"Les signaux sonores comme matériaux des nouvelles techniques compositionnelles"

DEA Musicologie PARIS IV / IRCAM (1996)

 

Ensemble

 

Le système pythagoricien

Le système tempéré

Le système hertzien

 

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I - Les systèmes musicaux

Si le fondement théorique de la résonance et la création du système tempéré vont rejeter à la fin du XVIIème s., le système pythagoricien et le système zarlinien, l'introduction des bruits dans la musique du XXème s. ainsi que la compréhension des sons en tant que vibrations acoustiques vont remettre en cause définitivement le système tonal.

Seule la définition d'un nouveau système physique, que j'ai appelé ici, système hertzien permet l'intégration de toutes les classes de sons (sons purs, sons harmoniques, sons formantiques, sons inharmoniques et sons bruités) en rapport avec la théorie spectrale.

Sont décrits dans ce chapitre, la mesure des paramètres musicaux employés par les musiciens au fil des siècles, ainsi que les systèmes de représentations attachés au système pythagoricien, au système tempéré et au système hertzien.

Le système pythagoricien

La théorie

C'est à Pythagore que l'on doit le premier système musical établi sur des hauteurs en rapport avec la longueur d'une corde ou avec celle d'un tube.

Le principal rapport de ce système est le rapport d'octave 2/1 dans lequel les hauteurs de la gamme, issues de la superposition des quintes y sont rapportées et représentées par un nombre rationnel.

■  Do : unisson (1/1) ; Sol : quinte juste (3/2) ;

■  Ré : ton M. (9/8) ; La : sixte M. (27/16) ;

■  Mi : tierce M. (81/64) ; Si : septième M. (243/128) ;

■  Fa : quarte juste (4/3) ; Do : octave (2/1).

La mesure de la hauteur

Dans l'antiquité et jusqu'au XIème s., les musiques vocales vont utiliser les différents échelons mal définis du système Pythagoricien. Au Moyen Age, les modes sont étendus et sont groupés en quatre paires pour les deux échelles, authentique et plagale : dorien / hypodorien, phrygien / hypophrygien, lydien / hypolydien, mixolydien / hypomixolydien.

Au début du XIème s., Guido d'Arezzo définit un hexacorde, composé de deux fois deux tons, séparés par un demi-ton. On dénombre ainsi au XIIIème s., sept hexacordes qui vont introduire les altérations de l'échelle chromatique. Les huit modes ecclésiastiques médiévaux passent à douze au XVIème s, avec l'éolien (mineur) / hypoéolien et l'ionien (majeur) / hypoionien.

Au XVIIème s., les modes majeurs et mineurs supplantent peu à peu les autres modes ecclésiastiques. Le système tonal (gamme diatonique et chromatique) ne pourra se développer totalement qu'avec le tempérament égal (cf. système tempéré).

La mesure de la durée

Les Grecs organisaient le rythme avec la hauteur par l'application exclusive des deux mètres de la poésie : la syllabe longue, grave et la syllabe brève, aiguë.

Les concepts d'arsis et de thésis sont quant à eux liés à la durée relative des syllabes longues et brèves. Les motifs linguistiques qui en découlent sont au nombre de six : jambus (',-), trochaeus (-,'), anapaestus (',',-), dactylus (-,-,'), spondaeus (-,-,-) et tribrachus (',',').

On retrouve cette relation entre la durée et la hauteur dans les Neumes et dans la notation modale du début et de la fin du Moyen Age. Dans la musique vocale de cette époque, le temps d'émission d'une syllabe parlée est considéré comme le standard absolu de la durée de la note.

A partir de 1230, la notation exprime de plus en plus la durée relative d'une note simple : celle-ci se raccourcit et enrichit les motifs rythmiques qui sont utilisés simultanément dans toutes les voix. On trouve dans la musique de Pérotin, plusieurs notes pour une seule syllabe.

