à Marie de Paul Claudel, et avouera plus tard à celui-ci l'influence bienfaisante de cette œuvre sur sa conversion. Deux autres auteurs catholiques découverts à la même époque firent aussi une vive impression sur André Charlier : Bossuet, dont il lut L'histoire des variations des Églises protestantes, et Huysmans dont l'itinéraire de conversion, plus encore que les livres, le fit alors songer sérieusement à entrer lui-même dans l'Église catholique. Enfin, un événement exceptionnel se produisit entre l'écrit et l'oral du baccalauréat de rhétorique, donc vers le mois de juin 1912. André Charlier avait 16 ans et demi. Passant un jour devant l'église Saint-Séverin, à Paris, il s'avisa d'y entrer avec, pour la première fois de sa vie l'intention de s'unir à Dieu, précise-t-il dans son autobiographie, et non de faire une visite de curiosité ou pour admirer une œuvre d'art : « J'allai, je m'en souviens, jusque dans le chœur de l'église et je m'agenouillai. Je fis à Dieu ma prière, aussi bien que je pus ; je laissai mon cœur parler lui-même, j'exprimai mes sentiments avec la simplicité et la ferveur d'une âme qui a besoin de protection. » Tout près de lui, dans une chapelle latérale, un prêtre célébrait la messe, à laquelle plusieurs personnes assistaient. André Charlier suivit la célébration « sans rien comprendre de ce qui se passait à l'autel. » Au moment de la communion, il vit les fidèles s'approcher de la balustrade en fer forgé qui fermait l'entrée de la chapelle et s'agenouiller pour communier. « Je ne comprenais rien du tout à cette cérémonie ; j'ignorais absolument ce qu'était la communion. Quelle force inconnue me poussa alors ? Sans savoir ce que je faisais, je me levai, je m'approchai de la Sainte Table et je reçus l'hostie des mains du prêtre. » C'est ainsi qu'André Charlier reçut le Corps de Notre-Seigneur avant même d'avoir été baptisé, et n'ayant absolument aucune connaissance des cérémonies de l'Église. Ce jour béni resta gravé dans sa mémoire et, tout au long de sa vie, lorsqu'il lui arrivait de séjourner à Paris, il ne manquait jamais de faire un pèlerinage à Saint-Séverin sur les lieux qui furent les témoins de cette grâce insigne. En 1912-1913, il poursuivit son année de philosophie à Louis-le-Grand, et réussit la deuxième partie du baccalauréat. Désireux de fuir la vie bourgeoise de son père, il partit alors pour Cheny avec la décision fermement arrêtée de s'installer comme agriculteur sur la propriété familiale. Henri Charlier raconte : « André Charlier a donc mené cette vie paysanne, avec d’authentiques paysans, en dehors des écoles. Il a pioché les vignes avec son frère et son grand-père, moissonné, taillé la vigne, coupé du bois, labouré, car aussitôt après son bachot il fit des stages chez un proche cousin (il s’appelait Rameau) pour se mettre au courant du métier de labourage, très distinct de celui de vigneron. Son frère lui fit même faire un stage chez un éleveur de volailles, métier alors à ses débuts et très rentable alors, même sur une petite exploitation comme celle dont il allait disposer. » (Le secret d'une vie) Mais Clovis et Ferdinande Bidet ne voyaient pas l'avenir d'André dans l'agriculture : « Mes grands-parents n'étaient pas du tout enchantés du choix que j'avais fait. Ils trouvaient que je faisais une folie en renonçant à la carrière qu'annonçait mes succès universitaires. Ils avaient marié leur fille à un homme de la ville qui devait parvenir à une situation honorable, et ils ne comprenaient pas que je revinsse de plein gré à la condition dont ils n'avaient pas voulu pour leur enfant. » (Homologia) À cette mauvaise disposition des grands-parents s'ajoutait leur anticléricalisme, d'autant plus farouche à l'égard de leurs petits-enfants qu'Henri était en train de se convertir et, à la différence d'André qui fut toujours très secret, il ne leur cachait pas ses sentiments. « Dans de telles circonstances, écrit André, je gardais une prudente réserve. Je ne heurtais pas de front les idées de mon grand-père comme Henri le faisait bien souvent. Je le laissais déblatérer tout son soûl contre Dieu, la religion et les prêtres. » C'est à cette période, au début de 1913, qu'André Charlier commença à écrire son Journal, sous forme de cahiers auxquels il confiait ses sentiments intimes et les aspirations de son âme. Il avait alors dix-sept ans. Certaines pages de ce journal d'adolescent sont de véritables prières chrétiennes, où André (qui n'est pas encore baptisé) s'adresse à Dieu pour implorer sa Grâce et s'en remettre à Lui de son avenir. Nous y trouvons, exprimé à plusieurs reprises, le désir de faire une “œuvre” : « Oh oui, je le souhaite ardemment, d'accomplir une grande œuvre dans ma vie, une œuvre inspirée de Dieu. » Au mois de février 1914, sur les instances de son frère, André Charlier alla faire un stage d'aviculture à Gambais (Seine-et-Oise). Courant mars, Henri vint le voir et ils allèrent trouver l'abbé Lemarchand, curé de Gambais, un vieux prêtre bon et zélé qui accepta de donner au jeune homme ses premières leçons de catéchisme en vue du baptême. En avril, son stage d'aviculture étant achevé, André retourna à Cheny après avoir passé la Semaine Sainte à Paris au monastère des Bénédictines de Saint-Louis du Temple de la rue Monsieur dont Henri était déjà oblat séculier (membre du tiers-ordre bénédictin). Au cours de ce dernier séjour à Cheny précédant la guerre, André Charlier prenait prétexte de passer le dimanche chez des amis d'un village voisin, pour pourvoir aller avec eux à la messe de la paroisse. Tout en se donnant aux travaux agricoles sur la propriété des grands-parents qui lui était destinée, il ne négligeait pas la culture de l'esprit. Il partageait son temps entre l'agriculture et la lecture des grandes œuvres littéraires : L'argent, L'argent suite et l'Ève de Péguy, l'Essai sur les données immédiates de la conscience de Bergson firent ainsi l'objet de lectures alternant avec le travail des vignes et des champs. Après la déclaration de guerre, André Charlier fut convoqué au Conseil de Révision de la classe 15, le dimanche 11 octobre 1914. Il allait avoir bientôt dix-neuf ans. Devant l'imminence de sa mobilisation, il convint avec Henri de la nécessité de se faire baptiser sans tarder. Une huitaine de jours avant la date du Conseil, il quitta donc Cheny pour Paris et réintégra l'appartement de son père au 37 rue Bonaparte, près de Saint-Germain des Prés. Durant ces huit jours, Henri lui fit rencontrer le Révérend Père Dom Besse, aumônier des Bénédictines de la rue Monsieur. André Charlier reçut le baptême des mains de Dom Besse le mardi 13 octobre 1914, à 8 heures du matin, dans la chapelle du monastère de la rue Monsieur, Henri ayant prétexté auprès de leur père qu'il avait besoin de son cadet comme modèle pour peindre un tableau. Puis les deux frères assistèrent à la messe chez les Bénédictines et André communia. Quelques heures plus tard Henri et André reçurent ensemble le sacrement de confirmation au couvent des Lazaristes de la rue de Sèvres, des mains de Monseigneur Faveau, évêque missionnaire en Chine.
