Le jour par jour

1960   6 septembre   

Roland C. Wagner, écrivain français de science-fiction teinté d’humour, né en Algérie

Roland Charles Wagner, né le 6 septembre 1960, en Algérie, est un écrivain français de science-fiction à tendance souvent humoristique. Depuis ses débuts professionnels en 1981, il a publié une centaine de nouvelles et une cinquantaine de romans, qui lui ont valu, entre autres, le Prix Tour Eiffel, plusieurs Prix Rosny aîné et le Grand Prix de l’Imaginaire.

Biographie

Les Futurs Mystères de Paris mettent en scène un détective privé « transparent » répondant au nom de Temple Sacré de l’Aube Radieuse ; il n’est pas à proprement parler invisible, mais les gens ne font pas attention à lui. Commencé en 1996 avec La Balle du néant, ce cycle qui en est aujourd’hui à son neuvième titre (Mine de rien, 2006) s’insère dans un ensemble plus vaste intitulé Histoire d’un Futur, auquel appartiennent notamment la courte série de L’Histoire du Futur proche, Cette Crédille qui nous ronge et Le Chant du cosmos (1999), space opera décrivant un jeu mental fortement inspiré du go. Il est l’inventeur du concept de la psychosphère qui imprègne l’Histoire d’un Futur et a eu l’idée du terme Aya, pour désigner une intelligence artificielle dans son roman La balle du néant.

Après avoir décrit avec férocité dans La Saison de la sorcière (2003) une France ultra-sécuritaire du proche futur envahie par les États-Unis qui lui a valu les prix Bob-Morane et Rosny-Aîné 2004, il revient au space opera avec Le Temps du voyage (2005), un roman d’aventures vancien et picaresque qui mêle aventures et réflexion sur le colonialisme. Quant à Pax Americana (2005), il traite de manière réaliste et humoristique des conséquences à l’échelle mondiale de la déplétion pétrolière.

Fidèle à sa quête d’un monde plus juste et plus paisible, il travaille actuellement à une uchronie sur la Guerre d’Algérie placée sous l’influence d’Albert Camus et du mouvement psychédélique des années 1960. Selon lui « il est temps de crever l’abcès et de remettre les choses à leur vraie place ».

Il est l’auteur d’une biographie uchronique de H. P. Lovecraft (sous le titre HPL (1890-1991)) et de nombreux pastiches d’auteurs de science-fiction reconnus, notamment Les trois lois de la sexualité robotique, pastiche bien sûr des célèbres trois lois de la robotique de Isaac Asimov.

Il a également traduit en français des auteurs comme Norman Spinrad, Arthur C. Clarke, Jack Vance, Stephen Baxter ou Catherine Asaro — les deux derniers en collaboration avec Sylvie Denis.

Il lui arrive aussi d’écrire des paroles pour des groupes de rock, dont Brain Damage dont il est également le chanteur. Partisan du copyleft et du libre accès à la culture, il a est à l’origine avec les Psychronauts du fameux morceau « Clique sur le mulot ».
Roland C. Wagner a écrit sous de multiples pseudonymes dont Richard Wolfram, Henriette de la Sarthe, Paul Geeron, Red Deff.

Œuvres

(liste non-exhaustive)

Le Serpent d’angoisse (1987)
Les Futurs Mystères de Paris (Roman, 1988
Poupée aux yeux morts (1988) (autre titre: L’Œil du fouinain)
Le Paysage Déchiré (Roman, 1989)
Les derniers jours de mai (1989)
La Mort marchait dans les rues (Roman, 1989)
Les Psychopompes de Klash (Roman signé Red Deff, 1990)
L’Autoroute de l’Aube (Roman, 1990)
La Sinsé gravite au 21 (1991)
Cette crédille qui nous ronge (Roman, 1991
VIPER (La sinsé gravite au 21 *) (Roman signé Red Deff, 1991)
Chroniques du Désespoir (Roman, 1991 )
GANJA (La sinsé gravite au 21 **) (Roman signé Red Deff, 1991)
H. P. L. (1890-1991) (Nouvelle, 1995)
Au coeur de Kenndor (Roman,sous le pseudonyme Jimmy Guieu, en collaboration avec Richard Wolfram 1995)
La fin de Gondwana (Roman, 1996, sous le pseudonyme Jimmy Guieu, en collaboration avec Richard Wolfram)
Défense et illustration de Miss Univers (Article, 1996)
La Balle du Néant (Roman, 1996)
Les Ravisseurs Quantiques (Roman, 1996)
Postface au texte Ligne Ouverte / Voice Over de Norman Spinrad (Texte, 1996)
Embuscade sur Eileena (Roman, 1996, sous le pseudonyme Jimmy Guieu, en collaboration avec Richard Wolfram)
Le Nombril du Monde (Roman, 1997)
L’alliance des invincibles (Roman, 1997, sous le pseudonyme Jimmy Guieu, en collaboration avec Richard Wolfram)
La planète sans nom (Roman, 1997, sous le pseudonyme Jimmy Guieu, en collaboration avec Richard Wolfram)
L’aube incertaine (Roman, 1997)
L’Odyssée de l’Espèce (Roman, 1997)
Panique sur Wondlak (Roman, 1997, sous le pseudonyme Jimmy Guieu, en collaboration avec Richard Wolfram)
Tekrock (Roman, 1999)
Le chant du cosmos (Roman, 1999)
Toons (Roman, 2000)
Musique de l’énergie (2000 – nouvelles)
Babaluma (2002)
Kali Yuga (2003)
La Saison de la sorcière (2003)
Le Temps du voyage (2005)
Pax Americana (2005)
L.G.M. (2006)
Mine de rien (2006)

Bibliographie

Le Serpent d’Angoisse
de Roland C. Wagner
Présentation
QUEL rapport peut-il y avoir entre un chevalier médiéval livrant un duel au crépuscule, un attentat dans un fast-food, deux enfants errant dans une ville morte au bord d’un astroport désaffecté, un mort voué au rôle d’ange exterminateur et la révolte des minorités opprimées des U.S.A. ? Aucun, peut-être. Mais alors, d’où provient ce serpent qui écrase dans ses anneaux le corps pantelant des États-Unis ?

 

 

Le Paysage déchiré
de Roland C. Wagner
Présentation
QUAND il s’éveille, on le torture pour lui faire avouer ce qu’il ne sait pas, car il n’a plus de mémoire. Quand il s’enfuit, on le poursuit pour lui interdire d’aider le Chasseur, ce mystérieux télépathe exilé dans la psychosphère.

 

 

La Mort marchait dans les rues
de Roland C. Wagner
Présentation
NADJA EST MORTE. Nadja, seul être d’amour dans un univers de haine. Pour Killer, il ne reste que l’errance, dans les rues d’une ville sale qu’enflamme la guerre civile…
Une errance sans but, sans espoir, parmi les derniers spécimens d’une humanité condamnée.
Une errance que surveillent sans relâche les yeux de poudre des junkies.

 

Les Psychopompes de Klash
de Roland C. Wagner
Présentation
UN voleur mystique, une jeune femme originaire du monde de l’Anarchie bienheureuse et un enfant chronopathe frappé d’autisme sauront-ils résoudre le mystère des Psychopompes de Klash, péril à l’échelle de la Galaxie derrière lequel se profile l’ombre avide d’un Coeur de Ténèbres ?

 

 

L’Autoroute de l’aube
de Roland C. Wagner
Présentation
AUTREFOIS, un empire étendu sur des milliards d’univers a construit une voie de communication à travers les Terres Agglutinées. Elle reliait sa capitale, le Port des Étoiles, aux mondes riches et dynamiques du Jaune et de l’Orangé.
Aujourd’hui, des centaines de millions d’années plus tard, c’est l’image rémanente de l’Autoroute de l’Aube qui conduit vers leur destin Suzy, Richard et leurs compagnons.

 

 

VIPER
de Roland C. Wagner
Présentation
LE Radian terrien vit en paix depuis des centaines d’années, très précisément depuis que la Terre a acheté le gausstwist aux Ssellnoorr. Une belle arnaque, soit dit en passant, mais qui pouvait imaginer que ce mode de propulsion supraluminique n’était plus employé par quiconque depuis des millémaires ? Le Radian terrien vit en paix. Pour combien de temps ?

 

 

Chroniques du désespoir
de Roland C. Wagner
Présentation
Ce monde n’est pas unique ; il y en a d’autres, une infinité d’autres. À ces univers où Napoléon a gagné la bataille de Waterloo, où l’humanité s’est éteinte au milieu des années 70, où Einstein est devenu violoniste, on donne le nom d’uchronies.
J’ai visité l’une de ces Histoires divergentes. Je crois que je ne m’en remettrai jamais.

 

 

GANJA
de Roland C. Wagner
Présentation
UN trou noir possédant une masse équivalente à celle de la Terre émet un formidable flux de rayonnement, qu’il est possible d’utiliser à des fins de production dénergie. Bien pratique quand on a besoin de trois cent soixante-neuf milliards et quelques millions de gigawatts.
Mais les choses se gâtent lorsqu’il s’agit de plonger dans l’hyperespace en traînant un générateur à collapsar au bout d’une laisse énergétique…

 

 

Cette crédille qui nous ronge
de Roland C. Wagner
Présentation
« CHERMI,
« J’abrouve le malheur qui vus frappe, et je suis tout ventre avec vus dans l’épreuve que vus affrontez. Comme j’espère que vus saurez nous délivrer de cette crédille qui nous ronge ! Vus n’en avez pas parlé, tcas. Nageriez-vus tujûrs en aveugle ?
« En vus souhaîtant un prompt rétablissement moral, votre dévouée – mais non allégeante – Zoé. »

 

 

H. P. L. (1890-1991)
de Roland C. Wagner
Présentation
version anglaise traduite par Jean-Daniel Brèque, Paris, Nestiveqnen – Actusf, coll. Les trois souhaits, 2006.

Dans cette courte nouvelle (publiée une première fois dans le recueil Musique de l’énergie, paru aux éditions Nestiveqnen, et récompensée par le prix Rosny Aîné en 1997), l’écrivain de science-fiction français Roland C. Wagner se livre à un véritable fantasme de fan, en écrivant la biographie fictive du grand Howard Phillips Lovecraft.

Lovecraft est probablement un des plus admirables écrivains du XXe siècle, un auteur qui compte, tant dans le domaine du fantastique que dans celui de la science-fiction (il est à vrai dire particulièrement difficile à classer de ce point de vue). Son œuvre a révolutionné la littérature de l’imaginaire, et donné une forme nouvelle à la peur. Nombreux sont ceux, aujourd’hui encore, qui lui doivent beaucoup, si ce n’est à peu près tout. Plus nombreux encore sont ceux qui, jeunes adolescents, se sont éveillés à la littérature en frissonnant devant ses textes les plus singuliers, tels « Le cauchemar d’Innsmouth », « Les montagnes hallucinées », « L’appel de Cthulhu », ou encore son unique roman L’affaire Charles Dexter Ward (et j’en suis…) ; la « mythologie matérialiste » lovecraftienne, si troublante et réelle, en a parfois amené à prolonger l’expérience, en lisant ses pasticheurs, certains renommés, tels ses amis Robert Bloch ou Robert E. Howard, d’autres beaucoup moins, et au talent plus contestable. C’est qu’il y a un manque, ici, qui se fait cruellement sentir : la mort de Lovecraft, fauché par un cancer en 1937, nous a privés à jamais de son imagination si fertile, et de sa prose unique.

C’est inacceptable. Alors autant ne pas l’accepter… Roland C. Wagner nous explique ainsi que le gentleman de Providence n’est pas mort en 1937 : son cancer était bénin, il s’en est préoccupé dès les premiers signes, et une simple opération l’en a à jamais débarrassé. Lovecraft, dès lors, est libre de poursuivre sa carrière, et en tant qu’écrivain professionnel, tant qu’à faire, plus officiellement rattaché à la science-fiction, et – soyons fous – reconnu et admiré de son vivant… C’est l’occasion de voir le reclus de Providence se brouiller avec un August Derleth trahissant son œuvre, polémiquer avec Robert Heinlein, ou prendre sous son aile un jeune écrivain débutant du nom de Philip K. Dick (en écrivant un texte en collaboration avec ce dernier, notamment ; je donnerais tout et n’importe quoi pour lire une chose pareille…).

C’est l’occasion de voir Lovecraft changer, aussi. Pourquoi pas ? Nous sommes dans l’uchronie, tout est imaginable : alors, autant construire un Lovecraft idéal, débarrassé de ses plus vilains aspects… Le Lovecraft que nous connaissons était un salaud de réactionnaire, antisémite, raciste et un temps pro-hitlérien ? Mais l’homme a eu le temps de changer : matérialiste convaincu, il se distancie de toute pseudo-science, condamne le racisme et le nazisme, joute en pro-démocrate contre un Heinlein aux tentations totalitaires ; il est même suspecté un temps durant la « chasse aux sorcières » ! Un Lovecraft de rêve est nécessairement de gauche…

Cette notice nécrologique érudite et plus vraie que nature (avec moult notes de bas de page tout aussi fantaisistes que le corps du texte) est ainsi bel et bien un fantasme, le vœu pieux d’un fan. Et tout admirateur de Lovecraft ne pourra qu’apprécier cet hommage pour le moins original. Alors ce n’est probablement pas une lecture indispensable, on pourra trouver l’écriture anodine, ou se dire que 5 €, c’est quand même bien cher pour une si courte (trop courte) nouvelle… en deux exemplaires (?!?), même s’il y a une sympathique couverture de Caza… En même temps, que ne donnerait-on pas pour que cette biographie fictive soit vérité, et avoir ainsi le bonheur de lire, encore et encore, tous ces textes merveilleux que Lovecraft n’a pas eu le temps d’écrire ?

Au coeur de Kenndor
de Roland C. Wagner
Présentation
Jimmy Guieu est l’un des maîtres de la Science-Fiction européenne. Pionnier de l’Ufologie (étude des OVNI), parapsychologue, spécialiste de l’ésotérisme et des sociétés secrètes, il a déja écrit près de 140 livres traduits en de nombreux pays.
Une aventure de Blade et Baker
Un arc électrique d’une luminosité insoutenable traversa la soute. Il y eut un bruit sourd, évoquant celui d’une explosion lointaine, et de la fumée apparut, accompagnée d’une gerbe d’étincelles violines.
Le téléporteur explosa, projetant dans toutes les directions une pluie de débris qui crépita sur la vitre blindée de la cabine de contrôle. Lorsqu’elle cessa, au bout de quelques secondes, un épais nuage noir emplissait celle-ci de ses volutes menaçantes.
– Que… Que s’est-il passé, professeur ? interrogea Tex.
– Nous n’avons plus de téléporteur. Tout simplement.
– Vous voulez dire que M. Blake et ses amis sont bloqués à l’intérieur de Kenndor ?
Krasbaueur aquiesça, sinistre.

L’aube incertaine
de Roland C. Wagner
Présentation
PARIS, 2064. Dans un monde pacifié, où le pouvoir est aux mains des technotrans, qui ont profité du chaos consécutif à la Grande Terreur primitive pour s’enparer d’une bonne partie de la planète, une vague de décès frappe le milieu du Délirium, un courant artistique contestataire très populaire parmi la jeunesse. Engagé par le P.-D.G. d’Eldorado, TEM, le détective privé transparent éprouve quelques difficultés à mener son enquête, tant à cause de la complexité de l’affaire que de la soudaine efficacité de son Talent. Devenu pratiquement invisible, il est obligé de recourir à l’aide de la seule personne encore consciente de son existence : Ramirez, l’homme aux yeux perpétuellement rouges.

Le chant du cosmos
de Roland C. Wagner
Présentation
Soit un jeune Océanien, Yeff, étudiant sur la planète Diasphine et qui se découvre un talent pour le « Jeu », cette rencontre mentale entre « Penseurs » qui fait l’objet de tournois interstellaires.

Soit une « muse » professionnelle, Clyne, égérie d’un Penseur dont la carrière vient de s’achever brutalement.

Soit un étrange animal imprévisible mais convivial, le maedre, qui s’attache tout à trac aux pas de Yeff.

Trois personnages d’une aventure de trois décennies, opéra de l’espace et roman de suspense, voyage à travers des cultures bigarrées, parmi un bestiaire où l’auteur donne la mesure de son humour.

Roland C. Wagner, auteur de quarante romans et de cent nouvelles, a obtenu le Grand Prix de l’Imaginaire 1999 pour ses « Futurs Mystères de Paris », et le prix « Tour Eiffel » de science-fiction pour sa nouvelle « Fragment du Livre de la Mer ».

Toons
de Roland C. Wagner
Présentation
Entre Mary Poppins et Roger Rabbit, un festival de gags en hommage à Tex Avery.

Pas de meurtre cette fois pour Tem, le privé transparent, mais le vol inexplicable du Faisceau Chromatique, roman écrit par son grand-père. En menant son enquête, il ne tarde pas à découvrir que tous les exemplaires de ce livre semblent avoir disparu, et qu’une créature décrite comme un « toon » par un témoin semble être l’auteur de ces multiples larcins. Qui peut bien avoir intérêt à faire disparaître toute trace de roman ? Comment s’y est-il pris ? Tem parviendra-t-il à empêcher des personnages tout droit sortis d’un dessin animé de déferler sur notre monde pour y semer la Terreur ?

Né en 1960, Roland C. Wagner a mis longtemps avant de se rendre compte qu’il avait le sens de l’humour. De fait, aux textes désespérés de ses débuts ont succédé des romans gogenards et optimistes où les situations de crise se règlent par l’intelligence et non par la violence.

Portrait de Roland C. Wagner en positif
par Claude Ecken

    Roland Wagner est un instinctif. Un instinctif qui a le flair juste. Il se fie à lui pour prendre ses décisions, pour mettre en forme une idée. C’est ce qui lui permet de travailler avec rapidité et de se lancer dans des travaux que d’autres n’auraient abordé qu’avec circonspection et qui en seraient encore à chercher le meilleur angle d’approche quand lui a déjà remis sa copie.
    Roland Wagner est un passionné. Il s’engage à fond dans l’aventure. Vous appréciez les animaux ? lui est végétarien. Vous êtes amateur de rock ? Lui l’écrit et le chante. Vous aimez la SF ? Lui, il crée la sienne. Normal qu’il fonctionne à l’instinct, il baigne à fond dans son élément et n’a aucun mal à réagir aux stimuli concernant ses centres d’intérêt. Sa culture rock ou SF est sa richesse qui lui permet d’assembler des puzzles avec une déconcertante facilité.
    Roland Wagner est un imaginatif. Il a tôt fait de rassembler les éléments qui transforment l’idée en trait de génie, à tirer les fils qui tissent une trame autrement plus complexe que le postulat de départ. Sa théorie de la psychosphère ne cesse de prendre de l’ampleur de cette manière.
    Roland Wagner est un obstiné. Tout petit déjà, il hantait les conventions, fouillait les étalages des disquaires. Ses ambitions clairement affichées, il n’a jamais varié d’un iota depuis. Ses thèmes sont présents dès le premier roman. Ce qu’il y avait de superficiel chez lui, cette aisance que procure l’instinct, a pris, ressassé par le temps, de l’épaisseur et de la texture. Dessinent par concaténation ce qu’on peut qualifier d’oeuvre.
    En fait, Roland Wagner est un cérébral. Pas un intellectuel qui élabore une pensée, à force de méthode et de discipline, plutôt un naturaliste observant les productions de l’esprit à travers ses diverses manifestations. Sa curiosité pour les niveaux altérés de conscience et les moyens d’y parvenir, son goût pour le psychédélique, sa théorie de la psychosphère et jusqu’au nom de son groupe, Brain Damage, sont autant de facettes de sa fascination pour les activités cérébrales et leur impact sur le réel. Tout Wagner peut se décliner ainsi, depuis la spiritualité empreinte d’un mysticisme new-age qu’on trouve aussi bien dans Les futurs mystères de Paris que dans les Psychopompes du Klash jusqu’aux jeux de mots et à l’humour tranquille de ses écrits, qualifiés de spirituels. Demandez-lui une bébête extraterrestre, puisqu’il aime les animaux, elle aura un pouvoir psy. Ou sera Toon. Parlez lui informatique, il vous répondra Intelligence Artificielle (de plus, Alleluia ! la sienne s’appelle Gloria). On pourrait prolonger longtemps ce petit jeu. Les références croisées chez Roland Wagner rendent ridicule la plus complexe des bretelles d’autoroute.
    C’est probablement cela qu’on appelle le talent. Ou, comme dirait Tem, le Talent.     Il en a d’autres. Par exemples, voilà qu’il atteint la quarantaine sans cesser de paraître jeune.
    Heureusement, il s’est trompé sur son évaluation des auteurs de sa génération, ce qui me fournit au moins une occasion de le reprendre.     Tu veux que je te dise, Roland ? T’es le meilleur d’entre nous !

Publié dans Arts et Littérature | Laisser un commentaire

Le jour par jour

1803   5 septembre   

Pierre Choderlos de Laclos, écrivain français.

Pierre Ambroise François Choderlos de Laclos (Amiens, 18 octobre 1741 – Tarente, Italie, 5 septembre 1803) est un écrivain et officier militaire français. Il est un cas unique dans la littérature française, et fut longtemps considéré comme un écrivain aussi scandaleux que le marquis de Sade ou Restif de la Bretonne.

Il était un militaire sans illusions sur les relations humaines, et un écrivain amateur, cependant son projet phare était de « faire un ouvrage qui sortît de la route ordinaire, qui fît du bruit, et qui retentît encore sur la terre quand j’y aurais passé » ; de ce point de vue il a largement atteint son but, car la renommée de son livre maître Les Liaisons dangereuses est telle qu’il peut être considéré comme un des livres parmi les plus connus au monde.

C’est un des chefs-d’œuvre de la littérature romanesque du XVIIIe siècle, qui met en scène les intrigues amoureuses de l’aristocratie. Il a inspiré un très grand nombre de travaux critiques et analytiques, de pièces de théâtre et de films. Le roman a été plusieurs fois porté au cinéma, par Roger Vadim, Stephen Frears ou Milos Forman.

Biographie

Pierre Ambroise Choderlos de Laclos est né à Amiens, chef-lieu du département de la Somme, le 18 octobre 1741. Il est le deuxième fils d’un secrétaire à l’intendance de Picardie et d’Artois, de petite et récente noblesse — une famille de robe récemment anoblie.

La carrière militaire

Être militaire est pour lui une véritable vocation, et il choisit donc le métier des armes bien que ses perspectives de promotion ne soient pas très grandes. Il choisit l’artillerie, qui est une arme technique convenant bien à son esprit mathématique, et est admis en 1760 à l’École de la Fère — ancêtre de l’École polytechnique.

Il est nommé successivement sous-lieutenant en 1761 puis lieutenant en second en 1762. Rêvant de conquêtes et de gloire, il se fait affecter à la Brigade des colonies, en garnison à La Rochelle. Mais le traité de Paris en 1763, met fin à la guerre de Sept Ans. Faute de guerre, le jeune lieutenant de Laclos est obligé d’étouffer ses ambitions guerrières et de mener une morne vie de garnison : au 7e régiment d’artillerie de Toul en 1763, à Strasbourg de 1765 à 1769, à Grenoble de 1769 à 1775, puis à Besançon de 1775 à 1776.

Nommé capitaine à l’ancienneté en 1771 — il le restera durant dix-sept ans jusqu’à la veille de la Révolution — cet artilleur, froid et logicien, à l’esprit subtil, s’ennuie parmi ses soldats grossiers, et pour occuper son temps, il s’investit dans la littérature et dans l’écriture. Ses premières pièces, écrites en vers légers, sont publiées dans « L’Almanach des Muses ». S’inspirant d’un roman de Mme Riccoboni, il écrit un assez mauvais opéra-comique « Ernestine », le mulâtre d’origine guadeloupéenne Chevalier de Saint-Georges se chargeant de la partition. Cette œuvre n’aura qu’une seule désastreuse représentation, le 19 juillet 1777 devant la reine Marie-Antoinette.

Lors de cette même année 1777, il reçoit la mission d’installer une nouvelle école d’artillerie à Valence qui recevra notamment Napoléon. De retour à Besançon en 1778, il est promu capitaine en second de sapeurs. Durant ses nombreux temps libres en garnison, il rédige plusieurs œuvres, dans lesquelles il apparaît comme un fervent admirateur de Jean-Jacques Rousseau et de son roman La Nouvelle Héloïse, qu’il considère comme « le plus beau des ouvrages produits sous le titre de roman ». En 1778, il commence l’écriture des Liaisons dangereuses.

