La consécration de la responsabilité de l'Etat du fait de l'inconventionnalité d'une loi : l'arrêt Gardedieu

Publié le par Jennifer Veerapen

L’arrêt Gardedieu a été rendu le 8 février 2007 par l’Assemblée du Contentieux du Conseil d’Etat.
 
En l’espèce, l’assuré social avait sollicité le remboursement de ses cotisations sociales devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale. La juridiction l’avait alors débouté de sa demande en lui opposant la loi de validation. Or, cette loi étant incompatible avec la Convention européenne des droits de l’homme, elle aurait du être écartée du litige si l’assuré en avait excipé l’ « illégalité ».
 
Mr. Gardedieu invoquait la violation de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme qui énonce le droit à un procès équitable. Au premier abord, cet article semble avoir été méconnu par la loi de validation, puisque des affaires en cours ont été régies de façon rétroactive par cette loi.
 
Le recours à la validation législative est encadré par l'application stricte de la non-rétroactivité en matière pénale et le respect de l'autorité de la chose jugée. Il est également nécessaire que la validation poursuive un but d'intérêt général suffisant. Pour la cour administrative d'appel, la disposition en cause avait pour objet de préserver l'équilibre financier de la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes, et l’intérêt général était caractérisé.
 
Le Conseil d’Etat exigeait un motif impérieux d’intérêt général, il a ainsi considéré que la loi de validation en cause était incompatible à l’article 6 de la CEDH. On retient donc que la violation d’une convention internationale constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat.
 
Le Conseil d’État a condamné l’État à verser à Monsieur Gardedieu la somme de 2.800 euros, correspondant au préjudice subi du fait de l’adoption d’une loi de validation contraire aux stipulations de l’article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
 
Par cet arrêt, le Conseil d’Etat renverse sa jurisprudence relative à la responsabilité du fait des lois. Désormais, l’Etat devra strictement respecter ses engagements internationaux sous peine de se voir sanctionné.
 
Ainsi, à partir du moment où un préjudice sera causé du fait de l’inconventionnalité d’une loi nationale, la responsabilité de l’Etat pourra être engagée pour « faute de la loi » .
 
L’arrêt affirme clairement que les autorités publiques doivent respecter les conventions internationales « pour réparer l'ensemble des préjudices qui résultent de l'intervention d'une loi adoptée en méconnaissance des engagements internationaux de la France ».
 
On voit alors apparaître à côté de la responsabilité sans faute pour rupture d’égalité devant les charges publiques un nouveau cas dans lequel pourra être engagée la responsabilité de l’Etat du fait des lois, sauf qu’il ne sera plus nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice anormal et spécial (La Fleurette) : tout préjudice pourra être indemnisé dès lors qu’une loi ira à l’encontre des engagements internationaux pris par l’Etat.
 
Avant l’arrêt Gardedieu, le Conseil d’Etat n’avait jamais admis la responsabilité directe du législateur, la responsabilité avait toujours été transmise (Tobacco, Dangeville) à un acte administratif. La fonction législative n’avait donc jamais été, jusqu’à aujourd’hui, déclarée directement fautive.
 
Il est clair par cet arrêt que l’objectif visé est l’effectivité des engagements internationaux pris par l’Etat. Il apparaît logique que le législateur soit contraint à ne pas éditer de lois contraires, sous peine de voir sa responsabilité engagée.
 
En effet, il semble indispensable de maintenir une cohérence et un équilibre entre la législation nationale et les engagements internationaux pris par l’Etat.
 
Notons par ailleurs que la Cour Européenne des Droits de l’Homme admet l'intervention législative pour remédier à une faille technique du droit, elle souligne qu'un motif purement financier ne suffit pas à caractériser le motif impérieux d'intérêt général (CEDH 28 octobre 1999 Zielinski et Pradal/France ; 14 février 2006 Lecarpentier/France ; 16 janvier 2007 Chiesi/France). On suppose donc que le Conseil d’Etat s’est aligné sur la jurisprudence communautaire.
 
Le communiqué publié par le Conseil d'Etat souligne que cette décision « contribue ainsi à renforcer l'obligation, pour l'ensemble des pouvoirs publics, de respecter les engagements internationaux de la France, notamment le droit européen des droits de l'homme ».

Publié dans Droit

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