Années de guerre et convalescence (1914 – 1924) Deux mois plus tard, le 19 décembre 1914, André Charlier fut mobilisé, et partit aussitôt rejoindre le dépôt du 130ème Régiment d'Infanterie à Mayenne.
Durant ses années de guerre, il continua de rédiger son Journal sur de modestes carnets, écrivant durant les moments de repli au campement ou même dans les tranchées. En 1915, il combattit comme caporal avec sa section dans la Meuse, au camp de La Beholle, à huit kilomètres de Verdun. Au mois de décembre, ayant reçu un éclat d'obus dans la jambe, il fut évacué à Pau. Puis il remonta au front comme sergent-chef de section. Aux mois de mai et juin 1916, il fut envoyé à Mourmelon, pour une bataille de tranchées où il monta à plusieurs reprises en première ligne. Le 16 juin 1917, à Crespy (Aube), André Charlier fut nommé sous-lieutenant et reçut la Croix de guerre avec la citation suivante : « Sous-officier modèle d'énergie et d'allant, le 25 mai 1917 a entraîné sa section en terrain découvert sous le feu de l'ennemi et sous un bombardement intense, pour aller occuper une position avancée. » Le 15 juillet 1917, il fut blessé une deuxième fois, au cours de la grande attaque allemande des Monts de Champagne. En montant à l'assaut à la tête de ses hommes sur le mont Téton, dans le massif de Moronvilliers (Marne), il fut atteint par une balle qui lui traversa le poumon, frôlant la colonne vertébrale. Sa citation à l'ordre de l'armée, qui dut être envoyée à sa famille car lui-même avait été porté disparu, dit ceci : « Jeune officier d'une bravoure et d'un entrain incomparables. Grièvement blessé le 15 juillet 1917 en entraînant sa section à l'assaut d'une position fortement occupée, s'en emparant et y résistant à la grenade aux plus violentes attaques de l'ennemi. » André Charlier avait été laissé pour mort sur le champ de bataille, et il y passa une nuit entière. Les Français ayant reculé, il fut ramassé le lendemain par les Allemands, fait prisonnier, et emmené à l'hôpital de Rethel.
Dès qu'il put supporter le voyage, bien que n'ayant pas encore récupéré l'usage de ses jambes, les Allemands l'envoyèrent en forteresse, au camp de Grafenwohr, à Ingolstadt en Bavière. Sa captivité en Allemagne dura dix-sept mois. C'est au cours de cet emprisonnement qu'il écrivit Homologia, récit autobiographique inédit d'une cinquantaine de pages qui constitue la principale source historique sur la vie familiale des Charlier à Paris, et dans lequel André alors âgé de vingt-deux ans rapporte les circonstances de sa conversion. Ce récit dévoile la grande aspiration de jeunesse d'André Charlier : son désir de consacrer sa vie à réaliser une grande œuvre. On peut voir dans cette aspiration le “levain” de ce qui allait donner naissance quelques vingt années plus tard — mais au prix d'un grand sacrifice — à l’oeuvre de Maslacq et Clères. En effet, André Charlier y dépeint lui-même à l'avance ce qui sera son œuvre auprès des jeunes élèves et des capitaines de l'École des Roches : « Ô mon Dieu, permettez-moi de faire une belle œuvre ; ce n'est pas la vanité, l'ambition qui me poussent à vous faire cette prière. Je ne veux pas de la gloire, je n'aspire qu'à mener obscurément une vie chrétienne. Mais je Vous aime, ô mon Dieu, et je voudrais exprimer cet amour que je ressens pour Vous dans une œuvre où brillerait une étincelle de cette Beauté qui est en Vous ! Je ne cherche pas l'admiration des hommes, je ne demande qu'une chose, c'est de ramener vers Vous les cœurs de quelques-uns de Vos enfants, c'est de réussir à leur faire sentir que Vous êtes éternellement pour qu'ils puissent dire : “Seigneur, j'ai aimé la beauté de votre maison et le lieu où réside votre gloire”. » (18 mars 1918) Les Hervé Giraud, Jean-Marie Grach, Gérard Calvet, Guy de la Chapelle, Henri Brincard, et beaucoup d'autres dont la destinée fut marquée par Charlier, sont au nombre de ces âmes auxquelles André aspirait à communiquer la Beauté divine. Le lendemain de Noël, 26 décembre 1918, André Charlier fut libéré par les Allemands. Il alla à Bellevue voir son père, et en repartit presque aussitôt pour Cheny où Henri se trouvaient au chevet de leur grand-mère maternelle avec Emilie. Ferdinande Bidet mourut d'une brève maladie deux jours après son arrivée, n'ayant pas voulu recevoir les derniers sacrements. En janvier 1919, André repartit rejoindre son dépôt de garnison à Laval, et réintégra son régiment à Mayenne le mois suivant. Mais sa très grave blessure de guerre avait été soignée dans des conditions extrêmement précaires, et il était évident que son état de santé allait nécessiter une longue convalescence. C'est alors qu'Henri Charlier, voyant la maison familiale de Cheny laissée vide, prit la décision de quitter Paris pour s'y installer et diriger lui même les travaux agricoles, en attendant que son jeune frère soit rétabli et puisse reprendre la propriété familiale avec la culture de la vigne et des champs.
André Charlier (caporal) au front en 1915
André Charlier reçut ordre du Service de Santé Militaire de partir au mois de mai en convalescence à Montpellier, dans une villa en bord de mer. Fin juin, il rentra à Cheny, pour repartir à la mi-août se reposer à Bussières, dans le Macônnais, chez Jeanne Garnier-Maritain (sœur de Jacques Maritain), qui était amie d'Émilie et Henri Charlier et les avait introduits avant la guerre auprès de Péguy. André demeura à Bussières jusqu'à la fin de septembre. Le 29 Août il note dans son Journal : « Je suis encore à Bussières afin de m'y soigner. Je me sens en ce moment incapable de rien faire. Ma seule occupation est de faire de la musique. J'ai lu hier à Madame Maritain quelques poèmes. Elle a trouvé cela beau, et m'a dit que je serais un grand écrivain ou un grand saint. Cela m'a fait bien rire. » A partir de cette période d'après-guerre en effet, sans rien renier du métier d'agriculteur, André Charlier hésita entre une carrière musicale ou littéraire. Finalement, il n'embrassera aucune de ces trois carrières, la vie en ayant décidé autrement pour lui. Le 2 octobre 1919, il se rendit à Orléans pour la visite du Conseil de Réforme, profitant de son passage dans cette ville pour rendre visite à la mère de Charles Péguy, dans sa maison du Faubourg Bourgogne. Bien que déclaré invalide à 20% par le Conseil de Réforme, il refusa d'être réformé par la suite. Puis il retourna définitivement à Cheny où il put enfin abandonner l'uniforme militaire qu'il n'avait pas encore quitté. Durant cinq années, sa convalescence se passa alors aux côtés de sa belle-sœur et de son frère. Celui-ci venait de se mettre à la sculpture en taille directe et avait installé son premier atelier dans la grange de Cheny, tout en s'occupant des travaux de la ferme et des champs.