Au XIVème s., les musiciens de l'Ars Nova (Machaut, De Vitry) créent des musiques indépendantes de la voix, en mettant en place la "semi-brève" (la noire) et la "minima" (la croche). Les relations rythmiques sont indiquées par des signes de proportion. Ce n'est qu'à partir du XVIème. s., que la vitesse d'exécution d'une oeuvre est définie par les termes de mouvement : presto, allegro, andante, largo, etc.

La mesure de l'intensité

En 1597, G. Gabrieli introduit pour la première fois, des nuances d'intensité dans sa Sonata pian e forte, écrite pour deux choeurs. S'ajoutant aux nombreux effets d'écho, ces nuances marquent l'opposition entre les "blocs sonores".

Ainsi, jusqu'au milieu du XVIIIème s., l'intensité est notée d'une façon relative "par paliers".

La mesure de l'harmonie

Jusqu'à la fin du Moyen Age, seule la monodie était pratiquée, et les sons simultanés étaient rarement émis.

Du Xème au XIIIème s., l'intervalle de tierce trouve peu à peu grâce aux oreilles des initiateurs de la polyphonie, et à partir du XVIème s., les compositeurs vont distinguer dans la superposition des voix :

■  les consonances parfaites (rapport d'unisson, d'octave et quinte) ;

■  les consonances imparfaites (rapport de tierce et de sixte) ;

■  les dissonances (rapport de quarte, de seconde, de septième, d'intervalles augmentés et diminués).

L'instrumentation

A la Renaissance, G. Gabrieli fût le premier à attribuer des instruments aux parties de ces Sacrae Symphoniae (1597). On compose de plus en plus en pensant aux timbres des instruments : Orféo de Monteverdi (1607).

Au milieu du XVIIème s., l'instrumentarium diversifié cède la place à l'orchestre baroque : instruments de basse continue (violoncelle, luth, clavecin) et instruments mélodiques (violon, flûte, hautbois).

Le texte musical

Au début du XIème s., Guido d'Arezzo donne aux sept sons de la gamme, un nom, qu'il note sur une portée dont les lignes sont à distance de tierce. Ce n'est qu'au XVIème s., qu'apparaît la première forme de partition avec ses barres de mesures (tabula compositoria), qui sert d'auxiliaire à la composition des oeuvres polyphoniques.

A partir du XVIIème. s., le premier temps d'une mesure devient la marque d'un temps fort.

Les règles de composition

Bien qu'utilisant des instruments, les Grecs développaient la musique sur les strophes des poèmes avec les mêmes mètres et les mêmes mélodies. Dans l'organum du Moyen Age, on superpose une ou plusieurs voix, en quinte ou en octaves parallèles par rapport à un chant donné (Cantus Firmus).

Ce n'est qu'au XIVème s. qu'apparaît le concept de contrepoint, qui définit les consonances permises sur les points d'appui. Les dissonances ne font l'objet de règles définies (syncope, note de passage) qu'au XIVème s. Au XVIème s., la musique hétérophonique fait place à la polyphonie vocale à 4 parties (soprano, alto, ténor, basse), illustrée par R. Lassus et G. Palestrina.

La technique de la basse continue va progressivement mettre l'accent sur l'accord parfait et donner une structure harmonique aux compositions contrapuntiques du XVIIème s. (canon, fugue, etc.).

En 1725, J. J. Fux formalise les règles des différentes espèces de contrepoint, qui vont jouer à l'époque classique, un rôle important dans le développement des thèmes et des mouvements.

Les principes d'organisation formelle

Au Moyen Age, le Cantus Firmus est l'élément principal de cohésion de l'oeuvre musicale. Par des opérations d'imitation (canon, fugue), de répétition (rondo, chaconne) et de transformation (contrepoint), les compositeurs vont pouvoir dérouler leur oeuvre dans le temps. Les éléments de base tels que les motifs (tropes) et les thèmes (sujet) servent de références pour la mémoire de l'auditeur.

Les principales formes

Au Moyen Age, à côté des hymnes spirituelles, apparaissent les chansons profanes, puis au XIIIème s., le premier canon qui est une oeuvre anglaise. A la même époque, apparaissent le conduit religieux et le rondeau.

