dimanche 3 mai 2009

El Himma. Le mouvement est parti !




“C’est plus difficile d'être démocrate que ministre de l'Intérieur”, plaisantait Fouad Ali El Himma, épuisé, à la sortie d'une réunion marathon, la semaine dernière. Plaisantait-il vraiment, d'ailleurs ? Depuis quelques mois (et le rythme s'est accéléré mi-janvier), l'ex n°2 du régime n'arrête pas.

Chaque jour, il avale les kilomètres, enchaîne les réunions, multiplie les débats, rencontre des hommes et des femmes de toutes les tendances politiques. A vrai dire, c'est aussi ce qu'il faisait quand il était ministre délégué de l'Intérieur. Sauf qu'à l'époque, il n'avait pas besoin de se déplacer, c'étaient les autres qui venaient le voir dans sa villa du Souissi, à Rabat. Pendant que Chakib Benmoussa gérait l'énorme machine sécuritaire du royaume, El Himma, lui, contrôlait sans partage le “volet politique” de “la mère des administrations”. A ce titre, toutes celles et ceux qu'il rencontre aujourd'hui, il les a déjà rencontrés avant. Mais le contexte a changé. El Himma, tout intime du roi qu'il reste, n'est plus, nominalement du moins, qu'un député parmi d'autres. Plus qu'auparavant, car privé de sa position d'autorité, il doit séduire, convaincre. Mieux (ou pire) : il doit convaincre qu'il peut être la figure de proue des démocrates marocains ! “Difficile”, en effet...

Le 17 janvier, un court communiqué de presse, suivi d'une dépêche de la MAP, sonnait comme un coup de tonnerre dans le landerneau politique marocain. Des 11 signataires de ce document, hommes et femmes de qualité venus de divers horizons, on n'en a d'abord retenu qu'un seul : Fouad Ali El Himma, l'homme fort du régime, récemment parachuté en politique. Intitulé “Pour un mouvement de tous les démocrates”, le texte appelait à une “initiative nationale ouverte à tous les démocrates, indépendamment de leurs appartenances partisanes”. Instantanément, tout le monde y a vu l'amorce d'un parti politique, dont l'ambition serait de débaucher chez les concurrents ! Surtout que le communiqué dressait le constat du “déficit de mobilisation des élites nationales dans l'encadrement des citoyens”. Un uppercut clairement envoyé à la face des appareils politiques traditionnels qui, tous réunis, n'ont pas pu mobiliser plus de 37% des électeurs marocains, lors des législatives de septembre 2007.

“Une menace pour la démocratie”
Les partis ne s'y sont d'ailleurs pas trompés. “El Himma est une menace pour la démocratie !”, tonnait deux jours plus tard Driss Lachgar, gros bonnet de l'USFP. Un autre gros bonnet, de l'Istiqlal celui-là, déclarait fielleusement (et anonymement) à Al Massae : “Bienvenue à ce nouveau parti en gestation ! Mais il faut tout de même relever que le point commun de tous les signataires du communiqué, c'est qu'ils n'ont aucun passé politique. Ce sont juste des économistes ou des gestionnaires. Il est à craindre que leur initiative ne contribue à polluer l'action politique”. Lahcen Daoudi, figure du PJD, a, lui, promis de “surveiller de près le comportement des autorités, pour voir si elles se comportent avec ce mouvement comme avec les autres forces politiques”. L'attaque la plus virulente était celle du PPS. Dans un éditorial d'Al Bayane intitulé “Une manœuvre vouée à l'échec” (!), Ahmed Zaki, membre du bureau politique du parti, s'interrogeait le 23 janvier sur “l'attitude à adopter vis-à-vis de ce nouveau rejeton qui ambitionne de donner des leçons aux partis historiques qui, grâce à leur lutte continue, depuis plus de 60 ans, mènent le combat pour la démocratisation du pays”. Et pan dans les dents !

Le plus drôle, évidemment, c'est que les ténors qui s'indignent de ses ambitions (présumées) sont les premiers à faire force sourires et courbettes à “Si Fouad”, quand ils le croisent à l'hémicycle. Ce qui n'arrive plus souvent, depuis que l'homme est accaparé par son “initiative”… Autre propos “choc” d'El Himma, également rapporté par un proche : “J'ai fini par être convaincu que la réforme ne pourrait pas venir du Parlement”. Sans rire ?! Cela fait bien longtemps, sans doute depuis son adolescence passée sur les bancs du collège royal aux côtés du futur Mohammed VI, que Fouad Ali El Himma sait que la réforme, et l'action en général, ne peut venir au Maroc que du premier cercle exécutif, celui qui tourne autour du roi. Pourquoi, dans ce cas, l'a-t-il quitté le 7 août 2007, en démissionnant spectaculairement du gouvernement pour se porter candidat au siège de député des Rhamna ? Les hypothèses continuent à affluer, certaines plus crédibles que d'autres. Mais ne nous y trompons pas : jamais personne n'aura le fin mot de l'histoire, car tout a été décidé entre quatre yeux, ceux du roi et de son homme de confiance. “Démocrate” ou pas, l'intimité qu'il entretient avec le roi reste, plus que jamais, la force réelle d'El Himma. Il aura beau affirmer, comme il le fait inlassablement devant tous ses interlocuteurs, “mon amitié avec Sa Majesté est une chose, mon travail au service de l'Etat en est une autre”, personne ne le croira jamais. Les deux sont inextricablement liés, c'est plus qu'une évidence. El Himma a sans doute une certaine marge d'autonomie mais il est, avant tout, un homme du sérail.

