" Je jure par Dieu tout puissant, de remplir les actes de la profession d'avocat en toute probité et en tout honneur, de garder le secret professionnel, de respecter les lois et de ne jamais manquer de respect et aux tribunaux et aux autorités publiques."

jeudi 6 mars 2008

L’application de la loi pénale dans l’espace

I – Les infractions commises ou réputées commises sur le territoire

La justification essentielle du principe tient dans la souveraineté de l’Etat dont il est la manifestation.

A – Les infractions commises sur le territoire

La référence au principe de territorialité est clairement affirmée par l’article 113-2 alinéa 1er : « La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République ».

Se référer à ce principe, c’est admettre que la loi pénale s’applique à tous les délinquants, quelle que soit leur nationalité ou celle de leur victime (Crim. 1er mars 2000), qui ont commis une infraction sur le territoire de la République dans lequel la loi est effectivement en vigueur. D’autre part, il importe peu que l’auteur de l’infraction ait été arrêté à l’étranger ou même qu’il ait déjà été jugé à l’étranger pour les mêmes faits, la règle non bis in idem étant ici écartée (Crim. 11 septembre 1873, 17 mars 1999). Enfin, lorsqu’elle est commise sur le territoire français, l’infraction est punissable alors même qu’elle ne serait pas réprimée dans le pays d’origine de son auteur.

L’immunité de juridiction dont bénéficient les agents diplomatiques et leurs familles leur permet d’échapper à la compétence de la loi et des juridictions françaises lorsqu’ils commettent une infraction sur le territoire.

La mise en œuvre du principe de territorialité suppose d’une part que soit circonscrit le territoire de la République : il s’agit de l’espace terrestre (France métropolitaine, DOM-TOM), maritime et aérien (article 113-1), auxquels il faut ajouter les navires battant pavillon français et aéronefs immatriculés en France (article 113-3).


B – Les infractions réputées commises sur le territoire

Le second alinéa de l’article 113-2 étend le raisonnement en indiquant que « l’infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire ».

1. Le cas des infractions complexes, répétées et d’omission

Il arrive effectivement que l’infraction soit éclatée dans l’espace : c’est le cas des infractions complexes, répétées et d’omission. C’est face à cette situation, et dans un mouvement légitime teinté d’impérialisme, que le législateur a étendu le principe de territorialité.

L’infraction complexe est celle dont la réalisation nécessite plusieurs actes matériels de nature différente, comme l’escroquerie qui est constituée par l’addition de manœuvres frauduleuses et de la remise de la chose escroquée. L’article 113-2 alinéa 2 retient la compétence de la loi française dès lors que l’un des faits matériels constitutifs d’une infraction complexe a été commis en France.

Les infractions d’habitude, comme l’exercice illégal de la médecine, sont constituées par la répétition d’au moins deux actes identiques. Ainsi, un seul acte d’exercice illégal de la médecine entraîne la compétence de la loi française, dès lors du moins que la preuve de la commission d’un autre acte à l’étranger est rapportée.

Une infraction continue est constituée par la manifestation continue de la volonté délictueuse de l’auteur d’une infraction. La loi française est donc applicable dès lors que le comportement délictueux se prolonge pour partie sur le territoire français. La solution a notamment été appliquée à des actes d’espionnage.

Selon la jurisprudence, une infraction d’omission est normalement localisée au lieu où l’obligation non exécutée aurait dû être accomplie. Ainsi, le délit de non-représentation d’enfant relève de la loi française lorsque la remise du mineur aurait dû avoir lieu en France.

Le résultat est un élément constitutif de l’infraction : le pollueur en Belgique est pénalement responsable devant les juridictions françaises en cas de propagation de la pollution en France.


2. Le cas d’une complicité en France d’une infraction commise à l’étranger

L’acte de complicité à l’étranger d’une infraction principale commise en France relève de la loi française selon une jurisprudence traditionnelle (Crim. 30 avril 1908). La solution est la conséquence logique de l’assimilation légale du complice à l’auteur de l’infraction principale.