Les Liaisons dangereuses

En 1779, il est envoyé en mission dans l’île-d’Aix pour assister le Marquis de Montalembert dans la direction des constructions de fortifications contre les Britanniques. De fait, il passe beaucoup de temps à rédiger Les Liaisons dangereuses, et aussi une Epître à Madame de Montalembert. Promu en cette fin d’année capitaine de bombardier, il demande un congé de six mois qu’il occupe à Paris à écrire ; il sait que désormais son ambition littéraire doit passer avant son ambition militaire, pour laquelle il se sent frustré.

Son ouvrage en gestation contient ses frustrations militaires — n’avoir jamais pu faire valoir ses qualités lors d’une guerre — mais aussi les nombreuses humiliations qu’il estime avoir subies toute sa vie, de la part des vrais aristocrates, ainsi que de femmes qu’il pense inaccessibles. Les Liaisons dangereuses sont donc aussi pour lui une sorte de vengeance et une thérapie par l’écriture.

En 1781, promu capitaine-commandant de canonniers, il obtient une nouvelle permission de six mois, lors de laquelle il achève son chef-d’œuvre. Il confie à l’éditeur Durand Neveu la tâche de le publier en quatre volumes qui sont proposés à la vente le 23 mars 1782. Le succès est immédiat et fulgurant ; la première édition comprend deux mille exemplaires qui sont vendus en un mois — ce qui pour l’époque est déjà assez extraordinaire — et dans les deux années qui suivent une dizaine de rééditions sont aussi proposées et vendues.

Cependant la publication de cet ouvrage sulfureux, considéré comme une attaque contre l’aristocratie, est jugée comme une faute par son commandement. Ordre lui est donné de rejoindre immédiatement sa garnison en Bretagne, depuis laquelle il est envoyé à La Rochelle en 1783 pour participer à la construction du nouvel arsenal. C’est là qu’il fait la connaissance de Marie-Soulange Duperré, qu’il séduit et qui rapidement attend un enfant de lui. Il a 42 ans, elle seulement 24, mais, réellement amoureux, il l’épousera en 1786 et reconnaîtra l’enfant. Marie-Soulange sera le grand amour de sa vie et lui donnera deux autres enfants.

Choderlos de Laclos ne ressemble en rien au séducteur archétype du personnage de Valmont et n’en a aucunement les tares. Il n’est en rien un séducteur, et on le décrit comme « un monsieur maigre et jaune » à la « conversation froide et méthodique ». Exempte de conquêtes, sa vie sentimentale se limite à son épouse Marie-Soulange pour laquelle il est un époux fidèle, de même qu’il est pour ses enfants un père attentionné.

Par la suite, il participe à un concours académique dont le sujet est « Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l’éducation des femmes ? », ce qui lui permet de développer des vues plutôt féministes sur l’égalité des sexes et l’éducation donnée aux jeunes filles. Dans ce texte resté inachevé, il dénonce l’éducation donnée aux jeunes filles qui ne vise alors, selon lui, « qu’à les accoutumer à la servitude, et à les y maintenir ». Le thème de l’émancipation féminine avait déjà dans Les Liaisons dangereuses un rôle important.

Le 17 juin 1787 il écrivait au Journal de Paris son projet de numérotage des rues de Paris.

Le roman épistolaire de Choderlos de Laclos les Liaisons dangereuses retrace les aventures amoureuses de la Marquise de Merteuil et de son ancien amant, le Vicomte de Valmont. La Marquise, voulant se venger d’un amant infidèle alors promis à la fille d’une cousine, Cécile de Volanges, fait en sorte que le Vicomte déshonore cette dernière avant le mariage. Ce que le Vicomte accomplit, alors même qu’il tente de séduire une femme reconnue pour sa vertu : la Présidente de Tourvel. Elle tente de rester fidèle à son mari mais le Vicomte parvient à la pièger et à la faire mourir d’amour. Cécile de Volanges, quant à elle, tombe amoureuse du chevalier Danceny, son maître de solfège. Mais, la Marquise de Merteuil en fait son amant par toutes sortes de manoeuvres. Elle provoque ainsi un duel entre le Vicomte de Valmont, qui cherche à retrouver ses faveurs, et le jeune chevalier Danceny, qui parviendra à tuer le Vicomte, tourmenté des regrets d’avoir condamné la Présidente de Tourvel. Il remet alors au chevalier toute la correspondance qu’il a tenue avec la Marquise afin que celle-ci soit révélée non comme la femme la plus vertueuse de Paris mais comme un démon dangereux. Ce roman dénonce le concept de la femme-objet qui sort du couvent pour se marier et être une bonne épouse, c’est à dire, savoir se taire en toutes circonstances.

La Révolution

En 1788, il quitte l’armée. Après une période de recherche personnelle du meilleur moyen de favoriser son ambition, et diverses tentatives pour approcher un grand seigneur, il entre au service du duc d’Orléans dont il partage les idées sur l’évolution de la royauté.

La Révolution qui éclate est enfin pour lui l’occasion de vivre intensément. Dès le début il mène des intrigues en faveur de son maître et organise complots et machinations. Les 5 et 6 octobre 1789, il travaille aux journées versaillaises et rédige avec Brissot la pétition à l’origine de la fusillade du Champ-de-Mars. Le 17 juillet 1791, il négocie le rachat des six cents piques du 14 juillet.

Il se rallie à l’idée républicaine et quitte le duc d’Orléans pour un poste de commissaire au ministère de la Guerre où il a la charge de réorganiser les troupes de la jeune République. Ce poste de commissaire du ministère est l’équivalent du grade de général de brigade. Grâce à ses activités, il prépare de façon décisive à la victoire lors de la bataille de Valmy. Après la trahison de Dumouriez, Robespierre le fait emprisonner comme orléaniste, mais il est libéré lors de Thermidor.

Il met alors au point, lors d’expériences balistiques, un « boulet creux » chargé de poudre. Choderlos de Laclos est donc l’inventeur de l’obus. En 1795, espérant être réintégrê dans l’armée, il rédige un mémoire intitulé « De la guerre et de la paix » qu’il adresse au Comité de salut public, mais sans effet immédiat. Il tente aussi d’entrer dans la diplomatie et de fonder une banque mais sans plus de succès.

Finalement, il fait la connaissance du jeune général Napoléon Bonaparte, le nouveau Premier Consul, artilleur comme lui, et se rallie aux idées bonapartistes. Le 16 janvier 1800, il est réintégré comme général de brigade d’artillerie et affecté à l’Armée du Rhin, où il reçoit le baptême du feu à la bataille de Bilberach. Affecté au commandement de la réserve d’artillerie de l’Armée d’Italie, il meurt le 5 septembre 1803 à Tarente, non pas lors d’une bataille, mais affaibli par la dysenterie et la malaria. Il est enterré sur place. (Au retour des Bourbons en 1815, sa tombe fut violée et détruite.)

Œuvres

Les Liaisons dangereuses, son plus grand succès (1782)
De l’éducation des femmes (1783)
Instructions aux assemblées de bailliage (1789)
Journal des amis de la Constitution (1790-1791)
De la guerre et de la paix (1795)

Les citations de Pierre Ambroise CHODERLOS DE LACLOS

« La haine est toujours plus clairvoyante et plus ingénieuse que l’amitié. »
Pierre Ambroise CHODERLOS DE LACLOS, Les Liaisons dangereuses

« Le scélérat a ses vertus, comme l’honnête homme a ses faiblesses. »
Pierre-Ambroise CHODERLOS DE LACLOS, Les Liaisons dangereuses

« L’amour est, comme la médecine, seulement l’art d’aider la Nature. »
Pierre-Ambroise CHODERLOS DE LACLOS, Les Liaisons dangereuses

« Le superflu finit par priver du nécessaire.»
Pierre-Ambroise CHODERLOS DE LACLOS, Les Liaisons dangereuses

Bibliographie

Les liaisons dangereuses
de Pierre Choderlos De Laclos
Résumé du livre
La vengeance des femmes est ici terrible. La marquise de Merteuil a jadis, été abandonnée par le comte de Gercourt. Elle demande à son ancien amant, Valmont, de séduire la gracieuse et pure Cécile Volanges que le comte doit épouser. Il sera ainsi la risée de Paris. Valmont, don Juan toujours en chasse, poursuit un autre but aussi maléfique : il veut séduire, parce qu’il l’aime. une femme célèbre pour son esprit religieux, sa pudeur et sa chasteté, la présidente de Tourvel. Officier d’artillerie, Choderlos de Laclos applique des principes militaires : une place forte assiégée doit tomber. Rien n’arrête les machinations diaboliques de la Merteuil et de Valmont. Écrit dans la langue admirable du XVIIIe siècle, ce roman par lettres a fait et fait toujours scandale. Un chant d’amour est brutalement interrompu, le Mal règne en maître, invaincu et funeste.

Lettres
LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT

N°1
« Me boudez-vous, Vicomte ? ou bien êtes-vous mort ? ou, ce qui y ressemblerait beaucoup, ne vivez-vous plus que pour votre Présidente ? Cette femme, qui vous a rendu les illusions de la jeunesse, vous en rendra bientôt aussi les ridicules préjugés. Déjà vous voilà timide et esclave ; autant vaudrait être amoureux. Vous renoncez à vos heureuses témérités. Vous voilà donc vous conduisant sans principes, et donnant tout au hasard, ou plutôt au caprice. Ne vous souvient-il plus que l’Amour est, comme la médecine, seulement l’art d’aider la Nature ? Vous voyez que je vous bats avec vos armes : mais je n’en prendrai pas d’orgueil ; car c’est bien battre un homme à terre. Il faut qu’elle se donne, me dites-vous : eh ! sans doute, il le faut ; aussi se donnera-t-elle comme les autres, avec cette différence que ce sera de mauvaise grâce. Mais, pour qu’elle finisse par se donner, le vrai moyen est de commencer par la prendre. Que cette ridicule distinction est bien un vrai déraisonnement de l’Amour ! Je dis l’Amour ; car vous êtes amoureux. Vous parler autrement, ce serait vous trahir ; ce serait vous cacher votre mal. »

N°2
« J’allai le soir même chez Madame de Volanges, et, suivant mon projet, je lui fis confidence que je me croyais sûre qu’il existait entre sa fille et Danceny une liaison dangereuse. Cette femme, si clairvoyante contre vous, était aveuglée au point qu’elle me répondit d’abord qu’à coup sûr je me trompais ; que sa fille était un enfant, etc. Je ne pouvais pas lui dire tout ce que j’en savais ; mais je citai des regards, des propos, dont ma vertu et mon amitié s’alarmaient. Je parlai enfin presque aussi bien qu’aurait pu faire une Dévote, et, pour frapper le coup décisif, j’allai jusqu’à dire que je croyais avoir vu donner et recevoir une Lettre. Cela me rappelle, ajoutai-je, qu’un jour elle ouvrit devant moi un tiroir de son secrétaire, dans lequel je vis beaucoup de papiers, que sans doute elle conserve. Lui connaissez-vous quelque correspondance fréquente ? Ici la figure de Madame de Volanges changea, et je vis quelques larmes rouler dans ses yeux. Je vous remercie, ma digne amie, me dit-elle, en me serrant la main, je m’en éclaircirai.

Après cette conversation, trop courte pour être suspecte, je me rapprochai de la jeune personne. Je la quittai bientôt après, pour demander à la mère de ne pas me compromettre vis-à-vis de sa fille, ce qu’elle me promit d’autant plus volontiers, que je lui fis observer combien il serait heureux que cet enfant prît assez de confiance en moi pour m’ouvrir son cœur et me mettre à portée de lui donner mes sages conseils. Ce qui m’assure qu’elle tiendra sa promesse, c’est que je ne doute pas qu’elle ne veuille se faire honneur de sa pénétration auprès de sa fille.

Je me trouvais, par là, autorisée à garder mon ton d’amitié avec la petite, sans paraître fausse aux yeux de Madame de Volanges ; ce que je voulais éviter. J’y gagnais encore d’être, par la suite, aussi longtemps et aussi secrètement que je voudrais, avec la jeune personne, sans que la mère en prît jamais d’ombrage. »

Le roman est porté au cinéma, par Roger Vadim, Stephen Frears

Pierre Ambroise François Choderlos de Laclos

Publié dans Arts et Littérature | Laisser un commentaire

Le jour par jour

1768   4 septembre   

François-René de Chateaubriand, écrivain et homme politique français.

François René de Chateaubriand Homme politique et écrivain français
[Littérature classique]
Né à Saint-Malo le 04 septembre 1768
Décédé à Paris le 04 juillet 1848

Biographie

Enfance

François-René de Chateaubriand est issu d’une très vieille famille aristocratique ruinée de Saint-Malo, qui a retrouvé sa dignité d’antan grâce à la réussite commerciale du père de Chateaubriand, René-Auguste. Le jeune François-René dut d’abord vivre éloigné de ses parents, avec un éducateur. Mais à l’âge de trois ans la réussite de son père a permis à ce dernier de racheter en 1771 le château de Combourg en Bretagne, dans lequel Chateaubriand s’installa et passa une enfance souvent morose.

Il fit de rapides études aux collèges de Dol-de-Bretagne et de Rennes, obtient un brevet de sous-lieutenant au régiment de Navarre à 17 ans, fut fait capitaine à 19 ans. Il vint à Paris en 1788, où il se lia avec Jean-François de La Harpe, Marie-Joseph Chénier, Jean-Pierre Louis de Fontanes et autres littérateurs de l’époque, et fit ses débuts littéraires en écrivant des vers pour l’Almanach des Muses. Il est alors nourri de Corneille et marqué par Rousseau.

L’exilé

À la Révolution française, il s’éloigna de France à la vue des excès populaires, et s’embarqua pour le Nouveau Monde. Il parcourut pendant une année les forêts de l’Amérique du Nord, vivant avec les autochtones et ébauchant sur les lieux son poème des Natchez. Il trouvera dans ces paysages le reflet de son sentiment d’exil et de solitude.

Il revint d’Amérique en 1792, pour aller rejoindre à Coblence l’armée des émigrés. Blessé au siège de Thionville, il est transporté convalescent à Jersey. Ce sera la fin de sa carrière militaire.

Il vécut à Londres dans un dénuement qui le réduisit à donner des leçons de français et à faire des traductions pour les libraires. C’est dans cette ville qu’il publia en 1797 son premier ouvrage, L’Essai sur les révolutions anciennes et modernes dans leur rapport avec la Révolution française, où il exprimait des idées politiques et religieuses peu en harmonie avec celles qu’il professera plus tard, mais où se révélait déjà son talent d’écrivain.

Retour en France et premiers succès littéraires

C’est une lettre de sa mère mourante qui le ramènera à la religion. De retour en France en 1800, il rédigea pendant quelques années le Mercure de France avec Jean-Pierre Louis de Fontanes, et fit paraître dans cette revue, en 1801, Atala, création originale qui excita une admiration universelle.

Il composa vers la même époque René, œuvre empreinte d’une mélancolie rêveuse, qui deviendra un modèle pour les écrivains romantiques. Dans cette œuvre, il rapporte de manière à peine déguisée l’amour chaste mais violent et passionné qu’il a entretenu pour sa sœur Lucile, qui le surnommait « L’enchanteur ».

Il publia ensuite le 14 avril 1802 le Génie du christianisme, qu’il avait en partie rédigé en Angleterre, et dont Atala et René n’étaient à l’origine que des épisodes : il s’était proposé d’y montrer que le christianisme, bien supérieur au paganisme par la pureté de sa morale, n’était pas moins favorable à l’art et à la poésie que les « fictions » de l’Antiquité. Ce livre fit événement et donna le signal d’un retour du religieux après la Révolution.

Chateaubriand, remarqué par le Premier Consul Napoléon Bonaparte, fut choisi en 1803 pour accompagner le cardinal Fesch à Rome comme secrétaire d’ambassade. Il venait d’être chargé en 1804 de représenter la France près de la République du Valais lorsqu’il connut l’exécution du duc d’Enghien : il donna immédiatement sa démission et passa alors dans l’opposition à l’Empire.

Le voyage en Orient

Rendu aux lettres, Chateaubriand conçut le projet d’une épopée chrétienne, où seraient mis en présence le paganisme expirant et la religion naissante; il voulut visiter par lui-même les lieux où devait être située l’action, et parcourut dans ce but la Grèce, l’Asie Mineure, la Palestine et l’Égypte durant l’année 1806. À son retour, il alla s’enfermer dans une modeste retraite, qu’il appelait la Vallée-aux-Loups, dans le Val d’Aulnay (actuellement dans la commune de Châtenay-Malabry), près de Sceaux, et y composa Les Martyrs, sorte d’épopée en prose, qui ne parut qu’en 1809.

Les notes que l’auteur avait recueillies durant son voyage formèrent la matière de L’Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811). La même année, Chateaubriand fut élu membre de l’Académie française, à la place de Marie-Joseph Chénier; mais ayant, dans son projet de discours de réception, sévèrement blâmé certains actes de la Révolution, il ne lui fut pas permis de prendre possession de son siège ; il ne put siéger qu’après la Restauration.

Faveur et disgrâce

Chateaubriand accueillit avec transport le retour des Bourbons : dès le 30 mars 1814, il avait publié contre l’empereur déchu un virulent pamphlet, De Buonaparte et des Bourbons, qui fut répandu à des milliers d’exemplaires, et qui, aux dires de Louis XVIII, valut à ce prince une armée. Nommé ambassadeur en Suède, il n’avait pas encore quitté Paris quand Napoléon Ier revint en France en 1815. Il accompagna Louis XVIII à Gand, devint un des membres de son cabinet, et lui adressa le célèbre Rapport sur l’état de la France.

Après la défaite de l’Empereur, il fut nommé ministre d’État et pair de France; mais ayant, dans La Monarchie selon la Charte, attaqué l’ordonnance du 5 septembre 1816 qui dissolvait la Chambre introuvable, il fut disgracié et perdit son poste de ministre d’État. Il se jeta dès lors dans l’opposition ultra-royaliste et devint l’un des principaux rédacteurs du Conservateur, le plus puissant organe de ce parti.

Le meurtre du duc de Berry, en 1820, le rapprocha de la cour : il écrivit à cette occasion des Mémoires sur la vie et la mort du duc. Il est nommé la même année ministre de France à Berlin, puis ambassadeur en Angleterre en 1822 (où son cuisinier invente la cuisson de la pièce de bœuf qui porte son nom).

Il fut l’un des plénipotentiaires au congrès de Vérone, et fit décider la guerre d’Espagne, malgré l’opposition de l’Angleterre. À son retour, il reçut le portefeuille de ministre des Affaires étrangères; il réussira l’aventure espagnole avec la prise de Cadix à la bataille du Trocadéro en 1823; mais, n’ayant pu s’accorder avec M. de Villèle, chef du cabinet, il se vit brutalement congédié le 5 juin 1824.

Il rentra aussitôt dans l’opposition, mais pour s’unir cette fois au parti libéral, et combattit à outrance le ministère Villèle, soit à la Chambre des Pairs, soit dans le Journal des Débats où il donna le signal de la défection : il se montra à cette époque le zélé défenseur de la liberté de la presse et de l’indépendance de la Grèce, ce qui lui valut une grande popularité.

À la chute de M. de Villèle, il fut nommé ambassadeur à Rome (1828); mais il donna sa démission à l’avènement du ministère Polignac.

L’abandon de la carrière politique

De plus en plus en rupture avec les partis conservateurs, désabusé sur l’avenir de la monarchie, il se retira des affaires après la Révolution de 1830, quittant même la Chambre des Pairs. Il ne signala plus son existence politique que par des critiques acerbes contre le nouveau gouvernement (De la Restauration et de la Monarchie élective, 1831), par des voyages auprès de la famille déchue, et par la publication d’un Mémoire sur la captivité de la duchesse de Berry (1833), mémoire au sujet duquel il fut poursuivi, mais acquitté. Il publia également en 1831 des Études historiques (4 vol. in-8), résumé d’histoire universelle où il voulait montrer le christianisme réformant la société; cet ouvrage devait être le frontispice d’une Histoire de France qu’il méditait depuis longtemps, mais qu’il n’a pas exécutée.

Ses dernières années furent passées dans une profonde retraite ; il ne quittait guère sa demeure que pour aller à l’Abbaye-aux-Bois, chez Juliette Récamier, dont il fut l’ami constant et dont le salon réunissait l’élite du monde littéraire. Il avait commencé dès 1811 des mémoires sur sa propre vie; il les reprit et les continua presque jusqu’à ses derniers moments.

Recevant de nombreuses visites, tant de la jeunesse romantique que de la jeunesse libérale, il se consacra à achever ses mémoires, qu’il intitula Mémoires d’outre-tombe, vaste projet autobiographique étalé sur trente ans. Ces Mémoires ne devaient paraître qu’après sa mort ; toutefois, pressé par des besoins d’argent, qui l’assiégèrent toute sa vie, il les céda dès 1836 à une société qui lui assura un revenu convenable pour le reste de ses jours.
Il mourut en 1848 à Paris; ses restes furent transportés à Saint-Malo et déposés face à la mer, selon son vœu, sur le rocher du Grand Bé, îlot d’aspect romantique situé dans la rade de sa ville natale, auquel on accède à pied depuis Saint-Malo lorsque la mer s’est retirée.

Chateaubriand et Napoléon Bonaparte

Les deux hommes nourrissaient une relation complexe, voire paradoxale, empreinte de fascination mutuelle et de haine. Chateaubriand enviait ainsi la dimension épique de la vie de Napoléon.

Analyse de l’œuvre

Par son talent comme par ses excès, Chateaubriand peut être considéré comme le père du romantisme en France. Ses descriptions de la nature et son analyse des sentiments du moi en ont ainsi fait un modèle pour la génération des écrivains romantiques. Il a, le premier, formulé la « vague des passions » qui deviendra un lieu commun du romantisme :

«On habite, avec un cœur plein dans un monde vide ; et sans avoir usé de rien, on est désabusé de tout.» (Le Génie du christianisme, 1802)
Sa pensée et son action politiques semblent offrir de nombreuses contradictions; il se voulait être à la fois l’ami de la royauté légitime et de la liberté, défendant alternativement celle des deux qui lui semblait être en péril :

« Je suis, a-t-il dit lui-même, bourbonien par honneur, monarchiste par raison, républicain par goût et par caractère. »

Ses détracteurs lui ont reproché un style ampoulé et une vanité excessive qui éclateraient dans ses Mémoires d’outre-tombe.

On observe dans ses Mémoires d’outre-tombe une dualité entre le Chateaubriand personnel qui exalte ses sentiments avec un lyrisme romantique et le Chateaubriand public qui établit une chronique de mémorialiste de son époque, qui a vu l’avènement de la démocratie à laquelle il s’opposait. On remarque que tout au long de son œuvre les deux personnages se regroupent en un seul, ils s’associent ainsi et l’on remarque que toute la vie politique de Chateaubriand fut influencée par ses sentiments personnels et sa solitude qui s’est transformée en une paranoïa et une peur à l’encontre d’un éventuel complot qu’il croyait formulé contre lui depuis qu’il fut éloigné à plusieurs reprises du pouvoir monarchique.

Les anecdotes sur François René de Chateaubriand

Ecrits pare-balles
Lors d’une escarmouche, un coup de feu l’atteignit en pleine poitrine. A l’étonnement de tous, il ne fut pas blessé : la balle s’était enfoncée dans l’épais manuscrit qui racontait ‘son périlleux voyage’.