Septembre 1919, André Charlier en convalescence à Bussières chez Jeanne Maritain
Une phrase tirée du Journal d'André Charlier décrit l'état d'esprit dans lequel se passèrent ses années de convalescence entre Henri et Émilie : « Se vaincre d'abord soi-même, et devenir entièrement maître de soi : sans doute on doit toujours recommencer la lutte, mais lorsqu'on a gagné une première grande victoire, l'ennemi plie plus facilement. La morale précède l'art. Il faut, avant de faire une œuvre d'art, commencer par s'en rendre digne. Aujourd'hui ceux qui se disent artistes font fi de ces choses mais on n'a jamais vu une telle indigence dans les œuvres de l'esprit. Ce sont les cornéliens qui ont raison, on doit être absolument cornélien. » (1920) Nous entrevoyons déjà à travers ces lignes de quelle manière s'accomplira la grande œuvre dont André Charlier portait depuis son adolescence le pressentiment : lorsqu'il aura remporté cette victoire sur lui-même, au prix d'un double renoncement qui sera exigé de lui : le renoncement à sa vocation de musicien, puis le sacrifice de sa vie familiale. Car André Charlier fut d'abord un époux et un père de famille, et bien que les circonstances de la vie l'empêchèrent d'en exercer les charges, il resta conscient jusqu'à la fin de ses jours que son premier devoir aurait dû être de s'occuper de ses propres enfants.
Époux et père de famille Le 25 juillet 1924, dans l'église de Cheny, André Charlier épousa Alice Caquereau, jeune fille dont le père était maréchal-ferrant du village. Elle était la deuxième d'une famille de quatre enfants.
Famille Caquereau : Alice est à la droite de sa mère, qui tient Jean Caquereau sur ses genoux
La photographie de famille qui a été conservée révèle, aussi bien chez le père et la mère que chez leurs enfants des personnes d'une grande distinction, en dépit, ou plutôt faut-il dire en raison de la modestie de leur rang social. Car comme Péguy le fait remarquer dans L'argent, au début du vingtième siècle les qualités qui fondent la dignité humaine ne se trouvaient guère plus que dans les classes populaires : « On ne saura jamais jusqu’où allait la décence et la justesse d’âme de ce peuple ; une telle finesse, une telle culture profonde ne se retrouvera plus. » Péguy entend bien sûr la culture des qualités de l'esprit et du cœur, et non la culture livresque. En outre les Caquereau étaient profondément chrétiens, et c'est à la paroisse qu'Alice connut son mari. Car André Charlier jouait de l'harmonium aux offices liturgiques et dirigeait la chorale de jeunes filles, dont Alice Caquereau faisait partie. Mais madame Caquereau était morte en 1920, et son mari mourut l'année même des noces de sa fille, si bien qu'une fois mariés les jeunes époux reccueillirent le dernier des enfants Caquereau, Jean, alors âgé de 12 ans. Il devait entrer ensuite comme écolier à l'alumnat de l'abbaye de la Pierre-qui-Vire, puis devint moine et prêtre. Il mourut après avoir passé 81 ans dans l'atmosphère monastique, dont 73 ans de vie religieuse.
Le Journal d'André Charlier est quasiment silencieux sur la période de son mariage, et c'est dans sa correspondance que nous découvrons la raison qui l'obligea à renoncer à l'agriculture, malgré qu'il eût quitté Paris dans l'intention de reprendre la ferme de Cheny. Dans une lettre à un ami, il avoue : « Pour moi, j'aurais volontiers fait de l'agriculture. Mais après la guerre mon état de santé ne me le permettait pas et je me suis rabattu sur l'enseignement…» Henri Charlier suggère aussi qu'en étudiant au coin du feu ou sous la treille à Cheny, André prit goût à l'enseignement : « Il fut trois bonnes années à se remettre de ses blessures (celles mêmes qui devaient causer sa mort récente) et en partie à cause d’elles, renonça au métier de vigneron pour s’engager dans l’enseignement. Cette longue période d’inaction forcée l’avait laissé libre dans le perfectionnement de ses études et révélé l’intérêt de l’enseignement, où était vraisemblablement sa vraie vocation. Mais comme directeur des établissements qu’il eut à conduire, sa formation par l’économie paysanne fit qu’il n’eut jamais de surprises budgétaires ni de déficit. » ( Le secret d'une vie) André Charlier renonça donc à cette vie paysanne de Cheny qu'il aimait profondément, et entra à la rentrée scolaire de 1924 en qualité de professeur de littérature et langues anciennes à l'École des Roches de Verneuil-sur-Avre (Eure), pour laquelle Henri avait sculpté la Vierge à l'Enfant de la chapelle. Cette École libre avait en effet une aumônerie catholique, mais aussi une aumônerie protestante. André Charlier avait-il profité de sa longue convalescence pour faire des études universitaires par correspondance et passer les diplômes des matières qu'il enseigna ? Ou bien les passa-t-il plus tard, durant ses années de professorat ? Nous ne savons. Le seul renseignement que nous ayons à ce sujet figure dans le Journal de l'École des Roches de juillet 1938, qui présente le professeur André Charlier muni des titres suivants : « licencié ès lettres et diplômé d'Études Supérieures de langues classiques. » Aussitôt après leur mariage, pour la rentrée scolaire de 1924, les époux Charlier vinrent donc à Verneuil où ils passèrent deux années. A ce moment-là Henri Charlier, voyant que son frère renonçait à reprendre la ferme des grands parents maternels, décida lui aussi de quitter Cheny. Henri et Émilie Charlier vinrent donc s'installer au Mesnil-Saint-Loup en 1925, l'année même de la mort de Charles Charlier, le père d'Henri et André, qui survint le 24 septembre. Durant l'été 1926, André et Alice Charlier s'installèrent près de Verneuil, au village de Mandres, où ils louèrent une maison.
Les années de mariage, jusqu'à la deuxième guerre mondiale, furent pour Alice Charlier et son époux une période de vie familiale intime, durant laquelle André partagea son temps entre les cours donnés aux Roches, la composition musicale, et la rédaction d'essais personnels ou d'articles pour quelques revues intellectuelles. Ainsi en 1925 il écrivit un Essai sur la liberté, qu'il envoya à Paul Claudel. Alice Charlier eut son premier enfant en 1928, un garçon prénommé Bernard, qui mourut quelques semaines après sa naissance, le 6 septembre. Alice et André chantèrent le Magnificat auprès de ce premier bébé entré dans son éternité.
André et Alice Charlier à Mandres en 1928, peu après la mort de Bernard, leur premier bébé (derrière eux, Jean Caquereau)
Puis, durant les vacances de Noël 1928, au cours d'un séjour au Mesnil-Saint-Loup où Henri et Émilie s'étaient installés, se produisit un événement resté secret, mais de grande importance dans la vie d'André Charlier : dans l'église du Mesnil, il fit le sacrifice de sa vocation de musicien pour demander à Dieu la guérison de son frère gravement atteint de la typhoïde au point que l'on craignit pour ses jours. Car la vraie vocation d'André Charlier était musicale. Ses goûts en musique s'étaient développés auprès de son frère, et il possédait un vrai talent de compositeur. Il avait fait aussi du contrepoint à la Schola cantorum, le célèbre institut supérieur de musique de Paris, au moment où Vincent d'Indy y enseignait la composition. Après ce renoncement à la carrière musicale dans l'église du Mesnil, s'il arriva à André Charlier de composer de la musique (pièces pour piano ou orchestre, mélodies…), ce fut toujours poussé par l'inspiration ou par les nécessités de son métier d'éducateur, et non dans l'espoir de faire carrière de compositeur. En 1929, les époux Charlier quittèrent Mandres pour un village situé à quelques kilomètres : Pullay. Elu bientôt maire de la commune, André Charlier exerça ce mandat pendant dix années avec un très grand dévouement. Après les trois années passées à Mandres, la maison de de Pullay fut la seule véritable maison familiale d'André Charlier, celle qui vit grandir ses trois filles : Marguerite-Marie née en 1930, Anne-Marie en 1932, et Marie-Elisabeth en 1933.