En revanche, dans l’hypothèse d’un acte de complicité en France d’une infraction principale à l’étranger, l’application des mêmes principes aurait dû conduire à exclure la compétence de la loi française, aucun fait constitutif de l’infraction principale n’ayant été commis en France. Mais une telle conséquence était de nature à créer des lacunes dans la répression chaque fois que le complice était de nationalité française. Il ne pouvait alors ni être jugé en France, ni être extradé vers l’Etat du lieu de l’infraction principale, puisque la France n’extrade pas ses nationaux.

Les dispositions de l’article 113-5 étendent donc la compétence et l’application de la loi pénale française au complice en France d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger. Deux conditions sont toutefois nécessaires : la première, dite de réciprocité d’incrimination, impose que le crime ou le délit soit puni tant par la loi française que par la loi étrangère. La seconde exige que le crime ou le délit ait été préalablement constaté par une décision définitive de la juridiction étrangère ; il importe peu que l’auteur de l’infraction ait été condamné. L’application de l’article 113-5 ne se justifie plus lorsque les dispositions de l’article 113-6 et suivants permettent de soumettre le fait principal commis à l’étranger et, partant, l’acte de complicité qui s’y rattache, à la compétence de la loi française (Crim. 20 février 1990).


II – Les infractions commises en dehors du territoire

L’infraction étant commise à l’étranger, le principe de territorialité est abandonné. La nécessité de réprimer efficacement la criminalité internationale et celle de protéger les intérêts de la France au-delà de ses frontières ont conduit à reconnaître la compétence de la loi française pour un nombre toujours plus grand d’infractions commises à l’étranger. Cette compétence est prévue par les article 113-6 à 113-12, soit en raison de la nationalité française de l’auteur ou de la victime (compétence personnelle active ou passive), soit en raison de la nature même des infractions (compétence réelle), soit enfin en raison de l’arrestation ou de la simple présence en France de l’auteur de l’infraction (compétence universelle).

A – L’application de la loi FR en raison de la nationalité FR de l’auteur ou de la victime : la mise en œuvre du principe de la personnalité (compétence personnelle)

La compétence de la loi française n’est pas subordonnée aux mêmes conditions selon que l’infraction a été commise hors du territoire par un français ou sur la personne d’un français. Il existe cependant plusieurs règles communes aux deux hypothèses ainsi que des règles spécifiques aux infractions sexuelles. En tout état de cause, c’est ici le principe de la personnalité de la loi pénale qui va être mis en œuvre selon lequel la loi pénale ne s’applique qu’à l’égard de ses nationaux qu’ils soient auteurs d’une infraction (personnalité active) ou qu’ils en soient les victimes (personnalité passive).

1. L’infraction commise par un français : la mise en œuvre de la compétence personnelle active

Cette compétence est justifiée par les nécessités de l’entraide répressive internationale : la France n’extradant pas ses nationaux, il serait inadmissible que ceux-ci, après avoir commis une infraction à l’étranger, puissent trouver refuge en France. La compétence de la loi française peut également être justifiée par la volonté de protéger l’ordre public contre de possibles agissements délictueux d’un citoyen français qui a révélé une certaine dangerosité à l’étranger.

L’article 113-6 prévoit deux conditions spécifiques pour la mise en œuvre de la compétence personnelle active :

- l’infraction commise à l’étranger doit être un crime (alinéa 1er) ou un délit (alinéa 2) en France ; la loi française n’est donc jamais applicable s’il s’agit d’une contravention ;

- lorsque le citoyen français a commis un délit à l’étranger, l’alinéa 2 prévoit que la loi pénale française ne s’applique que « si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis » ; il exige donc en ce cas une réciprocité d’incrimination ; le délit doit être punissable par le droit étranger ! L’exigence de réciprocité est écartée si la victime du délit est française, s’il s’agit d’une infraction sexuelle (v. infra).


2. L’infraction commise à l’encontre d’un français : la mise en œuvre de la compétence personnelle passive

La compétence personnelle passive de la loi pénale française apparaît beaucoup moins justifiable. Pourtant, son champ d’application a été très élargi lors de la réforme du Code pénal.

Selon l’article 113-7, « la loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu’à tout délit puni d’emprisonnement, commis par un français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l’infraction ».

Alors que sous l’empire de l’ancien Code de procédure pénale, le champ de la compétence personnelle passive était limitée aux crimes, il a été étendu dans le nouveau Code pénal à « tout délit puni d’emprisonnement ».

