sous logo

inscription
Membres
Historique
Liens
Biographie
 
 
 











Frédéric DESMONS (1832-1910)
Un enfant de la Gardonnenque à la foi huguenote ardente
Frédéric Desmons est né en 1832 à Brignon, petite commune du département du Gard située sur les bords du Gardon entre Nîmes et Alès. Il fait ses études à Nîmes puis se rend à la Faculté de théologie de Genève, fief du protestantisme calviniste, afin de se préparer à embrasser le ministère pastoral. De retour en France, Frédéric Desmons devient successivement pasteur à Ners (Gard), non loin de son village natal, Vals (en Ardèches) et enfin à Saint-Géniès de Malgoirès (Gard), autre commune à quelques kilomètres à peine de Brignon. Tout au long de ces années, Frédéric Desmons se fait connaître pour son esprit incisif et la profondeur de ses prédications. Il participe activement aux querelles religieuses qui ont toujours secoué le département du Gard en publiant une brochure contre l'évêque de Nîmes, Mgr Plantier. Desmons craint en effet que le second Empire provoque une vague réactionnaire dans toute la France et menace à plus ou moins court terme la liberté de culte (dans le Gard protestant, en effet, le souvenir de la Révocation de l'Edit de Nantes et de la guerre des Camisards demeure très vivace).
Un franc-maçon passionné
Parallélement à ses activités religieuses, Frédéric Desmons est initié le 8 mars 1861 aux mystères maçonniques au sein de la Loge L'Echo du Grand Orient (Grand Orient de France) fondée à Nîmes quelques années plus tôt en 1857 par un certain Firmin Fatalot, cadre aux chemins de fer. Nous ne savons malheureusement pas par qui Frédéric Desmons a été coopté. Il peut paraître surprenant qu'un homme d'église choisisse de suivre la voie maçonnique. Ce faisant, il convient de remarquer :

1) que Desmons appartient à l'Eglise Réformée de France qui n'a jamais marqué d'hostilité à l'égard de la Franc-Maçonnerie ;

2) que le Grand Orient de France, depuis 1849, s'est doté d'une constitution qui énonce notamment que la Franc-Maçonnerie a pour base l'existence de Dieu, Grand Architecte de l'Univers. Une constitution paradoxale puisqu'elle affirme aussi la liberté absolue de conscience.

Donc, on peut dire qu'il n'y a aucune incompatibilité entre ces deux appartenances.

Au sein de L'Echo du Grand Orient, Frédéric Desmons obtient tout à fait régulièrement les trois degrés symboliques. Mais à partir de 1867, Desmons quitte sa Loge mère pour fonder, à Saint-Géniès de Malgoirès, un autre atelier dont le nom distinctif est Le Progrès.

Quelles sont les raisons de cet allumage des feux ? Il est difficile de répondre avec certitude car les documents manquent. Tout au plus peut-on formuler quelques hypothèses.

1) On songe d'abord à la proximité géographique. Saint-Géniès est la commune où Desmons réside et assume sa charge de pasteur. De plus, beaucoup de Frères habitent dans la même partie du département du Gard et sont obligés de prendre toute une journée pour aller le dimanche en Loge et en revenir (les automobiles n'existent pas encore).

2) On imagine ensuite que des considérations politiques et maçonniques ont pu jouer. En effet, tout au long des années 1860, Frédéric Desmons est de plus en plus hostile au second Empire tandis que sa Loge mère est ouvertement bonapartiste (on acclame l'Empereur à la fin des travaux). Il est probable que Desmons ait pu éprouver un certain agacement à l'égard de tels comportements. Au plan maçonnique, Desmons commence à s'interroger ouvertement sur le sens et l'utilité de l'article premier de la Constitution de 1849 qui, d'une part, énonce que la Maçonnerie a pour base l'existence de Dieu et qui, d'autre part, affirme que la Maçonnerie proclame la liberté absolue de conscience. Desmons perçoit une évolution des mentalités et, surtout, que de plus en plus de profanes déclarent sous le bandeau qu'ils sont athées ou agnostiques. Il commet l'imprudence d'aborder le sujet en Loge. Ce qui, sans doute, a précipité son départ.
                                                       L'oeuvre d'une vie : la grande réforme de 1877
Mais il importe de retenir que Desmons s'est toujours déclaré, à titre personnel, déiste et ce jusqu'à sa mort. Néanmoins, promouvoir la liberté absolue de conscience va devenir le combat de sa vie. Dès 1873, il entre au Conseil de l'Ordre du Grand Orient de France. Faut-il y voir une reconnaissance de ses pairs pour le zèle qu'il a déployé afin que la Maçonnerie française marque son attachement à la paix et à la médiation (aussi bien lors de la guerre de 1870 contre la Prusse que durant la Commune de Paris) ? La question reste ouverte. Toujours est-il que Desmons va progressivement devenir incontournable. Tout au long de cette décennie, il demeure attentif à tous les voeux des Loges concernant la suppression des références à l'existence de Dieu et à l'immortalité de l'âme. Il s'oppose à de nombreuses reprises aux "conservateurs" de l'Obédience (Le Dr. de Saint-Jean en particulier) qui voient naturellement d'un très mauvais oeil ce trublion. Lors du Convent de 1877, Frédéric Desmons est nommé rapporteur du voeu n°IX émanant de la Loge La Fraternité progressive de Villefranche-sur-Saône et visant à réviser l'article 1er de la constitution du Grand Orient de France. A cette occasion, devant les représentants des Loges, Desmons prononce un discours qui va passer à la postérité et emporter l'adhésion enthousiaste d'une majorité de Vénérables.

