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6 mai 2010 4 06 /05 /mai /2010 10:17

Mediation-Culturelle.jpgJe me suis posé plein de questions ces deux dernières semaines alors que je travaillais d’arrache pied pour préparer ma première visite guidée au Musée Ruhr. Je me suis demandé pourquoi on nous emmène dans les musées de toute sorte et partout dans le monde dès notre plus jeune âge. Souvent, on se rend compte que les gamins y sont parqués comme s’ils allaient au centre aeré, ou pire, au paradis des enfants Ikea. Eux mêmes ne savent pas pourquoi ils sont là. Quand je me trouve en face d’une classe qui visite un musée, je pose souvent la question « Pourquoi vous visitez ce musée ? Qu’est-ce que vous vous attendez à voir ? ».

 

Si on réduit le champ de réflexion à l’art contemporain, je dirais en premier lieu – je ne me lasse jamais de le dire et donc je le repète – que ce dernier est avant tout une des expressions du monde qui nous entoure. Même les mauvais artistes nous disent quelque chose sur le monde actuel, et heureusement qu’ils sont là, parce que si toutes les oeuvres exposées étaient des chefs d’œuvre, on pourrait croire que le monde d’aujourd’hui est parfait ! Par exemple, le succès que ledit « street art » connaît à Milan depuis quelques années avec des expositions dans les galeries et même dans les musées, nous explique que le « pouvoir » essaye de récupérer une expression artistique avant tout contestataire. « Si on ne peut pas éviter que les murs de nos maisons soient barbouillés, on invite ces gentils garçons à barbouiller les murs des galeries » Voilà, même le street art a été absorbé par ce qu’on appelait autrefois « l’art académique ».

Si on visite les musées d’art ancien, on se sent rassuré et on profite d’un choix que le temps et les spécialistes ont pu faire en toute tranquillité. C’est pour cette raison que souvent on croit que les tableaux ou les sculptures qu’on admire dans ces musées possèdent le label « sélectionné par l’histoire » et doivent forcement être des chefs d’œuvre. Et quel sacrilège de dire que les tableaux de tel ou tel artiste ne le sont pas ! Quand on visite un musée d’art ancien, on éteint notre sens critique à l’entrée, avec notre portable.

L’art contemporain nous demande une réponse, ou au moins une réaction. C’est cela qui fait peur : exprimer notre opinion sur quelque chose que nous (seulement nous) pouvons bien comprendre, parce que nous pataugeons complètement dedans. Comme la politique, je dirais (mais ne me provoquez pas sur ce sujet !).

 

Par conséquent, les visites guidées, les conférences, les discussions et les livres sur l’art contemporain ont pour objectif de ne pas enseigner des notions ou une voie toute tracée qui nous dirait comment on doit comprendre les œuvres. Ils nous proposent une vision, ils nous posent des questions, ils réveillent notre sens critique (ou au moins ils le devraient).

 

Méd CulturelleL’art contemporain, les artistes et tous ceux qui travaillent dans ce domaine ont besoin de la réponse du public, de ses provocations, d’avoir en face des gens qui savent faire marcher leur cerveau. Non pas de ceux qui acceptent passivement tous les objets qui se trouvent dans un musée juste parce qu’ils sont là. Mais attention, ils ne vous le diront jamais, même pas sous la torture ! Tous ces gens (artistes, curateurs, galeristes etc.) adorent penser que l’art contemporain est un domaine pour initiés et connaisseurs, avec ses codes, ses styles et son système bien cachés. Ils s’en fichent du public. Si l’art contemporain reflète en quelque sorte le monde actuel, dans ses mécanismes et dans ses expressions, qu’est-ce que tout ça nous dit sur le monde dans lequel nous vivons ?

 

Toutes les photos appartiennent aux projets du photographe allemand Thomas Struth, qui refléchit à travers ses clichés au rapport entre les oeuvres d'art, le musée et les visiteurs.

 

Source http://www.paperblog.fr/3172319/pourquoi-la-mediation-culturelle/

03/05/2010

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6 mai 2010 4 06 /05 /mai /2010 09:53

Georges Vandalle (58 ans)

Médiateur culturel

 

> Quelle formation avez-vous suivie ?

- Je suis tout d’abord titulaire d’une maîtrise d’histoire, puis d’un master tourisme et environnement que j’ai obtenu après avoir été médiateur culturel. J’ai également travaillé en tant que bénévole dans la culture, j’ai cette volonté de vouloir faire passer un message.

Je suis devenu professeur initialement, par la suite je suis devenu médiateur culturel pendant un temps et je suis revenu au métier d’enseignant.

> Dans quel contexte avez-vous été embauché en tant que médiateur culturel ?

- J’ai postulé de manière tout à fait classique au centre des archives de Douai. J’ai été médiateur culturel entre 1981 et 1987.

> En quoi consistait votre travail ?

- Nous étions deux au centre des archives et nous avions deux missions. La première était une mission d’initiation aux archives pour les enfants et les étudiants type IUFM, par exemple il s’agissait d’apprendre à des enfants à toucher des parchemins, à les regarder, à les lire, et cela sur plusieurs supports : papiers, parchemins, séries des documents par thèmes…

La deuxième mission consistait à organiser une exposition tous les deux ans sur l’histoire de la ville de Douai. Au total, sur mes années en médiation culturelle nous avons accueilli 10 000 personnes, ce qui fut un succès. Une autre opération de médiation a été la création de la première classe patrimoniale pluridisciplinaire. On prenait en charge des enfants d’environ 12 ans pendant une semaine et on les sensibilisait au patrimoine. On a organisé des fouilles archéologiques sur un faux site mais avec de vrais objets, on associait le travail scientifique et la fouille aux archives, on montrait des bâtiments sur une carte, on leur faisait dessiner des façades… C’était une opération exceptionnelle en 1987 car ce fut la première en France.

> Pourquoi avoir choisi de devenir médiateur à ce moment de votre carrière ?

- Je ressentais une certaine lassitude par rapport au métier de professeur, j’avais besoin de m’aérer, de changer de missions qui sont souvent les mêmes en tant qu’enseignant.

Le statut est différent et lorsqu’on a affaire à des enfants c’est un plaisir tout autre, on est dans le cadre d’une sortie donc les enfants n’ont pas le temps de vous tester. Puis c’est le côté recherche qui m’a plu. On étudie les archives et on fait aimer aux gens le territoire sur lequel on vit.

La notion de partage est mise en avant, et on doit adapter son discours en fonction des gens à qui on s’adresse. Il s’agit de penser la science en fonction de l’interlocuteur. Sur les trois expositions qu’on a montées, c’est-à-dire une sur le Moyen-âge, une sur le XVIIIe siècle et une autre sur la première partie du XIXe siècle à Douai, on a reçu principalement des seniors. Le type de public à qui on a affaire est donc très différent.