“La réforme ne viendra pas du Parlement”
Il est même, au sein du sérail, le stratège politique n°1 de Mohammed VI. Et Mohammed VI a un enjeu majeur : crédibiliser son régime, qu'il veut démocratique autant que technocratique. C'est dans cette optique qu'avait été créée, en 2006, l'association 2007 Daba, présidée par le très dynamique publicitaire Noureddine Ayouche, qui a lui aussi ses entrées au sérail (et pas les mêmes qu'El Himma, d'ailleurs). Des missions de cette association, on n'a retenu que la volonté de mobiliser les électeurs en vue des législatives de septembre 2007. Mais on a oublié, un peu vite, ses objectifs de fond, pourtant claironnés pendant plus d'un an par l'association : “Revaloriser et réhabiliter l'action politique, et œuvrer pour l'ouverture des partis politiques à de nouvelles élites économiques et intellectuelles”. Les mêmes ambitions, quasiment au mot près, que celles du tout jeune “mouvement” d'El Himma… Curieux, non ? Après les élections et l'échec retentissant de 2007 Daba, qui s'était fixé l'objectif de 70% de taux de participation, l'association a été dissoute. Mais non sans une longue réflexion… Car Noureddine Ayouche est un cas. Tout en ayant ses entrées au Palais, il n'hésite pas à déclarer aux médias (étrangers, circonstance aggravante !) que les pouvoirs royaux gagneraient à être réduits, dans l'intérêt de la démocratie. C'est sans doute la personnalité truculente de son président qui a empêché 2007 Daba (qui fédérait plus de 250 associations !) de devenir le cheval de Troie de la “démocratie mohammedienne”. “Si Ayouche avait été moins incontrôlable, El Himma serait peut-être encore ministre de l'Intérieur”, ironise un observateur averti des coulisses du pouvoir.

Autre piste, celle du Collectif Démocratie et Modernité. Trois mots doux aux oreilles royales, qui résument parfaitement l'enjeu de crédibilité du nouveau règne. Créée en 2003, cette association, rassemblant l'élite intellectuelle et économique du royaume, visait, elle aussi, à “créer un espace de débat ouvert à toutes les tendances politiques”. Parfait ! Sauf que les présidents successifs du Collectif, et en particulier le psychiatre Driss Moussaoui, prenaient les mots “démocratie” et “ouverture” au pied de la lettre. Un peu trop, même, au goût du Palais. L'entourage royal n'a notamment pas apprécié de voir inviter aux débats du Collectif, et plus d'une fois, Saâd Eddine El Othmani, le secrétaire général du PJD.

On a donc compris : la démocratie, c'est bien, mais quand elle est sous contrôle, c'est encore mieux. Logique, finalement, qu'El Himma ait fini par s'y coller lui-même. A ses interlocuteurs avides d'en savoir plus sur son “mouvement pour tous les démocrates”, le député des Rhamna déclare volontiers que “la réflexion a été lancée en 2005/2006”. Eh bien voilà, elle est aujourd'hui aboutie. La machine s'est mise en branle quelques semaines à peine après qu'El Himma a bouclé son groupe parlementaire. L'occasion pour lui, sans doute, de confirmer que “ce n'est pas de là que viendra la réforme”. Trop de clientélisme, d'opportunisme… Les 36 députés du groupe “Authenticité et Modernité” viennent certes d'horizons divers, mais ils ne brillent pas spécialement par leur indépendance d'esprit. En fait, Fatiha Layadi et Hamid Narjis, les deux colistiers élus dans le sillage d'El Himma, ont dû freiner des quatre fers pour ne pas vider tous les autres groupes parlementaires. Tout le monde voulait rejoindre l'ami du roi !