Ecoutons-le au sujet de la formule de l'article 1 de la constitution de 1849 :

" (...) Nous demandons la suppression de cette formule parce que, embarassante pour les Vénérables et les Loges, elle ne l'est pas moins pour bien des profanes qui, animés du sincère désir de faire partie de notre grande et belle Institution qu'on leur a dépeinte, à bon droit, comme une Institution large et progressive, se voient tout à coup arrêtés par cette barrière dogmatique que leur conscience ne leur permet pas de franchir.

Nous demandons la suppression de cette formule parce qu'elle nous paraît tout à fait inutile et étrangère au but de la Maçonnerie. - Quand une société de savants se réunit pour étudier une question scientifique, se sent-elle obligée de mettre à la base de ses statuts une formule théologique quelconque ? - Non n'est-ce pas ? - Ils étudient la science indépendamment de toute idée dogmatique ou religieuse. - Ne doit-il pas en être de même de la Maçonnerie ? Son champ n'est-il pas assez vaste, son domaine assez étendu, pour qu'il ne lui soit point nécessaire de mettre le pied sur un terrain qui n'est point le sien.

Non. Laissons aux théologiens le soin de discuter des dogmes. Laissons aux Eglises autoritaires le soin de formuler leur syllabus. - Mais que la Maçonnerie reste ce qu'elle doit être, c'est-à-dire une institution ouverte à tous les progrès, à toutes les idées morales et élevées, à toutes les aspirations larges et libérales (...)"

Désormais le Grand Orient de France s'est doté d'un article qui affirme solennellement que les conceptions métaphysiques relèvent de l'appréciation personnelle de chaque maçon et que l'Obédience en tant que telle n'a pas à confirmer ou à infirmer l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme. Le Grand Orient de France, en 1877, rejoint donc les Grands Orients de Belgique et d'Italie, la Grande Loge de Buenos Ayres et la Grande Loge de Hongrie qui avaient adopté la même résolution quelques années auparavant. Ce faisant, l'erreur de Desmons a été de minimiser l'impact de la réaction britannique par rapport à la réforme entreprise. Depuis 1877, le Grand Orient de France fait l'objet d'une mesure d'ostracisme de la part de la Maçonnerie anglo-saxonne. Devenu un personnage de premier plan, Frédéric Desmons est élu Grand Maître du Grand Orient de France (Président du Conseil de l'Ordre comme on dit à l'époque) à cinq reprises :

  • de 1889 à 1891
  • de 1896 à 1898
  • de 1900 à 1902
  • de 1905 à 1907
  • en 1909

    Desmons, à notre connaissance, n'est pas ce que l'on pourrait appeler un fervent symboliste. Néanmoins, conscient qu'une sécularisation excessive peut conduire insidieusement à l'abandon des rites et des symboles, et donc à priver la Maçonnerie de ses racines, Desmons soutient énergiquement le Dr. Blattin, Grand Commandeur du Grand Collège des Rites dans sa volonté de réenrichir les rites.

  • Un homme engagé dans le combat républicain

    A côté de ses charges pastorale et maçonnique, Frédéric Desmons entame une carrière politique à partir de 1877 tout d'abord au plan local. Cette carrière le contraint à démissionner de son ministère pastoral, ce qu'il fait avec regrets en 1881 . De 1881 à 1894, Frédéric Desmons est député du Gard. Puis, de 1894 à 1909, il est sénateur du Gard. Radical, Desmons épouse donc le combat républicain avec passion et détermination aux côtés de Léon Bourgeois et d'Emile Combes (laïcité des institutions, séparation de l'Eglise et de l'Etat, loi sur les associations etc.). Desmons a également participé à l'affaire des fiches (épuration des cadres de l'armée). Aujourd'hui encore, il est regrettable qu'un bon nombre de maçons parlent négativement de cette affaire et la présentent comme une gigantesque bévue. Nous ne partageons pas ce point de vue. Quoique regrettable, cette mesure était toutefois inévitable dans le contexte de l'époque. En effet, il convient de rappeler que la République était un régime politique encore très fort contesté et qu'une très grande majorité des officiers de l'armée française ne faisait aucun mystère de ses convictions monarchistes et réactionnaires (souvenons-nous de l'affaire Dreyfus). Il était donc normal que le pouvoir politique pût s'assurer de la loyauté de l'armée. D'ailleurs, Frédéric Desmons, jamais, ne regretta l'action entreprise par le Grand Orient de France. Epuisé après avoir tant servi l'Eglise réformée, la Franc-Maçonnerie et la République, Desmons s'éteint en janvier 1910 entouré de l'affection des siens.



    Bibliographie pour aller plus loin

    Daniel Ligou, Frédéric Desmons et la Franc-Maçonnerie sous la IIIème République, éd. Gedalge, Paris, 1966 (épuisé)

    John Bartier, Laïcité et Franc-Maçonnerie, éd. de l'Université de Bruxelles, 1981

    La Pensée et les Hommes, Chrétiens et Francs-Maçons dialoguent, n°23, éd. de l'Université de Bruxelles, 1993

    Humanisme, Des Francs-Maçons du Grand Orient de France, n°235, 1997

    Mildred J.Headings, La Franc-Maçonnerie française sous la III République, 1949, éd. du Rocher, Paris, 1998

    André Combes, Histoire de la Franc-Maçonnerie au XIXème siècle, Tome 2, éd. du Rocher, Paris, 1998


     
    Une réalisation kooliss.net © fd-1877.net 2002-2006