> Quelles sont les qualités nécessaires à l’exercice de la profession ?

- Les qualités dont on a besoin sont de grandes capacités d’adaptation, comme je disais précédemment, on a affaire à des publics parfois très différents. Mais aussi il faut avoir des capacités d’adaptabilité avec nos partenaires, car on peut travailler avec des gens très différents pour rendre un concept plus simple aux yeux du public. Il faut posséder la modestie d’aller chercher quelqu’un pour d’autres compétences sans fausse honte. Les connaissances doivent sans cesse être mises à jour, il faut aussi très bien maîtriser le sujet dont on parle sinon le message risque de ne pas bien passer. Il faudrait aussi savoir gérer des groupes, ce n’est pas vraiment un inconvénient mais ça peut l’être dans certains cas.

> Quels sont les inconvénients de la profession ?

- Les métiers de la culture sont des métiers peu reconnus mais dont on a besoin. Les compétences et les statuts sont mal définis. Les salaires sont très variables et les horaires aussi. Il ne faut pas redouter de travailler le dimanche.

> Avez-vous des conseils particuliers à donner aux étudiants qui voudraient faire ce métier ?

- L’avantage que j’ai eu, c’est d’avoir été professeur avant de devenir médiateur car j’avais la capacité de m’exprimer en public, de parler librement sans aucune forme de stress.

Il faut posséder un sens de la mise en scène si l’on veut être un bon médiateur culturel.

C’est un métier passionnant qui s’apprend sur le terrain, et si on aime ça, il ne faut pas hésiter.

> Que faites-vous à présent ?

- Je suis revenu dans l’éducation nationale et je suis devenu enseignant à l’université en 1994.

Je suis actuellement directeur des études pour le Master Métiers de la Culture à Lille 3.

Je m’occupe des stages et des accompagnements de projets de mes étudiants. Je donne des cours qui s’intitulent par exemple : « Organisation du territoire », « Gestion de projet », « Politiques culturelles », « Environnement administratif de la culture »… J’ai également appris à réaliser des maquettes pour le cursus.

> Que pensez-vous des débouchés qu’offrent les métiers de la culture ?

- Je pense qu’il faut chercher dans les intercommunalités : la commune, la région… Il y a des métiers en émergence qui sont accessibles par concours. On y fait de la communication, des relations publiques, de l’administratif, de la gestion et aussi un peu de droit. Il faut peut-être penser à ce qui se fait de plus en plus en ce moment, c'est-à-dire les poly-employeurs, le temps partiel est très fréquent dans la culture. Mais des postes vont bientôt se libérer dans la culture et l’éducation nationale, la pyramide des âges indique le départ en retraite de beaucoup de personnes d’içi à quelques années.

 

Source : http://www.studya.com/formations_metiers/culture_interviews/mediateur_culturel.htm

 

 

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4 mai 2010 2 04 /05 /mai /2010 14:08

- "La Médiation culturelle : enjeux politiques et professionnels", Bernadette DUFRENE & Michèle GELLEREAU, Hermès 38 : SIC, savoirs et pouvoirs, 2004

- "Culture et Communication : convergênces théoriques et lieux de médiation", Jean CAUNE, 2ème édition, 2006

- "L'effet Beaubourg, implosion et dissuasion", Jean BAUDRILLARD, 1977

- "Les territoires de la communication", Isabelle PAILLIART, 1993

- "La mise en culture des territoires", Article des colloques scientifiques, Violaine APPEL, Cécile BANDO, Hélène BOULANGER, Gaëlle CRENN, Valérie CROISSANT, Bénédicte TOULLEC, La Mise en culture des territoires : nouvelles formes de culture événementielle et initiatives des collectivités locales, 2007.

- "La médiation culturelle", Bernard LAMIZET, 1999

- "Les politiques publiques de la culture en France", Pierre MOULINIER, 2008

- "Affaires culturelles et territoires", Sous la direction de Philippe POIRRIER et Jean-Pierre ROUX, La Documentation Française, 2002

- "La politique culturelle des agglomérations", Alain FAURE & Emmanuel NEGRIER, La Documentation Française, 2001 

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28 avril 2010 3 28 /04 /avril /2010 15:11

Pourquoi faire de la médiation culturelle ?

 

« La médiation culturelle est donc multiple et ne prend sens que par sa pluralité. » C’est la raison pour laquelle les finalités qui peuvent justifier le recours à une technique de médiation sont elles aussi multiples :

La finalité politique : « la médiation culturelle est un projet de mise en commun des oeuvres de l’art et de la culture. »Dans cette optique la médiation culturelle se fait le chantre à la fois de la démocratisation et de la démocratie culturelle. Pour les défenseurs de cette approche, c’est d’une part, grâce à elle que le plus grand nombre aura accès aux valeurs patrimoniales constitutives de notre identité, et d’autre part, par elle que les expressions culturelles des différentes populations seront reconnues et valorisées.

-La finalité économique : rendre accessible une activité artistique ou culturelle à de nouveaux publics répond également à l’exigence beaucoup plus pragmatique de rentabilité. La médiation est ici perçue comme un moyen d’accroître la fréquentation des sites culturels et d’engendrer par ce biais un accroissement de leurs retombées économiques.

-La finalité sociétale : le recours à la médiation culturelle vise ici à combler la rupture sociale et culturelle intervenue entre les institutions et certaines catégories de la population. En ce sens, elle devient un outil de régulation sociale et agit comme une véritable pédagogie de la vie sociale (mise en place de programmes d’actions volontaristes en direction de certains publics, de certaines zones en difficulté, ou de groupes sociaux particuliers).

-La finalité identitaire : la médiation doit créer dans ce cas les conditions favorables à l’appropriation de la dimension culturelle et artistique d’un territoire et/ou d’une communauté. De nouveaux espaces de culture sont ainsi créés et leurs valeurs transversales permettent à la population d’y adhérer et de s’y identifier.

-La finalité culturelle : la médiation est enfin l’action de préparation et d’explication en amont de la rencontre entre des oeuvres et des populations. Elle apparaît donc comme le processus par lequel le public développe son esprit critique. Sa fonction n’est alors pas de traduire en langage commun ce que l’artiste s’est acharné à dire autrement, mais d’amener le public à s’interroger sur cet autrement. C’est justement ce qui lui permettra par la suite d’user de son discernement pour juger, ou du moins apprécier une oeuvre, et de cette manière, ne pas se laisser berner par ce qui peut apparaître comme du non-art.