Les citations de François René de Chateaubriand

«L’homme n’a pas besoin de voyager pour s’agrandir ; il porte avec lui l’immensité.»
[ François René de Chateaubriand ] – De la restauration et la monarchie élective

«La pensée agit sur le corps d’une manière inexplicable ; l’homme est peut-être la pensée du grand corps de l’univers.»
[ François René de Chateaubriand ] – Le génie du christianisme

«Il faut que les hommes fassent du bruit, à quelque prix que ce soit – peu importe le danger d’une opinion, si elle rend son auteur célèbre ; et l’on aime mieux passer pour un fripon que pour un sot.»
[ François René de Chateaubriand ] – Extrait de l’ Essai sur les révolutions

«Il est dans les extrêmes plaisirs, un aiguillon qui nous éveille, comme pour nous avertir de profiter de ce moment rapide ; dans les grandes douleurs, au contraire, je ne sais quoi de pesant nous endort.»
[ François René de Chateaubriand ] – Atala

«Toute révolution qui n’est pas accomplie dans les moeurs et dans les idées échoue.»
[ François René de Chateaubriand ] – Extrait de l’ Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes

«Il n’y a point de religion sans mystères.»
[ François René de Chateaubriand ]

«Il n’est nul besoin d’aimer le monde qui vient pour le voir venir.»
[ François René de Chateaubriand ]

«Les Français sont inquiets et volages dans le bonheur, constants et invincibles dans l’adversité.»
[ François René de Chateaubriand ]

«Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent.»
[ François René de Chateaubriand ]

«Le plus grand malheur des hommes, c’est d’avoir des lois et un gouvernement. Tout gouvernement est un mal, tout gouvernement est un joug.»
[ François René de Chateaubriand ] – Essai sur les révolutions

Les Œuvres de François René de Chateaubriand

Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes, considérées dans leurs rapports avec la Révolution française (1797)
Atala (1801)
René (1802)
Génie du christianisme (1802)
Les Martyrs (1809)
Mémoires de ma vie (1809)
Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811)
De Buonaparte et des Bourbons (1814)
Les Natchez (1826)
Voyage en Amérique (1827)
Études historiques sur la chute de l’Empire romain (1831
) Essai sur la littérature anglaise (1836)
Le Congrès de Vérone (1838)
La Vie de Rancé (1844)
Mémoires d’outre-tombe, posthumes (1848). Les Mémoires d’outre-tombe, publiés d’abord dans le feuilleton de la Presse, ont été édités en 12 vol. in-8 de 1849 à 1850

La bibliographie de François René de Chateaubriand

Le génie du Christianisme
de François René de Chateaubriand
[Littérature classique]
Résumé du livre
Cet essai à forts accents autobiographiques est une exaltation du christianisme mêlée à une réflexion politique et philosophique. Chateaubriand prouve d’abord l’existence de Dieu, puis démontre que la religion chrétienne est la plus brillante, tant dans ses influences littéraires qu’architecturales.

Atala
Suivi de ‘René’

de François René de Chateaubriand
[Littérature classique]
Résumé du livre
Ce roman inspiré des voyages de Chateaubriand en Amérique raconte le parcours d’un vieil indien qui, d’abord fait prisonnier par les Français, s’évade avec l’aide d’Atala, une jeune indienne. Atala, déchirée entre son amour pour l’indien et son voeu d’entrer en religion se donne la mort. Les descriptions de la nature, l’ambiance mystique et les personnages complexes font de ce roman l’une des oeuvres fondamentales du romantisme.

Rencontres
Lectures : Chateaubriand, précurseur du romantisme
[Livres & Lettres – Rencontres, dédicaces & conférences]
Présentation
Le cycle de lectures François-René de Chateaubriand ouvert en début de saison avec la lecture d »Atala’ par Gérard Desarthe se poursuit. D’autres textes majeurs de cet auteur (‘Les Aventures du dernier Abencérage’ et ‘Itinéraire de Paris à Jérusalem’) , interprétés par Marianne Denicourt et Eric Ruf de la Comédie-Française, sont à l’honneur dès le mois de janvier. Ce cycle de lecture se développe en parallèle aux expositions ‘Girodet, 1767-1824’, ‘Ingres, 1780-1867’, tous précurseurs du romantisme. Ces lectures souligneront l’influence décisive de l’oeuvre de Chateaubriand sur l’ensemble de la création romantique, qu’elle soit littéraire ou iconographique.

Le Menteur Magnifique
Chateaubriand en Grèce

de Michel de Jaeghere
[Histoire et Actualité]
Résumé du livre
Le 10 août 1806, Chateaubriand débarque à Méthoni, à la pointe sud du Péloponnèse, pour une traversée de la Grèce qui doit lui permettre de visiter Sparte, Argos, Mycènes, Corinthe, Mégare, Éleusis, Athènes. Le récit enchanté de ce voyage au pays des héros d’Homère et de Plutarque occupe le premier tiers de son Itinéraire de Paris à Jérusalem, Chateaubriand s’y montre tour à tour savant, aventurier, archéologue, peintre de paysages, observateur de peuples, découvreur de cités. Faut-il le croire ? Au terme d’une enquête qui tient tout à la fois de la traque policière, du commentaire de texte et de l’exercice d’admiration, Michel De Jaeghere a recoupé les dates, les récits et les témoignages pour tenter de reconstituer ce que fut la réalité de cette équipée. Il en ressort que Chateaubriand n’aura guère cessé de mentir, tout au long de son livre.

Mémoires d’Outre Tombe
de François René de Chateaubriand
[Littérature classique]
Résumé du livre
Pour la première fois depuis que l’on édite les mémoires cette édition offre une architecture d’ensemble conforme au voeu de l’auteur. Chateaubriand est certes. au plus haut point, l’homme du repli sur soi. de la " musique intérieure ". mais c’est aussi un personnage public ayant exercé d’importantes responsabilités politiques et côtoyé presque toutes les gloires de son temps. Il est donc fondamental de restituer l’exacte coïncidence des quatre carrières qui emplirent sa vie : la fin de l’Ancien Régime et la Révolution : sa carrière de " voyageur et de soldat " : l’Empire : sa carrière littéraire ; la Restauration : sa carrière politique : la Monarchie de Juillet : sa carrière de mémorialiste. Enfin, cette édition propose une analyse du travail stylistique. grâce à une explication systématique des brouillons et rédactions successives de l’œuvre.

François René vicomte de Chateaubriand

Publié dans Arts et Littérature | Laisser un commentaire

Le jour par jour

2004   3 septembre   

André Stil, écrivain français

André Stil est un écrivain français né le 1er avril 1921 à Hergnies,
dans le Nord, mort le 3 septembre 2004 à Camélas
(Pyrénées-Orientales) à l’âge de 83 ans.
Il a été élu membre de l’académie Goncourt en 1977

Biographie

Issu d’un milieu ouvrier très modeste, il a pu cependant poursuivre ses études au lycée de Valenciennes. Aussitôt passé le bac, il devient instituteur, ce qui ne l’empêche pas d’entreprendre une licence de lettres, puis de philosophie. C’est de cette période que datent ses premiers contacts avec l’écriture, plus précisément la poésie : jeune surréaliste, il participe aux activités d’un groupe appelé la Main à la Plume, sous le regard complice de Paul Éluard et Pablo Picasso. La Résistance et la Libération sont des événements si importants pour lui qu’il abandonne la poésie pour devenir un écrivain réaliste proche du peuple. Son premier livre, intitulé Le Mot « mineur » camarade, est un recueil d’essais rédigés à partir de 1945 et publiés en 1949 grâce à Louis Aragon, qui l’invite aussi à devenir rédacteur en chef du quotidien Ce Soir. C’est à partir de cette période qu’il commence à écrire en moyenne un livre par an, rythme qu’il a conservé presque jusqu’à sa mort. La plupart de ses ouvrages sont courts et beaucoup d’entre eux sont des recueils de nouvelles, forme d’écriture qui lui était particulièrement chère.

Membre du Parti communiste français, auquel il avait adhéré pendant la Résistance, André Stil a écrit pendant quelques années des ouvrages militants, dans la plus pure tradition du roman jdanovien, mais dès les années 1950 il décide de séparer son œuvre littéraire de ses activités militantes. En tant que militant, il a été pendant vingt ans membre du comité central du Parti communiste, et pendant dix ans rédacteur en chef de L’Humanité. Il était également membre du Mouvement de la paix.

Outre ses romans et nouvelles, André Stil est l’auteur de six dramatiques pour la télévision (1973-1980), de récits pour la jeunesse, et de quelques ouvrages historiques, notamment Quand Robespierre et Danton inventaient la France. Il vivait depuis les années 1970 dans les Pyrénées-Orientales, où il avait fait construire une maison au hameau de la Vallcrosa (commune de Camélas). Sa passion pour la littérature n’avait d’égale que celle pour le jeu d’échecs, et l’un de ses meilleurs souvenirs est d’avoir pu disputer une partie simultanée contre Garry Kasparov, auquel il avait posé bien des problèmes avant de s’incliner.

Les anecdotes sur André Stil

Hommage
La secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet, a rendu hommage à l’écrivain au moment de sa mort : ‘Ses mots donnaient de la profondeur à la vie. Il savait retisser, dans ses romans, les liens qui unissent le collectif et l’intime. Il savait aussi magnifier la noblesse de ses racines d’homme du Nord, comme le caractère de son pays catalan d’adoption.’

Les messages

Message de krisnico à André Stil
Homme extraordinaire. Je le connais pour l’avoir cotoyé dans mon enfance, lorsqu’il habitait à Bayeux les Fismes. Je me souviens : le château, les parties d’échecs. J’ai appris sont décès mais j’aimerais connaître le parcours de ses enfants, avec qui j’ai partagé des journées inoubliables…
Jean-Claude de Champagne.

Ses citations

«La pitié n’a qu’un tort, regarder de haut.»
[ André Stil ] – Dieu est un enfant

«L’amitié est un jeu sans pareil où, si on gagne pas à deux, on perd à deux.»
[ André Stil ]

Bibliographie 

Le roman de Constance
d’André Stil
Résumé du livre
Un concours de nouvelles est ouvert à Constance-sur-Orbe, petit village du Sud de la France. C’est un aimable septuagénaire, Charles Lavenant, qui en a soufflé l’idée à ses amis enseignants, les Preste. Non, il ne fera pas partie du jury, mais donnera son avis éclairé quand il s’agira de trancher, et ira même jusqu’à offrir les mille francs destinés à l’heureux élu. Les nouvelles arrivent. Il y en aura douze, puis treize… Nous les découvrons avec les Preste et nous les dégustons une à une avec eux. La Chemise grise, La Servitude, L’Enfant caché, Monsieur le maire, etc. Petits contes, graves et tendres, de la vie ordinaire. Des merveilles de sensibilité, où l’humour ne fait pas défaut… Nous sommes touchés, et intrigués… Comme les membres du jury, nous leur trouvons un certain air de famille, un même esprit d’enfance, une même malice… A la fin, nous serons aussi contents que Charles Lavenant, même si le gagnant du concours n’est pas celui qu’on attendait…
Le charmeur caché derrière les multiples nouvelles, l’amoureux des faits et gestes de la vie modeste ne font qu’un avec le romancier : c’est André Stil lui-même.

Le medecin de charme
d’André Stil
Roman
Résumé du livre
Clara n’avait jusqu’ici vécu dans aucun livre. Dans le téléfilm Le Dernier Train, scénario et dialogues d’André Stil, diffusé sur TF 1, on la voyait un peu dans l’ombre de son mari, Marcel, le cheminot. La voici au premier plan, affrontée à la plus terrible des maladies. Dieu, dit-on, est mort, les âmes se sont envolées, mais il reste les corps, dont les médecins sont les grands prêtres. Comme Robert Ménage, ce docteur « de charme » dans une petite ville du Nord. Quelqu’un à qui on peut se confier, qui reçoit aimablement les confessions de votre corps, qui les comprend – et les élude. En même temps qu’il fait de son cabinet un décor de théâtre. Bref, un homme de l’art pour ne pas dire un « comédien ».
Que les médecins de France et de Navarre n’aillent pas croire des choses. Comme le dit André Stil : « Ceci est un roman. » Il n’empêche que Clara Davaine, cinquante ans et femme de cheminot, vient un jour consulter le docteur Ménage. « Un problème comme toutes les femmes de votre âge en ont », lui dit-il, avec indifférence. Plutôt que dire la vérité, il préfère s’en tenir à des inactions et des silences, dont ses clients lui rendent grâce. Clara est donc absoute de son mal, mais il lui faudra peu de temps pour comprendre que c’est d’un mal définitif qu’elle est atteinte.
C’est alors que s’efface le « charme » du docteur Ménage et que la parole est enfin donnée à sa malade. Ce qu’il ne lui a pas dit, elle va le découvrir elle-même, faire l’apprentissage de la vérité dans « son âme et son corps ». Ici, le roman est senti comme l’intime discours, lucide et bouleversant, d’une femme qui devient l’actrice du scénario de sa propre mort. Jusqu’au jour où Noëlle, la femme du docteur Ménage, une de ses autres victimes, rend à Clara une visite inattendue…
Dans ce roman, André Stil ne fait pas de procès. Il témoigne de l’inhumaine solitude à laquelle notre société, en toute « innocence », peut conduire les êtres.

Une vie à écrire
d’André Stil
Résumé du livre
Voici, avec Une vie à écrire, l’autobiographie d’André Stil. Elle passe par un dialogue avec l’un des connaisseurs les plus avisés de son œuvre, Jean-Claude Lebrun, critique littéraire à L’Humanité et professeur. Le lecteur est aussitôt au coeur de la personnalité d André Stil, de sa vie, de ses deux grandes obsessions: l’écriture (ce livre est un hymne à l’écriture) et le militantisme. Sur les liens entre la politique et l’écriture, sur les tourments de la conscience politique, sur les délicats rapports de l’écrivain et de son engagement, il y a là des pages fortes et graves. Comment un homme qui fut dix ans rédacteur en chef de L’Humanité et membre du comité central du Parti communiste français se comporte-t-il avec sa conscience, son éthique d’écrivain, dès lors qu’il découvre que l’engagement politique et l’écriture ne vont pas toujours ensemble ?
Picasso, de Gaulle, Thorez et surtout Aragon : telles sont les figures emblématiques qui composent autant de portraits. Le surréalisme, la Résistance, et des propos sur l’inspiration et la création retiendront un lecteur que touchera fort, en outre, le récit pudique des deux chagrins immenses qui marquent André Stil : la mort de sa femme, Moun, la mort, à vingt ans, de Simon, son fils, assassiné. Si le Nord et, aujourd’hui, le Sud influencent beaucoup l’œuvre, manquaient jusqu’ici les évocations de l’auteur qui, sur ses origines, son milieu et les cinquante ans de vie au parti, apportent des éléments qui éclairent ses livres.

L’homme fleur
d’André Stil
Résumé du livre
Amoureux des fleurs depuis son enfance, Denis, à quarante ans, est à la tête d’une pépinière dans le Roussillon. Sa vie personnelle est tout aussi harmonieuse : sa famille, ses employés, ses voisins composent autour de lui une communauté où il se sent bien. Quelques années plus tard, Denis découvre le sentiment de la mort, le deuil simple et terrible de la grâce du monde. « Ce monde est trop beau » s’exclame le romancier dans un livre simple et profond. Dans la splendeur du Roussillon, le bonheur de vivre et le deuil des fleurs composent en se mêlant une musique déchirante.

 

 


Dieu est un enfant
d’André Stil<>Roman
Résumé du livre

Une enfance heureuse. Troisième de la famille, Bernard est un « petit dernier » que Fernande et Constant n’attendaient plus. Est-ce pour cela que, né au lendemain de la Grande Guerre, il est l’enfant gâté? « L’enfant ouaté », comme on dit dans le Nord? Ainsi parle-t-on dans ce pays de briques, de mines et d’étangs, où Bernard découvre avec la vie les hivers enneigés, les étés au jardin, le parfum du café qu’on brûle, les jeux dangereux sur les terrils, les combats de coqs et les grandes fiestas de la ducasse. Chemin faisant, il connaît aussi l’amitié, avec son copain Wadeck, le Polonais, et les curieux concours de sifflets du premier âge, en attendant d’autres révélations, comme le gant de toilette, la serviette-éponge, la brosse à dents, quand le jeune boursier tout neuf sera pensionnaire au lycée. Dure école du froid et de l’injustice qui lui ouvre déjà les horizons d’un autre univers; à une heure de son village, par le tramway qui court le plat pays. Désormais, bien que Bernard y ait laissé son coeur, il ne sera plus jamais « l’enfant ouaté » de jadis.

L’ami dans le miroir
d’André Stil<>Roman
Résumé du livre

Deux ouvriers amis, aujourd’hui. Cela se fait par hasard, et sans grands. mots. La vie simple met les grands mots dans les petits. Et il n’y a pas d’homme qui nie soit une exception. Ce qu’on appelle le quotidien lui–même est plein d’exceptions. Surtout quand il est celui, encore si peu présent dans les livres, d’une grande usine et’ de ses abords, ses feux merveilleux et terribles, ses cruautés et ses bontés secrètes.
L’auteur, qui le connaît depuis l’enfance, n’en parle jamais froidement. Et il y a aussi les jeux de l’humour et du banal. Une amitié d’hommes. Et devant elle, bientôt, à la fois une tragédie et ce qui arrive tous les jours sur les lieux où l’on travaille, La fin de ce roman est brusque comme la fin d’une nouvelle. Elle a ses raisons. Le livre refermé, le lecteur n’a pas fini de les écouter, en lui-même.

L’homme de coeur
d’André Stil<>Résumé du livre
Gérard – soixante ans, scénariste – se penche sur son passé, ou, plutôt, c’est son passé qui surgit devant lui, par bribes, par à-coups, comme si le temps, pareil à la mer, se retirait découvrant sur la plage déserte de sa vie des débris de bonheurs et de naufrages anciens. Et voici que se succèdent, au fil du roman, les souvenirs de son Nord natal – celui des mines et des filatures -, de ses parents ouvriers, de l’oncle Grégoire aux doigts d’étrangleur, de ses compagnons de lycée, de son ami d’enfance, Jean-Pierre, qui est mort fou, de Thivencelles où, jeune instituteur, il a vécu les premiers temps de l’Occupation, du maquis du Nouvion. Viennent ensuite les souvenirs de son passé de militant… Il y a encore ces femmes qu’il a connues : Micheline, qui écrivait des poèmes, Monique, la journaliste…
Raymonde, enfin… Le grand amour et la grande tragédie de sa vie, victime de la plus angoissante des maladies dont ils avaient, tous deux, curieusement décidé de raconter l’histoire dans un film! Comme pour l’exorciser, prendre peut-être le destin en défaut…
Pour cet « homme de coeur », la question qui se pose est de faire face à la vie comme il a fait face à la mort. Va-t-il se « remettre en route », comme il dit ? Retrouver un bonheur qui, pour lui, « est de rendre heureux » ? Et que lui apportera la petite Valérie, cette enfant aux yeux verts « en train de devenir femme » qui fait soudain irruption dans son existence?
L’Homme de cour est un roman dont le héros, par certains côtés, ressemble à son auteur. Les pages bouleversantes qui nous décrivent avec pudeur et lucidité à la fois les souffrances et l’agonie de Raymonde sont de celles où l’expérience d’un drame vécu nous transporte au-delà du romanesque :.dans une région où toute fiction s’abolit pour laisser la parole à l’inéluctable vérité de notre humaine condition.

Les quartiers d’été
d’André Stil<>Résumé du livre
Dans le Midi de la France, une petite maison où vivent un homme de soixante-neuf ans et sa compagne. Abel vient du Nord où il a travaillé un demi-siècle dans les mines. Il a pris sa retraite dans le pays catalan et a rencontré Lydie, une jeunesse, cinquante ans à peine ! Ils s’aiment. Pour que la vie recommence, il a suffi qu’il bouge du nord au sud.
Abel découvre tout : les gens, le parler catalan, la montagne, la garrigue, la mer. Il goûte les fruits, construit une terrasse, pêche en mer et aime Lydie de toutes ses forces.
André Stil raconte merveilleusement la jeunesse de l’amour, en ce roman du bonheur, de la gourmandise de vivre.
Quel beau livre optimiste, où le soleil du Midi vient illuminer un homme qui ne renie pas le Nord pour autant !
Claude Fleury, Le Républicain lorrain.
Un hymne sensuel à la vie, le roman du bonheur tranquille.
Jean-Claude Perrier, Le Quotidien de Paris
Une magnifique leçon de vivre.
Michel Caffier. L’Est républicain.

L’autre monde etc…
d’André Stil
Roman<>Résumé du livre
Un homme monte par erreur en première classe dans le métro… Une femme âgée prononce un mot oublié du parler régional… Un balayeur entreprend d’expliquer à son collègue comment on tient un balai… L’auteur du Médecin de charme et du Roman de Constance n’a pas besoin de grand-chose pour nous emmener dans la réalité ou le rêve, dans le coeur des hommes surtout, vers de sur prenantes découvertes. Un détail infime peut suffire, si le regard posé est humain et sensible.
L’écriture s’ouvre ici à tout, au récit de rêve et à l’instantané, à l’anecdote comme à la méditation. Mais à chaque page on retrouvera ce qui fait le charme et l’authenticité d’André Stil : son goût pour la vie des obscurs, des petites gens, ouvriers du Nord, travailleurs immigrés, paysans, dépeinte avec un réalisme qui n’exclut ni la poésie ni la tendresse.

Malaguanyat
d’André Stil<>Présentation du livre
"Un homme attend que le jour décide pour lui, décide de lui. Quel âge a-t-il ? Entre cinquante et soixante-dix ans. Qui veut préciser se trompe. Il attend une femme. Si elle vient, il a gagné. Sinon, il descendra peut-être le chemin…" Lui, c’est Jean-Pierre : aux côtés de son père, républicain espagnol, il s’était lancé très tôt dans la Résistance. Au retour, jeune instituteur, il avait vécu une passion avec la belle Aline, fille du maire, qui ne consentait à y répondre qu’après passage à l’église. Jean-Pierre s’était refusé à trahir son père. Il s’était donc marié ailleurs. Elle aussi… "Quand il cherche à juger de tout cela, se juger pour tout cela, il ne trouve que : Malaguanyat. Dommage. C’est dommage. Dommage que la vie fasse, avec cette facilité apparente, d’aussi grosses bêtises." Ce livre est le roman des retrouvailles, de cet amour pacifié qu’offre le crépuscule à cet étrange couple d’un veuf père de quatre enfants et d’une veuve trois fois mère, jeunes promis aux cheveux gris…

 

André Stil "Atelier 89"

Publié dans Arts et Littérature | Laisser un commentaire

Le jour par jour

1973   2 septembre   

John Ronald Reuel Tolkien, écrivain britannique

John Ronald Reuel Tolkien, souvent appelé J. R. R. Tolkien (« Ronald » pour sa famille), était un philologue et écrivain britannique, né le 3 janvier 1892 à Bloemfontein (Afrique du Sud) et mort le 2 septembre 1973, à Bournemouth (Royaume-Uni).

C’était un fervent catholique. Ami proche de C. S. Lewis, il faisait partie comme lui du groupe littéraire des Inklings.

Biographie

Enfance

John Ronald Reuel Tolkien naît le 3 janvier 1892 à Bloemfontein, en Afrique du Sud. Sa mère, Mabel Suffield, fait partie d’une famille commerçante des Midlands, tandis que la famille de son père, Arthur Tolkien, est d’origine allemande.

En 1896, suite à des problèmes de santé, il vient en Angleterre près de Birmingham où il passera le reste de son enfance. Son père, resté en Afrique du Sud, meurt là-bas. En 1904, sa mère meurt à son tour. Il sera d’abord placé sous la tutelle d’un prêtre catholique, le père Francis Morgan, puis d’une tante à partir de 1905.

Jeunesse

En 1916, il épouse Edith Bratt, une amie d’enfance dont il était amoureux depuis longtemps, mais que le prêtre de son enfance avait tenue à distance, car celui-ci voulait que John se consacre pleinement à ses études avant de se lancer dans des histoires amoureuses.

Il s’engage ensuite dans l’armée et servira dans les Lancashire Fusiliers pendant la Première Guerre mondiale où il sera engagé dans la meurtrière bataille de la Somme. Il est rapatrié en 1917 pour cause de « fièvre des tranchées ». C’est à cette époque que, déjà passionné de langues imaginaires, il crée la langue des Elfes, le haut-elfique ou quenya et écrit les prémices de la mythologie du Silmarillion.

L’universitaire et l’écrivain

En 1919, il est diplômé d’Oxford. Il travaille tout d’abord comme lexicographe sur le fameux Oxford English Dictionary de 1919 à 1921, puis obtient un poste de maître-assistant à Leeds. En 1924, il devient professeur de langue anglaise. En 1925, il revient à Oxford (Merton College) pour une chaire de langue ancienne (anglo-saxon). En 1945, il enseignera la langue et la littérature anglaises jusqu’à sa retraite en 1959.

Son premier livre Bilbo le Hobbit a été inventé sous forme orale, puis mis par écrit (inachevé), pour ses enfants. Découvert par une étudiante, puis par un éditeur, le manuscrit est achevé, puis publié, en 1937. Il a travaillé à partir de 1938 sur Le Seigneur des Anneaux qui sera publié en 1954, et dont le succès ne démentira jamais, dès les années 50, mais surtout à partir du milieu des années 1960. En 1978 paraît une première adaptation cinématographique animée, réalisée par Ralph Bakshi. Ce film, partiellement réalisé en rotoscopie, arrête le récit au milieu du 2e tome, Les deux tours. Le réalisateur néo-zélandais Peter Jackson a adapté quant à lui l’intégralité de l’œuvre dans trois films à succès tournés ensemble, mais sortis successivement en salles en 2001, 2002 et 2003.

