mercredi 6 janvier 2010

Nouvel An à Luang Prabang

Sabaï di…(Vous noterez le changement de bonjour, du thaï au laotien !)

Jeudi 31 décembre 2009… Jour de la saint Sylvestre, le nouvel an…
Mon premier sous les tropiques, mon premier en dehors de France !

Après 3 jours de trek sauvage aux confins de la Birmanie, du Laos et de la Chine, je rejoins Luang Namtha, la capitale de la province du même nom :


Je souhaite passer la soirée du nouvel an dans une grande ville, afin de faire la fête avec les Laotiens ; car le nouvel an est célébré au Laos ; on peut même dire que les laotiens aiment faire la fête… Déjà depuis 2 jours à Muang Sing, j’assiste à des « partys » assez incroyables.

La veille par exemple, il est 18h, je suis dans mon bungalow à Muang Sing, quand soudain une musique très forte envahit le village ; c’est une sorte de pop orientale, très saturée dans les basses, avec des influences salsa, africaines, musiques traditionnelles asiatiques, enfin un melting pot de groove qui m’attire irrésistiblement.

Je me dirige vers la source de cette musique magnifique, qui semble provenir du quartier populaire du village ; j’arrive à la fiesta : c’est une tradition au Laos, quand on célèbre quelque chose, on sort tables et chaises, auvents, on monte une petite scène, on installe un mur d’enceinte, on convoque un groupe (ou plutôt un gars avec son synthé), on prépare de la nourriture, et on met la boisson au frais ; puis tout le quartier débarque, et en voiture Simone…

J’arrive sur les lieux, et je suis évidemment tout de suite repéré car je suis le seul blanc ; on m’alpague et je suis invité à m’assoir : c’est la tournée au laolao, cet alcool de riz très fort que l’on boit par tonneau lors de ces célébrations ! On me nourrit aussi, avec toute cette merveilleuse cuisine laotienne préparée par tout le quartier : riz gluant, larb de poulet ou de porc, légumes grillés, etc…


Cela ressemblait à peu près à ça :

Chaque convive se fait un point d’honneur de trinquer avec moi : au bout de 10 minutes, j’en suis déjà à ma huitième tournée de laolao, et bien que j’éponge avec du riz, je commence à avoir la tête un peu à l’envers, d’autant que le laolao me ferait presque regretter le whisky thaï, c’est pour dire…
J’adopte donc la tactique (très lâche je vous l’accorde) du cul sec sans avaler, en gardant en bouche, et dès que le gus tourne le dos, je crache discrètement dans le caniveau ! C’est pas très fair play, mais si je veux passer la soirée jusqu’au bout, je n’ai pas le choix…

Je rencontre un tas de jeunes laotiens qui m’interpellent spontanément ; ils veulent absolument discuter avec moi, car ils étudient l’anglais, et veulent le pratiquer avec un « Farangue » ; ils sont vraiment super sympas et accueillants ; bien sûr, pas question de payer quoi que ce soit pour la boisson et la nourriture, malgré le fait qu’ils ne roulent pas sur l’or ! Ça change de la Thaïlande…

Merci pour la soirée les gars :


Il y a aussi la musique et la dance : les laotiens ont l’habitude de danser en faisant la ronde, avec un homme et une femme face à face, en remuant le bassin et les bras, toujours au son de cette musique hallucinante, produite par un synthé aux sons délirants, avec plusieurs chanteurs qui se relayent au micro… Ça ressemble au sound system jamaïcain ou africain, mélangé avec un karaoké chinois : le son est surpuissant et saturé de basse, le synthé est vintage, les chanteurs ne chantent pas toujours juste, mais c’est dément ; il y a un groove qui feraient danser une momie égyptienne !
Voilà un bon exemple :



La soirée se terminera vers minuit ; je regagne mon hôtel fatigué et ivre d’alcool, mais aussi de bonheur…

Quand j’arrive le lendemain à Luang Namtha, c’est avec la ferme intention de remettre le couvert pour le nouvel an…

Je retrouve avec grand plaisir Georges, ce franco-argentin que j’avais rencontré il y a quelques jours. Nous avions prévu de nous retrouver pour le réveillon ; nous louons chacun un scooter afin de se balader dans les collines autour de la ville ; Georges a repéré un village Akha à 15 bornes, et nous traversons des paysages magnifiques : rizières, forêts, collines…


Vive les joies de la déforestation : les chinois arrivent en force au Laos : ils achètent tout le bois précieux possible au gouvernement, qui saute sur cette manne d’argent facile… Mais les conséquences sont déjà visibles :



A la place du teck et des autres arbres magnifiques, les chinois plantent des hévéas, afin de récolter le caoutchouc : c’est une catastrophe pour l’écosystème !