 

Source : Guide de la Médiation Culturelle  http://www.maisoninnovationcg63.fr/IMG/pdf/Guide_mediation_culturelle--.pdf

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28 avril 2010 3 28 /04 /avril /2010 15:00

Introduction

La médiation culturelle est un terme d’usage récent dans les politiques culturelles en France. Elle désigne des fonctions et des compétences qui forment, dans certains domaines culturels (patrimoine, muséologie, art contemporain et, à un moindre degré, lecture publique), de véritables métiers, identifiés comme tels, et des cadres d’emploi qui ont acquis, avec le temps, une légitimité et une visibilité fragiles, mais réelles. Dans d’autres secteurs (cinéma, spectacle vivant), l’embauche de personnels dédiés à la médiation est plus épisodique, ou bien problématique et confuse, les personnels étant recrutés sur des fonctions de relations publiques, de marketing culturel, d’administration de projet. Certains champs culturels sont, par ailleurs, relativement hostiles à l’idée même de médiation, comme c’est le cas pour le théâtre.

Le programme « nouveaux métiers, nouveaux emplois » avait donné une visibilité nouvelle et un cadre d’embauche facilitateur pour des fonctions qui mettent au coeur de l’activité culturelle non seulement la question des publics, mais aussi celle de la transmission, de la diffusion du goût pour les formes contemporaines, de l’accompagnement des différentes formes de pratiques. Ce cadre a été efficace pour accompagner la croissance et la spécialisation accrues des tâches liées à l’accueil, aux relations publiques, au développement des services éducatifs et culturels, avec la création d’outils et de démarches spécifiques. Mais il s’est révélé fragile, soumis à la discontinuité de l’action de l’État, et instrumentalisé à courte vue : ce fut une occasion manquée pour développer une véritable réflexion sur ces métiers et les innovations dont ils étaient porteurs, pendant que se multipliaient les formations publiques ou privées à ces métiers.

L’émergence de la médiation, et des fonctions ou métiers qui se sont développés dans son sillage, a également pour cadre une injonction politique croissante au sujet des responsabilités sociales des structures culturelles subventionnées. Alors que nombre d’observateurs décrivent aujourd'hui les limites du système culturel sous le vocable de « crise de la culture » ou d’« échec de la démocratisation culturelle », cette émergence a partie liée avec un désenchantement qui semble général vis-à-vis de l’utopie fondatrice des politiques culturelles en France : l’accessibilité pour tous aux oeuvres de qualité. La médiation est une manière de nommer à la fois cet objectif non satisfait de justice sociale dans la répartition des biens culturels, et le besoin de refonder sur d’autres bases le paradigme général de démocratisation culturelle.

Cette tendance devrait se renforcer avec la territorialisation des politiques culturelles en France. Les attentes sociales des collectivités territoriales vis-à-vis des structures subventionnées sont fortes, ce qui les conduit à engager celles-ci sur des terrains jusque-là pris en charge par le secteur socioculturel : travail avec les publics de proximité, avec les publics dits « éloignés » ou « empêchés », accompagnement des publics et des pratiques. L’importance sans précédent prise par les politiques d’éducation artistique et culturelle, le rapprochement institutionnel récent avec les réseaux fédéraux de l’éducation populaire, le besoin de socialisation des équipements culturels font entrevoir des évolutions notables pour les années à venir.

1 Je remercie Cécilia de Varine, présidente de l’association Médiation culturelle, pour les éléments de relecture qu’elle a bien voulu m'apporter.

Certes, le développement de la médiation, aussi bien dans le discours des politiques culturelles que dans les pratiques nouvelles que désigne ce terme, est le signe d’un « retour du refoulé » dans la culture : retour des populations, qui se substituent aux publics dans la rhétorique culturelle, retour du sujet là où n’étaient pris en compte que les usagers de l’offre culturelle, retour enfin de formes d’intervention dont la filiation avec les pratiques socioculturelles est discrète, mais réelle. La médiation repose sur une interrogation sans cesse renouvelée sur la place, le rôle et la légitimité de l’institution culturelle.

Le travail des médiateurs est au coeur de ces nouveaux enjeux. Ces évolutions les font passer d’un régime de relative « transparence », dans lequel les médiateurs seraient les fidèles transmetteurs des savoirs et des oeuvres, administrateurs discrets des situations de rencontre, développeurs de produits en quelque sorte dérivés, à un régime « d’opacité » où les sens accumulés se superposent, peuvent se contredire, où le langage des médiateurs se développe dans un espace autonome, qui a sa logique propre, où la traduction et la transmission s’exercent comme un art.

 

Compléments de l'article : http://www.culturepourtous.ca/forum/2009/PDF/11_Bordeaux.pdf

Source : Culture pour tous
Actes du Colloque international sur la médiation culturelle
Montréal – Décembre 2008

Marie-Christine Bordeaux

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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 14:46

Elisabeth Caillet

À l'approche du musée, la médiation culturelle

avec la collaboration d'Evelyne Lehalle. Lyon : Presses universitaires de Lyon, 1995. - 306 p. ; 24 cm. - (Muséologies). ISBN 2-7297-0527-9. 165 F

 

Par Jacques Perret

 

Depuis la crise des intermédiaires, corps intermédiaires de notre système démocratique ou intermédiaires de notre distribution marchande, nous vivons le printemps des médiateurs. Dans la foulée du médiateur de la République, toute la sphère publique revendique sa part de médiation, de l'élu au juge, en passant par le policier.

Le domaine culturel n'est pas en reste, où l'on y est médiateur, forcément médiateur... Comme tous ces mots qui se répandent de plus en plus vite d'une science à l'autre, d'un métier à l'autre, nous ne sommes pas très sûrs du sens qu'ils véhiculent, mais ils circulent.

La notion de médiateur culturel

Rendons au secteur des musées ce qui lui appartient, à savoir l'antériorité de la notion de médiateur culturel, forgée pour accompagner les évolutions de l'institution muséale dans des missions dont le terme de conservateur ne suffisait plus à rendre compte.

Il s'agissait d'affirmer « la préoccupation des publics au coeur du projet de musée ». Cette affirmation a été suffisamment forte pour que se créent des formations universitaires de médiateurs culturels, à propos desquels une étude récente en Rhône-Alpes laisse cependant apparaître que l'insertion professionnelle ne se fait pas aussi bien qu'il était escompté.

Dans ce contexte, un ouvrage sur la médiation culturelle dans les musées ne peut que retenir l'attention et l'intérêt. Malheureusement, le présent ouvrage n'y parvient qu'au tiers, c'est-à-dire dans le premier chapitre consacré aux théories du musée et à l'émergence de la médiation. C'est une réflexion sur les paradoxes fondateurs du musée, sur la figure du musée dans notre société, sur la question de la valeur, avec des détours par Marx, Foucault et Lyotard, cités et commentés.