Quelques amis fidèles venaient régulièrement visiter les Charlier à Pullay : Jeanne Maritain, qui avec sa mère Madame Favre avait été l'amie de Péguy ; Léo Steck, un peintre suisse allemand qui avait travaillé à la Ruche en même temps qu'Henri Charlier. Steck n'était pas catholique, tout comme Henri à l'époque, et il jouait du violoncelle dans le trio que celui-ci avait créé. Léo Steck suivit l'exemple des frères Charlier, il se convertit et en 1925 il reçut le baptême des mains du Père Abbé Dom Fulbert Gloriès à l'abbaye de la Pierre-qui-Vire, avec André et Alice Charlier pour parrain et marraine. Il avait été préparé au baptême par le prieur de l'abbaye, Dom Romain Guillauma. André Charlier demanda ensuite à Steck d'être le parrain de sa deuxième fille, Anne-Marie.
Abbaye de la Pierre-qui-Vire, 8 septembre 1925, baptême de Léo Steck (entre sa femme et le Père Abbé Dom Fulbert Gloriès), filleul d'André et Alice Charlier 
Le docteur Louis Pichet, membre des Cercles d'études thomistes qui se réunissaient alors à Meudon chez Jacques et Raïssa Maritain, venait aussi souvent les dimanches à Pullay. André Charlier le considérait comme son meilleur ami, celui auquel il était « le plus attaché, à cause de sa délicatesse d'âme et de sa sainteté. » (Journal d'André Charlier) Il était le parrain de Marie-Elisabeth Charlier, et lorsqu'il passait la journée à Pullay, il faisait de la musique avec André. Chose étonnante, cette humble maison d'un tout petit village de province, habitée par une famille très modeste, reçut la visite de deux personnages illustres. Il y eut ainsi le grand poète, auteur de pièces de théâtre, et ambassadeur de France : Paul Claudel, qui rendit visite à André Charlier au mois de mai 1930. André était entré en correspondance avec lui en 1925, non comme littérateur, mais simplement en artiste qui admirait et aimait la poésie et le théâtre de Claudel.
Le docteur Louis Pichet et Henri Charlier 
Claudel s'intéressa à ce nouveau correspondant, et l'invita même à faire partie de la coopérative de prières qu'il avait fondée avec Francis Jammes et Gabriel Frizeau. Charlier accepta l'invitation avec joie et s'adjoignit à la coopérative dès 1926.  En 1929 Claudel, qui était alors en ambassade à Washington, mit son fils Henri à l'École des Roches et le recommanda à André Charlier. Entré à Verneuil en septembre, Henri Claudel ne devait y rester que jusqu'à Pâques 1930, ses parents ayant décidé de l'envoyer en Angleterre après Pâques. Claudel écrivit alors à André Charlier : « Mon fils ne cesse de parler de vous avec affection et enthousiasme. Vous avez été la grande influence formatrice sur cette jeune âme, le maître idéal suivant l'esprit de Dieu et le cœur chrétien…» Charlier et Claudel continuèrent de correspondre et leur échange dura pendant trente années, jusqu'à la mort de Claudel.
Paul Claudel 
En janvier 1931, ce fut au tour de Jacques Copeau de rendre visite aux Charlier à Pullay. André l'avait invité à l'École des Roches pour y donner une lecture d'œuvres littéraires aux élèves (il lisait admirablement). Après avoir été l'un des fondateurs de la Nouvelle Revue Française, Copeau avait créé en 1914 à Paris le théâtre du Vieux-Colombier qui eut un prestige considérable. Il revint une deuxième fois à Pullay en 1932 juste après la naissance d'Anne-Marie Charlier. Copeau écrivit lui-même quelques pièces. En 1936 il entra à la Comédie Française comme metteur en scène, puis en devint administrateur en 1940, jusqu'à ce que l'occupation allemande l'oblige à renoncer à cette fonction. André Charlier le considérait comme le grand restaurateur de l'art dramatique. Après la mort de Copeau en 1949, il se vit confier tous ses manuscrits en vue de la publication.
Jacques Copeau (fondateur de la NRF, créateur du Théâtre du Vieux-Colombier puis administrateur du Théâtre de la Comédie Française) 
Durant les années qui précédèrent la deuxième guerre mondiale, André Charlier entreprit de faire découvrir la musique à ses élèves des Roches. Dans ce but il organisa, sous le nom de “Cembalo Club”, des soirées musicales au cours desquelles il donnait des concerts de clavecin dans différentes maisons des Roches. Deux musiciens français alors peu connus du public, Jean-Philippe Rameau et François Couperin, furent à l'honneur de ces concerts. Dans le même but, désireux de donner à ses élèves une véritable culture par le contact avec les grandes œuvres d'art, André Charlier prenait une part active aux représentations par les élèves de l'École des Roches de pièces de Molière, de Shakespeare, et de Charles Péguy dont ils jouèrent l'intégrale du Mystère de la Charité de Jeanne d'Arc. Il fut lui-même un acteur et un metteur en scène de premier ordre. Comme maire de Pullay, André Charlier ne limitait pas ses fonctions à présider les mariages civils et l'appel des morts du 11 novembre. A la fête annuelle du village, il monta des farces avec les habitants de Pullay. La Farce de maître Pathelin a laissé un souvenir impérissable, tellement le public se tordit de rire. Rendant régulièrement visite à son beau-frère Dom Laurent Caquereau, bénédictin à la Pierre-qui-Vire, André Charlier fit la connaissance de Dom Romain Guillauma, qui fut prieur de l'abbaye dans les années précédant la seconde guerre mondiale. Une amitié très profonde naquit entre les deux hommes, qui dura jusqu'à leur mort. C'est à la demande de Dom Romain, en 1936, qu'André Charlier écrivit le seul récit sa conversion qui ait été rendu public jusqu'à ce jour. La même année, André avait noté dans son Journal la réflexion suivante, qui jette une lumière sur l'œuvre imminente de Maslacq et de Clères : « Je marquerai en ce jour de Pentecôte qu'il y a en moi un assez beau feu, trop humain sans doute, trop peu nourri des flammes du Saint-Esprit, mais tout de même ardent, et qu'il est peut-être temps de lui donner quelque chose à consumer. Il est temps de périr ou de faire quelque chose. La longue patience qui a lentement mûri et nourri cette ardeur aura au moins eu ce résultat que nul sacrifice ne sera trop dur. Et dans les temps que nous allons vivre quels seront les sacrifices ? de quel ordre de grandeur ? Alice disait ces jours passés que je ne pleurais jamais. Elle ne sait pas que je pleure d'impatience et du besoin immense de soulever enfin un poids à ma mesure. Mourir à côté de cela me paraît peu de chose. »
Le prix d'une œuvre Maladie et mort d'Alice Charlier En 1937 Alice Charlier fut gravement atteinte de la tuberculose, maladie dont ses parents et sa jeune sœur étaient morts, et que son frère Dom Laurent devait lui aussi contracter l'année suivante. Alice fut soignée avec dévouement par leur ami le docteur Pichet. Ne pouvant assurer seul les tâches domestiques jointes à son métier de professeur, André se vit contraint de confier sa fille aînée Marguerite à Henri et Émilie, au Mesnil-Saint-Loup. Au début de l'année 1938, André Charlier commença alors une nouvelle partie de son Journal, écrite non plus pour lui-même comme les parties précédentes, mais à l'intention de ses trois filles, comme il s'en explique à la première page en s'adressant à elles. Il s'agit donc d'un entretien intime avec ses filles, que Charlier poursuivit durant trente ans, jusqu'à la fin de sa vie. Cette dernière partie du Journal est un témoin irremplaçable de l'œuvre d'André Charlier aux Roches, envisagée de l'intérieur, de son propre point de vue et par rapport à ses légitimes aspirations de père de famille. En écrivant ce Journal pour ses trois filles, André Charlier leur a fait le plus beau cadeau qu'un père puisse faire à ses enfants : il leur a livré le secret intime de son âme, et ce qui a fait la fécondité de son œuvre spirituelle auprès des jeunes. Au mois d'avril 1938, André Charlier fit un pèlerinage à pied, entièrement seul, de Brezolles à Notre-Dame de Chartres, pour demander à la Sainte Vierge la guérison d'Alice et placer ses trois enfants sous sa protection.