Au XIVème s., la chanson polyphonique expressive (ballade, virelai), fleurit avec G. de Machaut. A partir du XVème s., l'aria est une formule de basse cadentielle répétée qui sert de base à des variations.

On distingue :

■  l'aria da capo, comme forme statique et non dramatique ;

■  le récitatif, qui permet la poursuite de l'action.

Au XVIème s., la monodie fait naître les airs de cour, les madrigaux, les cantates et les récitatifs. C'est à la même époque, à Venise, qu'apparaît la sonate en plusieurs sections, qui donnera naissance à une construction en trois mouvements (vif, lent, vif) : sonate de chambre et sonate d'église. La suite baroque, quant à elle, a son origine dans les paires de danse, et fait succéder plusieurs mouvement dans la même tonalité.

Au XVIIème s., le style concertant qui naît de l'opposition entre les groupes (voix ou instruments) fait apparaître trois types de concertos :

■  le concerto orchestral ;

■  le concerto grosso (groupes de solistes) ;

■  le concerto pour soliste.

A la même époque, la fugue se développe à partir des formes instrumentales du XVIè s.

La mise en scène instrumentale

Au Moyen Age, on plaçait les instruments à cordes au premier rang, pour faire valoir la théorie : les instruments à percussion occupaient la seconde place. A la Renaissance, ce sont les ensembles vocaux, accompagnés ou non d'instruments à vent qui sont en tête.

Au XVIIème s., on place les instruments polyphoniques (luth, clavecin) au centre. Chez Schütz, le choeur peut être divisé en groupes distincts pour réaliser des effets spatiaux.

Les pratiques de l'exécution

Jusqu'au XVIIIème s., on pratique beaucoup l'ornementation et l'improvisation qui sont à l'origine des différences entre le texte écrit et le résultat sonore. Pour être fidèle, l'exécution des musiques anciennes et baroques doit donc souvent s'aider de multiples documents d'archives (notation, indications).

Le système tempéré

La théorie

Les fondements d'un espace chromatique basé sur des intervalles naturels (rapport de nombres entiers) vont rejeter le système Pythagoricien. C'est Werckmeister qui propose dans son Traité Musikalische Temperatur (1691), la répartition du comma pythagoricien sur toutes les quintes de la gamme et introduit le système tempéré.

A la même époque, Zarlino, Mersenne et Kircher entrevoient la théorie physique des harmoniques dont Sauveur va faire, en 1700, le premier exposé à l'Académie des Sciences.

La mesure de la hauteur

La pratique du tempérament égal, connu sous le nom de gamme bien tempéré ne sera vraiment adopté qu'au milieu du XIXème s. Dans ce système, les compositeurs vont utiliser de préférence quatre types de gammes :

■  les gammes pentatoniques;

■  les gammes par tons ;

■  les gammes diatoniques ;

■  la gamme chromatique.

En 1885, Ellis met en évidence le plus petit intervalle de hauteur perçu : le cent.

La mesure de la durée

Les musiques baroques et classiques du XVIIème et du XVIIIème s. vont mettre à profit toutes les ressources de la notation symbolique mis en place au XVIème s (de la triple croche à la ronde).

En 1816, Maelzel invente le métronome qui permet de préciser minutieusement l'unité de temps : Beethoven fût l'un des premiers à l'utiliser. Depuis, les compositeurs peuvent régler la vitesse d'exécution de leurs oeuvres en indiquant le tempo, tout en reconnaissant le degré de liberté, laissé à l'exécution instrumentale : c'est ainsi qu'apparaissent les commandes d'accélérando, de ralentendo et de rubato.

La mesure de l'intensité

Au XVIIIème s. puis au XIXème s., les valeurs relatives des intensités "par paliers" (pp, p, mf, f, ff) s'enrichissent des différentes évolutions progressives : crescendo et diminuendo.

La mesure de l'harmonie

En 1636, le père Mersenne met en lumière l'existence des sons harmoniques après avoir écrit un Traité sur l'Harmonie universelle (1618).