La Chine est aujourd’hui le premier exportateur de bois exotique du monde, en pillant systématiquement tous les pays pauvres d’Asie, qui ne peuvent refuser cet apport d’argent. Mais pas de leçon à donner, car la Chine a pris le pouvoir de ce commerce au détriment de… la France, qui a été longtemps le numéro 1 mondial du bois exotique, en pillant des pays comme le Sahel par exemple ; aujourd’hui, il n’y a pratiquement plus de forêt au Sahel, et la population crève dans l’indifférence général, le pays a été vidé de ces richesses naturelles ; merci la France ; sûr qu’ils ne chantent pas la marseillaise là bas…

Nous arrivons dans le village Akha, bâti sur une colline, avec ses toits colorés :


Les enfants nous accueillent comme d’habitude ; Georges leur fait une démo de tir à la fronde :

Il n’est pas rare de croiser des fillettes portant leur petit frère sur le dos :


Nous rentrons en ville après avoir déposé dans l’école du village quelques fournitures scolaires achetées précédemment (cahiers, crayons…). Il est 18h, est la soirée peut commencer…

Je me dois de vous parler un peu de Georges « Thierry-la-fronde », ce personnage haut en couleur ; quand on s’est rencontré dans le bus il y a une semaine, je portais mon tee-shirt de Boca Junior, et il a fait les gros yeux en me croyant argentin : lui qui est né dans les années cinquante à Buenos Aires, il pensait trouver un compatriote de son pays de naissance ; je lui annonce en espagnol que je suis français, vivant à Paris, et il me répond alors dans un français quasiment sans accent ; car Georges vit et travaille maintenant en France, et ce depuis les années soixante dix ; il a même la double nationalité…
Nous nous entendons bien tout de suite, et nous parlons de l’Argentine, de la France, et de foot : Georges est fan de foot, comme tout argentin qui se respecte… Quand il était dans le ventre de sa mère, son père lui avait déjà alloué son numéro de socio du club du Racing (un des 4 clubs mythiques de Buenos Aires) ; le Racing restera son club de cœur pour la vie, mais il supporte également Boca (Ha ! Ha !) ainsi que Marseille depuis son arrivée en France.
Dans le bus, je lui propose de partager un petit maté ; j’ai cru qu’il allait faire une apoplexie ! Quoi, un maté au fin fond du Laos, offert par un français de surcroit… Surréaliste ! Dès la première gorgée, il ronronne de bonheur, ça lui rappelle le pays…