Publics et musées

Le chapitre suivant porte sur « l'invention du public par la médiation », c'est-à-dire les différentes relations que les publics peuvent entretenir avec les musées, ce que l'on peut savoir de ce qu'ils viennent y chercher, les limites de la démarche pédagogique. Le troisième chapitre détaille les différents outils de connaissance des publics, puis d'accompagnement de ces publics (promotion, accueil, participation, programmation...) et se conclut sur la question de la formation des médiateurs.

Mais ce qui fonctionnait dans le premier chapitre n'a plus la même efficacité ensuite. On ne perçoit la construction de l'argumentaire qu'avec difficulté, la lecture est surprise par de longs détours théoriques qui ont un intérêt propre, mais qui risquent d'égarer le lecteur. Celui-ci est dérouté par la présence de philosophes dans le voisinage de la carte de fidélisation et par trop sollicité par d'abondantes notes de fin d'ouvrage.

Du même coup, l'objectif de celui-ci ne s'impose pas toujours avec évidence. S'agit-il d'un projet pédagogique visant à définir le contenu des formations de « médiateurs des musées » ? S'agit-il d'un projet politique visant à légitimer une fonction, puis à montrer que cette fonction est un métier ? Ce sont deux objectifs qui exigent un effort de lisibilité au-delà du cercle des spécialistes.

 

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1. Formations professionnalisantes dans le domaine culturel et artistique en Rhône-Alpes : rapport d'étape, Grenoble, Observatoire des politiques culturelles, 1996. (retour)

 

Bulletin des Bibliothèques de France

Source http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1996-04-0100-004

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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 14:27

Le dialogue est le médian de la médiation.

Un jour, à une dame qui lui disait tout de go qu’elle ne comprenait pas sa peinture, Picasso répondit : “ Mais

parlez-vous chinois, madame ? - Non. - Savez-vous que cela s’apprend ? “

La rencontre sans médiation avec l’oeuvre d’art ou le patrimoine culturel est souvent une illusion.

Pour André Malraux, l’art est, en soi, une médiation immédiate.

La médiation culturelle est soutenue par des objectifs à la fois simples et ambitieux : proposer aux visiteurs

de vivre une rencontre authentique avec les objets conservés au musée, leur permettre d’y donner du sens et

d’en nourrir leur rapport au monde.

Le recours à la médiation, et le développement d’emplois s’y référant, soulignent [...], en cherchant à la

combler, la rupture sociale et culturelle intervenue entre les institutions et une certaine catégorie de la population,

en l’occurrence celle des quartiers populaires.

La médiation culturelle est un projet politique de mise en commun des oeuvres de l’art et de la culture.

Le travail de la médiation est éminemment politique, sorte de propédeutique à la politique, en tant qu’elle

est non l’exercice ou la recherche de domination mais de pouvoir (le pouvoir est ce qui permet d’agir ensemble).

Notre préoccupation était primordialement de mettre l’art au contact des hommes, et secondairement, les

hommes eux-mêmes en prise sur l’ensemble de la collectivité.

 

 

Ministère de la Culture et de la Communication

Source http://www.culture.gouv.fr/culture/politique-culturelle/ville/mediation-culturelle/mn.pdf /

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21 avril 2010 3 21 /04 /avril /2010 12:38

I. Les pratiques culturelles : déterminisme et légitimité

 

Les pratiques culturelles ne sont pas liées à des goûts innés, elles ne sont pas l’expression d’une pure subjectivité individuelle. Elles résultent au contraire de déterminismes sociaux : la place des individus dans l’espace social influence de façon décisive leurs pratiques culturelles. Ces pratiques culturelles sont elles mêmes hiérarchisées, elles font l’objet de jugements sociaux qui contribuent à reproduire la différenciation sociale et les phénomènes de domination.

 

A. La détermination sociale des pratiques culturelles

 

Si le sexe joue peu en général dans les différences de pratiques culturelles, son influence n’est pas négligeable en ce qui concerne la lecture : les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à lire. On constate aussi que les jeunes de 15 à 24 ans vont plus souvent au cinéma que le reste de la population et que les cadres et professions intellectuelles supérieures visitent plus souvent un musée, une exposition ou un monument historique. Une grande proportion des agriculteurs et des ouvriers non qualifiés ne va jamais au cinéma, alors qu’une minorité seulement des cadres et professions intellectuelles supérieures est dans ce cas. De même, un quart des cadres lisent souvent un quotidien national mais très peu d’agriculteurs et d’ouvriers non qualifiés font de même. Les ouvriers qualifiés et les agriculteurs sont nombreux à n’avoir lu aucun livre dans l’année alors que très peu de cadres sont dans ce cas. Comment peut-on expliquer ce déterminisme social ? De nombreux facteurs jouent simultanément et parfois se renforcent. Une première variable explicative est constituée par le revenu : certaines pratiques culturelles sont onéreuses (opéra, théâtre, cinéma) et les catégories à revenu modeste consomment moins de ces biens supérieurs dont l’élasticité revenu est supérieure à 1. Un autre facteur explicatif est le lieu de résidence qui influence fortement l’offre de services culturels : par exemple les agriculteurs sont le plus souvent plus éloignés d’une salle de cinéma ou d’un opéra que ne le sont les habitants des grandes villes voire des villes moyennes. L’âge enfin joue un rôle important car il est lié à des modes de sociabilité : les jeunes ont des activités plus collectives, plus orientées vers les sorties, alors que les personnes plus âgées accordent une place plus importante à la vie domestique (c’est ce qui explique que la fréquentation du cinéma décroisse régulièrement avec l’âge). Cependant, ces facteurs n’expliquent pas tout : il existe une forte différenciation sociale pour la visite des musées alors que le coût n’en est pas prohibitif, de même en ce qui concerne la lecture des quotidiens nationaux. Les travaux de Pierre Bourdieu (à propos de la visite des musées notamment) ont permis de mettre en évidence l’importance du capital culturel. Celui-ci détermine non seulement des goûts, des compétences objectives, mais aussi le sentiment d’être autorisé (ou pas) à avoir tel ou tel type de pratique culturelle. Les enquêtes montrent en effet que les individus appartenant aux milieux populaires peu dotés en capital culturel considèrent que la « grande culture » (musées, concerts de musique classique, etc.) n’est pas pour eux. Bourdieu a proposé le concept d’habitus pour rendre compte du fait que des dispositions sont intériorisées par les individus et qu’elles génèrent ensuite des pratiques qui sont perçues par les agents comme allant de soi, comme exprimant des choix souverains. Cela explique aussi pourquoi, dans les milieux fortement dotés en capital culturel, il va de soi que l’on aime la musique baroque et le jazz et que l’on ne va pas visiter une ville sans fréquenter le musée dés lors qu’il présente un certain intérêt culturel.