En septembre, il fut mobilisé pendant une huitaine de jours comme capitaine de réserve. Quelques mois plus tard, pressentant le double sacrifice de la mort d'Alice et de la séparation d'avec ses filles en raison de l'imminence de la guerre, il leur écrit dans son Journal : «  Je souhaite que vous puissiez vous passer de moi, vous détacher même de moi, le plus tôt possible. Vous comprendrez peut-être plus tard que ce n'est pas une mince preuve d'amour que d'écrire cela. » En 1939, la déclaration de guerre l'obligea finalement à confier sa femme malade et leurs trois filles à Henri et Émilie, qui les installèrent avec eux au Mesnil-Saint-Loup, Alice étant logée dans une maison voisine pour éviter la contagion. Le 25 août 1939, André Charlier fut de nouveau mobilisé et partit le jour même pour Domfront, mais en raison d'une grave crise hépatique il fut envoyé à l'hôpital et dut ensuite rester au dépôt jusqu'à la fin de l'année. 1940 fut sans aucun doute pour André Charlier l'année la plus douloureuse de sa vie, celle du grand sacrifice voulu par Dieu en vue de la mission qu'Il lui destinait aux Roches. La double épreuve de la mort de sa femme et de la séparation d'avec ses trois filles, jointe à celle de la signature de l'armistice et la débâcle de l'armée Française, opérèrent dans le cœur d'André Charlier un arrachement douloureux, qui acheva de le purifier de tout désir d'une quelconque réalisation temporelle. Le 18 mars, qui en 1940 tombait le Lundi Saint, Alice Charlier s'éteignit au Mesnil-Saint-Loup.
Le capitaine Charlier, 1939 - 1940
André obtint une permission exceptionnelle pour assister à l'enterrement qui eut lieu le Mercredi Saint. Mais il ne put arriver qu'au moment de la messe, et on dut même l'attendre pour la fermeture du cercueil de sa femme. Le lendemain, dans son Journal, il s'adressa à ses filles en ces termes d'un réalisme qui dévoile la profondeur de sa douleur intime: « 21 mars 1940 — Hier nous avons conduit Maman au cimetière et il n'y a plus maintenant qu'une petite butte de terre qui indique qu'elle est là. Si jeunes, vous étiez pourtant préparées à cet événement dont vous ne sentirez l'importance que bien plus tard. (...) Vous prenez cet événement avec la simplicité de l'enfance, qui nous donne des leçons même pour la mort. Mais vous ne savez pas encore que ces événements-là sont pour les hommes des sortes de haltes, où on s'arrête pour peser tout son passé ; et vous apprendrez un jour que ces opérations sont aussi douloureuses que si on vous ouvrait le corps pour en arracher le cœur. »
Alice Charlier, 1899 - 1940
Nulle part dans l'œuvre écrite d'André Charlier nous ne trouvons des lignes semblables à celles-ci, où sa douleur s'exprime avec une pareille véhémence. Il y fait seulement une discrète allusion, dans une méditation sur l'espérance publiée environ quinze ans plus tard dans les Cahiers de Maslacq, sous le titre Ut abundetis in spe. Les termes dont André se sert pour évoquer la transformation de ses espoirs de jeunesse en espérance théologale sont les mêmes que ceux de ce passage du Journal relatif à la mort d'Alice : « Nos espoirs de jadis se sont transformés. Les espoirs d'un jeune homme vont toujours vers une certaine réalisation temporelle. Quand ils tendent à devenir une vraie espérance surnaturelle, ils rentrent peu à peu dans l'obscurité de la foi, comprenant qu'il eût été sage de n'en point sortir. (...) Cette opération de nettoyage si radicale n'est autre qu'une purification analogue à celle que connaissent les mystiques : elle est seulement à l'échelle, non plus de l'individu, mais de l'humanité. Notre cœur a bien saigné, au point que nous avons cru qu'on nous l'arrachait, mais maintenant c'est fini. On va pouvoir respirer. Le génie de Bernanos a toujours eu des éclairs extraordinaires ; “Pour rencontrer l'espérance, écrivait-il, il faut être allé au-delà du désespoir”…» Aussitôt après l'enterrement d'Alice, le capitaine Charlier reprit le chemin de l'armée. La retraite militaire le conduisit avec ses hommes dans le petit village des Esseintes, près de la Réole (Gironde), où ils apprirent la nouvelle de la signature de l'armistice. André Charlier y passa encore le mois de juillet, et fut démobilisé aux environs du 20 août. Il rejoignit aussitôt son frère et ses filles, réfugiés depuis l'exode de juin à Longechaud, village d'Auvergne non loin d'Ambert. Il fit alors des démarches pour trouver un poste d'enseignant dans cette région, et demanda à Henri Pourrat, l'écrivain ami des Charlier qui habitait Ambert, de l'aider. Mais leurs recherches demeurèrent vaines. André Charlier essaya alors de reprendre contact avec l'École des Roches, et finit par apprendre qu'en raison de la guerre elle s'était repliée au château de Maslacq, petit village des Pyrénées-atlantiques. Devenu veuf, et séparé de ses trois filles par les circonstances nationales, Charlier eut de nouveau le pressentiment qu'il entrait dans une période où allait se jouer sa propre mission, car il note pour ses enfants dans son Journal le 26 août 1940 : « Trouverai-je une cause qui veuille de moi ? Ah ! Maintenant il n'y a plus un instant à perdre si je veux que tout soit net le jour de ma mort… C'est la partie décisive qui s'engage, à laquelle vous assistez sans vous doutez de l'importance qu'elle a pour moi.» Au mois d'octobre 1940, il réintégra le corps professoral des Roches à Maslacq. Et la cause dont on le chargea l'année suivante, sans qu'il l'eût cherché ni voulu, fut d'exercer son métier d'éducateur — que saint Grégoire le Grand appelle « l'art des arts » — non plus en tant que simple professeur, mais comme directeur de l'École des Roches de Maslacq.