En 1722, J. P. Rameau écrit son Traité de l'harmonie, réduite à ses principes naturelles. A partir de la théorie des harmoniques (Sauveur, 1700), il tente de donner un fondement naturel aux consonances et établit ainsi une nomenclature des accords fondamentaux pour chaque tonalité (tonique, dominante, sous-dominante) et en préconise les meilleures utilisations (théorie de la résonance).

Aux XIXème s., les rapports de tierce et de quinte prennent de plus en plus d'importance dans l'accord. C'est ainsi que Chopin, Liszt et Wagner introduisent les accords de quatre et cinq sons (septième et neuvième). A la fin du siècle, l'organisation des sons autour d'une tonique commune s'élargit à tel point que le système tonal s'effondra.

L'instrumentation

Au XVIIIème s., l'orchestre baroque à géométrie variable fait place à l'orchestre classique dont la composition se fige autour des cordes (en quatre parties) et des vents groupés par deux (bois, cuivre).

Au XIXème s., Berlioz puis Wagner inventent l'orchestre romantique en augmentant considérablement les effectifs autour des cuivres.

Le texte musical

Jusqu'à la fin du XVIIIème s., on avait coutume d'imprimer et d'exécuter la musique polyphonique sans partitions. Ce n'est qu'à partir du XIXème s. que celles-ci s'imposent dans les exécutions.

Les règles de composition

Grâce aux travaux de J. P. Rameau (1722), l'harmonie devient un concept d'écriture qui règle le mouvement mélodique des parties supérieures sur la structure harmonique de la basse. Il s'en suit que les mélodies (voix) et les harmonies (accords) définissent la structure horizontale (les lignes) et la structure verticale (les colonnes) des oeuvres musicales.

A la même époque, J. S. Bach, mène ses recherches compositionnelles dans toutes les tonalités : Cahiers du clavier bien tempéré (1722-1744). Au XVIIIème s., les compositeurs vont surtout moduler dans les tons voisins de la tonique (relatifs, sous-dominante et dominante).

Progressivement, l'invention des nouveaux instruments, producteurs de sons harmoniques (bois, cuivres) va mettre l'accent sur l'importance et le rôle des timbres dans l'orchestre. Les règles de l'écriture symphonique sont ainsi formalisées par Berlioz dans son Traité d'instrumentation (1844), qu'elles restent encore aujourd'hui, des références pour l'apprentissage de l'orchestre..

Les principes d'organisation formelle

Dans la période classique, c'est le thème qui est l'élément principal de cohésion de l'oeuvre musicale. Par des opérations de modification (durée), de répétition (note), d'addition (rythme, intervalle, harmonie, motif), de réduction (durée, intervalle), d'inversion (harmonie), d'insertion (durée, harmonie), de transposition (mélodie), les compositeurs peuvent développer leur faculté d'invention.

Les principales formes

A l'époque classique, la forme sonate, n'était pas un schéma mais un principe de forme, mise en oeuvre dans l'ensemble de la musique instrumentale. Un mouvement de ce type comporte une exposition, un développement, une réexposition et éventuellement une coda. La sonate classique qui se compose de trois ou quatre mouvements (rapide, lent, menuet, rondo) va donner sa structure à la symphonie.

Au XVIIIème s., le rondo instrumental de forme lied composé (grand rondo, petit rondo, rondo-sonate), apparaît avec le concept de lied populaire. Après le classicisme viennois (Mozart, Beethoven), le XIXème s. voit l'avènement du lied artistique (Schubert, Brahms, Schumann, Wolf)

La mise en scène instrumentale

En 1775, Reichardt établit la disposition classique de l'orchestre qui ne sera modifiée qu'en 1945, par Stokowski (disposition américaine).

Au XIXème s., la disposition des instruments n'est remise en cause que lorsque les compositeurs se choisissent d'autres espaces de diffusion :

■  le dispositif de spatialisation choisi par Berlioz pour son Requiem ;

■  l'orchestre mis en fosse par Wagner (opéras).

Les pratiques de l'exécution

Au cours du XVIIIème s., les pratiques de l'ornementation et de l'improvisation disparurent peu à peu. Seuls, subsistèrent le mordant, le grupetto, le trille, le trémolo et la cadence (soliste).