Cet habitus est lui même incorporé au cours du processus de socialisation (primaire et secondaire). Par exemple, même si la relation n’a rien de mécanique, il existe un lien fort entre les pratiques de lecture des parents et le goût pour la lecture des enfants. Plus fondamentalement, la socialisation permet d’acquérir un type de langage, de prendre

l’habitude de certains centres d’intérêt, elle donne une aisance et une familiarité dans le rapport aux oeuvres culturelles. Dans certains cas d’ailleurs (voir les travaux de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot sur la bourgeoisie) les oeuvres d’art font partie du patrimoine familial et l’intérêt pour les productions culturelles fait l’objet de normes sociales très contraignantes. A l’inverse (voir les romans d’Annie Ernaux) dans certains milieux défavorisés, l’intérêt pour certains produits culturels, considérés comme étrangers à l’univers familial et social, fait l’objet d’un discrédit. Cela joue même sur la socialisation scolaire où, dans certains cas, les bons élèves sont traités de  « bouffons ». Socialisation familiale, influence de l’école, influence des groupes de pairs, poids des normes sociales, facteurs économiques : autant de facteurs qui se combinent et qui font que, selon Pierre Bourdieu, il existe une « loi » qui fait que le capital culturel va au capital culturel. 

 

B. La théorie de la légitimité culturelle et les limites de la démocratisation de la

culture

 

Ce processus de reproduction des inégalités culturelles est paradoxal dans une société démocratique où les progrès de la scolarisation ont été importants, où l’Etat a mis en place des politiques culturelles visant à démocratiser l’accès à la culture et où les dépenses du poste « culture et loisirs » du budget des ménages augmentent. On constate, de fait, une tendance à l’augmentation de la proportion des diverses catégories sociales qui participent à des activités culturelles et certains sociologues se demandent si, sous l’effet du développement d’une « culture de masse », on n’assiste pas à une certaine indifférenciation des pratiques culturelles. Il semble bien qu’il n’en soit rien et la participation aux diverses pratiques culturelles reste fortement influencée par le milieu social d’origine et par le milieu social d’appartenance. La théorie de la socialisation comme intériorisation et incorporation de l’habitus explique bien cette détermination sociale des pratiques culturelles. Mais pour rendre compte de la persistance de ces inégalités culturelles, il faut prendre en compte la théorie de la légitimité culturelle. Celle-ci s’inscrit dans une théorie plus large de la reproduction sociale qui souligne que les hiérarchies sociales ne sont pas naturelles et ne sont pas produites une fois pour toutes. Il existe, comme l’écrivait Pierre Bourdieu : « une lutte de classe pour le classement ». Les catégories dominantes ne peuvent conserver leur position qu’au prix de la mise en oeuvre d’une série de stratégies visant à leur conserver le contrôle des différentes catégories de capitaux : capital économique bien sûr, mais aussi capital social, capital symbolique et capital culturel. Dans cette approche, les pratiques sociales et en particulier la consommation et les pratiques culturelles, permettent aux individus et aux groupes de se distinguer, de marquer une barrière avec les catégories sociales inférieures (Edmond Goblot : La barrière et le niveau). Cette distinction relève du capital économique (marque des vêtements, voyages, biens de consommation coûteux, etc.), mais aussi du capital symbolique (il est important d’être vu à l’opéra ou dans le vernissage d’une exposition), du capital social (les pratiques culturelles sont l’occasion de multiples contacts) et du capital culturel (la socialisation familiale permet de faire de longues études, de préférence prestigieuses, qui permettront de reproduire « naturellement » la position sociale de la génération précédente).

Les différents types de capitaux sont donc interdépendants, de même que les différentes composantes d’un même capital. Par exemple, en matière de formation des goûts culturels, les influences de la famille, de l’école, des groupes de pairs, ont tendance à se renforcer. Mais l’explication reste insuffisante si l’on ne fait pas appel aux concepts de « légitimité culturelle », d’arbitraire culturel et de violence symbolique. Ce sont en effet les catégories dominantes qui déterminent quelles sont les oeuvres et les pratiques légitimes (c’est-à-dire valorisées quant au jugement que l’on porte sur elles). C’est ainsi que le cinéma de Bergman ou celui de Visconti sont légitimes, alors que « Les gendarmes de Saint Tropez », ne l’est pas.

On pourrait certes considérer que les oeuvres cinématographiques citées sont objectivement inégales du point de vue de leurs qualités esthétiques. Mais on a quelques raisons de douter d’un classement des oeuvres reposant sur des critères esthétiques objectifs, lorsqu’on constate, par exemple, que la musique de Vivaldi (et en particulier les Quatre saisons) a été une découverte pour les milieux fortement dotés en capital culturel au lendemain de la Seconde guerre mondiale, puis qu’elle s’est banalisée au point de servir de musique d’ambiance dans les supermarchés. Elle cesse alors d’être distinctive et est abandonnée par les milieux privilégiés. Elle est ensuite redécouverte par des chefs d’orchestres spécialisés dans la musique baroque qui proposent de nouvelles interprétations sur instruments anciens. Ainsi, le même morceau de musique a pu faire l’objet au cours du temps de jugements très différents.

 

Ces jugements expriment donc bien un arbitraire culturel et ils exercent aussi une violence symbolique. L’élève qui maîtrise mal le registre soutenu du vocabulaire, qui ne connaît pas tel romancier ou tel musicien, le convive qui, dans un repas exprimera son désintérêt pour le musique contemporaine, feront l’objet de jugements négatifs de la part de ceux qui se savent autorisés à dire ce qui est légitime et ce qui ne l’est pas. Si certains individus, du fait de leur socialisation, se sentent légitimes et compétents pour certaines pratiques culturelles, d’autres, à l’inverse, vont intérioriser l’idée que telle forme de musique, telle production picturale, tel musée, n’est pas pour eux.

 

Toutes les enquêtes statistiques confirment des régularités qui conduisent à penser que les pratiques culturelles sont déterminées par la position sociale des individus. L’analyse peut certes être nuancée et les régularités ne valent qu’en moyenne, mais il n’en reste pas moins que les goûts et les pratiques culturelles ne se distribuent pas au hasard et que, au regard des jugements sociaux, tous les goûts et toutes les pratiques ne se valent pas.

