Cuisine acadienne 101

Lors de mon passage au Nouveau-Brunswick, en juillet dernier, j’avais en tête (ça vous surprendra énormément) de manger du homard, beaucoup de homard. Comme nous allions suivre la Route du littoral acadien, je m’étais aussi promise de prendre le temps, cette fois-ci, de découvrir quelques plats traditionnels de la cuisine acadienne que je n’avais jamais eu la chance de goûter auparavant. Le terme «poutine», par exemple, que l’on utilise au Québec pour désigner notre assemblage favori de pommes de terres frites, de fromage en grains et de sauce brune, n’a pas du tout la même signification chez la province voisine, où l’on s’en sert pour parler de toute une panoplie de plats salés et sucrés, qui m’intriguaient énormément.

À Bouctouche, nous avons fait un arrêt chez La Poutine à Léa, un petit restaurant qui ne sert principalement qu’un seul mets: de la poutine râpée. Ayant été créée bien avant la poutine québécoise, la poutine râpée acadienne est, elle aussi, à base de pommes de terre, mais elles y sont râpées et bouillies: il s’agit d’une énorme boule de pâte farcie de porc salé entrelardé. Pour former la pâte, on utilise habituellement un mélange de patates râpées et de pommes de terre réduites en purée que l’on façonne en une grosse boule, dans laquelle on insère une petite quantité de viande. Les poutines râpées doivent être bouillies dans de l’eau salée de deux à trois heures pour compléter la cuisson.

Poutine râpée chez La Poutine à Léa

Je m’en doutais un peu: l’apparence visqueuse et grisâtre du plat a particulièrement découragé chéri et petit homme d’en manger plus d’une bouchée, mais je n’ai, pour ma part, pas détesté cette découverte. Lorsque le porc que contient la poutine râpée est bien assaisonné, le plat est plus goûteux qu’il peut en avoir l’air. Le restaurant était visiblement rempli de gens du coin et l’un d’eux m’a tout de suite suggéré d’accompagner ma toute première poutine râpée de mélasse et de cassonade, ce que j’ai fait sans hésiter.

 On mange la poutine râpée simplement avec du sel et du poivre ou bien avec de la mélasse ou de la cassonade, pour former un agréable mélange sucré-salé.

Le terme «poutine» est aussi utilisé chez les Acadiens pour désigner plusieurs desserts comme la poutine en sac (qui fait référence au sac utilisé pour sa cuisson), la poutine bouillie (une sorte de «poutine râpée» apprêtée pour le dessert contenant des pommes, des raisins secs et des canneberges), la poutine au pain (un équivalent du bread pudding pour recycler le pain sec en dessert) ou la poutine carreautée (qui est un genre de tarte à la mélasse, aux raisins ou encore aux bleuets, que l’on recouvre de languettes de pâte entrecroisées). En continuant vers le nord sur la Route du littoral acadien, j’ai aussi pu goûter à une délicieuse poutine à trou au restaurant Lafiouk, à Saint-Louis-de-Kent (juste à côté du Parc national Kouchibouguac).

La poutine à trou au restaurant Lafiouk

La poutine à trou m’a, je dois l’avouer, un peu plus séduite que la poutine râpée. Il s’agit en fait d’une tarte que l’on façonne en forme de boule (on referme la pâte sur la garniture, on renverse le tout et on perfore le dessus) et qui contient habituellement des pommes, des raisins secs et des canneberges, ainsi qu’un sirop à base de cassonade. Le résultat est sucré, onctueux et réconfortant.

Le restaurant Lafiouk, qui est situé directement sur la Route 11, est une toute petite cuisine familiale. Sa décoration aux teintes de rose et de lilas, agrémentée de fleurs de tissus, ne semble pas avoir changé depuis plusieurs décennies. Au menu, on trouve des classiques de casse-croûte à manger sur place (il y a quelques tables) ou pour emporter, mais on doit s’y arrêter surtout pour les spécialités acadiennes. (En passant, on y sert à la fois de la poutine râpée et de la patachou, qui ressemble davantage à la poutine québécoise.)

Sur place, j’en ai profité pour commander un fricot, un bol que j’ai vraiment apprécié, probablement puisqu’il me rappelait la cuisine de ma mère. À l’automne, ma maman prépare parfois ce qu’elle appelle un «bouilli» (une recette qu’elle tient de mon arrière-grand-mère): un énorme chaudron de bouillon contenant tout plein de légumes comme des carottes, des oignons, des navets et des pommes de terres, qui cuisent lentement et longtemps, en prenant la saveur des cubes de bœuf qui les accompagnent. Le fricot acadien a aussi quelque chose de cela, puisqu’il s’agit d’une soupe de pommes de terre (et d’autres légumes) à base de viande, qui mijote longtemps, mais qui contient souvent, en plus, des petites pâtes (qu’on appelle aussi «grands-pères» ou, encore une fois, des «poutines» ou «poutines blanches») que l’on fait en mélangeant de la farine, du sel, de la poudre à pâte et de l’eau, et que l’on pré-coupe ou dépose par cuillérées dans le bouillon pour les faire cuire.

    Fricot au poulet: un bol de réconfort!

Savourer un bon bol de fricot (qui peut être au bœuf, au poulet, au porc, mais aussi au poisson ou aux fruits de mer) m’a fait réaliser que même si les cuisines québécoise et acadienne ont, bien sûr, leurs propres spécialités (il faudrait aussi parler de la cuisine inspirée de la mer au Nouveau-Brunswick, du homard, du hareng boucané ou des ployes de la région de Madawaska), elles ne sont parfois pas si éloignées l’une de l’autre. J’ai d’ailleurs découvert, en faisant quelques lectures, que nous partageons par exemple la tradition du pâté à la viande du temps des fêtes, les galettes à la mélasse, les pets de sœur (biscuits roulés au sucre et à la cannelle) ou encore l’héritage de la «crème à la glace».

POUR EN SAVOIR PLUS:

  • Le restaurant La Poutine à Léa est situé au 88 Irving Boulevard, à Bouctouche.
  • Le diner Lafiouk est situé au 7871 Route 11, à Saint-Louis-de-Kent (Kouchibouguac).
  • Pour rédiger cet article, je me suis notamment servie du livre La cuisine traditionnelle en Acadie de Marielle Cormier Boudreau et Melvin Gallant, publié par les Éditions d’Acadie en 1987, une petite mine d’or d’informations et de recettes, si vous désirez en apprendre davantage sur les traditions et coutumes culinaires des Acadiens des provinces maritimes.

Une réflexion sur « Cuisine acadienne 101 »

  1. Je ne pensais pas qu’il pouvait y avoir autant de chose derrière le mot Poutine. Pour moi, il n’y avait que ce que j’ai mangé à Montréal (avec grand plaisir). Tu donnes envie de cuisiner des versions sucrées.

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