Tolkien était aussi philologue que linguiste. Il était spécialiste du dialecte mercien (Mercian) du vieil anglais (qu’on parlait dans le centre de la Grande-Bretagne, entre 450 et 1150) et du moyen anglais (1150 – 1500). Mais il a enseigné d’autres langues germaniques (norrois et gotique). Il parlait l’afrikaans, le latin, le grec, l’hébreu, le gallois et le finnois qu’il aimait particulièrement, ce qui n’était, en revanche, pas du tout le cas du français (La francophobie de Tolkien est évoquée par tous les biographes, notamment par Humphrey Carpenter, qui la juge « presque inexplicable »).

Fin de vie

C’est le 29 septembre 1971 qu’Edith, sa femme, meurt. Sur sa tombe, il fait graver après son nom, Lúthien. Il la rejoignit le 2 septembre 1973, et avait demandé que soit gravé, pour lui, le nom de Beren (Lúthien et Beren sont deux personnages de l’univers qu’il a créé, la Terre du Milieu, le premier couple alliant elfe et humain). Il est enterré au cimetière Wolvercote à Oxford.

Survol de l’œuvre

En tant qu’écrivain, Tolkien est particulièrement célèbre pour avoir imaginé un univers de fiction très complet et cohérent, avec sa cosmogonie et son histoire, ses peuples ainsi que leurs langues et cultures. Couramment cité sous le nom (quelque peu réducteur) de Terre du Milieu, ce monde est le théâtre de nombre de ses récits dont son roman le plus célèbre, Le Seigneur des Anneaux, dans lequel il ne voyait qu’une petite partie de sa mythologie.

Langues construites

] La carrière académique et la production littéraire de Tolkien sont toutes deux indissociables de son engouement premier pour la linguistique et la philologie.

Spécialiste de l’anglo-saxon médiéval ou, plus précisément, du dialecte mercien, c’était d’abord un érudit maîtrisant plus d’une dizaine d’autres langues, au nombre desquelles on peut citer le gallois (dont il donna des cours, cf. Lettres, n°7) et le finnois (qu’il découvrit par l’intermédiaire du Kalevala). Nombre de langues qui l’intéressaient vinrent donc à figurer dans ses œuvres de fiction. Ainsi qu’il le précise dans l’appendice F, section II, du Seigneur des Anneaux, Tolkien se présente, par le biais d’une mise en abyme, comme le « traducteur » présumé du Livre Rouge de la Marche de l’Ouest. Il prend en conséquence le parti de rendre les noms des peuples « humains » de son univers fictifs (toponymes ou patronymes) par diverses langues réelles. Il utilise ainsi l’anglo-saxon pour les noms et la langue des Rohirrim (Eorl, Eomer, Theoden, éored, mearas, etc.) et le vieux norrois pour les noms des Nains (Dwalin, Narvi, etc.) ou encore du mage Gandalf. Les Contes et Légendes Inachevés mentionnent aussi l’utilisation de la langue gotique pour les ancêtres des Rohirrim (Vidumavi, Vidugavia).

Mais en parallèle de ses travaux professionnels, et parfois même à leur détriment (au point que ses publications académiques restent assez peu nombreuses), Tolkien se passionnait pour les langues construites. Amoureux des mots au-delà de son métier, il avait une passion qu’il appelait son « vice secret » : la construction pure et simple de tout un vocabulaire imaginaire, avec son lot de notes étymologiques et de grammaires fictives. Pas moins d’une dizaine de langues construites figurent dans Le Seigneur des Anneaux, au travers de noms de lieux ou de personnages, de brèves allusions discursives ou de chants et de poèmes. L’ensemble participe à la vraisemblance du récit, chacun des peuples de la Terre du Milieu ayant ses traditions, son histoire et ses langues.

Tolkien aborde sa conception personnelle des langues construites dans son essai A Secret Vice. La composition d’une langue, pour lui, relève d’un désir d’esthétique et d’euphonie, participant d’une satisfaction intellectuelle et d’une « symphonie intime ». Il disait avoir commencé à inventer ses propres langues vers l’âge de 15 ans, et nous pouvons probablement penser que son métier de philologue n’était qu’un des reflets de sa passion profonde pour les langues. S’il considérait avant tout l’invention d’une langue comme une forme d’art à part entière, il ne concevait pas qu’elle puisse exister sans avoir une « mythologie » propre, à savoir un ensemble d’histoires et de légendes pour accompagner ses évolutions. Il commença à concevoir ses langues avant la rédaction des premières légendes (Lettres, n°163). Considérant qu’il existe un lien fondamental entre une langue et la tradition qu’elle exprime, il fut naturellement mené à concevoir son propre « Legendarium » dans lequel ses langues pourraient s’inscrire (Lettres, n° 180).

Tolkien travailla durant toute sa vie sur ses langues construites sans jamais véritablement les achever. Son plaisir se trouvait davantage dans la création linguistique que dans un quelconque but d’en faire des langues utilisables. Si deux d’entre elles (quenya et sindarin) sont relativement développées, avec un vocabulaire de plus de 2000 mots et une grammaire plus ou moins définie, beaucoup d’autres auxquelles il fait allusion dans ses écrits sont tout juste esquissées. Il n’en reste pas moins vrai que ces diverses langues sont construites sur des bases linguistiques sérieuses, avec une volonté de respecter le modèle des langues naturelles. Par exemple, les langues des Nains (khuzdûl) et des Númenóréens (adûnaic) ressemblent par certains aspects aux langues sémitiques (« faintly Semitic flavour », Sauron Defeated, p. 241), en particulier en adoptant une structure trilitère ou en mettant en œuvre des procédés comme la mimmation. Si le quenya des Hauts-Elfes est une langue à flexions (comme le grec et le latin), son vocabulaire et sa phonologie sont conçus sur un modèle proche du finnois. Quant à la langue sindarine des Elfes Gris, elle s’inspire très librement du gallois (Lettres, n°165) dans certains de ses aspects phonologiques comme les mutations de consonnes initiales ou « lénitions ». Ceci étant dit, les langues de Tolkien ne sont pas non plus de simples « copies » des langues naturelles et elles ont leurs propres spécificités.

Quelques-unes des langues inventées par J. R. R. Tolkien :

adûnaic (langue de Númenor)
khuzdûl (langue des Nains)
noir parler (langue des Orques)
quenya (langue des Hauts Elfes)
sindarin (langue des Elfes des Terres du Milieu)
westron ou sovâl phârë (langue commune des Hommes)
valarin (langue des Valar)
rohirique (langue des Rohirrim)

Tolkien imagina aussi plusieurs systèmes d’écriture pour ses langues. Une écriture cursive (Tengwar de Fëanor) et un alphabet de type runique (Cirth de Daeron) sont illustrés dans le corps du Seigneur des Anneaux. Bien plus tôt, Tolkien avait aussi conçu d’autres systèmes comme les Sarati de Rúmil.

Au sujet de l’espéranto

« J’ai de la sympathie en particulier pour les revendications de l’espéranto. (…) mais la principale raison de le soutenir me semble reposer sur le fait qu’il a déjà acquis la première place, qu’il a reçu le plus large accueil. »
Cependant, il nuança ultérieurement son propos :

« Le volapük, l’espéranto, le novial, etc., sont des langues mortes, bien plus mortes que des langues anciennes que l’on ne parle plus, parce que leurs auteurs n’ont jamais inventé aucune légende espéranto. »

Les messages

] Message de moumainn à J. R. R. Tolkien
Démagogue, au point de rejeter tout le mal sur une âme personnifiée en anneau, poussant même le vice jusqu’à sombrer dans les ténèbres du manichéisme, mais malgré tout captivant, prenant, enchantant et surprenant. Merci maître Tolkien.

Message de cacahuetebolognaise à J. R. R. Tolkien
Il y en a qui disent que les écrits de Tolkien n’ont pas la moindre essence littéraire, n’ont pas le moindre intérêt littéraire. Ceux-là, je peux parier qu’ils ont quitté la Terre depuis belle lurette.
Et dire qu’un homme a réussi à rassembler un mythe sous sa plume et nos yeux.

Message de foufoue à J. R. R. Tolkien
Si Tolkien était encore en vie et si je pouvais lui parler je le remercierais pour les leçons qu’il nous a enseigné, pour l’échappatoire qu’il nous a donné, la loyauté l’amitié et l’humilité qu’il nous a confié ! merci encore
Il faut avoir foi et se battre ! Se battre car il y a du bon en ce monde et c’est pour cela que nous devons continuer (…)

Message de tiph67 à J. R. R. Tolkien
Merci. C’est tout ce qu’il y a à dire. Merci de nous faire rêver.

Message de FeNixe à J. R. R. Tolkien
Si Tolkien se tenait face à moi, fumant sa pipe et regardant ce monde qui nous entoure je lui poserais cette question : que pensez-vous de nous à présent? Je ne sais pas ce que sa réponse serait, ce qui est fort regrettable puisque c’est vous seul Monsieur Tolkien qui m’avez fait comprendre que l’amitié, le courage, la loyauté existait et qu’il ne fallait jamais perdre espoir quoi qu’il arrive,
"La seule chose que l’on puisse décider est quoi faire du temps qui nous est imparti". Merci

C’est ce que je fais maintenant!

Message de lymnidol à J. R. R. Tolkien
Toute sa vie Tolkien est resté un enfant car il n’y a qu’un enfant pour pouvoir avoir une telle imagination ! Et grâce a lui les lecteurs de ces oeuvres retombent en enfance et font travailler leur imagination à chaque page ! Que dire d’autre à part que Tolkien est et sera à jamais immortel tant qu’il y aura des gens simple et désireux de découvrir les merveilles de la littérature pour le lire et apprécier tout son talent, son génie et surtout son imagination ! Et enfin qu’il été devant moi je lui dirait merci pour tout les moments qu’il m’a fait passer et je suis sûre de ne pas être la seule !

Les citations de J. R. R. Tolkien

«Tout étrange que cela peut paraître les choses bonnes à avoir et les jours bons à passer sont tôt racontés et n’offrent pas grand intérêt.»
[ J. R. R. Tolkien ] – Bilbo le Hobbit

«Il n’est pas prudent d’écarter de ses calculs un dragon vivant, quand on est près de lui.»
[ J. R. R. Tolkien ] – Bilbo le Hobbit

«Apprendre les langues prend énormément de temps, et il en est de même pour toutes les choses que l’on veut connaître.»
[ J. R. R. Tolkien ] – The lost road

«Tout ce qui est or ne brille pas. Tout ceux qui errent ne sont pas perdus.»
[ J. R. R. Tolkien ] – Extrait du poème All that is gold…

«Vous n’êtes, après tout, qu’un minuscule individu dans le vaste monde.»
[ J. R. R. Tolkien ] – Bilbo le Hobbit

«Celui qui brise une chose pour apprendre ce qu’elle est, a quitté les chemins de la raison.»
[ J. R. R. Tolkien ] – Le seigneur des anneaux

«Nombreux sont ceux qui vivent et méritent la mort. Et certains qui meurent méritent la vie. Pouvez-vous la leur donner ? Alors ne soyez pas trop prompt à dispenser la mort en jugement.»
[ J. R. R. Tolkien ] – Le seigneur des anneaux

«La volonté du mal ruine souvent le mal.»
[ J. R. R. Tolkien ] – Le seigneur des Anneaux

«La seule chose que l’on puisse décider est quoi faire du temps qui nous est imparti.»
[ J. R. R. Tolkien ] – Le Seigneur des anneaux

«Les mythes que nous tissons, même s’ils renferment des erreurs, reflètent inévitablement un fragment de la vraie lumière, cette vérité éternelle qui est avec Dieu.»
[ J. R. R. Tolkien ]

«Ainsi vient la neige après le feu, et même les dragons ont une fin.»
[ J. R. R. Tolkien ] – Bilbo le Hobbit

«Un traitre peut se trahir lui-même et faire un bien qu’il n’avait pas en vue.»
[ J. R. R. Tolkien ] – Le Seigneur des anneaux

«Un peu de sommeil vous remet de bien des choses.»
[ J. R. R. Tolkien ] – Bilbo le Hobbit

«Ne vous mêlez pas des affaires des magiciens, car ils sont subtils et prompts à la colère.»
[ J. R. R. Tolkien ] – Le Seigneur des anneaux

«Si un plus grand nombre d’entre nous préférait la nourriture, la gaieté et les chansons aux entassements d’or, le monde serait plus rempli de joie.» [ J. R. R. Tolkien ] – Bilbo le Hobbit «Rien ne vaut la recherche lorsqu’on veut trouver quelque chose.»
[ J. R. R. Tolkien ] – Bilbo le Hobbit

La bibliographie de J. R. R. Tolkien

Bilbo le Hobbit
de J. R. R. Tolkien
[SF et Fantasy]
Résumé du livre
Bilbo est un hobbit, ces petits êtres paisibles qui vont nu-pieds et aiment rester entre amis. Mais, lorsque le magicien Gandalf et treize nains barbus viennent lui parler de trésor et d’expédition périlleuse, Bilbo doit accepter de surmonter ses peurs et de les suivre au milieu de contrées plus dangeureuses les unes que les autres. Des Terres Solitaires à la forêt de Mirkwood, il va affronter un dragon, des trolls, des gobelins… Le plus grand classique de la littérature fantastique moderne.

Les critiques
par Christelle Heurtault
Vous rêvez d’un monde féerique ? Vous vous imaginez souvent capable de devenir invisible, de vivre des aventures extraordinaires où vous croiseriez des fées et des elfes ? Ne cherchez plus ! Ici, la magie est partout. J.R.R. Tolkien parvient avec les mots les plus simples à nous transporter instantanément dans un pays imaginaire aux couleurs chatoyantes. Bilbo n’est plus un hobbit parmi d’autres, c’est notre compagnon de voyage et l’on partage ses joies, ses craintes et ses victoires comme s’il s’agissait de notre propre frère. A travers ce récit on découvre, comme un enfant, le sens du mot "imagination" et plus rien n’empêche notre esprit de vagabonder au milieu des montagnes qui scintillent et des dragons qui tournoient au dessus de nos têtes… Vivement la sortie du film !

Les avis
Avis de kitcreanet
Que dire de ‘Bilbo le hobbit’ ? Que c’est l’incontournable ouvrage à dévorer avant de se lancer dans la trilogie du seigneur des anneaux… En effet, c’est dans cette histoire, à cette époque qui précède l’étonnante épopée de Frodon, que nous découvrirons comment Bilbo est devenu porteur de l’anneau de pouvoir, comment il l’obtient grâce à une incroyable chance et un jeu de devinettes. C’est aussi la première rencontre entre Bilbo et Gollum, les premiers émois de l’aventure pour ce respectable hobbit. Gandalf ouvre le jeu très rapidement dans cette aventure et va entraîner Bilbo bien au-delà de ce qu’il pensait pouvoir accomplir… Luttant contre des orques, défiant un dragon solitaire, Bilbo va révéler une nature bien plus aventureuse qu’il n’y parait. Vous l’aurez compris, ‘Bilbo le Hobbit’ est un livre riche en rebondissements. Une aventure palpitante qui vous fera rentrer de plein pied dans l’univers fantastique de la terre du milieu. Une oeuvre incontournable à ne rater sous aucun prétexte, pour tous les fans de Tolkien mais aussi pour les autres. Noël

Le Seigneur des Anneaux Tome II : Les Deux Tours Livre IV
de J. R. R. Tolkien
[Jeunesse]
Résumé du livre
Guidés par Gollum, créature sournoise attirée par l’Anneau de Sauron comme le fer est attiré par l’aimant, Frodon et Sam affrontent les dangers qui se dressent sur le 1 chemin menant à la Porte Noire du Pays de Mordor. Néanmoins, pour pénétrer dans ce pays ils vont devoir chercher une entrée secrète, alors que Sauron envoie sa première armée sous les ordres du Roi noir des Esprits Servants de l’Anneau. Ainsi débute la Guerre de l’Anneau. Le quatrième des six livres qui composent " Le Seigneur es Anneaux ".

 

 

La Formation de la terre du milieu
de J. R. R. Tolkien
[SF et Fantasy]
Résumé du livre
‘La Formation de la terre du milieu’ présente le ‘vrai’ Silmarillion tel que Tolkien l’a conçu dans les années 1920-1930, bien avant d’écrire ‘Le Seigneur des Anneaux’, dont il forme le décor. ‘La Formation de la terre du milieu’ est un volume crucial puisque l’on y trouve non seulement la version ‘authentique’ du Silmarillion – racontant la création du monde, l’apparition des dieux et des elfes, les premières batailles et l’histoire de héros comme Turin – , mais aussi des cartes en couleur et en noir et blanc absolument inédites en français, accompagnées d’un commentaire éclairant, complétées par des chronologies et des textes historiques sous forme d’annales.

 

 

Le Silmarillon
de J. R. R. Tolkien
[SF et Fantasy]
Résumé du livre
Faënor, le Prince des Elfes, a témoigné de son génie en créant les Silmarils, trois joyaux magiques… mais il s’est perdu d’orgueil et de rage quand Morgoth, le Noir Ennemi du Monde, a réussi à s’en emparer.
Faënor et ses fils font alors le fatal serment de reconquérir le trésor, dussent ils ravager la terre entière, faire couler le sang de leurs protecteurs les Demi-dieux, de leurs frères les Elfes !
Et durant des années, traquant l’insaisissable Morgoth – infernale épopée de combats héroïques, de sacrifices et de trahisons – Faënor et ses fils vont poursuivre leur quête…
Cependant, pour avoir suscité tant de haines et fait couler tant de sang, ces Silmarils d’une beauté sans pareille ne sont-ils pas devenus maléfiques, maudits?

Contes et légendes inachevés Tome I : Premier âge
de J. R. R. Tolkien
[Jeunesse]
Résumé du livre
D’années en années, le culte jaloux qui entourait le "Seigneur des anneaux" à sa publication dans les années 50 s’est transformé en succès universel. Les Hobbits, ce "peuple effacé mais très ancien" qui vivait quelque part au nord-ouest de l’Ancien Monde, nous sont devenus aussi familiers que les héros des contes de fées ou ceux des grandes épopées, avec Bilbo, Gandalf, Bombdil ou Galadriel, et tous les habitants de la Terre du Milieu. Magistralement restitués par son fils après la mort de J.R.R. Tolkien, les "Contes et légendes inachevés du Second Âge" prolongent et élargissent l’œuvre de l’inépuisable conteur.

 

 

Publié dans Arts et Littérature | Laisser un commentaire

Le jour par jour

1887   1 septembre   

Blaise Cendrars, romancier et poète français/suisse

Blaise Cendrars, pseudonyme de Frédéric-Louis Sauser (1er septembre 1887 — 21 janvier 1961), est un écrivain d’origine suisse, naturalisé français en 1916.

Très tôt, il a placé son œuvre sous le signe du voyage et de l’aventure. Dans sa poésie comme dans ses œuvres en prose (romans, reportages, mémoires), l’exaltation du monde moderne se mêle chez lui à la volonté de se créer une légende où l’imaginaire se mêle au réel de façon inextricable.

Engagé dans l’armée française comme volontaire étranger, il participe à la Première Guerre mondiale. Le 28 septembre 1915, il perd au combat sa main droite, sa main d’écrivain, amputée au-dessus du coude. Cette blessure marque profondément l’œuvre de Cendrars. En lui faisant découvrir son identité de gaucher, elle a bouleversé son rapport à l’écriture.

Biographie

Les années d’apprentissage

Frédéric-Louis Sauser est né le 1er septembre 1887 à La Chaux-de-Fonds (canton de Neuchâtel), dans une famille bourgeoise d’origine bernoise mais francophone. Les voyages de son père, un homme d’affaires instable, font mener à la famille une vie itinérante, notamment à Naples. Envoyé en pensionnat en Allemagne, Freddy fugue. À Neuchâtel, ses parents l’inscrivent à l’École de commerce pour des études qui sont peu de son goût.

En 1904, ses mauvais résultats scolaires le font envoyer en apprentissage à Moscou et surtout à Saint-Pétersbourg, alors en pleine effervescence révolutionnaire. Jusqu’en 1907, il y travaille chez un horloger suisse. À la Bibliothèque impériale, dont il devient un habitué, un bibliothécaire, R. R., l’encourage à écrire. Freddy commence à noter ses lectures, ses pensées.

Il aurait alors écrit La Légende de Novgorode, de l’or gris et du silence. Pour lui faire une surprise, R. R. l’aurait traduit en russe et fait imprimer à 14 exemplaires en blanc sur papier noir. Du vivant de Cendrars, personne n’a jamais vu ce livre qu’il a pourtant fait figurer en tête de toutes ses bibliographies à partir de Séquences (1913). Beaucoup doutaient de son existence, lorsqu’un poète bulgare en a découvert un exemplaire, en 1995, chez un bouquiniste de Sofia. Depuis lors, l’authenticité de cette plaquette fait l’objet de controverses, ce qui enrichit la mythologie du poète de nouveaux épisodes.

En 1907 Freddy Sauser revient en Suisse. Étudiant la médecine à l’université de Berne, il a peut-être rencontré Adolf Wölfli, interné à l’asile de la Waldau. Ce schizophrène violent qui est un dessinateur de génie pourrait être un des modèles de Moravagine, le "grand fauve humain" qui va obséder Cendrars comme un double pendant de longues années. Quant aux études universitaires, elles apportent peu de réponses aux questions qui le hantent sur l’homme, son psychisme, son comportement. Sous l’influence du Latin mystique de Remy de Gourmont, il écrit ses premiers poèmes : Séquences.

Après un court séjour à Paris, il retourne en 1911, pour quelques mois, à Saint-Pétersbourg. Il y écrit son premier roman, Moganni Nameh qui ne paraîtra qu’en 1922, en feuilleton, dans la revue Les Feuilles libres. Il se plonge dans Schopenhauer ; une formule de ce philosophe illumine son rapport à la réalité : « le monde est ma représentation ». Désormais, la vie et la poésie seront pour lui des vases communicants.

Entrée de la modernité

Fin 1911, Freddy s’embarque pour New York où il rejoint une amie, Féla Poznanska, une étudiante juive polonaise qu’il a rencontrée à Berne. Il l’épousera par la suite et elle sera la mère de ses trois enfants, Odilon, Rémy et Miriam. Son séjour aux États-Unis lui montre la voie, nouvelle et soumise aux lois de la mécanique, de la vitesse, de la modernité, dans lequel le monde s’engage. Au sortir d’une nuit d’errance, il rédige son premier long poème, Les Pâques à New York, un poème fondateur de la poésie moderne. Pour le signer il s’invente un pseudonyme : Blaise Cendrars.

Il revient à Paris pendant l’été 1912, convaincu de sa vocation poétique. Avec Emil Szittya, un écrivain anarchiste, il fonde Les Hommes Nouveaux, une revue et une maison d’édition où il publie Les Pâques, puis Séquences, un recueil de poèmes plus anciens d’inspiration décadente, marqués par l’influence de Remy de Gourmont qu’il admire comme un maître. Séquences appartient davantage à Freddy Sauser qu’à Cendrars, même s’il le signe de son pseudonyme. Il se lie d’amitié avec des personnalités artistiques et littéraires : Apollinaire et les artistes de l’école de Paris, Chagall, Léger, Survage, Modigliani, Csaky, Archipenko, Robert. En 1913, il publie la Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France, avec des compositions en couleurs de Sonia Delaunay-Terk . Dans ce premier livre simultané, le texte et l’image sont étroitement imbriqués pour créer une émotion artistique nouvelle, qui sera à l’origine d’une vive polémique. Ce poème-tableau de deux mètres de hauteur, présenté sous forme de dépliant, est reconnu aujourd’hui comme une contribution majeure à l’histoire du livre.

À la déclaration de la guerre, Cendrars lance avec l’écrivain italien Ricciotto Canudo un appel aux artistes étrangers qui vivent en france, et s’engage comme volontaire dans l’armée française. Versé dans la Légion étrangère, il perd son bras droit au cours de la grande offensive de Champagne, le 28 septembre 1915.

Le poète de la main gauche

Après une « année terrible », le poète manchot se remet à écrire de la main gauche et il publie La Guerre au Luxembourg (1916). Il est entretemps naturalisé français, le 16 février 1916. Au cours de l’été 1917, qu’il passe à Méréville (Seine-et-Oise, aujourd’hui Essonne), il découvre son identité nouvelle d’homme et de poète de la main gauche, en rédigeant, au cours de sa « plus belle nuit d’écriture », le 1er septembre, La Fin du monde filmée par l’Ange N.-D. Commence alors une période d’activité créatrice intense placée sous le signe tutélaire de la constellation d’Orion, dans laquelle la main droite du poète s’est exilée.