 

Source http://www.aix-mrs.iufm.fr/formations/filieres/ses/fc/pratiquesculturelles.pdf / Alain Beitone

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21 avril 2010 3 21 /04 /avril /2010 12:33

II. Les pratiques culturelles : Interactions et construction de soi

 

Cette analyse, qui relie la différenciation culturelle et la hiérarchie sociale, la socialisation et l’imposition d’un arbitraire culturel, permet de rendre compte d’une grande partie des phénomènes mis en évidence par les enquêtes sur les pratiques culturelles. Ces travaux contribuent à interpréter la reproduction des inégalités en matière de capital culturel. Mais cette théorie de la légitimité culturelle, comme toute théorie, n’épuise pas le réel. Elle doit être enrichie pour rendre compte aussi bien des différences individuelles que de certains comportements collectifs.

 

A. La légitimité culturelle : problèmes méthodologiques et prise en compte des individus

 

La théorie de la légitimité culturelle a conduit à la réalisation de nombreuses enquêtes, mais ces données empiriques soulèvent un certain nombre de problèmes d’interprétation : tout d’abord, certaines catégories statistiques sont très larges et sont susceptibles d’interprétations diverses. Par exemple « aller au cinéma » n’a sans doute pas la même signification sociale s’il s’agit d’assister à un dessin animé des studios Disney, à un film à grand spectacle ou à un film d’auteur. De même en ce qui concerne la lecture de livres (lesquels ?), la fréquentation de concerts, etc. Ensuite, la définition même des pratiques culturelles repose sur des choix que l’on peut discuter : pourquoi le jardinage ou le bricolage n’en font-ils pas partie le plus souvent ? Enfin, l’interprétation des données repose, dans bien des cas, sur un jugement culturel qui peut frôler l’ethnocentrisme de classe : regarder TF1 n’est pas une pratique légitime, mais aller au musée oui. C’est ce qui conduit certains sociologues (et récemment Bernard Lahire) à articuler l’étude de données statistiques et des enquêtes qualitatives qui permettent aux acteurs une présentation plus fine de leurs pratiques et surtout la formulation du sens qu’ils donnent à ces pratiques. D’autres travaux (inspirés notamment par les Cultural Studies) se consacrent à l’étude de la réception des oeuvres et des productions culturelles. Ils montrent que les membres des publics (lecteurs de journaux, visiteurs de musées, téléspectateurs, etc.) ne sont pas passifs, ils interprètent et s’approprient de façon spécifique les productions culturelles. Par exemple, l’étude des comportements des familles par rapport à la télévision montre que des codes existent sur les émissions regardées, sur les horaires, sur les autorisations données aux enfants de regarder telle ou telle émission. Par ailleurs, il existe un rapport distancié, y compris dans les milieux populaires, à l’égard des productions de la culture de masse. La même attitude a été mise en évidence à propos des lectrices de la presse du coeur qui montrent qu’elles sont tout à fait capables d’une lecture au second degré et même d’une auto-ironie.

 

En dépit de leurs limites, les enquêtes sur les pratiques culturelles mettent en évidence des résultats qui viennent enrichir la théorie de la légitimité culturelle. Tout d’abord, on constate que l’âge joue un rôle important dans l’explication des pratiques culturelles. Non pas au sens où existerait une « culture jeune », car on sait que les clivages sociaux traversent aussi la jeunesse, mais au sens où, à position sociale donnée, les comportements varient fortement avec l’âge. Cela est lié notamment à des formes de sociabilité différentes qui conduisent les jeunes à privilégier les sorties davantage que les retraités. Mais au sein de la jeunesse, on peut mettre en évidence une diversité des comportements qui ne recouvre pas de façon simple les appartenances sociales. Certains jeunes issus des milieux favorisés, plutôt des femmes, adoptent un comportement « éclectique » en matière de pratiques culturelles (ils pratiquent des activités diverses et manifestent un fort goût pour ces activités), d’autres, issus du même milieu, ont une attitude de « rébellion » (ils rejettent la culture classique et préfèrent le rock et les sorties en discothèques). Certains jeunes des milieux populaires adoptent une attitude de « distance » (ils pratiquent peu d’activités culturelles en dehors du sport et de la télévision), d’autres jeunes issus des mêmes milieux expriment une « frustration » (ils souhaitent avoir davantage d’activités culturelles). Enfin, les jeunes issus des classes moyennes adoptent une position d’enracinement (ils sont attachés au patrimoine culturel et au spectacle sportif). L’étude du ministère de la culture qui propose cette typologie montre que, même lorsqu’on analyse les comportements des groupes, on ne retrouve pas de liaison simple entre position ou origine sociale et pratiques culturelles. Dans le même ordre d’idées, une étude de 1989 distingue douze types de goûts en matière de cinéma. Si on interroge les individus, on constate qu’ils expriment des goûts culturels composites. Il n’y a pas de contradiction à être un amateur de musique classique et un pratiquant de la pétanque, un supporter de football et un habitué des musées d’art contemporain. Pour rendre compte de ces singularités individuelles, il faut se souvenir du fait que, comme le rappelle Philippe Corcuff, l’habitus, chez Bourdieu, est toujours un habitus individuel. Les dispositions qui caractérisent cet habitus, les pratiques qu’il génère, sont le produit d’une expérience et d’une trajectoire individuelle qui sont toujours singulières et qui est fortement liée aux interactions que noue chaque individu avec les autres acteurs sociaux.

 

B. Culture populaire, construction de soi et dissonances culturelles

 

La théorie de la légitimité culturelle repose sur l’idée qu’il existe une culture légitime imposée par les groupes dominants. Toutes les manifestations culturelles sont alors interprétées par rapport à la culture dominante. On analysera la « bonne volonté culturelle » des classes moyennes qui tentent sans y parvenir de se conformer au modèle dominant, mais qui n’ont pas l’aisance et la familiarité nécessaire. On montrera aussi que les catégories dominées ont des pratiques qui renvoient à une étape dépassée de l’histoire culturelle. Elles aiment l’art figuratif et un peu « pompier » lorsque la norme est à l’art abstrait, elles commencent à s’intéresser à l’art abstrait quand la mode est à l’hyperréalisme, etc. Les catégories populaires seraient donc à la poursuite d’un mirage, une norme culturelle légitime qui s’éloigne quand elles accèdent à des formes vulgarisées de la norme précédente. On met aussi l’accent, dans une perspective voisine, sur le développement d’une culture de masse, d’industries culturelles qui privent la culture de sa fonction critique et émancipatrice pour en faire un objet de consommation standardisé. Mais de nombreuses études conduisent à nuancer fortement cette approche. Les travaux anciens de Richard Hoggart, ou ceux plus récents de Jean-Pierre Terrail, montrent qu’il existe des cultures populaires qui ont leurs caractéristiques propres,

non réductibles à l’imitation maladroite de la culture dominante. Cette culture populaire repose notamment sur des solidarités communautaires, sur un fort investissement dans la vie domestique, sur la sociabilité de voisinage. Selon Michel de Certeau, la culture populaire est la « manière de faire ordinaire » des « gens ordinaires », elle est aussi fondée sur la résistance à la domination et sur l’oubli de la domination qui permet la création et la reproduction d’une culture autonome. Prendre au sérieux l’existence de cultures populaires, c’est prendre en compte la pluralité des formes de socialisation et les articulations complexes qui concernent notamment les individus dont la place évolue dans la hiérarchie sociale. Un cadre fils d’ouvrier a de grandes chances d’avoir des pratiques culturelles différentes de celles d’un cadre fils de cadre.