Le système hertzien

La théorie

C'est au physicien G. Ohm qu'il revient le mérite d'avoir émis, le premier en 1843, l'hypothèse de la nature complexe des timbres : pour lui, un son est bien la résultante de plusieurs mouvements vibratoires simples.

En 1865, lorsqu'il développe la théorie électromagnétique de la lumière, J. C. Maxwell prévoit l'existence des ondes qui seront mises en évidence par H. Hertz en 1887. Celles-ci couvrent un spectre très large : infrasons (fréquences inférieures à 16 Hz), fréquences audibles (de 16 Hz à 20 kHz), ultrasons, fréquences radio (jusqu'à 30 GHz), infra-rouges, rayons lumineux, ultraviolets).

Laboratoire d'Hertz

En 1888, dans sa classe de physique à l'école d'enseignement technique de Karlsruhe à Berlin, Hertz a produit des ondes électriques à l'aide d'un circuit électrique ; le circuit contenait une tige de métal avec un petit espace en son milieu : aussi, quand des étincelles ont traversées cet espace, des oscillations violentes à haute fréquence se sont installées dans la tige. Hertz a montré que ces ondes ont été transmises par l'air en les détectant un peu plus loin avec un autre circuit semblable. Il a ainsi prouvé que les ondes ont été reflétées et réfractées, à la même vitesse que la lumière mais avec une longueur d'onde beaucoup plus grande. Ces ondes, à l'origine appelées ondes hertziennes, sont maintenant connues sous le nom d'ondes radio : elles confirment les prédictions de J.C. Maxwell sur l'existence des ondes électromagnétiques, sous la forme d'ondes radio et d'ondes de lumière.

H. Hertz dans son laboratoire

A la même époque, H. von Helmholtz vérifie expérimentalement l'expression mathématique d'un signal périodique en harmoniques, écrite par Fourier en 1822. C'est ainsi qu'il conclut que la différence des timbres dépend de la présence et de l'intensité des partiels.

Sous la forme d'une courbe de variation de pression qui évolue dans le temps, tout événement sonore (sons purs, sons harmoniques, voix, sons inharmoniques, bruits) peut alors être décrit par ses paramètres physiques : fréquence (hauteur), amplitude (intensité), phase (attaque), spectre, enveloppe temporelle et enveloppe spectrale (timbre), durée (temps).

Il faudra attendre la seconde moitié du XXème s. et les progrès des techniques électromécaniques, électroniques puis informatiques, pour que l'on puisse enregistrer, représenter, synthétiser, éditer, transformer et transmettre la complexité des signaux acoustiques.

En 1966, P. Schaeffer publie son Traité des objets musicaux, qui met définitivement en cause la note, et proclame un nouveau solfège pour la musique.

Les signaux sonores deviennent le matériau d'un nouvel art qui peut dorénavant prendre appui sur le système hertzien :

■  de nouvelles représentations des événements sonores ("objet sonore", signal acoustique) ;

■  de nouveaux instruments (instruments électriques, éditeurs de sons) ;

■  de nouveaux supports (bande magnétique, support numérique : CD, CD-ROM) ;

■  de nouveaux moyens de représentation (chaîne HIFI, station multimédia en réseau).

La mesure de la hauteur

Dans le système tempéré, qui régit les sons harmoniques, la hauteur tonale est liée à la fréquence fondamentale alors que dans le système hertzien, qui régit tous les types de sons, des sons purs aux sons bruités, la hauteur est fonction de la distribution des partiels dans le spectre.

En 1978, J. C. Risset met en valeur la hauteur spectrale, qui est fonction de l'enveloppe spectrale et en 1982, l'algorithme d'analyse psycho-acoustique de Terhadt, permet de déterminer une hiérarchie perceptuelle entre les différentes composantes.

La mesure de la durée

A partir de 1816, le métronome de Maelzel établit la seconde comme une valeur constante et instaure une représentation des durées sous la forme de nombres réels. Dorénavant, la durée de la note est assujettie à la vitesse d'exécution, réglée par la valeur du tempo.