Dans J’ai tué (1918), premier livre illustré par Fernand Léger, il écrit quelques unes des pages les plus fortes et les plus dérangeantes qui aient été écrites sur la guerre :

« Mille millions d’individus m’ont consacré toute leur activité d’un jour, leur force, leur talent, leur science, leur intelligence, leurs habitudes, leurs sentiments, leur cœur. Et voilà qu’aujourd’hui j’ai le couteau à la main. L’eustache de Bonnot. « Vive l’humanité ! » Je palpe une froide vérité sommée d’une lame tranchante. J’ai raison. Mon jeune passé sportif saura suffire. Me voici les nerfs tendus, les muscles bandés, prêt à bondir dans la réalité. J’ai bravé la torpille, le canon, les mines, le feu, les gaz, les mitrailleuses, toute la machinerie anonyme, démoniaque, systématique, aveugle. Je vais braver l’homme. Mon semblable. Un singe. Œil pour œil, dent pour dent. À nous deux maintenant. À coups de poing, à coups de couteau. Sans merci. Je saute sur mon antagoniste. Je lui porte un coup terrible. La tête est presque décollée. J’ai tué le Boche. J’étais plus vif et plus rapide que lui. Plus direct. J’ai frappé le premier. J’ai le sens de la réalité, moi, poète. J’ai agi. J’ai tué. Comme celui qui veut vivre. »

Avec Profond aujourd’hui (1917) le poète de la main gauche publie son manifeste en présentant une vision poétique de la modernité. Paraissent également des poèmes écrits avant guerre : son troisième poème "homérique" ou "whitmanien", Le Panama ou les aventures de mes sept oncles (1918), ainsi que les Dix-neuf poèmes élastiques (1919).

S’éloignant de Paris, il prend congé des milieux littéraires d’avant-garde (Dada, puis surréalisme) dont les polémiques lui paraissent dépassées pour se tourner vers le cinéma. Il devient l’assistant d’Abel Gance pour J’accuse, où il tient également un rôle de figurant, puis pour La Roue. En 1921, il passe lui-même à la réalisation à Rome, mais l’expérience est un échec.

Comme beaucoup d’artistes et d’écrivains à cette époque, il se passionne pour l’Afrique et compile dans son Anthologie nègre (1921) des contes de tradition orale, qu’il est le premier à considérer comme de la littérature. Pour les Ballets suédois il tire de ce recueil l’argument de La Création du Monde (1923), avec une musique de Darius Milhaud, des décors et costumes de Fernand Léger.

Découverte du Brésil

En janvier 1924, il se rend au Brésil à l’invitation de Paulo Prado, homme d’affaires et mécène des poètes modernistes de São Paulo, parmi lesquels Oswald de Andrade et Mario de Andrade. Dans un pays où la nature aussi bien que la population s’accordent à ses aspirations profondes, il découvre son « Utopialand » qu’il célébrera souvent dans ses livres. Il y retournera par deux fois, de janvier à juin 1926 et d’ août 1927 à janvier 1928. Il s’y lie notamment avec les poètes Manuel Bandeira et Carlos Drummond de Andrade, ainsi qu’avec les peintres Cicero Dias et surtout Tarsila do Amaral, qu’il nomme « la plus belle Pauliste du monde ».

En 1924, il publie Kodak (Documentaire). Il faudra attendre les années 1970 pour découvrir que Cendrars avait composé ces poèmes par collage en découpant et réaménageant des fragments du Mystérieux docteur Cornélius, un roman populaire de Gustave Le Rouge. Il voulait ainsi montrer à son ami, qu’il est lui aussi un poète. La même année, paraît Feuilles de route, son dernier recueil de poèmes, illustré par Tarsila do Amaral.

Du roman au journalisme

Au retour du Brésil, il se lance dans le roman. En quelques semaines, il écrit L’Or (1925), où il retrace le tragique destin de Johann August Suter, millionnaire d’origine suisse ruiné par la découverte de l’or sur ses terres en Californie. Ce succès mondial va faire de lui, durant les années vingt, un romancier de l’aventure. Suivent bientôt Moravagine (1926), puis Le Plan de l’Aiguille et Les Confessions de Dan Yack qui rate le Goncourt.

Une vie romancée de l’aventurier Jean Galmot (Rhum – L’aventure de Jean Galmot, 1930) lui fait découvrir le monde du journalisme. Dans les années trente, il devient grand reporter pour explorer les bas-fonds (Panorama de la pègre, 1935). Son ami Pierre Lazareff, le patron de Paris-Soir, l’envoie prendre part au voyage inaugural du paquebot Normandie, puis visiter Hollywood, la Mecque du cinéma. Pendant la même période, il recueille dans trois volumes d’« histoires vraies » les nouvelles qu’il a publiées dans la grande presse. En décembre 1934, il rencontre Henry Miller qui deviendra un de ses amis.

En 1939, lorsque la guerre éclate, il s’engage comme correspondant de guerre auprès de l’armée britannique. Ses reportages paraissent notamment dans Paris-Soir et le livre qu’il en tire, Chez l’armée anglaise, sera pilonné par les Allemands. Profondément affecté par la débâcle, il quitte Paris et le journalisme pour se retirer à Aix-en-Provence pendant toute l’Occupation. Durant trois ans il cesse d’écrire.

Le rhapsodie des mémoires

À la suite d’une visite du romancier Édouard Peisson, il sort enfin du silence le 21 août 1943 et commence L’Homme foudroyé (1945) que suivront La Main coupée, Bourlinguer et Le Lotissement du Ciel. Ces volumes de « mémoires qui sont des mémoires sans être des mémoires » forment une tétralogie ; ils sont composés comme des rhapsodies par Cendrars qui renoue ainsi avec la formation musicale de sa jeunesse.

À l’occasion de ce retour à l’écriture, un jeune photographe inconnu, Robert Doisneau, est envoyé à Aix pour faire un reportage sur Cendrars. Il illustre l’article que Maximilien Vox publie en 1945 dans La Porte ouverte, la revue de la chambre de commerce franco-suédoise, sous un titre qui résume bien ces années de guerre : Cendrars, un éléphant solitaire. Quatre ans plus tard, en 1949, Cendrars écrit le texte du premier album de Doisneau : La Banlieue de Paris, qui révèle un grand photographe.

En 1944, Cendrars, qui n’écrit plus de poèmes depuis vingt ans, a recueilli ses Poésies complètes chez Denoël, avec l’aide et une préface de son ami Jacques-Henry Lévesque resté à Paris.

En janvier 1948, il quitte Aix-en-Provence pour Villefranche-sur-Mer. De jeunes poètes viennent lui rendre visite : André Miguel, Frédéric Jacques Temple.

L’année suivante, le 27 octobre 1949, il se marie avec Raymone Duchâteau, à Sigriswil dans l’Oberland bernois. Depuis qu’il a rencontré cette jeune comédienne en octobre 1917, il lui voue un amour idéalisé, non sans ambivalence, traversé de nombreuses crises.

La même année 1949, il publie Le Lotissement du ciel, dernier volume des mémoires, qui réunit les deux figures de Joseph de Cupertino, le saint volant du XVIIe siècle, et Oswaldo Padroso, un fazendeiro brésilien qui s’est pris d’un amour fou pour Sarah Bernhardt. Le prière d’insérer du volume tient de la profession de foi :

« Je voulais indiquer aux jeunes gens d’aujourd’hui qu’on les trompe, que la vie n’est pas un dilemme et qu’entre les deux idéologies contraires entre lesquels on les somme d’opter, il y a la vie, la vie, avec ses contradictions bouleversantes et miraculeuses, la vie et ses possibilités illimitées, ses absurdités beaucoup plus réjouissantes que les idioties et les platitudes de la « politique », et que c’est pour la vie qu’ils doivent opter, malgré l’attirance du suicide, individuel ou collectif, et de sa foudroyante logique scientifique. Il n’y a pas d’autres choix possibles. Vivre ! »

Retour à Paris

En 1950, il retourne définitivement à Paris et s’installe rue Jean-Dolent, en face de la prison de la Santé. À l’initiative de son ami Paul Gilson, qui y dirige les programmes artistiques, il collabore fréquemment à la Radiodiffusion française en compagnie notamment de Nino Frank et Albert Rièra. Ses entretiens radiophoniques avec Michel Manoll connaissent un grand succès. Il se lie avec de jeunes écrivains qu’il recommande aux éditions Denoël : René Fallet, Robert Giraud, Jean-Paul Clébert, Jacques Yonnet.

Après un travail long et difficile, il publie, en 1956, Emmène-moi au bout du monde !…, un roman à clefs sous couvert d’une intrigue policière. La truculence de cette chronique théâtrale qui doit beaucoup à la vie de la comédienne Marguerite Moreno, une amie de Raymone, fait scandale.

Ce sera sa dernière œuvre car il est victime d’une congestion cérébrale au cours de l’été suivant. En 1960 c’est un grabataire qu’André Malraux fait Commandeur de la Légion d’honneur.

Il meurt le 21 janvier 1961, après avoir reçu in extremis la seule récompense littéraire officielle qu’il ait obtenue de son vivant : le Grand Prix littéraire de la Ville de Paris.

Blaise Cendrars a reposé de 1961 à 1994 au cimetière des Batignolles à Paris. Il possédait, depuis 1918, une résidence, sa « maison des champs », au Tremblay-sur-Mauldre dans les Yvelines. En 1994, la municipalité a fait transférer ses cendres au cimetière du village.

Après sa mort, un lycée prend son nom dans sa ville natale de La Chaux-de-Fonds.

Les messages

Message de grattapoil à Blaise Cendrars
Blaise tu me manques, ton esprit est là, tu m’as tout appris de la vie. Mon évangile c’est ‘l’homme foudroyé’, mon viatique c’est ‘l’or’…

Les citations de Blaise Cendrars

«Rien n’est admissible ; sauf la vie, à condition de la réinventer chaque jour.»
[ Blaise Cendrars ]

«Pour être désespéré, il faut avoir vécu et aimer encore le monde.»
[ Blaise Cendrars ]

«Le seul fait d’exister est un véritable bonheur.»
[ Blaise Cendrars ]

«Ecrire, ce n’est pas vivre. C’est peut-être survivre.»
[ Blaise Cendrars ]

«L’univers est une digestion. Vivre est une action magique.»
[ Blaise Cendrars ] – Emmène-moi au bout du monde

«Ecrire est une vue de l’esprit. C’est un travail ingrat qui mène à la solitude.»
[ Blaise Cendrars ] – L’homme foudroyé

«Je ne trempe pas ma plume dans un encrier mais dans la vie.»
[ Blaise Cendrars ]

«La sérénité ne peut être atteinte que par un esprit désespéré et, pour être désespéré, il faut avoir beaucoup vécu et aimer encore le monde.»
[ Blaise Cendrars ] – Une nuit dans la forêt

«C’est dans ce que les hommes ont de plus commun qu’ils se différencient le plus.»
[ Blaise Cendrars ] – Extrait d’ Aujourd’hui

«La folie est le propre de l’homme.»
[ Blaise Cendrars ] – Bourlinguer

«Quand on aime il faut partir.»
[ Blaise Cendrars ]

«Sans l’appui de l’égoïsme, l’animal humain ne se serait jamais développé. L’égoïsme est la liane après laquelle les hommes se sont hissés hors des marais croupissants pour sortir de la jungle.»
[ Blaise Cendrars ] – Hors la loi !

«Vivez, ah ! Vivez donc, et qu’importe la suite ! N’ayez pas de remords. Vous n’êtes pas Juge.»
[ Blaise Cendrars ] – Bourlinguer

La bibliographie de Blaise Cendrars

Rhum
de Blaise Cendrars
[Littérature française XXe]
Résumé du livre
Qui était jean Galmot? « Un personnage mince, félin, un peu voûté, sobre de parole et d’allure », qui ressemble à Don Quichotte, un Don Quichotte brasseur d’affaires et planteur. Les hasards de l’existence l’avaient conduit à vingt ans en Guyane. Il y retourne pour bâtir non seulement sa fortune mais aussi la prospérité des petites gens de là-bas. Les grands féodaux de l’industrie s’inquiètent du succès de ce franc-tireur, député intègre et fervent soutien des libertés guyanaises. Il devient l’homme à abattre. Alors éclatent l’affaire des rhums, puis le scandale des Banques de Province, avec en filigrane la ruine et la prison.
L’auteur de Bourlinguer, l’Or, Moravagine, met toute sa fougue de poète et de grand reporter à évoquer la vie courageuse de cet homme seul. aux prises avec les requins de la finance dans les effervescentes années 1920.

L’Or
de Blaise Cendrars
[Littérature française XXe]
Résumé du livre
Cendrars nous peint dans une écriture filante, sans artifice, l’itinéraire entre gloire et décadence d’un général suisse aventurier. Cet homme, ayant réellement existé, quitte femme et enfants, traverse l’Atlantique puis l’Amérique avant de s’installer et de faire fortune en Californie. Avant que ne survienne la ruée vers l’or de 1849…
Les extraits de "L’Or"
Morceau choisi
La journée venait de finir. Les bonnes gens rentraient des champs, qui une bine sur l’épaule ou un panier au bras. En tête venaient les jeunes filles en corselet blanc et la cotte haut plissée. Elles se tenaient pas la taille et chantaient.

La main coupée
de Blaise Cendrars
Roman
Résumé du livre
— Comment, vous ne savez pas ? Asseyez-vous…
Ce n’était pas encore l’heure du thé. Nous étions seuls dans la boutique. Et tout en me faisait goûter des bouchées au chocolat, grignoter des petits fours et déguster un verre de xérès, la nouvelle confiseuse, qui était veuve de guerre, me raconta avec beaucoup, beau-coup de détails qui avaient tous trait à sa propre situation, comment Claire s’était pendue dans son fournil le jour où un message officiel d’Angleterre lui avait appris la mort atroce de son frère…

Hollywood
La mecque du cinéma

de Blaise Cendrars
[Littérature française XXe]
Résumé du livre
Cendrars disait écrire de la ‘poésie documentaire’ : ‘Hollywood’ est un reportage plein de poésie. Ces lieux et ces êtres qui paraissent si simples et si naturels à l’époque où il l’écrivait, grands studios, stars, sont aujourd’hui devenus des mythes. Regardez la MGM, écoutez Marlène Dietrich : c’est toujours Cendrars et son enthousiasme qui nous parlent.
Les avis

de Sahkti
Blaise Cendrars a toujours eu le goût du voyage et le sens de l’observation. En 1936, il passe deux semaines à Hollywood en vue d’y réaliser un reportage sur le milieu du cinéma. Ses notes et autres commentaires se trouvent réunis dans cette édition des Cahiers Rouges. Une mine d’or et une foule de renseignements en tous genres relatifs à cette immense industrie du cinéma qu’est Hollywood. Cendrars parle de toutet de tout le monde, des petits boulots mal payés aux stars capricieuses. Il met en évidence, si besoin en était, l’implacable mécanique qui régit ce domaine: la technique et l’argent, ingrédients indispensables pour le succès. Pas de rêve raconté ici, pas de paillettes et d’American dream, mais une société où tout est basé sur le profit, le copinage et l’absurde. Le mythe en prend un coup mais après tout, doit-on vraiment être étonnés par ce que Cendrars nous raconte. Les faits se déroulent en 1936, il y a eu bien pire depuis dans ce milieu. Témoignage intéressant, entre autres, avec cette volonté de Cendrars de rencontrer Lubitsch au moment où la Paramount veut le virer et où le tournage de "Hotel impérial" est en grande difficulté. Une autre rencontre intéressante est celle avec Wally Westmore, spécialiste de l’esthétique des visages pour le cinéma et fabricant de sex-appeal en quelque sorte. Cendrars raconte, bien et en détails, cet univers peu glorieux qui ne l’a pas vraiment déçu mais l’a cependant refroidi. Son texte est vif et pétillant, ça fait du bien.

Bourlinguer
de Blaise Cendrars
Roman
Résumé du livre
« Rij était une pouffiasse, une femme-tonneau qui devait peser dans les 110, les 120 kilos. Je n’ai jamais vu un tel monument de chairs croulantes, débordantes. Elle passait sa journée et sa nuitée dans un fauteuil capitonné, fabriqué spécialement pour elle et qu’elle ne cessait d’ornementer, d’enrubanner, lui tressant des faveurs, des nœuds, des lacets d’or et d’argent… »

L’homme foudroyé
de Blaise Cendrars
Roman
Résumé du livre
« Notre arrivée au Nain Jaune fit sensation. C’est ainsi que l’automne précédent j’avais vu entrer À la Rose, à Biarritz, le prince de Galles incognito entre deux belles filles qu’on lui avait jetées dans les bras et une bande de jeunes fous en délire. Mais le Nain Jaune était une maison sérieuse. C’était un tripot doublé d’une fumerie clandestine et l’on ne plaisante pas avec la drogue. Immédiatement on nous conduisit au petit bar privé, où d’autres gentlemen, tout aussi élégants et réservés que Félix et que Victor, les confrères avec qui ils avaient affaire, nous reçurent sans marquer aucune espèce d’étonnement. Il y a avait une femme parmi eux, la patronne du Nain Jaune, une grande latte astiquée, lustrée, calamistrée, avec des dents de jument et des yeux glauques. »

Moravagine
de Blaise Cendrars
Roman
Résumé du livre
Au milieu de toutes ces aventures, à travers les périls et les angoisses, les paysages qui défilent à cent à l’heure, les arbres qui se bousculent et qui tombent, les lignes de chemin de fer qui se plaignent sourdement au passage des trains chargés de morts, parmi les hurlements des peuples en révolution et les danses cruelles des Indiens bleus, se dresse la formidable figure du héros, Moravagine. Ce type est certainement une des plus grandes créations de toute la littérature française. Il est inoubliable. C’est un grand fauve humain.

 

Poète de génie Blaise Cendrars

Cendrars, vu par Amedeo Modigliani (1917)

Publié dans Arts et Littérature | Laisser un commentaire

Le jour par jour

1811   31 août   

Théophile Gautier, poète, romancier et critique d’art français

Théophile Gautier Ecrivain et poète français
[Littérature classique]
Né à Tarbes le 31 août 1811
Décédé à Neuilly-sur-Seine le 23 octobre 1872

Biographie

Sa formation classique et ses premiers pas dans la peinture

Né à Tarbes le 31 août 1811, le tout jeune Gautier garde longtemps « le souvenir des montagnes bleues ». Il monte pourtant très tôt avec sa famille à Paris. Il lit alors Robinson Crusoé, Paul et Virginie. En 1822 seulement, il fait un bref séjour en tant que pensionnaire au lycée Louis-Le-Grand. Ses parents doivent l’en retirer au bout d’un trimestre tant il y dépérit. Plus heureux comme externe au collège Charlemagne, Gautier y rencontre le jeune Gérard Labrunie (le futur Nerval) et manifeste un goût particulier pour les poètes latins dits décadents, les « grotesques ». À cette époque Gautier fréquente l’atelier du peintre

Louis Édouard Rioult, rue Saint-Antoine, et forme avec des amis artistes le fameux « Cénacle ». Il se destine alors à une carrière de peintre. Il appartient au Parnasse.

Rencontre avec Hugo et premiers poèmes

Sa rencontre en juin 1829 avec « le maître » Victor Hugo précipite sa carrière d’écrivain. Le 25 février 1830, il participe à la bataille d’Hernani, vêtu d’un gilet rouge qui marquera durablement les esprits. Le soir même, il quitte l’atelier de Rioult.

Cinq mois plus tard, le 28 juillet 1830, les Poésies de Théophile Gautier paraissent chez Mary. Malheureusement ce jour est aussi celui des barricades à Paris et le recueil passe sous silence. Ces premières poésies pourtant montrent un jeune poète fort habile ayant déjà acquis la manière des anciens et, conscient de leur héritage, il y fait preuve d’originalité par une forme bien arrêtée et une langue précise et nette. Trois ans plus tard, Gautier réimprime ses premiers vers dans un nouveau recueil intitulé Albertus, du nom du héros du long poème, récit fantastique, diabolique et pittoresque. La verve de cette « légende » se retrouve en 1833 dans une série de romans, Les Jeunes France, qui rendent compte avec truculence de la vie des artistes et écrivains qui forment le Cénacle. Dans cet ouvrage « baroque » pourtant, Gautier se fait le témoin lucide et ironique des ces « Précieuses Ridicules du Romantisme ».

Quittant le domicile familial, place des Vosges, Théophile Gautier s’installe impasse du Doyenné, à l’emplacement de la place du Carrousel, dans un appartement où il a comme voisins Camille Rogier, Arsène Houssaye et Nerval.

Le romancier

En 1835, Théophile Gautier fait paraître un roman, Mademoiselle de Maupin, qui fait scandale.Mais Honoré de Balzac apprécie ce jeune talent et il lui propose de contribuer au journal La Chronique de Paris en 1836.Gautier sera fort impressionné par le maître et plus tard, il contribuera à sa légende avec des portraits biographiques d’Honoré de Balzac

Balzac ,qui daignait me trouver du talent et le dire, m’envoya chercher par Jules Sandeau, et me fit travailler à la Chronique de Paris, où je mis la Morte amoureuse, la Chaîne d’or, et des articles de critique.
Gautier prépare ensuite un nouveau roman, Le Capitaine Fracasse, qu’il n’achève que trente ans plus tard, divers récits, contes ou nouvelles paraissent de 1837 à 1866 : citons Fortunio, La Toison d’or, Une nuit de Cléopâtre, Arria Marcella, la Morte amoureuse ou encore Le Roman de la momie.

Le critique d’art

Au journal de La Presse, Gautier se charge d’abord de la critique d’art. On évalue à plus de deux mille le nombre des feuilletons et articles qu’il aurait rédigés pour ce journal. Un nombre restreint de ces articles est recueilli en volumes : Les Grotesques, L’histoire des peintres, l’Art moderne, Les Beaux-Arts en Europe, l’Histoire de l’art dramatique depuis vingt-cinq ans, Trésors d’art de la Russie, Portraits contemporains, Histoire du Romantisme, Souvenirs littéraires, etc. Tous ces articles sont allègrement écrits dans une langue nette, souple, impeccable et brillante. Gautier invente à sa manière une écriture de critique d’art qui ne vise pas seulement au jugement, à l’analyse, mais aussi à recréer la justesse du sentiment esthétique. Il cherche à rendre, au moyen de mots, la sensation visuelle, musicale produite par la perception directe de l’œuvre d’art. Cette tâche de chroniqueur l’occupe toute sa vie. Souvent pesante, cette besogne quotidienne ne l’empêche pas de créer des œuvres poétiques et dramatiques, et d’effectuer des voyages.

Ainsi en 1838 paraît La Comédie de la Mort, un recueil de poèmes assez différent des précédents où, sous l’influence de Shakespeare, Goethe et Dante, Gautier sculpte avec vigueur le spectre de la Mort. En 1839, Gautier cède à la tentation du théâtre qu’il admire depuis toujours et écrit Une larme du diable puis Le Tricorne Enchanté et Pierrot Posthume. Ce sont des fantaisies, des pastorales féériques, un théâtre lyrique, impossible et imaginaire qu’il fait vivre encore dans les livrets de plusieurs ballets, dont le plus célèbre est celui de Giselle, dansé à l’Opéra le 28 juin 1841, avec un succès prodigieux.

Le contact avec l’Orient et la Méditerranée

En 1843, un séjour de six mois fait découvrir à Gautier l’Espagne. Son Voyage en Espagne, sorte de carnets d’impressions vigoureux, est marqué par la fraîcheur du regard, l’étonnement de la vision et le souci toujours exacerbé de la justesse du dire. Ces visions donnent lieu à de nouveaux vers, España, qui paraissent dans le recueil des Poésies complètes en 1845. Ce premier voyage en amène bien vite d’autres. En 1845 c’est l’Algérie, en 1850 l’Italie, en 1852 la Grèce et la Turquie, en 1858 la Russie et en 1862 l’Égypte. Chacun de ces voyages donne lieu à des publications : Italia, Constantinople, mais surtout ils nourrissent ses œuvres littéraires, romans, nouvelles ou poésies.