 

Il existe donc au sein de la société une pluralité de modèles culturels, que les individus vont intégrer de façon spécifique au cours de leur socialisation primaire et de leur socialisation secondaire. Cela contribue à expliquer les dissonances culturelles qui apparaissent dans les enquêtes. L’individu est un « homme pluriel » (Bernard Lahire), il dispose de plusieurs régimes d’action auxquels il fait appel dans des contextes différents. Selon Bernard Lahire, il faut développer une « sociologie psychologique » qui n’hésite pas à prendre en compte la façon dont les dispositions des individus se constituent. Certains de ses « portraits sociologiques » sont éclairants de ce point de vue. Par exemple, une jeune femme issue d’une famille bourgeoise de Lyon, dont le père est un avocat d’affaire prospère, qui a été scolarisée dans un établissement catholique réputé, va se révéler dissonante. « Petite dernière » dont le frère et la soeur aînés ont été conformes au modèle familial d’excellence scolaire, elle va réussir moins brillamment et manifester des goûts culturels qui ne sont pas conforme à la tradition familiale. Il y a de bonnes raisons de penser que cette trajectoire trouve son origine dans une volonté de se démarquer, de s’affirmer en tant qu’individu, en prenant ses distances avec le conformisme familial. On voit bine dans ce cas l’importance des interactions. De plus la distinction n’est pas seulement verticale (par rapport aux catégories dominantes ou dominées), elle est aussi horizontale (on se distingue par rapport à des individus du même milieu, voire comme dans l’exemple ci-dessus, par rapport aux membres de sa propre famille).

 

Nous vivons en effet dans une société individualiste. Les travaux récents de J.C. Kaufmann, de F. de Singly, de F. Dubet, etc. soulignent tous un point important : les agents ou les acteurs sont confrontés à une exigence d’authenticité et d’originalité, dans le même temps, le caractère coercitif du fait social n’a pas disparu. Les individus doivent construire leur identité sur la base de leur trajectoire personnelle et en fonction des contextes. Il s’agit donc de pratiquer une « distinction de soi » S’agissant des pratiques culturelles, ils vont d’une part prendre en compte la spécificité des diverses pratiques et les conditions sociales de ces pratiques. L’amateur d’opéra qui fréquente des discothèques, n’aura pas les mêmes compagnons de sortie dans les deux cas. En fait, comme le souligne Bernard Lahire, la lutte de classement et la distinction légitime/illégitime traversent les individus. Il rapporte un entretien avec une serveuse de restaurant, qui a, comme ses amis et son conjoint, beaucoup de goûts culturels illégitimes, mais qui a des choix très légitimes en ce qui concerne le cinéma, domaine où elle se révèle une autodidacte très dynamique qui consacre du temps à la lecture de revues spécialisées.

La fréquence des dissonances culturelles est trop grande pour qu’on ne lui accorde pas une place dans l’analyse sociologique des pratiques culturelles. On est donc conduit à enrichir l’approche fondée sur la théorie de la légitimité culturelle par des approches qui prennent davantage en compte les variations inter-individuelles au sein d’une même catégorie sociale et même les variations intra-individuelles dans le rapport à la légitimité culturelle. La prise en compte des interactions sociales et du fait que les interactions sont de nature à modifier, dans une certaine mesure, les normes culturelles. C’est ainsi que le jazz, hier « musique de nègres » dont les pratiquants étaient des outsiders (Howard Becker) est aujourd’hui une musique très légitime.

 

Conclusion :

La sociologie des pratiques culturelles est particulièrement riche d’enseignements. Elle nous montre d’une part que ces pratiques sont fortement liées à la position sociale des individus et que le lien entre position sociale et pratiques culturelles passe notamment par la socialisation différentielle. Les inégalités dans les pratiques culturelles, la hiérarchisation sociale de ces pratiques permettent de comprendre (au moins en partie) la reproduction des inégalités sociales. Mais on ne peut s’en tenir à l’analyse des grandes catégories statistiques (les PCS ou les groupes d’âge). Dès que l’on affine l’analyse, on constate une complexification des goûts, des dispositions et des pratiques culturelles. Si on se place au niveau individuel, on constate qu’un même individu est généralement traversé de contradictions, certaines de ces pratiques étant légitimes et d’autres pas.

Ces résultats témoignent d’une évolution de la réflexion sociologique. Dans un premier temps, contre le sens commun qui mettait l’accent sur des goûts innés et une hiérarchie naturelle des oeuvres, la sociologie a eu un effet désenchanteur en montrant le poids des déterminismes sociaux et des relations de domination. Elle l’a fait par une approche plutôt macrosociologique et holiste. Mais ces travaux eux-mêmes ont fait apparaître des résultats paradoxaux qui ont conduit à des investigations plus qualitatives. Au total, une dynamique de la recherche permet de surmonter les oppositions traditionnelles entre individu et société ou entre déterminisme et liberté. Les travaux récents de Bernard Lahire en particulier permettent un dépassement critique de la théorie de la légitimité culturelle, dépassement qui conserve les acquis de cette théorie tout en élargissant sa portée heuristique du fait de la prise de la richesse des interactions qui constituent la trame de la vie sociale.

 

Source http://www.aix-mrs.iufm.fr/formations/filieres/ses/fc/pratiquesculturelles.pdf /

Alain Beitone

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21 avril 2010 3 21 /04 /avril /2010 12:12

Issu de la nuit des temps, le rapport entre la musique et l’individu, au degré près, n’a pas changé. Il est comme toutes les expressions que l’on dit artistiques, une manière de langage pour dire, pour se dire, pour dire son en-vie, sa présence au monde Ainsi le pâtre au milieu des ses moutons, taillait-il des herbes ou des branches et en sortait des sons qu’il organisait à sa manière, trouvant par ce biais un sens à ses heures, une compagnie à sa solitude d’humain, un contact avec la nature puisqu’il se faisait oiseau, et envoyait ainsi ses émotions vers le ciel.