En 1877, Helmholtz conçoit la durée d'un événement comme le domaine d'application d'un signal périodique.

A partir de 1948, les travaux de P. Schaeffer vont mettre en évidence la structure temporelle du son et montrer l'importance de la durée des transitoires (attaque, entretien, chute, silence) sur la perception.

Aujourd'hui, les moyens de calcul informatiques permettent de modifier la durée des transitoires et d'estimer le temps de propagation dans un espace architectural donné. L'écriture des durées peut ainsi tenir compte de l'espace de diffusion et de la physiologie des auditeurs

La mesure de l'intensité

Dans l'écriture instrumentale, les intensités sont toujours notées "par paliers" (du pp au ff) ou par intensités progressives (crescendo, diminuendo) alors qu'en enregistrement et en diffusion, l'intensité physique des signaux acoustiques s'associe à la valeur d'amplitude du mouvement vibratoire, mesurée en décibel. Le phone est utilisée quant à lui, comme unité de perception des niveaux sonores (entre le seuil d'audition et le seuil de douleur).

A partir des années 80, certains compositeurs de musiques électroniques (J. Chowning, J. C. Risset) utilisent le rapport qui lie l'intensité d'un son, à la place de la source qui le produit, dans l'espace.

La mesure du timbre

Dans l'écriture instrumentale, le timbre joué est fonction de l'instrument (registre) et de son mode de jeux (col legno, pizzicato, flatterzunge, etc.).

En synthèse, le timbre est fonction du spectre, de l'enveloppe spectrale et de l'enveloppe d'amplitude du signal. Ce travail sur les composantes fréquentielles et sur leur comportement temporel a permis de comprendre l'harmonie, le battement, la rugosité ou l'inharmonicité d'un son.

Comme les couleurs pour l'image, les timbres de l'orchestre ou les timbres "acousmatiques" mettent en relief les signaux sonores en leur donnant une identité qui accélère le travail d'analyse et de compréhension de l'oeuvre par l'auditeur.

En utilisant au mieux l'évaluation multidimensionnelle des sons entreprise par J. M. Grey (1977), on peut se servir de la nomenclature des spectres pour donner un nouveau cadre à la composition musicale : la mise en relief des timbres dans un espace donné.

La mesure du mouvement

Elle s'effectue sur des mouvements de deux natures :

■  interne : micro-variations du timbre associées au caractère de celui qui parle (intonation de la voix) ou au jeu de celui qui produit le son (interprétation des sons instrumentaux)  ;

■  externe : modifications du timbre associées au déplacement de la source sonore dans l'espace.

L'instrumentation

Au XXème s., la recherche de nouvelles sonorités et l'électrification instrumentale ont modifié :

■  l'instrumentarium classique : piano préparé, percussions de toutes sortes, "objets sonores" divers, instruments électriques, instruments MIDI, synthétiseurs, etc. ;

■  les modes de jeux traditionnels : différentes attaques, cluster, pizzicato, sourdine, amplification, traitement en temps-réel, etc.

A partir des années 30, à la faveur de l'électrification, les techniques d'enregistrement et de diffusion vont développer les équipements de studio : magnétophone, émetteur, enceinte électro-acoustique, périphériques, etc.

Dans les années 60, le traitement et le contrôle en temps-réel des signaux produits par les instruments électriques sont avant tout expérimentés dans la musique, mais attendent une formalisation dans la musique savante.

Aujourd'hui, les signaux sonores captés par les microphones (voix, instruments MIDI) sont porteurs de nouvelles musicalités : synthèse en temps-réel, effets multiples (chorus, écho, filtrage, retard, réverbération, etc.).

Le texte musical

En 1877, Charles Cros puis Thomas Edison proposent deux procédés d'enregistrement et de reproduction des phénomènes perçus par l'ouïe : l'un, le disque ; l'autre, le rouleau de cire qui devient le phonographe. En 1898, Valdemar Poulsen utilise pour la première fois, le support magnétique.