À côté de ce travail de critique, Gautier garde toujours une prédilection pour la poésie : elle demeure, comme en témoignent ses amis comme Émile Bergerat ou Maxime du Camp par exemple, sa passion, sa distraction, son exercice quotidien. Ainsi, en 1852, paraît la première version de Émaux et Camées, recueil qui jusqu’en 1872 s’enrichit de poésies nouvelles.

La famille et les amis

En 1857, Gautier s’installe avec son épouse, Ernesta Grisi (sœur de la danseuse Carlotta Grisi), ses filles, Judith Gautier et Estelle, qui épouse Émile Bergerat, et ses deux vieilles sœurs, 32 rue de Longchamp à Neuilly-sur-Seine, dans une petite maison où il se plaît à recevoir ses amis : Baudelaire, Dumas fils, Ernest Feydeau, Gustave Flaubert, Puvis de Chavannes ou encore Gustave Doré.

De sa liaison avec Eugénie Fort, une très belle femme, plus jeune que lui et avec des origines espagnoles, il a un fils, Théophile Gautier fils qui suppléa son père plusieurs fois au Moniteur.

Lors des salons littéraires de la princesse Mathilde, dont il est nommé bibliothécaire, Gautier rencontre également des écrivains comme Taine, Sainte-Beuve, Prosper Mérimée, les Goncourt ; des peintres comme Paul Baudry, Gustave Boulanger, Jean-Léon Gérôme ; des sculpteurs comme Carpeaux ; des savants comme Claude Bernard, Pasteur ou Berthelot. À cette époque Gautier fait figure de chef d’école. Baudelaire se déclare son disciple (il lui dédie Les Fleurs du mal, le qualifiant de « poète impeccable »), Théodore de Banville lui dédie ses vers. En 1844 Téophile Gautier fonde le club des Hashischins avec Jacques-Joseph Moreau, club voué à l’étude du cannabis. Ce club sera fréquenté par de nombreux artistes de l’époque dont Charles Baudelaire.

Président de la Société nationale des Beaux-Arts

Élu en 1862 président de la Société nationale des Beaux-Arts, il est entouré d’un comité composé des peintres les plus prestigieux : Eugène Delacroix, Pierre Puvis de Chavannes, Édouard Manet, Albert-Ernest Carrier-Belleuse et Gustave Doré. Cette élection à un poste en vue provoque l’envie d’une partie des littérateurs moins connus et il échoue à trois reprises lorsqu’il se présente à l’Académie française, en 1866, 1868 et 1869.

Profondément ému par les événements militaires de 1870, Gautier revient à Paris, où il finit ses jours, rongé par la maladie, mais conscient du devoir d’enseignement et d’exemple dont il est investi auprès des jeunes générations. Le 23 octobre 1872 dans la nuit, son cœur cesse de battre. Hugo, Mallarmé ou encore Banville lui rendent un dernier « toast funèbre ». Il est enterré au cimetière de Montmartre à Paris

Les anecdotes sur Théophile Gautier

Un admirateur célèbre
Gautier fut admiré par Baudelaire qui lui dédia son recueil des Fleurs du Mal et le gratifia de ‘parfait magicien ès lettre française’.

Les messages

Message de Dark-aphrodite à Théophile Gautier

Ces textes nous emporte loins …
Chaque ligne est une pétale détacher de la rose …
Bravo

Les citations de Théophile Gautier

« Si j’avais été Dieu, j’en aurais gardé la recette pour moi seul. »
Théophile Gautier

«L’homme d’un jour n’aime qu’un jour.»
[ Théophile Gautier ] – Poésies

«Tandis qu’à leurs oeuvres perverses, Les hommes courent haletants, Mars qui rit malgré les averses, Prépare en secret le printemps.»
[ Théophile Gautier ] – Emaux et camées

«Il semble que la nature se soit proposée, en la créant, d’aller jusqu’aux limites de sa puissance et de se faire absoudre de tous ses tâtonnements et de tous ses défauts.»
[ Théophile Gautier ]

«Le beau dans son essence, c’est Dieu.»
[ Théophile Gautier ] – L’art

«Le hasard, c’est peut-être le pseudonyme de Dieu quand il ne veut pas signer.»
[ Théophile Gautier ]

«En littérature, les oeuvres ne sont rien sans la grâce.»
[ Théophile Gautier ] – Extrait des Portraits et souvenirs littéraires

«Dieu s’est réservé la distribution de deux ou trois petites choses sur lesquelles ne peut rien l’or des puissants de la terre : le génie, la beauté et le bonheur.»
[ Théophile Gautier ] – Caprices et zigzags

«Peu avant sa mort, on lui dit : Mon cher Maître, vous êtes solide comme un chêne. Il répondit : Pour le tronc, ça va ; c’est le gland qui m’inquiète !»
[ Théophile Gautier ]

«La prostitution est l’état ordinaire de la femme.»
[ Théophile Gautier ]

«C’est la nuit que les elfes sortent, Avec leur robe humide au bord, Et sur les nénuphars emportent Leur valseur de fatigue mort.»
[ Théophile Gautier ]

«Si vous êtes digne de son affection, un chat deviendra votre ami mais jamais votre esclave.»
[ Théophile Gautier ]

La bibliographie de Théophile Gautier

1831 : La Cafetière (nouvelle)
1832 : Albertus
1833 : Les Jeunes-France
1835 : Mademoiselle de Maupin
1838 : La Comédie de la Mort et poésies diverses
1838 : Une nuit de Cléopâtre (nouvelle)
1839 : Une Larme du Diable, Le Tricorne Enchanté et Pierrot Posthume.
1840 : Le Chevalier double
1840 : Tra los montes
1841 : Giselle (ballet)
1843 : Le Voyage en Espagne
1843 : La péri (ballet)
1845 : España
1846 : Le club des haschichins
1852 : Arria Marcella, Émaux et Camées
1856 : Avatar
1858 : Le Roman de la momie
1859 : Honoré de Balzac (biographie)
1863 : Le Capitaine Fracasse
1866 : Le Spirite
2004 : La Morte amoureuse

Les mortes amoureuses
Omphale, La Morte Amoureuse, Arria Marcella

de Théophile Gautier
[Littérature classique
Résumé du livre
L’amour d’un jeune homme pour une belle morte, tel est le thème des trois nouvelles fantastiques rassemblées dans le recueil que voici. ‘Omphale’, met en scène la fascination d’un écolier de dix sept ans pour Omphale, personnage mythologique qui figure sur la tapisserie ornant les murs de sa chambre et qu’il croit voir s’animer… ‘La Morte amoureuse’ est l’histoire d’un jeune prêtre qui tombe éperdument amoureux de la courtisane Clarimonde. Mais elle meurt bientôt et apparaît dès lors dans ses rêves. ‘Arria Marcella’, évoque l’histoire d’amour qui lie Octavien, jeune homme du XIXe siècle en voyage à Naples, et Arria Marcella, Belle Pompéienne du Ier siècle après Jésus Christ.

Emaux et camées
de Théophile Gautier
[Poésie]
Résumé du livre
Ce recueil de poèmes est une tentative de ‘traiter sous forme restreinte de petits sujets’. La virtuosité de la langue et la recherche formelle, caractéristique du tenant de la doctrine de l’Art pour l’art, inspireront les Parnassiens. Ceux-ci feront du poème l’Art leur profession de foi.

Arria Marcella
de Théophile Gautier
Résumé du livre
Un choix de textes courts; retenus pour leur intensité narrative ou pour l’exemplaire qualité de leur langue. Une présentation réduite à l’essentiel, sens des mots, des allusions et dés références culturelles. Destinée aux jeunes d’âge scolaire tout comme aux adultes, cette nouvelle collection met à la portée de tous les richesses parfois méconnues de notre patrimoine littéraire.
« Elle était brune et pâle ses cheveux ondés et crêpelés, noirs comme ceux de la Nuit, se relevaient légèrement vers les tempes à la mode grecque, et dans son visage d’un ton mat brillaient des yeux sombres et doux, chargés d’une indéfinissable expression de tristesse voluptueuse et d’ennui passionné, sa bouche dédaigneusement arquée à ses coins, protestait par l’ardeur vivace de sa pourpre enflammée contre la blancheur tranquille du masque, son col présentait ces belles lignes pures qu’on ne retrouve à présent que dans les statues. Ses bras étaient nus jusqu’à l’épaule, et de la pointe de ses seins orgueilleux, soulevant sa tunique d’un rose mauve, partaient deux plis qu’on aurait pu croire fouillés dans le marbre par Phidias ou Cléomène. En regardant cette tête si calme et si passionnée, si froide et si ardente, si morte et si vivace, il comprit qu’il avait devant lui son premier et son dernier amour, sa coupe d’ivresse suprême."

Le capitaine Fracasse
de Théophile Gautier
Jeunesse
Résumé du livre
Au temps de Richelieu, le jeune baron de Sigognac quitte le castel ruiné de ses ancêtres pour suivre à travers la France une troupe de comédiens ambulants. Matamore, le « tranche-mentagne » de la troupe, ayant péri, Sigognac le remplace et prend le nom de Capitaine Fracasse. Quels exploits n’accomplira-t-il pas pour les beaux yeux de l’ «ingénue» Isabelle ?

Le roman de la momie
de Théophile Gautier
[Littérature classique]
Résumé du livre
A la fin du XIXème siècle, deux égyptologues découvrent la momie miraculeusement conservée d’une jeune femme. Tandis que Lord Evandale tombe amoureux de la belle morte, Rumphius, plus ambitieux, va s’évertuer à déchiffrer le papyrus qui raconte la vie de la mystérieuse égyptienne. Evocation troublante de l’Égypte ancienne, amour et antiquité sont au rendez-vous.

 

Mademoiselle de Maupin
de Théophile Gautier
[Littérature classique]
Résumé du livre
Mademoiselle de Maupin (1836), premier roman de Théophile Gautier (1811-1872) est un hommage au plaisir et à la volupté, en même temps qu’un manifeste du romantisme français, alors à son apogée. Madeleine de Maupin aime à se travestir en homme pour pénétrer les secrets de la vie galante. Jusqu’à ce qu’elle arrive en un château où le chevalier d’Albert, esthète oisif, s’ennuie auprès de Rosette, sa maîtresse…
Le roman, sulfureux pour l’époque, fit scandale, son absence de morale, aujourd’hui, choque moins. Mais Mademoiselle de Maupin reste un flamboyant chef-d’oeuvre, au style riche et dense, à l’écriture allègre et raffinée.

Recits fantastiques
de Théophile Gautier
Récit
Résumé du livre
Les récits fantastiques de Théophile Gautier (1811-1872) regroupent des nouvelles qu’il écrivit tout au long de sa vie. Pour lui, le rêve était une seconde vie, et s’il fut, au début de sa carrière littéraire, influencé par Hoffmann et Goethe, il devint en dépassant les frontières du réel pour le royaume des ombres, en transgressant les interdits, en entremêlant illusion et réalité, pressentiment et passé mythique dans des récits passionnants, l’un des maîtres de la littérature fantastique du XIXe siècle.

Voyage en Espagne / España
de Théophile Gautier
Résumé du livre
Il n’existe pas sur la palette du peintre ou de l’écrivain de couleurs assez claires, de teintes assez lumineuses pour rendre l’impression éclatante que nous fit Cadix dans cette glorieuse matinée. Deux teintes uniques, vous saisissaient le regard, du bleu et du blanc, mais du bleu aussi vif que la turquoise, le saphir, le cobalt, mais du blanc aussi pur que l’argent, le lait, la neige, le marbre ! Le bleu, c’était le ciel, répété par la mer; le blanc c’était la ville. On ne saurait rien imaginer de plus radieux, de plus étincelant, d’un lumière plus diffuse et plus intense à la fois Vraiment, ce que nous appelons chez nous 1 soleil n’est à côté de cela qu’une pâle veilleuse à l’agonie sur la table de nuit d’un malade

 

Théophile Gautier par Nadar (1856)

Publié dans Arts et Littérature | Laisser un commentaire

Le jour par jour

1748   30 août   

Jacques-Louis David, peintre français.

Jacques-Louis David, né le 30 août 1748 à Paris et mort le 29 décembre 1825 à Bruxelles, est un peintre français considéré comme le chef de file de l’École néoclassique dont il incarne le style (la manière de peindre) et l’option intellectuelle (régénérer les arts en développant une peinture que les classiques Grecs et Romains, selon la propre formule de David, auraient sans hésiter pu prendre pour la leur, ce qui revenait à reprendre les choses là où Nicolas Poussin et le «Grand Siècle» les avaient laissées).

Il fut l’un des artistes les plus admirés, enviés et honnis de son temps, pour ses engagements politiques autant que pour ses choix esthétiques. Par le passé, rarement un artiste aura épousé à ce point les grandes causes de son temps en mêlant intîmement art et politique.

David vota la mort du roi Louis XVI, puis se fit le chantre de Napoléon. Il opéra une rupture avec le style galant et libertin de la peinture du XVIIIe siècle mais ses sujets inspirés de l’Antiquité, pour différents qu’ils se voudront par leur style du rococo, n’en finiront pas moins par adopter aussi le thème de la mythologie. Il revendique l’héritage du classicisme de Nicolas Poussin, mais s’inspire aussi du baroque de Rubens. Il fut un maître pour deux générations d’artistes au moins, venus de toute l’Europe pour se former dans son atelier qui à son apogée, comptait plusieurs dizaines d’élèves

Biographie

Enfance

Né à Paris, Quai de la Mégisserie, dans une famille de la petite bourgeoisie, son père, Louis-Maurice David, est marchand-mercier de fers en gros à Paris. Pour s’élever socialement, il achète une charge de Commis aux aydes (équivalent de receveur des impôts) à Beaumont-en-Auge dans le Calvados. Sa mère Marie-Geneviève, née Buron, appartient à une famille de maître-maçon son frère François Buron est architecte des Eaux et Forêts et son beau-frère Jacques-François Desmaisons est architecte, son second beau-frère Marc Desistaux est maître charpentier. Elle est aussi liée, du coté maternel à la famille du peintre François Boucher. Le jeune David est mis en pension au couvent de Picpus jusqu’au 2 décembre 1757 date à laquelle son père meurt à trente-cinq ans. D’après les sources anciennes la cause du décès serait liée à un duel à l’épée. David avait juste neuf ans, et sa mère fait appel à son frère

François Buron pour s’occuper de l’éducation de son fils. Après l’avoir fait suivre des cours chez un répétiteur, elle le fait entrer au collège des Quatre-Nations dans la classe de rhétorique. A partir de ce moment sa mère se retire à Évreux et laisse l’entière éducation de David à la charge de son oncle. Doué pour le dessin, sa famille envisage d’abord à lui faire embrasser la carrière d’architecte comme ses deux oncles.

 

Sa formation

Après avoir appris le dessin à l’académie Saint-Luc, François Boucher, premier peintre du roi, est d’abord approché pour le former. Trop âgé pour enseigner, il estime que le jeune David pourrait tirer un meilleur bénéfice de l’apprentissage des nouvelles tendances néoclassiques que peut lui apporter

Joseph-Marie Vien, artiste dont le style antiquisant n’est pas encore exempt d’inspirations galantes.

En 1766, sous l’égide de Vien mais encore influencé par l’esthétique de Boucher, David commence à étudier l’art à l’Académie royale dont l’enseignement devait permettre aux élèves de concourir pour le prix de Rome. Son parrain Jean-Michel Sedaine, secrétaire de l’Académie d’architecture et auteur de théâtre, devient son protecteur et s’occupe de parfaire son éducation intellectuelle en le faisant rencontrer quelques unes des personnalités culturelles de l’époque. C’est, peut être, lors de ces années d’apprentissage qu’il développe une tumeur dans la joue gauche consécutive d’ un combat à l’épée avec l’un de ses condisciple d’atelier. Dans ses autoportraits David dissimulait ce défaut physique par une ombre, mais d’autres artistes comme Jérome-Martin Langlois et François Rude montrent sans complaisance la déformation causé par le kyste.

En 1769 la troisième médaille qu’il reçoit au «Prix de quartier» lui ouvre la voie vers le concours du grand prix de Rome. En 1771, il obtient le second prix avec son œuvre, le Combat de Minerve contre Mars dans un style hérité du Rococo et d’une composition jugée faible, le lauréat était

Joseph-Benoît Suvée.

En 1772, il manque de nouveau le premier prix avec Diane et Apollon perçant de leurs flèches les enfants de Niobée le grand prix étant décerné ex-æquo à Pierre-Charles Jombert et Gabriel Lemonnier à la suite d’un vote arrangé du jury . Après cet échec qu’il vécut comme une injustice, il résout de se laisser mourir de faim, mais après deux jours l’un des jurés Gabriel-François Doyen le convainc d’abandonner sa tentative de suicide. En 1773, c’est encore un échec avec La mort de Sénèque sujet inspiré de Tacite, le lauréat fut

Pierre Peyron dont le style neo classique était récompensé pour sa nouveauté, la composition de David étant jugée trop théâtrale. Ne pouvant recevoir deux fois le second prix, en guise de consolation il reçoit le prix de l’ Étude des têtes et de l’expression pour son pastel intitulé La douleur.

Ces échecs successifs auront une incidence sur l’opinion de David contre l’institution académique et furent en partie à l’origine d’une hostilité qui aboutit en 1793 à la loi qu’il fait voter pour la suppression des académies

A la fin de l’année 1773, Marie-Madeleine Guimard première danseuse de l’Opéra, charge David de reprendre la décoration de son hôtel particulier transformé en théâtre privé, que Fragonard avait laissé inachevé à la suite de mésententes .

David pensionnaire de l’Académie à Rome

En 1774, il gagne finalement, après quatre tentatives, le premier Prix de Rome qui lui permet de séjourner pendant quatre ans au Palais Mancini alors résidence de l’Académie de France à Rome. L’œuvre présentée Érasistrate découvrant la cause de la maladie d’Antiochius dans son amour pour Stratonice (École nationale supérieure des Beaux-Arts, Paris) est conforme au nouveau canon de la composition dramatique. Érasistrate, le médecin reste serein alors même qu’il découvre la cause réelle de la maladie du roi Séleucide, se languissant d’une passion inavouable pour sa séduisante belle-mère Stratonice.

Vers le 2 octobre 1775, David, accompagne son maître Joseph-Marie Vien, qui vient d’être nommé directeur de l’académie de France à Rome, et deux autres lauréats, le premier prix de sculpture en 1774, Pierre Labussière et Jean Bonvoisin second prix de peinture en 1775. Lors de son périple il s’enthousiasme pour les peintures de la Renaissance italienne qu’il voit à Parme, Bologne et Florence. La première année de son séjour à Rome, David se conforme au conseil de son maître en se consacrant essentiellement à la pratique du dessin. Il étudie attentivement les Antiques, faisant des centaines de croquis de monuments, de statues et de bas-reliefs. L’ensemble de ses études composent cinq volumineux recueils in-folio. Il réalise en 1776 un grand dessin, Les combats de Diomède (Vienne Graphische Sammlung Albertina) qui représente un de ses premiers essais dans le genre historique, essai qu’il concrétise deux ans plus tard avec Les funérailles de Patrocle (National gallery of Ireland, Dublin) une étude de grandes dimensions peinte à l’huile, destinée à la commission de l’Académie des beaux-arts qui était chargée d’évaluer les envois des pensionnaires de Rome. Celle ci encouragea le talent de David, mais souligna des faiblesses dans le rendu de l’espace, l’obscurité générale de la scène et le traitement de la perspective. Il peint aussi plusieurs tableaux dans un style emprunté au Caravagisme: deux académies d’homme, l’une intitulé Hector (1778) et la seconde dite Patrocle (1780), inspirée du marbre, Galate mourant du musée du Capitole, un Saint Jérôme une Tête de philosophe et une copie de la Cène du Valentin.

De juillet à août 1779, David se rend à Naples en compagnie du sculpteur François Marie Suzanne. Ce séjour où il visite les ruines d’Herculanum et de Pompéi est à l’origine de sa conversion définitive au néoclassicisme. Le peintre dira plus tard « Il me sembla qu’on venait de me faire l’opération de la cataracte[…]je compris que je ne pouvais améliorer ma manière dont le principe était faux, et qu’il fallait divorcer avec tout ce que j’avais cru d’abord être le beau et le vrai ». On considère que l’influence de l’amateur d’antiquité Antoine Quatremère de Quincy adepte des idées de Winckelmann et Lessing, et dont il fait la connaissance à Naples, n’en fut pas étrangère.

A la suite de ce voyage, il est sujet à une profonde crise de dépression qui dure deux mois, dont la cause n’est pas clairement définie. Selon la correspondance du peintre à cette époque, elle est due à une relation avec la femme de chambre de l’épouse de son maître Vien, associé à une période de doute après la découverte des vestiges de Naples. Pour le sortir de cette crise de mélancolie, son maître lui fait avoir une commande pour un tableau à thème religieux commémorant l’épidémie de peste survenue à Marseille en 1720, Saint Roch intercédant auprès de la Vierge pour les malades de la peste destiné à la chapelle du Lazaret de Marseille (musée des beaux arts de Marseille). Même si l’on perçoit quelques résurgences du caravagisme, l’œuvre témoigne d’une nouvelle manière de peindre chez David, et s’inspire directement du style de Nicolas Poussin en reprenant la composition en diagonale de l’ Apparition de la vierge à saint Jacques le majeur (1629 musée du Louvre). Achevé en 1780 le tableau est présenté dans une salle du palais Mancini et produit une forte impression sur les visiteurs romains. Lors de son exposition à Paris en 1781, le philosophe Diderot est impressionné par la force d’expression du pestiféré au pied de Saint Roch.

Agrément par l’Académie et première exposition au Salon

Pompeo Batoni doyen des peintres italiens et un des précurseur du néoclassicisme, tenta sans succès de le convaincre de rester à Rome mais David quitte la capitale le 17 juillet 1780 en emportant avec lui trois œuvres, le Saint Roch, et deux toiles alors inachevées, Bélisaire demandant l’aumône et le Portrait équestre du comte Potocki. Jean Potocki est un gentilhomme et esthète polonais (il a traduit Winckelmann), que le peintre avait rencontré à Rome et qu’il représente en s’inspirant des portraits équestres d’ Antoon Van Dyck

Il arrive à Paris à la fin de l’année et termine son Bélisaire (musée des beaux arts de Lille) grand tableau destiné à l’agrément de l’artiste par l’Académie royale de peinture et de sculpture, seul moyen pour les artistes de l’époque d’obtenir ensuite le droit d’exposer au Salon de l’Académie. C’est après avoir vu le tableau sur le même sujet peint pour le cardinal de Bernis par Pierre Peyron ancien concurrent pour le prix de Rome, que David décide de réaliser lui aussi une toile sur le général romain déchu, tous les deux s’inspirent du roman de Marmontel. L’œuvre témoigne de sa nouvelle orientation picturale et de son affirmation du style néoclassique. Reçut à l’unanimité, il peut présenter ses trois peintures au Salon de 1781, ainsi que sa grande étude des Funerailles de Patrocle, où elles sont remarquées par la critique, en particulier Diderot qui avoue sa fascination pour le Bélisaire .

Il épouse en 1782 Marguerite Charlotte Pécoul, de dix-sept ans plus jeune que lui. Son beau-père, Charles-Pierre Pécoul, est entrepreneur des bâtiments du Roi, et dote généreusement sa fille, fournissant à David les moyens financiers pour installer son atelier au Louvre où il dispose aussi d’un logement. Elle lui donne quatre enfants, l’ainé Jules-Louis nait l’année suivante.

Il ouvre son atelier au Louvre où il reçoit les premières candidatures de la part de jeunes artistes désirant faire leurs apprentissages sous son enseignement. Wicar, Girodet, Drouais, Debret sont parmi les premiers élève de David.

Le Serment des Horaces procédait d’une commande officielle mais David ne s’est pas tenu au sujet demandé ni à la dimension souhaitée. Le tableau fut exposé au Salon de 1785 et le peintre déclara : J’ai abandonné de faire un tableau pour le Roi, je l’ai fait pour moi .

Présentant souvent des thèmes héroïque et patriotiques, ses tableaux reflètent alors l’humeur du temps et deviennent des modèles pour l’esprit d’héroïsme patriotique. Ils le seront encore pendant les deux décennies suivantes, et furent repris par ses disciples. Le Serment des Horace (1784) et la Mort de Socrate (1787) annonçaient l’esprit de sacrifice de la Révolution.

Mais il peint aussi des œuvres plus aimables comme « Les Amours de Pâris et d’Hélène » pour le comte d’Artois, futur Charles X, et le portrait d’Antoine-Laurent Lavoisier et de sa femme en 1788, où l’on voit le savant Lavoisier, grand commis de l’État, chargé de l’administration des poudres et explosifs, en compagnie de son épouse et collaboratrice qui a illustré son Traité élémentaire de chimie.