 

Longtemps réservé à l’élite ou cantonné dans les arts populaires, l’accès à l’enseignement musical s’est mis à la portée de tous. Que le choix d’une discipline artistique soit une décision personnelle, le chemin balisé dans une éducation, ou une attirance diffuse qui se pose sur une expression plus précise, chacune de ces approches est sous tendue par un moteur nommé désir… Ainsi l’apprenti musicien arrive t’il plein d’espoir investi dans cette expression nouvelle et, bien sûr, il y a autant d’attentes différentes que d’individus pratiquant. Pour chacun d’eux, pratiquer un instrument et ses apprentissages annexes, c’est aussi établir de nouveaux liens à l’autre et à soi même.

Décrypter de la musique, c’est aller dans des émotions étrangères. C’est voyager en soi et hors de soi en même temps. Pratiquer un art, c’est se donner une nouvelle chance de se rencontrer, de se dépasser, de se faire voir, entendre, connaître et reconnaître, par tous ceux qui jusque là, n’avaient de soi considéré que l’enveloppe, et l’avaient rangée sur la pile. C’est du moins ce qui est espéré.

 

C’est aussi se diriger vers l’autre. En jouant, en apprenant, le musicien se met en interaction avec les autres. L’individu n’existe que par rapport aux autres. Il a besoin des autres pour être, et choisit sa meilleure inclinaison pour trouver ce nécessaire endroit. S’inscrire à une école de musique, à une chorale, jouer d’un instrument avec ses amis procède de cette nécessité... A cet endroit là il cherche l’indispensable quitus à son questionnement diffus « suis je ok, suis je acceptable ? ». Chercher le regard qui dit « tu es », et « tu vaux d’être », comprenons « nous t’acceptons en notre sein », sous-tend les efforts de bon nombre d’individus. En effet, mis au monde, ils sont légion ceux qui n’en reçoivent aucune clef, n’y sont introduits d’aucune manière, et cherchent ainsi tous azimuts « LA » façon d’en faire partie, et celle de mériter l’attention. Le musicien choisit la voix ou l’instrument pour se dire. La pratique de l’art-musique est l’affirmation et une signature de soi ; la pratique de l’art dit l’Etre, et l’être se dit à travers la musique qu’il pratique.

 

L’art c’est le cri…

 

C’est une poussée magmatique d’émotions profondes qui jaillissent après un cheminement souterrain et des grondements sourds et crève enfin la croûte, c’est la lave qui jaillit d’un volcan appelé individu. Pratiquer un art c’est offrir une possibilité à ce cri…

Pour certains il reste murmure, parfois même il n’est qu’une bouche entr’ouverte qui permet à l’air de circuler. De la grimace au son absolu, l’art–musique dit le difficile accouchement à la vie, ou l’acceptation simple de l’existence dont on ignore le sens, mais avec laquelle il met en harmonie.

Balancement pendulaire de soi à l’autre, il est parfois une manière de s’identifier, c’est à dire faire comme ceux que l’on croit détenteurs de pouvoirs inconnus, et ainsi se relier à ses pairs, voire s’intégrer. D’autres fois, il s’agit de se démarquer en déchiffrant des codes qui ouvrent des accès réservés, d’autres fois encore, se rapprocher d’une culture, c’est à dire d’une musique intimement connue ou souhaitée dont on sent qu’en la faisant sienne une part de soi s’en trouvera nourrie et apaisée.

 

En tout état de cause, il est une tentative d’entrer en relation avec l’autre et toujours avec soi même.

 

L’instrument se fait bouche et permet de créer ces mots indicibles sous une autre forme... Il est la mise en scène d’un corps qui peut se révéler au jour. Il est cet ouvrage sur lequel on peut et doit se remettre cent fois, permettant d’affiner le passage de soi, de la chenille au papillon. Exigeant et astreignant, il est un apprentissage des contraintes sous une forme plus ludique, il est la recherche et le dépassement des limites.

Comme tous les engagements, la musique a son corollaire de devoirs, ses nécessités d’ordre, son indispensable organisation, toutes choses qui se retrouvent à tous les niveaux des tâches humaines.

 

La musique est un apprentissage, une autre école de la vie.

 

Gardons à l’esprit que les actes sont le plus souvent mus par des raisons très éloignées des apparences, et que si le chemin semble être maladroitement utilisé, il n’en reste pas moins indispensable. Ainsi nous constatons que faire de la musique pour des jeunes comme pour les aînés n’est pas simplement restituer des sons organisées par d’autres sur une portée. Pour ces derniers, la musique est aussi une page neuve pour s’écrire, se réécrire, s’appréhender sous un jour nouveau.

 

C’est un endroit pour s’isoler de ses soucis, un refuge, une ile, une nouvelle matrice.

 

L’aîné nouvel arrivant aimera un domaine sans compétition, mais pas sans intérêt ni motivation, un endroit ou s’exprimer avec ou à coté des autres, retrouvant une place légitime qui lui fasse sens... Il se cherche après s’être perdu ou avoir été lâché, sans avoir eu l’opportunité de se dire.

L’apprentissage de la musique est donc bien celui d’une langue.

Qu’elle soit maternelle, paternelle, ou étrangère, elle va permettre de construire ou réparer, elle va permettre de répéter ou innover, balbutier ou créer.

Mais, apprendre une langue, si l’on a rien à dire, est ce bien nécessaire ? Faire l’effort d’en débusquer les arcanes juste pour le sport cela fait-il sens ? Si, nombreux sont ceux qui lâchent en cours de route, cherchons là, la raison…

 

Ils n’ont rien à exprimer d’eux-mêmes sous cette forme particulière. Est-ce un motif pour ne pas leur permettre d’essayer ? Non, au contraire, car on ne sait pas par où s’écoulera le flot.

 

Mais faut-il les rameuter, chercher à les retenir ?

 

Je dirais non.

 

Acceptons pour chacun, à partir du moment où il a eu l’opportunité de s’ouvrir, et qu’il choisisse de ne pas continuer dans la brèche, de trouver lui-même quand et comment il s’exprimera s’il en a le besoin ou le désir. En tout état de cause, n’offrons que le meilleur, appliquons nous à créer l’envie et maintenir le goût. Pour cela ayons l’élégance de ne pas faire semblant, soyons des passeurs et non pas des censeurs. Selon le schéma « je suis une bonne personne, tu es une bonne personne » gardons notre place sans oublier celle de l’autre. Celui qui apprend n’est pas un inférieur, mais à un autre moment de lui-même .Ne plaquons pas nos idées à la place des siennes, mais enrichissons son «vocabulaire».

 

Proposons de cheminer avec, ouvrons grands les espaces, suggérons une route,

mais n’imposons pas le rythme du pas.

 

Danièle LANG, psychanalyste

 

Source : http://www.ariam-idf.com/pdf/texte_Lang.pdf / Danièle LANG

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