Le Centre de Restauration des livres précieux
Les ateliers de restauration existent officiellement à la Bibliothèque Nationale depuis 1953, et depuis 1980 sont dédiés uniquement aux livres rares.
Cependant d’importants travaux de restauration avaient commencé bien avant, notamment avec 20 années de travail (1946-1965) sur une collection de Tripitaka (Zhaocheng Trpitaka) acquise par la biblitohèque. La priorité a ensuite été donnée aux documents les plus précieux (et les plus volumineux), comme l’Encyclopédie Yong Le Da Dian (près de 23000 volumes, début 14e siècle), les documents Tangut (10e siècle), et depuis 1991, l’immense chantier de restauration des documents de Dunhuang (4e-10e siècle). Au début des travaux de restauration, les manuscrits étaient entièrement doublés et encadrés de soie, par souci esthétique… Heureusement ce n’est plus le cas aujourd’hui, et le mot d’ordre est » The book as it is » = intervention minimale. Des échanges de savoir-faire ont eu lieu ces dernières années entre Pékin, Paris (BnF) et Londres (British Library).
Tous les documents qui entrent dans les collections sont congelés à très basse température afin d’éliminer de possibles contaminations (prestataire externe).
Restauration d’un manuscrit de Dunhuang (exemple)
Les manuscrits de Dunhuang en cours de restauration sont les moins abîmés, étant donné que la partie la plus fragilisée du fonds a déjà été restaurée. La restauration que j’ai pu observer consistait à combler les endroits endommagés du rouleau avec un papier d’écorce et une colle d’amidon, et à ajouter un doublage sur les bords fragiles. Le papier choisi est d’une couleur légérement différente de celle du manuscrit afin de mettre discrètement en évidence les parties restaurées.
Manuscrit de Dunhuang restauré
Le manuscrit est ensuite mis sous presse. Une fois retiré de la presse, il est roulé avec une feuille de papier d’écorce pour protéger la première partie du rouleau, puis rangé dans une boîte étanche en nanmu (bois très parfumé réputé chasser les insectes). Il rejoint ensuite les tiroirs des meubles fermés où sont rangés les manuscrits de Dunhuang.
Tous les éléments qui documentent l’histoire du manuscrit sont conservés : y compris, dans le cas de ce manuscrit de Dunhuang, la boîte de 1911 dans lequel il était rangé,… et les crottes d’oiseau !
Les manuscrits de Dunhuang sont très rarement acides. Les documents acides (notamment ceux écrits sur papier de bambou) subissent un nettoyage.
Colmatage
La colmateuse n’est jamais utilisée pour les manuscrits. Ici elle est utilisée pour des documents imprimés du 17e siècle, qui ont été perforés par des insectes.
Document avant passage dans la colmateuse
Estampages
Les estampages ne sont doublés qu’aux angles, par le verso. Ici la réparation se fait avec du papier de coton et de la colle d’amidon (le support original est du papier d’écorce).
Documents sur soie
Document sur soie jaune comblé avec du papier
Conditionnement
Les boîtes en nanmu ne sont utilisées que pour les rouleaux les plus précieux (100 euros la boîte…). Testée en immersion pendant 15 jours, si après cette période, l’intérieur de la boîte est sec, la boîte est conforme !
Pour les livres, des boîtes à rabats de style traditionnel sont confectionnées sur place, recouvertes de tissu à l’extérieur et doublées de papier neutre, avec attaches en os.
Projets
Actuellement le centre de conservation, qui emploie 19 personnes, possède 3 laboratoires : chimie, physique et biologie. Un laboratoire plus grand est prévu.
Un plan d’urgence, dont l’élaboration a commencé en 2007, devrait bientôt voir le jour.
Enfin à plus large échelle, la BN est pilote dans le « Programme national de Préservation des livres anciens » (billet précédent). Malheureusement les forces manquent (peu de personnel formé à la conservation) mais des efforts réels semblent exister.
Soulignons également que la Bibliothèque nationale de Pékin est le Centre Régional du programme Préservation et Conservation de l’IFLA.