L’époque révolutionnaire

En 1789, il réalise pour le roi Les licteurs apportant à Brutus le corps de ses fils exécutés pour avoir trahi la République en tentant de rétablir la monarchie des Tarquin. Le consul Brutus est représenté à l’écart des femmes éplorées méditant dans la solitude. En 1790, il entreprit de commémorer le Serment du jeu de paume . Le Serment du jeu de paume était un projet onéreux, et David n’avait pas de commanditaire, mais il était soutenu par le Club des Jacobins dont il était membre. Il présenta son dessin au Salon, et finalement l’Assemblée, conquise par le nombre de personnages représentés, accepta d’en assumer les frais d’exécution, à la condition que l’artiste s’engage de reproduire fidèlement les portraits des personnalités représentées. Cependant le cours rapide des évènements, lors de cette époque révolutionnaire, rendit rapidement caduc ce projet que Marat qualifia de « pantalonnade » et il ne l’achèvera pas.

Son ardeur républicaine le fait en même temps s’impliquer politiquement dans les événements qui bouleversaient la France, et il fut élu député de la Convention nationale, en août 1792, quelques jours avant la prise des Tuileries par des émeutiers. Il siège avec le parti de la Montagne, aux côté de Robespierre. Fort de son nouveau pouvoir, il entreprend immédiatement une campagne pour la suppression de l’Académie.

Il vota en janvier 1793 (an I) pour la mort du Roi. Déjà membre du Comité d’instruction publique il fut nommé au Comité de sûreté générale, le 14 septembre 1793. À cette époque, il proposa l’établissement d’un inventaire de tous les trésors nationaux, faisant de lui l’un des fondateurs des musées en France et il joua un rôle actif dans l’organisation du Louvre, offrant un poste à Jean-Honoré Fragonard qui était démuni à cause de son style passé de mode.

De plus en plus engagé politiquement, il est aussi metteur en scène des cérémonies révolutionnaires comme celle du transfert des cendres de Voltaire au Panthéon de Paris. Il organise le rituel de la Fête de l’Être suprême dont Robespierre était le grand prêtre et dont des cérémonies furent organisées en l’honneur de Bara et de Viala, les enfants héroïques tués l’un par les Vendéens et l’autre par les insurgés royalistes du Midi de la France. Dans un tableau resté inachevé David fit figurer Bara nu, serrant la cocarde tricolore sur sa poitrine et se sacrifiant pour la patrie, tel un héros antique.

Après l’assassinat le 20 janvier 1793 du conventionnel régicide Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, tué par un ancien garde du corps du roi, passé dans la Garde constitutionnelle du Roi, David avait pris l’initiative de réaliser un portrait de la victime sous le glaive fatal. Ce tableau, exposé à la Convention, puis récupéré par David en 1795, cessera d’être visible en 1826, mais nous reste connu par un dessin d’Anatole Desvoge, élève de David, et une gravure. Après l’assassinat de Marat le 13 juillet, la Convention, par la voix du député Guirault, commande à David de faire pour Marat ce qu’il avait fait pour Lepeletier. En octobre 1793, David prévient qu’il a terminé. À partir de novembre et jusqu’à la chute de Robespierre, les deux tableaux vont trôner de part et d’autre de la tribune de la Convention.

Marat assassiné (1793) expose dans sa crudité la réalité du crime, à la faveur d’une icône savamment calculée, vouée au culte du martyre révolutionnaire. En 1795, David récupère également ce tableau, qui cesse d’être visible jusqu’au XIXème siècle. Il est aujourd’hui détenu par les Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles auxquels il fut offert par les héritiers de David. Parmi les autres œuvres de cette époque, figure également un croquis de la Reine Marie-Antoinette conduite à la guillotine.

En tant que membre du Comité de Sûreté Générale, David signa un grand nombre d’ordres d’arrestations qui menèrent certaines de leurs victimes à la guillotine, et participa comme témoin à l’interrogatoire du dauphin Louis XVII.

 

Pendant le Directoire

Après la chute de Robespierre, le 9 thermidor (27 juillet 1794), David fut compris dans la proscription. Mais absent de la convention ce jour-là, ayant été prévenu par un ami, il échappa de justesse à l’échafaud. Dénoncé par Lecointre comme robespierriste il fut mis en accusation et emprisonné à l’ancien Hôtel des Fermes générales, puis au Luxembourg. Ses étudiants se mobilisèrent et obtinrent sa libération le 8 nivôse an III (28 décembre 1794). Il sera à nouveau emprisonné en 1795 avant d’être amnistié.

Durant son emprisonnement, David ne reste pas inactif, il peint l’ Autoportrait du Louvre et conçoit Les Sabines. Ce tableau est une œuvre capitale de David, de style néo-classique, dans lequel il symbolise les rivalités fratricides des factions révolutionnaires et les vertus de la concorde. Les Sabines attira les critiques des Barbus, un groupe constitué de certains de ses élèves par Pierre-Maurice Quays qui prônait un retour au primitivisme. David dut se séparer de ces éléments perturbateurs.

C’est à cette époque qu’il reprend contact avec son ex-épouse Charlotte qui lui pardonne ses actes et qui accepte de l’épouser à nouveau

L’époque napoléonienne

Dès les premiers succès de Bonaparte en Italie, il fut séduit car il retrouvait en lui ses héros légendaires . Vers la fin de l’an VI (1797), sa rencontre avec le jeune général Bonaparte achève de le convaincre et il fait son premier portrait qui demeure inachevé. De l’an VIII (1799) à 1815, David lia son destin à sa gloire qu’il célébrera.

Il réalisa, pour le nouveau maître de la France puis de l’Europe, plusieurs tableaux à des fins de propagande et devint le peintre officiel du Premier Empire et fut couvert d’honneurs. Il réalisa des toiles de grande taille sur les événements majeurs du règne qui sont de nos jours présentées au musée du Louvre. Sa première représentation majeure fut Bonaparte au Grand-Saint-Bernard monté sur un cheval fougueux, alors qu’en réalité, en mai 1800, lors du passage du col, il montait un mulet, bête jugée plus sûre pour les sentiers de haute montagne. David dont c’était la première grande réalisation pour Bonaparte voulut en faire un tableau symbolisant le conquérant dans la ligne d’Hannibal avec le nom de Bonaparte gravé sur une pierre, en bas, à gauche du tableau. Originellement la toile fut commandée par le roi d’Espagne qui lui laissa le libre choix du sujet. Il existe quatre autres exemplaires de ce tableau qui furent exécutés par l’atelier de David. Cette œuvre majeure reproduite en France dans tous les manuels d’histoire depuis Jules Ferry est un des rares portraits équestres de Napoléon.

Le premier consul Bonaparte voulait nommer David « peintre du gouvernement » mais ce dernier refuse ce titre estimant mériter plus, et en 1804, le nouvel empereur l’investit dans la fonction de « premier peintre », fonction qu’avait occupé Charles Le Brun auprès du Roi Soleil. Ainsi à l’occasion des cérémonies du Couronnement, David reçoit commande de quatre tableaux dont il n’en exécutera que deux, « Le Sacre de Napoléon » et La Distribution des Aigles, à cause de difficultés de paiement.

Il réalisa Le Sacre de Napoléon en trois ans et disposa pour ce faire d’une loge à Notre-Dame d’où il put suivre, les épisodes et les détails de la grandiose cérémonie. Il a relaté lui-même comment il opéra : « J’y dessinai l’ensemble d’après nature, et je fis séparément tous les groupes principaux. Je fis des notes pour ce que je n’eus pas le temps de dessiner, ainsi on peut croire, en voyant le tableau, avoir assisté à la cérémonie. Chacun occupe la place qui lui convient, il est revêtu des habillements de sa dignité. On s’empressa de venir se faire peindre dans ce tableau, qui contient plus de deux cents figures… ». Cependant, le tableau n’est pas tout à fait véridique sur au moins deux points : la mère de Napoléon représentée dans la tribune la plus proche de l’autel, selon le vœu de l’empereur, n’assista pas à la cérémonie, et le pape Pie VII, représenté bénissant le mariage, n’a été en réalité que simple spectateur, restant toute la cérémonie assis dans une attitude résignée.

Dans le tableau La Distribution des Aigles il dut sur ordre de l’empereur réaliser deux modifications importantes : il vida le ciel de la « Victoire qui jette des lauriers aux officiers brandissant drapeaux et étendards » et après 1809 il fit disparaître de la scène Joséphine répudiée. La première modification rendit sans objet le mouvement de tête des maréchaux regardant désormais le vide à l’emplacement où se trouvait l’allégorie.

Vers la fin de l’Empire, les commandes officielles se raréfient et David achève son tableau Léonidas aux Thermopyles un épisode de l’histoire de l’Antiquité grecque qui va devenir à la mode. Ce tableau fut conçu par David vers 1800, époque où la glorification des vertus héroïques du sacrifice pour la nation était un modèle à suivre. Le Roi Léonidas à la tête de trois cents guerriers résolus, tient tête à plusieurs centaines de milliers de soldats perses, donnant aux Grecs le temps de se reprendre. Le tableau fut achevé en mai 1814, alors que Napoléon venait d’abdiquer et de s’exiler sur l’île d’Elbe. Lors des Cent-Jours, Napoléon de passage à Paris prit le temps d’aller voir le tableau, comme un suprême hommage au génie de David. Le peintre conserva sa fidélité à l’Empereur en signant l’ « Acte additionnel ».

Après la bataille de Waterloo, et le retour du roi Louis XVIII sur le trône, David, pour avoir signé l’ « Acte additionnel », est définitivement proscrit du royaume de France et doit partir en exil, après la loi du 12 janvier 1816.

L’exil à Bruxelles

Dans un premier temps, il sollicite l’asile auprès de l’Italie qui le lui refuse. La Belgique plus libérale le reçoit et il retrouve à Bruxelles d’autres Français qui partagent la même infortune : Barrère, Pierre Joseph Cambon, Merlin de Douai, Thibaudeau, Alquier et Sieyès.

Il exécute de nombreux portraits de la haute société bruxelloise pour vivre, mais ses capacités sont encore là, il n’a pas renoncé à la « grande manière » et reprend ses sujets liés à la mythologie grecque et romaine.

Refusant les généreuses interventions tendant à obtenir son retour en France, il restera en Belgique jusqu’à sa mort neuf ans plus tard malgré une amnistie. Dans ce pays, il a enfin trouvé la quiétude et, presque octogénaire, il exécute sans commanditaire en 1824, un tableau de plus de trois mètres de haut, « Mars désarmé par Vénus et la Grâce », œuvre d’une grande grâce, d’une grande liberté et d’une fraîcheur d’âme qui annonce l’éclosion du romantisme et la redécouverte de l’Antiquité. Ce fut sa dernière grande œuvre et David mourut l’année suivante, en 1825.

Les anecdotes sur Jacques-Louis David

Propagande Napoléonnienne
En 1801, il signe ‘Bonaparte franchissant le mont St Bernard’ qui immortalise le général en conquérant sur un beau cheval aux allures romantiques. La vérité historique est tout autre puisque le mont fut franchit à dos de mulet. La légende de l’Empereur est en marche.

Le peintre révolutionnaire
En 1793, il obtient la suppression de l’Académie de peinture, il réorganise l’enseignement et les institutions artistiques sur des bases libérales, il s’occupe des musées, des monuments, du théâtre, de l’urbanisme, des uniformes, des sabres et des rideaux de l’Opéra.

Les citations

« Il faut que l’artiste soit philosophe »
Jacques-Louis David

La bibliographie de Jacques-Louis David

David : l’Art et le Politique
de Régis Michel, Marie-Catherine Sahut
[Histoire et Actualité]
Résumé du livre
Jacques-Louis David était le peintre officiel de la Révolution et un membre de la Convention au plus fort de la Terreur. Il a toujours mis son art aux services de ses idéaux à travers les fêtes révolutionnaires, ou la propagande. Homme dangereux car manipulateur de l’art au service d’une cause, ce livre décrit les liens du peintre avec le domaine politique, la modernité de son action face à l’Histoire.

 

 

Les livres à propos de Jacques-Louis David

David
d’Arlette Sérullaz et Louis-Antoine Prat
[Beaux-Arts]
Résumé du livre

L’oeuvre de Jacques-Louis David constitue sans doute, avec celles de Nicolas Poussin et de Paul Cézanne, l’un des trois grands tournants dans l’évolution de l’art français. Homme des Lumières, mais aussi nourri des exemples moraux de la littérature antique, il a su infléchir le cours de l’école picturale de son temps, et symbolise mieux que tout autre ce que fut cette forme de ‘retour à l’ordre’ que représente le néo-classicisme français. L’usage du dessin fut déterminant dans cette évolution ; devant le spectacle des ruines antiques révélées lors de ses deux séjours romains, David n’a cessé de dessiner, tout en inventant un style graphique original, fait de rigueur et d’acuité. C’est avec cette même exigence qu’il préparera par le dessin ses grandes compositions d’avant la Révolution (‘Le serment des Horaces’, ‘le Brutus’) comme, plus tard, les immenses scénographies dédiées à la geste de Napoléon.

Les critiques

par Mikaël Demets
Ce petit ouvrage se veut être plus qu’un assortiment de dessins du célèbre David, il tente également, et explicitement, de redonner aux dessins du maître ses lettres de noblesse, une réhabilitation. David n’a jamais été admiré pour ses dessins, alors qu’on apprend qu’il en faisait une priorité, qu’il les avait pour passion. Après un article sur l’approche qu’avait David du dessin et l’historique de la récupération de ses oeuvres par le Louvre, une courte biographie nous resitue l’auteur de ces traits. Puis s’enchaînent les cinquante dessins, qui bénéficient de quelques éclaircissements personnalisés en fin d’ouvrage. On retrouve les thèmes de prédilection de David : Antiquité, mythes homériques, ville de Rome, actualité (Révolution, Bonaparte). Toujours traités dans un style classique très vivant, associé à une touche de romantisme. Cinquante oeuvres, il faut l’admettre, inégales, puisque sont mélangés esquisses préparatoires, griffonnages d’idées et véritables dessins achevés. Du coup, ce livre n’est pas toujours "beau" à proprement parler, et il n’attirera peut-être pas tout le monde. Par contre, il est réellement utile lorsqu’il nous fait découvrir la gestation d’oeuvres devenues des références. Le dessin du ‘Serment du jeu de paume’ est superbe de précision et de passion, et les esquisses qui montrent la réflexion de l’artiste à propos de son ‘Sacre de Napoléon’ sont très intéressantes. L’outil idéal pour découvrir le travail du célèbre peintre par un autre point de vue.

Entre lumières et romantisme
Sous la direction de Mehdi Korchane
[Beaux-Arts]
Résumé du livre
La scène artistique européenne voit s’épanouir entre 1760 et 1820 le courant néoclassique. Aux bouleversements qui affectent l’échiquier politique répondent des mutations esthétiques profondes, marquées par des dualités et des contradictions : Rome et Paris, antiquité et modernité, nature et idéal, classicisme et romantisme. Le cabinet des dessins des Beaux-Arts d’Orléans abrite une collection de plusieurs centaines de pièces où sont représentés tous les grands artistes français de la période (David, Géricault, Ingres, Regnault… ) ainsi que des artistes étrangers rares dans les collections publiques françaises tels Mengs, hackert, Gessner, Kuyper. Un ensemble exceptionnel dont cet ouvrage tente de révéler toute la richesse.

Henriette de Verninac

[Arts – Peinture & Arts graphiques]
Lieu : Musée Eugène Delacroix – Paris
Présentation
En 1799, Jacques-Louis David peint le portrait d’Henriette de Verninac, soeur d’Eugène Delacroix, alors âgé de un an. A la mort de cette dernière, le tableau devint la propriété de Delacroix qui le garda jusqu’à sa mort en 1863. Centrée sur le Portrait d’Henriette de Verninac, qui est présenté exceptionnellement à cette occasion, l’exposition évoque, à travers une sélection d’oeuvres graphiques et de documents (certains inédits) concernant Delacroix ainsi que les Verninac, les relations que l’artiste entretint avec sa soeur et son neveu, Charles de Verninac, dont il était l’aîné de cinq ans seulement.

Poussin, Watteau, Chardin, David…
[Arts – Peinture & Arts graphiques]
Lieu : Galeries Nationales du Grand Palais – Paris
Présentation
En 1982 déjà, une exposition regroupant les plus beaux tableaux français du XVIIe siècle conservés dans les collections publiques des Etats-Unis était présentée au Grand Palais. Le même principe a été retenu pour la présente exposition. 168 peintures françaises des XVIIe et XVIIIe siècles conservées dans les musées d’Outre-Rhin ont donc été réunies. Les oeuvres présentées sont pour la plupart regroupées par genre : la peinture religieuse et mythologique, les portraits, la peinture de paysage, la nature morte… Une section est consacrée aux esquisses à l’huile et une autre section composée uniquement de tableaux de Nicolas Poussin et de Claude Lorrain. D’autres maîtres français sont également très bien représentés dans l’exposition : Simon Vouet, Valentin, Largillierre, Watteau, Chardin, Boucher, Greuze… Cette exposition placée sous le haut patronage de Monsieur Jacques Chirac, Président de la République. A cette occasion, l’inventaire complet des oeuvres françaises des XVIIe et XVIIIe siècles conservées dans les collections publiques allemandes sera publié en Allemagne.

La critique
par Eva Jankovic

C’est un travail conséquent et passionnant que M. Rosenberg a accompli ces dernières années. Un travail d’utilité publique pour la promotion de la culture, de la peinture française du XVIIe et XVIIIe, siècles trop méconnus par notre jeunesse. Il est allé de ville en ville en Allemagne, il a visité les Musées et a recherché toutes les peintures françaises acquises peu à peu par les Allemands. Ces derniers n’ont jamais refusé un prêt sauf quand les oeuvres étaient trop fragiles. Donc, grâce à la patience et la passion de M. Rosenberg, le Grand Palais nous propose un très large panorama de la peinture française de ces siècles. Poussin bien sûr (et son autoportrait de 1649 ressemblant à celui du Louvre de 1650), le fort connu Le Brun peintre de Louis XIV, Chardin, Bourdon, Jouvenet, Boucher (‘L’Odalisque blonde’ ou les grands paysages de fantaisies), Oudry, Nattier, la liste est immense… L’exposition est divisée en genres : la peinture maniériste, la peinture de portraits, les natures mortes, les paysages ou les batailles, les scènes champêtres de Watteau, les scènes mythologiques ou d’histoire, les peintures galantes et libertines très à la mode au XVIIIe. Fragonard nous surprend avec sa liberté son audace et sa légèreté. L’avantage d’une exposition d’une telle ampleur, c’est qu’elle permet de combler tous les goûts.

Jacques Louis David Autoportrait (1794) musée du Louvre

Publié dans Arts et Littérature | Laisser un commentaire

Le jour par jour

1881   29 août   

Valery Larbaud, écrivain français

Valery Larbaud est un écrivain français né le 29 août 1881 à Vichy, où il mourut le 2 février 1957.

Unique enfant du pharmacien Nicolas Larbaud (59 ans à la naissance de son fils) et d’Isabelle Bureau des Etivaux (38 ans), il n’a que 8 ans quand son père décède en 1889, et il fut élevé par sa mère et sa tante. Il obtient sa licence ès-lettres en 1908. En décembre 1908, pour le prix Goncourt, Octave Mirbeau vote pour Poèmes par un riche amateur, que Larbaud a publiés sans faire connaître sa véritable identité.

La fortune familiale (son père était propriétaire de la source Vichy Saint-Yorre) lui assure une vie aisée qui lui permet de parcourir l’Europe à grands frais. Paquebots de luxe, Orient-Express, Valery Larbaud mène la vie d’un dandy et se rend dans les multiples stations thermales pour soigner une santé fragile.

Son roman Fermina Marquez, consacré aux amours de l’adolescence et souvent comparé au Grand Meaulnes d’Alain-Fournier, obtient quelques voix au Goncourt en 1911.

Il parle anglais, allemand, italien et espagnol. Il fait connaître les grandes œuvres étrangères : Samuel Butler dont il fut le traducteur ainsi que James Joyce dont il fut correcteur-superviseur pour la traduction d’Ulysse, laquelle, réalisée principalement par Auguste Morel à partir de 1924, continue jusqu’en 1929.

Quand il revient à Vichy, il reçoit ses amis, Charles-Louis Philippe, André Gide, Léon-Paul Fargue et Jean Aubry qui fut son biographe. Atteint d’hémiplégie et d’aphasie en novembre 1935, il passe les vingt-deux dernières années de sa vie cloué dans un fauteuil. Il sera durant ces années soigné avec dévouement par le professeur Théophile Alajouanine, spécialiste des aphasies, qui deviendra son ami et écrira sa biographie. Ayant dépensé toute sa fortune, il doit revendre ses propriétés et sa bibliothèque de quinze mille volumes en 1948, en viager, à la ville de Vichy. Il décède à Vichy en 1957, sans descendance.

L’association internationale des Amis de Valery Larbaud décerne chaque année un prix littéraire attribué à l’auteur du livre « que Larbaud aurait aimé lire ». Le Centre culturel de Vichy, en 1985 et le nouveau Lycée professionnel de Cusset, en 1999, portent son nom. La médiathèque de la ville conserve son mobilier et sa riche bibliothèque (reliures marquées "VL") et organise des visites du plus haut intérêt culturel.

Grand lecteur, grand traducteur il s’était entouré de livres qu’il avait fait relier selon leurs langues : les romans anglais en bleu, les espagnols en rouge, etc. Sa chambre de douleur était un arc en ciel.

Un voyageur européen

Il n’a jamais connu de soucis d’argent, mais de santé, oui. Contraint de voyager pour des cures dans son jeune âge, Larbaud continua à sillonner l’Europe autant pour échapper à l’emprise de sa mère que pour élargir ses horizons.

Les plus beaux titres de roman peuvent être des titres de séjour: Londres, Istanbul, Gênes, Lisbonne. Quand les feuillets morts des livres d’automne se ramassent à la pelle, et les lauriers aussi, c’est vers ces titres-là qu’on a envie de retourner, sur les pas de grands écrivains. Curiosité de retrouver dans leur allure d’autrefois des lieux que l’industrie touristique a contraints au rendement, donc au changement. A cet égard Valery Larbaud surpasse bien des guides.

A vingt-sept ans, en 1908, il confia à un «riche amateur» imaginaire, un milliardaire sud-américain très lettré, Archibald Orson Barnabooth, le soin de raconter ses voyages à sa place. Cela lui donna toute licence pour exprimer les sentiments et les jugements qui font l’intérêt de Vagabond sédentaire, choix de textes qui vient de sortir dans la collection très soignée Voyager avec.

Sa mère le fit d’abord voyager pour les cures que nécessitait sa santé précaire, et elle lui donna très tôt de quoi s’offrir palaces et sleepings. Son mari – mort quand Valery avait huit ans – était le propriétaire de la source Saint-Yorre, près de Vichy. Mais, si elle permit à son fils unique de faire, à dix-sept ans, sans elle, son premier grand tour d’Europe, jusqu’à Saint-Pétersbourg, ce fut pour accompagner l’administrateur des biens et entreprises de la famille, et pour apprendre avec lui l’art de la vente. Très peu pour le jeune Larbaud. Il ne fut plus tard voyageur de Commerce que pour la revue littéraire éponyme, dirigée par la princesse Bassiano.

En vérité, il profita de ses tournées d’Europe pour se familiariser avec des coutumes et des cultures dont il devint progressivement le «représentant». D’ailleurs, dans sa propriété bourbonnaise de Valbois, les domaines linguistiques – espagnol, anglais, italien, allemand, etc. – installés dans ses différents salons-bibliothèques, il les appelait des «consulats». Rien d’étonnant à ce qu’il signalât sa présence en faisant hisser ses couleurs sur sa demeure: le bleu, le jaune et le blanc. «Passeur» en France de nombreux auteurs, dont Whitman, Svevo et Samuel Butler, il fut aussi le traducteur d’Ulysse de Joyce. Ce rôle de passeur, il le garda aussi entre écrivains et lecteurs français par son travail de critique, très ouvert aux innovations.

Mais, avant même de sillonner l’Europe, le jeune Valery était tombé amoureux de l’étranger en s’éprenant de fillettes venues de pays lointains, le plus souvent sud-américains. Elles étaient ses condisciples dans le collège très cosmopolite de Sainte-Barbe-des-Champs, à Fontenay-aux-Roses.