De plus, il en présence d’une victime française, la loi française s’applique sans condition de réciprocité d’incrimination. La compétence personnelle passive a donc un champ nettement plus étendu que la compétence personnelle active alors qu’elle était traditionnellement plus limitée.


3. Les règles communes pour la mise en œuvre de la compétence personnelle de la loi pénale française

Que l’infraction ait été commise par un français ou contre un français, la répression ne peut être mise en œuvre qu’à deux conditions prévues par les articles 113-8 et 113-9 du Code pénal.

Article 113-8 : modalités d’exercice des poursuites : la poursuite des délits ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public et lorsqu’elle aura été précédée d’une plainte de la victime ou d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où le fait a été commis (exception pour les infractions sexuelles, v. infra).

Article 113-9 : principe non bis in idem : « aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu’elle a été jugée définitivement à l’étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite ». La compétence de la loi pénale française est donc subsidiaire puisqu’elle ne s’exerce qu’en l’absence de répression à l’étranger.


4. Les règles spécifiques aux infractions sexuelles : l’extension de territorialité

Des règles spécifiques ont été édictées par la loi du 1er février 1994 et surtout du 17 juin 1998 pour faciliter l’application de la loi pénale française aux crimes et délits de viols et d’agressions sexuelles (article 222-22), aux délits d’atteintes sexuelles sur mineurs, de corruption de mineurs et de pornographie infantile (article 227-27-1) commis à l’étranger.

En premier lieu, l’exigence de réciprocité prévue par l’article 113-6 pour les délits n’est pas applicable. En deuxième lieu, par dérogation à l’article 113-8, les poursuites peuvent être engagées par le parquet, même en l’absence de plainte de la victime ou de dénonciation officielle du pays dans lequel les faits ont été commis.


B – L’application de la loi FR en raison de l’atteinte à des intérêts supérieurs français

Un certain nombre d’infractions commises à l’étranger et énumérées par l’article 113-10 portent gravement atteinte aux intérêts de la France. La loi pénale française est compétente quelle que soit la nationalité du coupable. Leur répression peut être assurée sans qu’aucune des conditions requises en matière de compétence personnelle soit remplie. L’infraction commise à l’étranger troublant l’ordre public français est traitée comme une infraction commise sur le territoire de la République : c’est une territorialité fictive.


C – La compétence universelle des juridictions FR par l’effet des conventions internationales

Selon le principe de la compétence universelle, la justice du lieu d’arrestation est compétente pour juger le délinquant, quelle que soit sa nationalité ou celle des victimes, quel que soit le lieu de l’infraction. Il s’agit d’une compétence juridictionnelle et non législative : la compétence universelle est présentée comme un principe procédural ayant essentiellement pour objet de fixer la compétence des juridictions françaises et non une règle de fond tendant à attribuer compétence à la loi française.

Elle ne peut résulter que d’une convention internationale et ne vaut que pour les infractions désignées par celle-ci. La règle non bis in idem s’applique en cas de compétence universelle : les poursuites devant les juridictions françaises sont exclues lorsque l’intéressé a déjà été jugé à l’étranger pour les mêmes faits (article 692 du CPP qui reprend les mêmes termes que l’article 113-9).

En revanche, aucune plainte ou dénonciation préalable n’est ici nécessaire (article 113-8 écarté). La réciprocité d’incrimination est indifférente (article 113-6 écarté).

Les cas de compétence universelle tendent à se multiplier. Les principaux d’entre eux figurent aux articles 689-2 à 689-9 du CPP : actes de torture (Convention de New York, 1984), terrorisme (Convention de Strasbourg, 1977 ; Conventions de New York, janvier 1998 & 2000), prise d’otage dans les avions…

4 commentaires:

Unknown a dit…

Bonjour,

article très intéressant au sujet duquel j'aurais néanmoins une question concernant l'application de la personnalité passive pour un délit à l'étranger passible d'emprisonnement. Mise à part la plainte préalable aux services de police, qui doit on contacter pour que le ministère public se saisisse de l'affaire (si il le juge approprié bien entendu), le procureur de la république?

Unknown a dit…

merci monsieur ksouri et je suis ravi de s`incrire c`est plus riche et merci une autrefois.

Unknown a dit…

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Unknown a dit…

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