André Charlier directeur d'école malgré lui André Charlier passa seul à Maslacq l'année scolaire 1940-1941. Dans le courant de cette année, la direction de l'École des Roches décida le retour du corps professoral à Verneuil en Normandie. Mais Maslacq avait ouvert ses portes aux élèves du Sud-Ouest de la France, ce qui semble-t-il empêcha la fermeture immédiate de cette filiale béarnaise. C'est alors que l'on demanda à André Charlier d'en assumer la direction. Il resta toujours très discret sur les circonstances de cette nomination, mais il ressort du Journal pour ses enfants et des confidences faites à son frère Henri que cette fonction lui fut en quelque sorte imposée, et qui plus est, juste au moment où il avait pris la décision de quitter l'École des Roches. La direction de Maslacq aurait dû en effet être confiée à l'un des professeurs, Monsieur Garronne (frère du Cardinal), mais celui-ci fut appelé entre-temps à faire partie du gouvernement de Vichy. La seule personne qui possédait les qualités pour exercer la charge de directeur de Maslacq était André Charlier. Or, il venait de donner sa démission. Il fallut donc le convaincre d'accepter cette fonction, et il est fort probable qu'une professeur de littérature nommée mademoiselle Duplâtre s'y employa, car elle le connaissait et l'appréciait depuis plus de quinze ans, non seulement comme enseignant mais surtout comme artiste et homme de lettres, et c'est elle qui allait devenir sa deuxième épouse. Voici comment André Charlier s'explique auprès de ses filles de sa nomination comme directeur : « ll est évident que Dieu m'a voulu où je suis. Ce n'est pas moi qui ai choisi. Tout ce que j'ai tenté en dehors a échoué. Je n'ai jamais réussi à quitter cette École. Lorsque j'ai donné ma démission, les circonstances ont voulu que la direction me fût imposée au moment où je m'en allais.  » (Journal, 21 janvier 1954) Aussi fut-ce dans une grande obscurité intérieure qu'il accepta cette charge de directeur de l'École de Maslacq : il y voyait certes la volonté de Dieu, mais en même temps il se sentait totalement étranger au tour nouveau que sa vie était en train de prendre. Or cette charge allait peser durant vingt-et-un ans sur ses épaules, lui occasionnant de surcroît de nombreuses difficultés de tous ordres (insuffisance des aumôniers, lâchage de certains professeurs en cours d'année dont Charlier dut assurer lui-même les remplacements, etc). C'est alors qu'il décida de se remarier. Le 6 août 1941 il épousa en deuxièmes noces Jeanne-Marie Duplâtre, enseignante aux Roches depuis les années de Verneuil. André Charlier allait sur ses 46 ans, et sa deuxième femme en avait 49. La cérémonie de mariage eût lieu dans l'église de Saint-Martin-des-Olmes (Puy-de-Dôme), paroisse d'accueil d'Henri et Émilie Charlier en exode à Longechaud et Henri Pourrat fut le témoin d'André Charlier.
A la rentrée des classes, André Charlier était donc le nouveau directeur de l'École des Roches de Maslacq. Il avait fait revenir ses trois filles auprès de lui, dans l'espoir de pouvoir leur donner un foyer. Mais cet espoir fut de courte durée. Non seulement sa deuxième femme était occupée à le seconder dans l'organisation matérielle de l'École (où elle réussissait remarquablement), mais elle n'avait point la fibre maternelle. D'autre part la famille Charlier n'avait pas de logement personnel en dehors du château de Maslacq où se déroulaient les cours, les trois filles Charlier ne vivaient donc point en famille avec leur père, mais dans la “famille” élargie des élèves et professeurs qui vivaient côte à côte dans le cadre de l'Ecole.
André Charlier et ses filles à Maslacq, en 1942
Sans doute est-ce la conscience de cette impossibilité de créer un véritable foyer à ses enfants, survenant après la mort de sa femme et la défaite de l'armée Française, qui acheva de miner l'état de santé d'André Charlier et provoqua le mal qui le terrassa à l'automne 1942 : souffrant d'hémorragies digestives consécutives à un ulcère, il dut être hospitalisé en urgence dans un état de gravité extrême. On dut le transporter dans un fauteuil depuis le château jusqu'à l'ambulance car il ne pouvait plus marcher. Il fut conduit dans une clinique de Pau, où il séjourna plusieurs semaines, confiant la direction de l'École à sa femme secondée par l'aumônier. Dès lors, le Journal qu'André rédigeait pour ses enfants devint le témoin du sacrifice total de sa vie personnelle et de son foyer, revenant sans cesse, année après année, sur ce sacrifice qu'il assimilait à juste titre à celui que font les religieux dans la vie monastique : « Voici bientôt six ans, écrit-il le 25 mars 1946, que je suis rivé à cette tâche, dans laquelle j'ai réussi avec le concours merveilleusement intelligent de Jeannie (madame Charlier). Elèves, parents, professeurs, tout le monde s'accroche à moi et personne ne peut admettre la pensée que cette œuvre pourrait disparaître. Mais ils ne se doutent pas que ce qui se fait ici exige l'anéantissement de moi-même. — Jeannie elle-même, qui est mon témoin de chaque instant, s'en doute-t-elle ? Tout passe à travers moi, mais je n'existe pas. Et cependant vous grandissez à côté de moi, je vous embrasse deux fois par jour, je vous dis quelques mots dans la journée, il n'y a qu'une cloison entre nous, et j'ai l'impression horrible que je deviens pour vous un étranger et que je vous connais de moins en moins. Cet anéantissement n'est possible que dans la vie monastique. » Lignes extrêmement douloureuses, qui mettent en lumière le secret de la fécondité de l'action de Charlier en tant que directeur des Roches. Or, le sacrifice familial d'André Charlier n'était pas encore entièrement consommé. En 1948 il dut à nouveau se séparer de ses deux dernières filles (l'aînée étant déjà étudiante), car la charge de Maslacq l'absorbait de plus en plus, ne lui laissant plus aucun espoir de parvenir un jour de constituer ce foyer qui leur manquait. Il décida de les confier de nouveau à Henri et Émilie, et les mit en pension non loin du Mesnil-Saint-Loup, au Cours Saint-François de Sales à Troyes. Son Journal revient sur cette séparation, qui allait être définitive puisque ses deux enfants approchaient de la fin de leurs études secondaires : « Les yeux étaient gros de larmes. C'est qu'elles savent qu'elles ne reviendront pas à Maslacq en octobre : c'est une tranche de leur vie qui est terminée. Serons-nous plus jamais tous réunis à Maslacq ? Vous avez eu ici une vie fort agréable en somme, et je pense qu'elle restera pour vous comme un beau souvenir. Pas un vrai foyer sans doute, mais qu'y puis-je ? J'ai dû sacrifier cela à l'Ecole, et ce n'est pas moi qui ai voulu assumer cette charge. Ma vie ici aura été une singulière opération de détachement. (…) Et je me disais, après ce départ définitif, que je ne vous avais sans doute pas donné ce que j'aurais dû vous donner. Heureusement, il y a un autre plan humain, et sur ce plan-là tout peut se compenser. »
Les 3 filles d'André Charlier, de gauche à droite : Marie-Elisabeth, Anne-Marie (Nanette), et Marguerite Après la séparation définitive de leur père, celui-ci note dans son Journal : « Nanette m'écrit : “Papa, tu me dis que tu ne peux plus rien du tout pour nous. Ne dis pas cela, c'est trop triste et d'ailleurs ce n'est pas vrai, parce que tu pries pour nous.” Il est pourtant vrai qu'en dehors de la prière je ne puis rien pour vous. Ce n'est pas triste, c'est ainsi. » 
L'année suivante, en 1949, il écrit : « J'ai mesuré mieux que jamais ce que Dieu m'a demandé lorsqu'Il a voulu que je me séparasse de vous. Je suis sûr au moins que c'était Sa volonté. Car ce n'est pas moi qui me suis chargé moi-même de la tâche qui pèse sur moi… Seulement je sais tout de même que mon premier devoir vous regarde, et il m'est presque impossible de remplir ce devoir. » Et quelques mois plus tard, il ajoute encore ces lignes d'un réalisme qui nous paraît presque dur : « Encore un Noël loin de vous. Nanette m'écrit : “Papa, tu me dis que tu ne peux plus rien du tout pour nous. Ne dis pas cela, c'est trop triste et d'ailleurs ce n'est pas vrai, parce que tu pries pour nous.” Il est pourtant vrai qu'en dehors de la prière je ne puis rien pour vous. Ce n'est pas triste, c'est ainsi. » Tel fut le sacrifice que Dieu demanda à André Charlier pour l'accomplissement de sa mission qui fut de former et de porter les âmes des élèves dont il eut la charge aux Roches. Il le constate une dernière fois dans le Journal pour ses enfants, après l'installation à Clères en Normandie : « Je réfléchis que je n'aurai pu faire que bien peu pour vous. Je vous vois à peine de loin en loin. Je ne sais pas grand chose de vous. Voué à m'occuper des enfants des autres, je me vois impuissant pour les miens sinon par la prière. Et puis cette grande maison n'est pas une maison de famille, je m'y sens moi-même étranger. » C'est là, dans le sacrifice de sa vocation de musicien et de sa vie de famille, que l'œuvre éducatrice d'André Charlier puisa toute sa fécondité.