Beaucoup de ses oeuvres, et singulièrement les plus célèbres, Fermina Márquez et Enfantines, restent hantées par ces premières attirances.

Son ami Paul Morand a dit: «Personne n’a su parler comme Larbaud des petites filles.» Il se sent tellement «de leur âge» qu’il semble sur le fil et qu’on a le vertige pour lui. Bien avant Nabokov, il décrivit une Lolita. Qui se métamorphosa en Dona Dolores.

Valery Larbaud n’était vraiment pas beau. Cet homme lourd, timide, collectionnait les hippopotames. Ses amis lui en rapportaient de partout, qui faisaient sa fierté, comme ses innombrables soldats de plomb. Larbaud ne s’émancipa vraiment qu’à la mort de sa mère, «reine de l’ordre». Il avait rompu avec le protestantisme de cette possédante si possessive et s’était converti au catholicisme, mais il n’aurait pas pu couper les ponts sans se voir couper les vivres. Sa liberté de mouvement ne dura pas très longtemps: terrassé par un accident cérébral à cinquante-quatre ans, il resta hémiplégique et aphasique jusqu’à sa mort, vingt et un ans plus tard.

Ces textes nous font revivre toutes les grandes étapes de sa vie et nous permettent d’accompagner cet Européen, qui n’alla jamais en Amérique et ne quitta le Vieux Continent que pour deux séjours en Afrique du Nord. Ils montrent aussi, ces textes, à chaque instant, la place primordiale occupée par la littérature. De passage à Recanati, en Italie, il évoque fraternellement un garçon encore plus malade, plus incompris, plus surveillé et plus riche que lui: Leopardi. «Imaginez, écrit-il, cette famille, ce milieu, la résolution prise de faire vieillir leur fils dans une interminable enfance, penché et courbé sur ses livres et ses cahiers, épié, redouté comme l’héritier qui pourrait «manger» le patrimoine si on le laissait libre.»

C’est pour échapper à un tel sort que Larbaud s’était fait voyageur. Mais avant d’y rester bloqué par la maladie, ce Vichyssois avait effectué volontairement un retour aux sources, qui lui inspira les belles pages de Retirance. Il appelait son département natal «le pays d’Allen». Pour l’Allier, c’est quand même mieux qu’Alien, même si la province lui sembla d’abord un monstre dévorant, tout à fait étranger à ses aspirations.

Ne ratez pas l’occasion que vous offre ces textes, qui vous permettront de séjourner avec Larbaud à Chelsea, Genève, Alicante, Naples, Lausanne. Et à Bourbon-l’Archambault.

Les citations de Valéry Larbaud

«La gloire n’est qu’une des formes de l’indifférence humaine.»
[ Valéry Larbaud ] – Ce vice impuni, la lecture

«La botanique qu’on nous apprend est peut-être une science inventée exprès pour exercer l’esprit des écoliers ? Qui sait si le latin n’est pas une grande supercherie pédagogique ?»
[ Valéry Larbaud ] – Enfantines

«Triste mot : touristes. Les étrangers, séparés de la vie du pays par la couche atmosphérique qu’ils transportent avec eux : habitudes, intérêts, bavardages de leur ville, jargon de leur secte.»
[ Valéry Larbaud ] – Mon plus secret conseil…

«Ah ! Gardons le plus longtemps possible la pitié, c’est le plus bel assaisonnement de la vie pour nous autres milliardaires.»
[ Valéry Larbaud ] – Propos de table et anecdotes de Monsieur Barnabooth

«Nous avons beau faire, nous ne pouvons pas être absolument naturels, et nous n’avons pas grand avantage à l’être.»
[ Valéry Larbaud ] – Extrait des Amants

«Ce qui nous rebutait le plus dans nos études, c’était l’inutilité de nos travaux. Toujours s’exercer et ne jamais rien faire.»
[ Valéry Larbaud ] – Enfantines

«La femme est une grande réalité, comme la guerre.»
[ Valéry Larbaud ] – Extrait d’ A. O. Barnabooth

«On croit pardonner, et ce n’est que faiblesse.»
[ Valéry Larbaud ] – Extrait d’ Amants, heureux amants

«L’art est encore la seule forme supportable de la vie ; la plus grande jouissance, et celle qui s’épuise le moins vite.»
[ Valéry Larbaud ] – Extrait d’ A.O. Barnabooth

«Ne rien trouver ridicule est le signe de l’intelligence complète.»
[ Valéry Larbaud ] – A.O. Barnabooth

«Les liaisons commencent dans le champagne et finissent dans la camomille.»
[ Valéry Larbaud ] – Les poésies de A. O. Barnabooth

«Je n’ai jamais pu voir les épaules d’une jeune femme sans songer à fonder une famille.»
[ Valéry Larbaud ] – Les Poésies de A. O. Barnabooth

«Et où que j’aille, dans l’univers entier, Je rencontre toujours, Hors de moi comme en moi, L’irremplissable Vide, L’inconquérable Rien.»
[ Valéry Larbaud ] – Les Poésies de A. O. Barnabooth

«Vous connaissez le dicton français : noblesse oblige. Eh bien, c’est toute la définition de la noblesse : elle oblige et ne fait pas autre chose.»
[ Valéry Larbaud ] – Les Poésies de A. O. Barnabooth

«La bêtise a ceci de terrible qu’elle peut ressembler à la plus profonde sagesse.»
[ Valéry Larbaud ] – Fermina Marquez

«Mais j’aimais le goût des larmes retenues, de celles qui semblent tomber des yeux dans le coeur, derrière le masque du visage.»
[ Valéry Larbaud ]

«J’ai des souvenirs de villes comme on a des souvenirs d’amours.»
[ Valéry Larbaud ]

«Tout idéal, dès qu’il est formulé, prend un aspect désagréablement scolaire.»
[ Valéry Larbaud ] – Jaune, bleu, blanc

Bibliographie

Fermina Marquez
de Valéry Larbaud
Roman

Résumé du livre
Tous ceux qui l’approchaient, tous ceux aux-quels elle parlait, ceux qui jouaient avec elle, formaient, autour d’elle, une sorte de cour d’amour; c’étaient ses chevaliers. Les chevaliers de Fermina Mârquez, donc, étaient admirés de tous les élèves, et peut-être même des plus jeunes parmi les surveillants. De ces belles promenades dans le parc, nous ne rapportions plus l’odeur du tabac fumé en cachette, mais le parfum des petites Américaines. Etait-ce le géranium ou le réséda ?

 

Ainsi va toute chair
de Samuel Bulter
Traduction de Valéry Larbaud
Roman

Résumé du livre
Dans ce grand roman, chef-d’œuvre de la littérature anglaise du XIXe siècle, Samuel Butler retrace l’histoire d’une famille pendant plusieurs générations, en étudiant minutieusement les relations entre les pères et leurs fils : de John Pontifex, menuisier de village, à Ernest, obligé de devenir pasteur et qui connaîtra le malheur et la prison avant de trouver l’amour et la paix.
Découvert et traduit par Valery Larbaud, un livre qui a fait scandale en dénonçant la cruauté et la tyrannie des institutions familiales dans l’Angleterre puritaine.

Les poésies de A. O. Barnabooth
de Valéry Larbaud
Commentaires
Par J-michel Tartayre (Toulouse, France)
« Les Poésies de A.O. Barnabooth » se composent de deux parties : « Les borborygmes » et « Europe » dans lesquelles Valery Larbaud évoque, par le biais de son personnage A.O. Barnabooth, ses voyages à travers le monde dans des poèmes en vers libres et en vers réguliers où le lyrisme émane de deux types majeurs de discours : le discours narratif et le discours descriptif. Il s’agit d’un recueil qui invite au dépaysement, à l’image de ces vers extraits d’« Europe » : « Des villes, et encore des villes ; / J’ai des souvenirs de villes comme on a des souvenirs d’amours : / À quoi bon en parler ? Il m’arrive parfois, / La nuit, de rêver que je suis là, ou bien là, / Et au matin je m’éveille avec un désir de voyage. » Par ailleurs, la préface de Robert Mallet est éclairante à au moins trois points de vue : elle nous renseigne sur la vie de Larbaud, sur son personnage Barnabooth et sur la notion de borborygmes, titre de la première partie de l’ouvrage, desquels Larbaud dira qu’ils sont « cette seule voix humaine qui ne mente pas ». Et Robert Mallet corrobore cette citation en écrivant qu’ « il y a chez Barnabooth l’inquiétude et le besoin de se rencontrer soi, dans sa double vérité de borborygme et d’âme. » À ce recueil s’ajoutent « Poésies diverses » et « Les Poésies de A.O. Barnabooth » éliminées de l’édition de 1913.

Par "laurentangard"
Quel virtuose des mots et des sensations. On se laisse porter par sa poésie descriptive, celle des villes et des gens. Les objets prennent vie, et nous tanguons avec eux.
Ma préférée : la gare de Cahors ! Allez la voir, elle est enchantée.

Du navire d’argent
de Valery Larbaud
[Littérature française XXe]
Présentation
Valery Larbaud a été le premier grand " passeur " en France de la littérature d’Amérique latine. Mais il s’es employé aussi à faire connaître la littérature française e Argentine. En 1923, il accepte une proposition de La Nacion, le quotidien de Buenos Aires. Pendant trois ans, il envoie au journal un article mensuel sur la littérature française. Vingt-trois en tout, rédigés directement en espagnol. " Tout ce que j’avais écrit en espagnol jusqu’à ce moment-là, dit-il en s’excusant, c’était quelques lettres amicales ou d’affaires, et quelques billets doux. " Il a repris certaines de ses chroniques dans le recueil intitulé Ce vice impuni, la lecture : domaine français. Pour La Nacion, il ne prétend pas exercer la fonction de critique, mais plutôt celle d’informateur qui va initier à la littérature française des lecteurs se situant à tous les degrés de culture. Il dresse un plan de campagne presque militaire, en faisant défiler des recueils d’histoire littéraire, puis des articles sur la poésie contemporaine, et d’autres sur les précurseurs. Enfin, " quatrième et dernier corps d’armée (Réserve, Garde Royale, Bataillon Sacré) : une série de huit chroniques sur d’anciens poètes : XVe, XVIe, XVIIe siècle. " Il n’oublie pas de lancer, comme " une vague d’assaut irrésistible ", ce qu’il appelle " la brigade des amazones ". Il met à sa tête Louise Labbé, la Belle Cordière, et " la grande Deshoulières ", la poétesse élégiaque du XVIIe siècle, que ses contemporains appelaient la Dixième Muse, et dont il cite, avec de vifs éloges, un rondeau intitulé Entre deux draps. Ainsi, ces articles destinés au public d’un quotidien étranger traitent parfois d’auteurs qu’en France même, de rares érudits sont seuls à connaître. Larbaud a eu l’intention de publier en livre, à Buenos Aires, l’ensemble des articles de La Nacion. Il avait trouvé un titre : Desde la Nave de Plata. Le Navire d Argent, ce n’est sans doute pas sans intention. C’était le titre d’une revue fondée par Adrienne Monnier. Et le Navire d’argent transportait dans ses cales, jusqu’aux rives du Rio de la Plata, la littérature française

Le vagabond sédentaire
de Valéry Larbaud

Ecrivain voyageur par excellence, Larbaud, enfant, transformait déjà le vaste jardin de la propriété familiale de Vichy en île déserte à explorer. Avant sa majorité, sa mère lui aura fait découvrir l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre, il sera allé jusqu’à Istanbul et Saint-Pétersbourg

 

 

 

Valery Larbaud à Alicante,1918-1919

Publié dans Arts et Littérature | Laisser un commentaire

Le jour par jour

1908   28 août   

Robert Merle, écrivain français.

Robert Merle Ecrivain français
[Littérature française]
Né à Tébessa, Algérie le 29 août 1908
Décédé le 27 mars 2004

Biographie

Robert Merle est né à Tebessa, en Algérie. Il fait ses études secondaires et supérieures à Paris. Licencié en philosophie, agrégé d’anglais, docteur ès lettres, il a été professeur de lycée, puis professeur titulaire dans les facultés de lettres de Rennes, Toulouse, Caen, Rouen, Alger et Paris-Nanterre où il enseigne encore aujourd’hui.
Robert Merle est l’auteur de nombreuses traductions (entre autres Les Voyages de Gulliver), de pièces de théâtre et d’essais (notamment sur Oscar Wilde). Mais c’est avec Week-end à Zuydcoote, prix Goncourt 1949, qu’il se fait connaître du grand public et commence véritablement sa carrière de romancier. Il a publié par la suite un certain nombre de romens dont on peut citer, parmi les plus célèbres, La mort est mon métier, L’lle, Un animal doué de raison, Malevil, Le Propre de l’Homme, Le jour ne se lève pas pour nous et la grande série historique en six volumes Fortune de France. Avec L’Enfant-roi puis Les Roses de la vie, Robert Merle a donné une suite à Fortune de France. Il est rare dans l’édition de voir une saga en plusieurs volumes obtenir pour chacun de ses livres un égal succès. Fortune de France fut un de ces cas d’exception où les lecteurs demeurent fidèles de livre en livre aux héros imaginés par l’écrivain.
Nombreux sont ses romans qui ont fait l’objet d’une adaptation cinématographique ou télévisuelle.

Les anecdotes sur Robert Merle

Adapté au cinéma
Le premier roman de Robert Merle, ‘Week-end à Zuydcoote’, est adapté au cinéma par Henri Verneuil en 1964, avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle principal.

Biographe et tiers-mondiste
Tiers-mondiste, Robert Merle a écrit la biographie de Fidel Castro.

Les messages

Message de caracal à Robert Merle
Vous m’avez confirmé, monsieur, ce que déjà disait Cicéron: "Qui possède une bibliothèque et un jardin a tout ce qu’il lui faut". Soyez-en remercié, et, puisque vous êtes désormais voisins, transmettez, je vous prie, mes amitiés à Montaigne !

Message de fran13 à Robert Merle
Et bien me voilà orpheline. Avec le décès de Robert Merle s’arrête le destin du "Comte d’Orbiou". Un peu tard pour exprimer tout le bonheur qu’il m’a offert au cours des heures de lecture des 13 volumes de "Fortune de France". Merci Monsieur Merle et… hasta!

Les citations de Robert Merle

«N’oubliez pas que, si longue vous apparaisse votre existence, votre mort, elle, est éternelle.»
[ Robert Merle ] – Madrapour

«Quand il s’agit des libertés, rien n’est jamais gagné définitivement, rien…»
[ Robert Merle ] – Extrait d’un Entretien avec Jean-Michel Royer – Avril 1982

«La clairvoyance des gens bornés: ils comprennent tout, mais à moitié.»
[ Robert Merle ] – Madrapour

«Et croyez-vous, parce que nous sommes partis, que nous sommes certains d’arriver ?»
[ Robert Merle ] – Madrapour

«Douter, ce n’est pas s’installer dans l’incertitude; c’est nourrir, l’une après l’autre, deux certitudes contradictoires.»
[ Robert Merle ] – Madrapour

«Le fou peut s’habituer à son asile, le prisonnier à sa cellule, l’enfant martyr à son placard – et les regretter quand ils les quittent.»
[ Robert Merle ] – Madrapour

«La roue du temps ne se contente pas de tourner et de vous emporter dans son cercle. Elle est dentelée et vous accroche sans fin de souci en souci.»
[ Robert Merle ] – Madrapour

«On ne comprend jamais très bien l’être qu’on aime. Non pas qu’il soit plus opaque que les autres. Mais on se pose davantage de questions sur lui.»
[ Robert Merle ] – Madrapour

Bibliographie

Derrière la vitre
de Robert Merle
Roman
Résumé du livre
Au huitième étage de la tour, les étudiants, assis dans les fauteuils des mandarins, s’emparaient symboliquement du pouvoir. Au sixième étage, un homme seul luttait contre la mort. Au rez-de-chaussée, une foule d’étudiants et, mêlés à eux, bon nombre de professeurs, à leur insu dépossédés, communiaient dans le culte de la musique classique.

Fortune de France_
de Robert Merle
Historique
Résumé du livre
De la mort de François Ier en 1547 à l’édit de Nantes en 1599, la France s’enlise dans l’épreuve des guerres de religion. C’est dans ce pays dévasté, en proie à la misère, au brigandage, à la peste, à la haine, que grandit le jeune Pierre de Siorac, rejeton d’une noble famille périgourdine et huguenote, héros et narrateur du roman. Dès ce premier volume d’une saga qui nous conduira jusqu’à la fin du siècle, c’est toute une époque qui revit à travers l’histoire des Siorac, avec ses paysans, ses princes, ses hommes d’épée ou d’Église, ses truculences et ses cruautés; sa langue, aussi, savoureuse, colorée, merveilleusement restituée au lecteur d’aujourd’hui. Époque où peu à peu va naître une exigence de tolérance et de paix, en écho au cri d’indignation et d’espoir de Michel de l’Hospital : « Ne verra-t-on la Fortune de France relevée ? »

L’idole
de Robert Merle
Roman
Résumé du livre
Au XVIe siècle, en Italie, une petite bourgeoise devenue grande dame déchaîne en sa faveur et contre elle les passions. Aux yeux de tous elle est l’idole au sens puritain qu’il avait à l’époque : un être humain illégitimement adoré comme un Dieu, en l’occurrence comme une déesse.
L’Italie qui apparaît dans L’Idole est celle de Rome, où le massacre de la Saint-Barthélemy fut fêté officiellement par des feux de joie; de Florence où les Medici, par personnes interposées, utilisaient sans remords la dague et le poison, au besoin contre leurs proches; des grands seigneurs qui, faute de pécunes, ne trouvaient pas déshonorant de se faire bandits de grand chemin; de ce bon peuple, réputé si bon catholique, mais qui, dans les occasions, criait « Mort au pape! », s’armait contre lui et prenait des torches pour aller « enfumer le vieux renard dans son Vatican ». Adorant, ou tout aussi bien haïssant l’idole, les acteurs de ce drame en sont aussi les narrateurs. En laissant la parole à ces témoins peu objectifs, et parfois peu recommandables, l’auteur a introduit dans son récit une foule bigarrée où Monsignori, grands seigneurs, esclaves mauresques, truands, ambassadeurs, joailliers juifs et grandes dames se coudoient et parfois s’acoquinent : société paradoxale où une éthique austère, comportant, y compris sur terre, des sanctions terrifiantes – par exemple, le meurtre coutumier de la femme adultère – s’accommode, dans le quotidien, de moeurs qui ne surprennent plus personne, sauf un moraliste conséquent et un grand réformateur: le pape Sixte Quint.
Si plus de vingt témoins parlent d’elle, l’idole, en revanche, se tait. Elle garde ainsi son mystère de femme trop aimée, qui n’était aucunement « fatale », mais dont le destin le devint. Et comment ne pas sentir aussi que ce silence est le symbole de sa condition en ce siècle – en ces siècles, devrait-on dire – de domination masculine? Un mari, un frère, un confesseur, un cardinal, deux papes et un baron-brigand ont décidé pour l’idole des voies de plus en plus resserrées où elle a cheminé, sans qu’elle ait jamais pu prendre en main sa propre vie.
Avec compassion, mais aussi avec tendresse, l’auteur a dressé cette stèle sur la tombe de l’idole, si « exemplaire » à tant d’égards.


L’île
de Robert Merle
Roman
Résumé du livre
Le soleil brillait à perte de vue sur la houle longue du Pacifique et le Blossom, ses trois mâts penchés à bâbord, recevait par le travers une brise Sud-Sud-Est…
Purcell prêta l’oreille. Bien qu’une île fût proche, il n’entendit pas de cri d’oiseau. Saut quand une lame déferlait, l’océan était silencieux. Mais il y avait autour de Purcell ces bruits qui, par jolie brise, lui faisaient toujours plaisir : le choc des énormes poulies de bois, la vibration des haubans, et au-dessous de lui, derrière son dos, le passage de l’étrave dans l’eau, doux et continu comme une pièce de soie qu’on déchire.

 

La mort est mon métier
de Robert Merle
Roman
Résumé du livre
Le Reichsführer Himmler bougea la tête, et le bas de son visage s’éclaira…- Le Führer, dit-il d’une voix nette , a ordonné la solution définitive du problème juif en Europe.Il fit une pause et ajouta :- Vous avez été choisi pour exécuter cette tâche.Je le regardai et dit sèchement : – Vous avez l’air effaré. Pourtant, l’idée d’en finir avec les Juifs n’est pas neuve.- Nein, Herr Reichsführer. Je suis seulement étonné que ce soit moi qu’on ait choisi.

 

 

Les hommes protégés
de Robert Merle
Roman
Résumé du livre
À la suite d’une épidémie d’encéphalite qui ne frappe que les hommes, les femmes les remplacent dans leurs rôles sociaux, et c’est une Présidente, Sarah Bedford, féministe dure, qui s’installe à la Maison-Blanche. Le Dr. Martinelli, qui recherche un vaccin contre l’encéphalite, est enfermé avec d’autres savants à Blueville, dans une « zone protégée » qui les tient à l’abri de l’épidémie mais dans un climat de brimades, d’humiliations et d’angoisse. Martinelli acquiert vite la conviction que son vaccin ne sera pas utilisé, du moins sous l’Administration Bedford. C’est paradoxalement chez les femmes qu’il trouvera ses alliées les plus sûres et par les femmes qu’il sera libéré. Mais, une fois Bedford remplacée à la Maison-Blanche par une féministe modérée, Martinelli saura-t-il s’adapter à une société où les hommes ne jouent plus qu’un rôle subalterne ?

Madrapour
de Robert Merle
Roman
Résumé du livre
A l’aéroport étrangement désert de Roissy-en-France, quinze personnes s’embarquent dans un charter : destination Madrapour. Étrange avion qui n’a pas d’équipage, espace clos où chacun emporte les obsessions de notre époque. Admirable suspense, soutenu de bout en bout, et qui nourrit une réflexion sur " la roue du temps " à laquelle aucun être humain n’échappe.

 

Malevil
de Robert Merle
Roman
Résumé du livre
Pâques 1977 : dans les caves creusées dans le roc de l’antique château de Malevil, Emmanuel met son vin en bouteilles tandis que ses amis d’enfance discuteront devant lui avec passion des élections municipales. Et voici que ce jour, pour Emmanuel si quotidien, si routinier, est aussi le tour d’une guerre atomique qui s’abat sur le monde par surprise et le détruit. En un instant, autour de Malevil dons le roc millénaire résiste à la fournaise, tout est anéanti. Les bois brûlent. Les villages se consument. La terre devient poussière Dès leurs premiers pas sur la planète carbonisée, les compagnons d’Emmanuel rencontrent leurs premiers ennemis : d’autres hommes, sauvés comme eux, mais qui convoitent le château fort et ses réserves. Contre ces bandes errantes commence, implacable, la lutte armée des sédentaires. Dans ce coin de France, berceau de la préhistoire, les survivants de Malevil régressent vers une civilisation primitive. Scénario prospectif ? Étude futurologique d’un noyau humain ? Si l’on veut. Mais à la façon dont l’était déjà cet "Animal doué de raison", dont Robert Merle a raconté la singulière histoire. Plus singulière encore – plus cruelle aussi – sera l’histoire de ce poupe d’hommes acharnés à maintenir sur terre l’espèce humaine : récit haletant où abondent les personnages, les péripéties, la vie intense du quotidien. Est-ce un livre à désespérer ? Ou, il l’intérieur de l’éventualité la plus sombre, sommes-nous ici, comme le prétend l’auteur, dans le meilleur des cas.

Week-end à Zuydecoote
de Robert Merle
Roman
Résumé du livre
—…Enfin, ce qu’on peut dire pour les Anglais, c’est qu’eux au moins, ils embarquent leurs hommes, tandis que du côté français !… En principe, ça se passe à Dunkerque et à Malo, mais jusqu’ici au compte-gouttes et seulement par unités constituées. Il ajouta au bout d’un moment : — Ce qui nous exclut, bien entendu. 11 ne se passa rien de notable dans la minute qui suivit. Alexandre avait ses deux grosses mains croisées sur les genoux. Il était penché en avant et il attendait que Maillat eût fini de boire pour prendre son quart et se servir à son tour. Dhéry décroisa ses jambes et les recroisa et cela prit un certain temps, parce que ses cuisses étaient très grosses et qu’elles glissaient difficilement l’une sur l’autre. On ne voyait pas ses yeux derrière ses lunettes. Pierson avait posé son quart à côté de lui à terre.

 

 

Robert Merle : photo Jean-François Duffaud

Publié dans Arts et Littérature | Laisser un commentaire