Nous nous retrouvons donc quelques jours plus tard pour passer le réveillon ensemble : il me raconte un peu sa vie : à seize ans, il vit à Buenos Aires comme une petite frappe, consomme et deal de la drogue pour vivre, a les cheveux longs (nous sommes en 73), et « brûle la chandelle par les 2 bouts » ; mais le régime militaire fasciste pointe son né en Argentine, et sur un coup de tête, il décide de partir en Europe, synonyme pour lui de liberté (enfin le croit-il) !
Il débarque à Madrid en 1974, avec l’équivalent de 100 euros en poche, et là surprise, c’est le pays de Franco… Complètement inconscient, il ira de petits boulots en petits boulots, et fera souvent de la prison (certaines fois uniquement parce qu’il a un look de hippie ; ça rigole pas sous Franco). Finalement, il décide de quitter l’Espagne, passe les Pyrénées et arrive jusqu’à Paris, avec des faux papiers. Il s’installera en banlieue, à Créteil, apprendra le Français, deviendra junkie, dealer, artiste, éducateur pour délinquants, et fera des dizaines d’autres boulots ; il se mariera et divorcera 4 fois, obtiendra enfin en 1981 la nationalité française (merci Mitterrand), deviendra architecte puis ingénieur ; il déménagera dans le sud de la France ; son dernier métier, ingénieur en bureau d’étude dans l’industrie chimique lui permettra pendant plus de quinze ans de voyager quasiment dans le monde entier ! Il traversera plus d’une centaine de pays… Finalement, il y a 3 ans, il décide de prendre sa retraite, de quitter la France où cela commence à sentir mauvais (comme moi, il n’est pas vraiment fan de Sarko), et s’installe au Vietnam, où il vit comme un prince pour peu d’argent… De tous les pays qu’il a traversés, ce n’est peut-être pas le plus magnifique, mais c’est celui où la population l’a le plus séduit. Il s’occupe de planter des vignes, pour faire un jour du vin ! De temps en temps, il se fait une petite virée au Laos, en Birmanie, ou au Cambodge…
Voilà ce que j’apprends sur sa vie, et ce n’est qu’une infime partie de son incroyable parcours (c’est un survivant, beaucoup de ses amis sont restés sur le carreau) ; il me raconte des histoires et des anecdotes irrésistibles pendant toute la soirée.
Ma préférée : il est à Créteil, début 80, et quelqu’un lui apprend qu’un passeur (de drogue) vient d’arriver d’Asie avec 1 kilo d’héroïne cachée dans son plâtre (il a la jambe cassée) ; ni une ni deux, Georges se dirige vers l’hôpital… Henri Mondor ! (car c’est dans cet hôpital que le gus a atterri à son retour).
Il va alors braquer le type, au culot, directement dans sa chambre, et lui rafler une partie de la drogue, ainsi qu’un paquet de fric… Ce que Georges ignorait, c’est que le passeur était surveillé par la police, et que le « gardien » voit évidemment Georges sortir en courant de la chambre : s’ensuivra une course poursuite, digne d’un film avec Belmondo, dans les couloirs, les sous-sols, et le parking de l’hôpital… Il est mort de rire quand il me raconte cet épisode, il courait comme un dératé dans les services de Mondor, en bousculant malades, personnels, et matériels…
Finalement, il réussira à s’enfuir en traversant le parking…
Cette anecdote me fait d’autant plus rire que l’hôpital Henri Mondor à Créteil ne m’est pas inconnu ; il fut même la résidence principale d’un certain membre de ma famille proche pendant plusieurs mois.
Papa, toi qui connais par cœur tout l’hôpital Mondor, pouvais-tu imaginer qu’il y eu un jour dans ces couloirs des cascades et des trafics de drogue ?

Voilà pour le petit portrait de Georges (très succinct, car sa vie est un véritable roman d’aventure) ; nous passerons donc le nouvel an à Luang Namtha ; au programme : pastis en apéro (oui, on a trouvé un rade qui en servait !), poulet grillé et vin en plat de résistance (oui, on a trouvé une bouteille de Bordeaux AOC de 2005 ! Et en plus très buvable), et fête laotienne en dessert…

Au marché de nuit, il y avait une soirée : de jeunes laotiens fêtent leur récent diplôme et célèbrent le nouvel an ; il y a évidemment une scène, un mur d’enceinte, et la musique hallucinante ; je retrouve un petit gars rencontré à Muang Sing, et qui nous invite spontanément Georges et moi.
On a bien rigolé, mangé, bu, dansé, et on s’est souhaité la bonne année 2010 au son des tubes de Chanto Sopha et au son d’autres chansons populaires laotiennes.
Autoportrait des 2 ivrognes :


Voici quelques exemples de ces tubes (les clips sont cheap et ringards, mais écoutez le pure son…) :

http://www.youtube.com/watch?v=4U68Ih1Iy4Y&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=M_M-CDvjfNg&feature=PlayList&p=8DBD203725BCE666&index=17

Fin des aventures de l’arbre dans le nord du Laos ; il se dirige maintenant lentement vers le sud :

A bientôt,
ET SURTOUT, UNE BONNE ET HEUREUSE ANNEE A TOUS…

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