L'œuvre de Maslacq et de Clères L'œuvre de formation de la jeunesse d'André Charlier ne peut être comparée à aucune autre, en raison de son originalité et de la haute conception qu'il se faisait de l'éducation. Henri Charlier, auteur d'un maître livre sur la réforme de l'enseignement, voit dans la formation paysanne de son frère à Cheny « l’origine si peu scolaire de sa direction et de ces fusées de fantaisie qui faisaient de la vie au collège un côté de la vie familiale. (…)  Il dirigeait une école très libre dans sa discipline et son organisation ; il avait appris la viticulture, non dans une école, mais avec des vignerons intelligents ; il avait continué ses études pendant sa convalescence après la guerre de 1914 au coin du feu en hiver et sous la treille pendant la belle saison, tout en aidant au jardin potager. Il était donc très novateur, ne s’inquiétant guère d’imiter ce que faisait l’État, croyant à l’acquisition de l’expérience et du savoir, non aux diplômes, le contraire en somme de ce qui nous est imposé. » Et André Charlier lui-même a expliqué quelles étaient ses préoccupations lorsqu'il prit la charge de l'École : « Ayant la responsabilité de l'École des Roches, la seule chose qui me paraissait indispensable et urgente était de faire passer en elle un certain goût de perfection, de mettre ce goût dans la vie physique, dans la vie intellectuelle, dans la vie spirituelle, dans les rapports humains, dans le métier scolaire, dans les jeux mêmes. C'est une idée étrange sans doute. Je trouvais cela beaucoup plus important que les méthodes pédagogiques. » (Que faut-il dire aux hommes) Le secret de la réussite d'André Charlier dans son métier ne tient ni à des “méthodes” particulières, encore moins à des “recettes” toutes faites, mais à ce sens de la perfection, dont l'exigence était si perceptible dans les moindres activités quotidiennes qu'un ancien a pu écrire après la mort de Jean-Marie Grach et Hervé Giraud, deux capitaines en qui André Charlier voyait les “fils les plus fidèles de l'Ecole” : « Nous avons le devoir d'être des saints. » La part personnelle d'André Charlier dans la marche quotidienne de la maison qu'il dirigeait fut extrêmement riche, faisant appel à ses talents divers et complémentaires. Afin de donner une idée de l'exigence spirituelle dont il se faisait le témoin et le gardien, voici le texte d'un appel qu'il prononça devant les élèves de Clères un soir de 1957, avant la retraite de Carême : « Demain soir commence la retraite, prêchée pour les catholiques par le R. P. dom Sébastien, prieur de l'abbaye de Tournay, et pour les protestants par le pasteur Charlet. Je vous demande de vous placer dans l'esprit de recueillement qui convient à une retraite. Essayez de vous mettre sérieusement en face de vous-mêmes. Malgré votre jeune âge, vous traînez chacun au fond de votre âme un amas de décombres et de détritus qui vous pèse sans que vous vous en rendiez compte : c'est le moment de voir les choses clairement d'un œil impitoyable et de jeter par-dessus bord toutes les cendres accumulées. Ce n'est plus le moment de prendre prétentieusement les allures de sceptiques et d'esprits forts que vous prenez si volontiers et qui vous rendent si ridicules. L'heure qui sonne est celle de l'humilité, celle du “cœur broyé et humilié”. Je vous demande, après l'instruction, de regagner vos maisons sans bruit et de garder un silence absolu au coucher. » C'est par de telles paroles, jointes à l'application qu'il en faisait dans sa propre vie, qu'André Charlier fut le grand animateur de Maslacq puis de Clères.
En sus de ses fonctions de directeur, il dut assumer les charges de professeur de littérature, de latin, et même de philosophie pour remplacer un professeur parti en cours d'année. Les Journées organisées à Maslacq à partir de 1947 et ensuite à Clères, tout en rassemblant des conférenciers sur des thèmes divers, furent l'occasion de représentations artistiques, musicales ou théâtrales de grande qualité, auxquelles André Charlier apportait son concours. Il se faisait alors musicien interprète (pianiste, claveciniste) et compositeur. Il fit venir aux Roches des musiciens réputés. Ainsi Jane Bathori qui avait chanté sous la direction d'Erik Satie et de Claude Debussy, vint accompagnée d'Irène Joachim pour donner en récital La mort de Socrate, de Satie. Le Quintette Jamet, le Quattuor de Prague, la claveciniste Aimée Van de Wiele donnèrent des concerts, tandis qu'avec le violoncelliste André Lévy c'est André Charlier lui-même qui interpréta la Sonate pour violoncelle et piano de Claude Debussy. Le baryton Gérard Souzay fut aussi invité par Charlier à se produire devant les élèves, et une amitié naquit entre les deux hommes. Surtout, André Charlier se remit à composer de la musique : des cantiques pour les temps de l'année liturgique et les fêtes des saints, des mélodies, de la polyphonie et de la musique instrumentale ; des œuvres pour piano, des musiques de ballet pour quelques pièces de Molière : L'Amour médecin, Monsieur de Pouceaugnac, Le Sicilien ou l'amour peintre, et un accompagnement scénique pour piano de Protée, pièce de Claudel qui fut représentée aux premières Journées de Maslacq.
Car André Charlier reprit aussi la mise en scène théâtrale : Molière, Shakespeare, Claudel, Tchekov, Goldoni, Gogol, Marivaux, Musset, furent joués à Maslacq et à Clères. A cela s'ajoutait la troupe de clowns qu'André Charlier avait créée, dans laquelle il excellait, et qui se donnait en spectacle aux enfants de l'École en plusieurs occasions, notamment lors du mardi-gras.