A partir de 1948, les supports magnétiques puis numériques provoquent un nouveau rapport à l'écriture qui donne naissance aux musiques concrètes et électro-acoustiques

On distingue :

■  les musiques amplifiées, à partir de la notation traditionnelle (grilles d'accords, conducteur) ;

■  les musiques enregistrées (musiques acousmatiques) à partir d'un plan de diffusion.

■  les musiques mixtes qui utilisent à la fois la notation traditionnelle et les plans de diffusion.

Les nouvelles règles de composition

Au début du XXème s., l'effondrement du système tonal aboutit à l'abolition des hiérarchies entre les différentes hauteurs. Hauer, en 1919, puis Schoenberg, en 1921, créent les techniques dodécaphonistes.

Dans les années 50, Messiaen généralise la série à tous les paramètres musicaux : ce qui donne naissance aux musiques sérielles (Boulez, Stockhausen, Nono).

A partir de 1948, le travail sur la microstructure de l'"objet sonore", enregistrable sur bande magnétique, est à l'origine d'un nouveau apprentissage de la composition.

En 1983, la création de l'interface MIDI donne aux musiciens la possibilité d'envoyer en temps-réel ou en temps différé des commandes aux équipements électroniques (échantillonneurs, boîtes à rythmes, effets spéciaux, etc.).

Ce travail de composition sur des signaux sonores que l'on peut analyser, transformer, éditer et transmettre, permet une grande diversité de moyens d'expressions : musiques de film, paysages sonores, produits multimédia, installations sonores, modélisations d'oeuvres, musiques interactives.

Les éléments d'une écriture stéréophonique ("plusieurs sons émis dans l'espace") se mettent en place et attribuent un caractère prépondérant  :

■  au choix du dispositif de diffusion (émission) ;

■  à la place des auditeurs (réception).

Ainsi, en connaissant le fonctionnement des instruments MIDI et le comportement des timbres dans l'espace, les musiciens pourront faire coexister les différentes classes de sons dans le système de représentation qu'ils se seront choisis (dispositif électro-acoustique du cinématographique, d'une installation sonore ou d'un produit multimédia).

Les principes d'organisation formelle

A partir de 1950, la série est l'élément principal de cohésion de l'oeuvre musicale, jouée sur des instruments acoustiques.

Pour les oeuvres de musiques concrètes, électro-acoustiques et électroniques, ce sont les caractéristiques des signaux acoustiques enregistrés ou "objets sonores" qui servent d'éléments de base de l'écriture.

Par des opérations de mise en boucle, de montage, de répétition, d'interpolation ou de réinjection, l'oeuvre composée articule ses éléments microscopiques dans le temps. La mémoire auditive s'appuie alors sur les références significatives des "objets sonores" émis (spectres de la voix, du bruit, du son harmonique ou inharmonique).

Les principales formes

Avec l'utilisation des signaux sonores, le XXème s., voit se développer trois types de formes :

■  les formes audiovisuelles et cinématographique (mise en scène des sons et des voix enregistrées en rapport avec l'image animée) ;

■  les formes audiovisuelles et synthétiques (composition des sons sur tous supports numériques : jingle, indicatif, film d'animation, etc.) ;

■  les formes interactives (contrôle des sons pré-programmés au choix de l'auditeur/spectateur actif).

La mise en scène instrumentale

Si les catalogues d'oeuvres sur papier des compositeurs présentent souvent des effectifs instrumentaux complètement libres, la mise en scène des instruments électriques demandent quant à elle, un soin particulier du dispositif de sonorisation.

Les pratiques de l'exécution

Avec l'électrification instrumentale, les pratiques de l'improvisation sont de nouveau à l'honneur. Celles-ci sont en permanence actualisées par les musiciens, en fonction des nouveaux matériels. Suivant le résultat sonore escompté, on apprend ainsi la commande à exécuter et le geste à effectuer.

Les multiples explications personnelles que l'on rencontre sur les partitions des musiques savantes (cf. Stockhausen, Kagel, Bério, etc.) devraient mettre à jour des codes communs pour exécuter les principaux effets : amplification, filtrage, modulation, etc.