André Levy à Clères, avec l’ami d’André Charlier, Dom Romain Guillauma
André Charlier comédien, dans “La farce de Maître Pathelin”
André Charlier clown
Enfin André Charlier dirigeait aussi la chorale polyphonique de l'Ecole, et la schola grégorienne qui chantait aux offices célébrés les dimanches et jours de fête dans la chapelle de l'Ecole. L'essentiel de la formation donnée par Charlier aux élèves des Roches résidait dans la qualité exceptionnelle de vie spirituelle de l'Ecole. Il s'efforça toujours de maintenir dans le corps des professeurs et des capitaines — élèves juniors responsables de leurs camarades plus jeunes — un amour de la vérité qui marqua toute la vie de la maison, et particulièrement certaines âmes comme celles de Jean-Marie Grach et Hervé Giraud. Lorsque l'École quitta le château de Maslacq pour aller à Clères, André Charlier écrivit un admirable Adieu à Maslacq, sorte de mémorial de cette période béarnaise, dans lequel parmi les nombreux souvenirs de la vie de l'École, il n'a voulu retenir que l'histoire de Jean-Marie Grach et Hervé Giraud : « Encore enfants, ils étaient plus hommes que tant de nobles messieurs doctes et puissants. Ils sont les premiers dont j'ai reçu une réponse, c'est pourquoi j'ai pour leur mémoire une tendresse particulière. (…) Jean-Marie Grach et Hervé Giraud m'ont appris que, même aujourd'hui, les âmes étaient capables d'écouter, pour reprendre le langage de Bossuet, “l'endroit où la vérité se fait entendre.“ »
« Il n’existait pas d’amitié plus belle que la nôtre. Je vous dis quelque chose que vous savez fort bien, mais c’est dans votre berceau qu’elle a pris naissance et c’est par vos soins qu’elle s’est forgée. Je vous ai dit bien souvent que les deux dernières années que j’ai passées à l’École avaient été les plus belles, les plus heureuses, et aussi les plus enrichissantes de ma vie. Jean-Marie vous a répété la même chose pour lui. Quand nous avons quitté ensemble pour la dernière fois ce vieux château de Maslacq, le 3 juin dernier, nous étions à tous points de vue, lui et moi, vous et lui, vous et moi, en parfaite communion d’esprit. Jamais des liens aussi solides, aussi véritables, n’ont existé entre hommes de générations différentes vous nous aviez donné à chacun tout ce que vous aviez à nous donner — mais vous nous l’avez donné à tous les deux de façon à nous compléter l’un l’autre, à ne faire qu’un. » Hervé était protestant, et Jean-Marie catholique. Et ce témoignage est d'autant plus exceptionnel que c'est l'exemple d'Hervé, alors capitaine, qui remit Jean-Marie sur le chemin de la foi.
Le 2 juillet 1950 André Charlier annonça officiellement que l'École partait définitivement du château de Maslacq, où elle avait passé dix années. La rentrée suivante se fit à Clères (Seine-Maritime), dans les locaux du Collège de Normandie qui avait fusionné avec l'École des Roches. André Charlier en assura la direction jusqu'à sa retraite.
Le château de Maslacq, loué à l’Ecole des Roches de 1940 à 1950
Les dernières années En 1962, André Charlier quitta l'École des Roches et prit sa retraite à Neyrieu-Saint-Benoît (Ain), où sa femme avait une maison. Le 25 août 1966, il se réunit avec ses filles et ses petits-enfants au Mesnil-Saint-Loup pour fêter les noces de diamant d'Henri et Émilie Charlier : ce fut la dernière réunion familiale qui les rassembla tous au Mesnil. André Charlier passa sa retraite à donner des conférences en divers lieux (Paris, Lausanne, Bordeaux, Écalle-Alix…) Un événement de marque fut la conférence qu'il donna en 1962 au Grand Théâtre de Bordeaux, publiée ensuite sous le titre Essai sur le génie Français : Jean de la Fontaine et François Couperin. Cette conférence d'André Charlier, au cours de laquelle il lut plusieurs fables de La Fontaine, alternait avec des pièces de Couperin interprétées au clavecin par Aimée Van de Wiele. Charlier rédigea aussi une traduction du Commentaire de Saint Thomas d'Aquin sur la deuxième épître de saint Paul aux Corinthiens, et à la fin de décembre 1967 parut son livre Le chant grégorien (écrit en collaboration avec son frère), qu'il considérait comme son testament. En 1970, sa santé déclinant, André Charlier envisagea de s'installer auprès de sa deuxième fille Anne-Marie, mariée dans les Pyrénées. Des travaux d'aménagement furent entrepris dans la maison familiale afin d'accueillir les époux Charlier. André se réjouissait à cette perspective, ainsi qu'en témoigne la dernière lettre qu'il écrivit à sa fille. Dans cette lettre émouvante il jette un regard sur sa propre vie : 3 Mars 1971 Ma chère Anne-Marie, C'est avec quelque retard que je viens te souhaiter ton anniversaire. Que Dieu bénisse ton foyer et accorde à Bernard la prospérité qu'il mérite. Nous sommes très émus à la pensée de partager bientôt votre vie : cela nous est une grande douceur, sur le penchant d'une vie qui a été plutôt sévère. J'ai peur que mon infirmité fasse de moi un personnage encombrant. J'avoue que je ne suis pas encore habitué à mon état. Je pense aussi à tout l'embarras que vont donner tous ces travaux. Jadis quand je pensais à la fin de ma vie, presque toujours je formais le vœu de m'en aller aussi discrètement que possible. Il faut bien accepter les choses de la vie comme Dieu nous les fait. Nous vous embrassons tous très tendrement. Papa. Mais cette dernière douceur familiale ne devait point être accordée à André Charlier. En effet, l'aggravation de son état de santé l'obligea à entrer dans une maison de retraite de la rue des Martyrs à Paris, où il mourut le 8 août 1971. Au cours de la messe de funérailles qui fut célébrée dans la chapelle de la maison de retraite, le Père de Chivré, ami d'André Charlier donna un dernier témoignage devant sa dépouille mortelle : « Cette Foi diffuse dans sa pensée, dans ses conversations, dans son immense culture, dans la traduction de son art musical, lui donnait une continuité d’expression en pleine possession vertueuse d’un caractère fougueux, ardent, aussi affirmatif et bon sur la finale de sa vie qu’il l’avait été héroïquement, enfoui au fond d’une tranchée, la poitrine traversée de deux balles, à la grande guerre. » André Charlier est enterré au cimetière du Mesnil-Saint-Loup, aux côtés de sa première femme Alice, près de la tombe d'Henri et Émilie. François Laignier
 Berthe Charlier 1861-1902
Lignes prophétiques, qui annoncent déjà sans le savoir le grand sacrifice sans lequel l'histoire de Maslacq n'aurait jamais pu voir le jour : la mort de sa femme, puis le renoncement à mener une vie de foyer normale avec ses trois filles. Ce renoncement, qui allait lui être imposé par la situation de guerre, marqua au fer rouge les vingt-et-une années de directorat de l'École des Roches et permit à André Charlier de porter les âmes des élèves, le seul poids qui fut véritablement à sa mesure.
André et Alice Charlier avec Marguerite et Anne-Marie, à Pullay en 1933
Et le meilleur hommage que nous puissions rendre à l'œuvre d'André Charlier aux Roches est de rappeler ces lignes de la dernière lettre qu'Hervé Giraud lui écrivit, sous le coup de la mort de Jean-Marie Grach au front en novembre 1944 :
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