Les “opportunistes”, les “démocrates makhzéniens” et les “gauchistes déçus”
Il fallait donc recruter ailleurs. Et des personnalités soigneusement ciblées, des membres éminents de cette “élite économique et intellectuelle” dont parlait 2007 Daba. Une semaine après la publication du communiqué de lancement, ils sont déjà une cinquantaine à avoir rejoint le “mouvement pour tous les démocrates”. Parmi eux, des ministres en exercice (Aziz Akhannouch, Agriculture, Salaheddine Mezouar, Finances, Ahmed Akhchichine, Education), des hommes d'affaires et gestionnaires-vedettes (Abderrahim Lahjouji, ancien patron des patrons, Mustapha Amhal, un des premiers opérateurs pétroliers du royaume, Mustapha Bakkoury, patron de la Caisse de dépôt et de gestion), des acteurs associatifs en vue (Khadija Rouissi, Driss El Yazami), des commis de l'Etat venus de la gauche (Salah El Ouadie et Ilyas Omari, tous deux membres de la Haute autorité de l'audiovisuel), des journalistes blanchis sous le harnais (Hassan Benaddi, Bachir Znagui)… Politiquement, cela dit, toutes les recrues ne se valent pas. “En gros, résume ce membre (lucide) du mouvement, il y a parmi nous 3 profils politiques-types. Les opportunistes, qui cherchent à se rapprocher d'El Himma pour glaner un peu de pouvoir, les ‘démocrates makhzéniens’ qui ont rompu avec les partis, convaincus de la sincérité des intentions du Palais, et les déçus de la gauche qui, sans renier leur famille politique d'origine, veulent en finir avec les divisions stériles et donner un grand coup de pied dans la fourmilière”. Une cellule a très vite été mise en place pour fixer les critères de recrutement des futurs adhérents.

La base de travail qui réunit tous ces gens se fonde sur deux documents. Le premier est le “rapport du cinquantenaire”, impressionnante somme de travaux commandés par le Palais à une foule d'experts, pour diagnostiquer le chemin parcouru depuis l'indépendance, et déterminer les leviers nécessaires au développement économique et humain du royaume. Quant au second, il s'agit des “recommandations” émises (toujours sous l'égide du Palais) par l'Instance équité et réconciliation, et qui tracent la voie à l'Etat de droit tel que le rêvent tous les démocrates du pays depuis 50 ans. “Ces deux rapports sont de véritables feuilles de route pour l'avenir, s'enthousiasme un des premiers membres du mouvement d'El Himma. Mais aucun parti ne les a inscrits à son programme des législatives, et ils n'ont pas été, ne serait-ce qu'effleurés, dans la déclaration de politique générale de Abbas El Fassi. Nous nous sommes dit : il est temps d'agir”.

Agir, soit, mais comment ? “Par l'action de proximité, en allant à la rencontre des citoyens là où ils se trouvent, c'est-à-dire dans les régions”, martèle El Himma sans relâche. Son grand credo : “renouer les ponts entre le peuple et ses élites”. Réactiver, par une action concertée entre les élus locaux et les forces vives des régions, des programmes étatiques comme l'INDH, généreux et ambitieux mais, jusqu'à présent, gérés en dépit du bon sens par des édiles incompétents.

Le premier chantier du “mouvement pour tous les démocrates” est donc la mise en place de ses futures structures régionales. Il y en aura six : la zone Nord (de Tanger à Oujda), l'axe Rabat-Casa-Kénitra (qui englobe aussi Fès et Meknès), le Centre (de la Chaouïa au Tensift, en passant par les Rhamna, fief de “Si Fouad”), le Souss (Agadir et sa région), le Sahara (de Guelmim à Dakhla), et - nouveauté - la zone “Etranger”, dont le responsable devra mobiliser tous les MRE aux profils intéressants qui souhaitent servir le pays (et la monarchie). Chaque zone a pour l'instant un “animateur” (qui en est originaire), en attente de sa confirmation dans le rôle de “coordinateur”. On retrouve ainsi, au Nord, l'ancien ministre du Commerce et de l'Industrie, Rachid Talbi Alami, au Souss, Aziz Akhannouch, au Sahara, l'ancien ministre de la Santé, Mohamed Cheikh Biadillah, au Centre, El Himma lui-même (évidemment), et peut-être (c'est encore en discussion) Driss El Yazami pour la zone “Etranger”.

Suite des évènements, telle que la prévoit un des premiers adhérents au mouvement : “Dès que le découpage régional sera arrêté et les coordinateurs officiellement désignés, ces derniers organiseront, chacun dans sa région, des débats participatifs sur les grands enjeux qui intéressent la population, un peu sur le modèle Ségolène Royal (ndlr : candidate socialiste aux dernières présidentielles françaises). Les synthèses de ces débats seront publiées au fur et à mesure sur un site web, qui sera prochainement créé. Enfin, tout cela sera fondu pour produire, d'ici 6 mois si tout va bien, le programme du mouvement”.

“Il ne faut pas insulter l'avenir”
“Programme”, le mot est lâché. Et qui dit programme dit, forcément, parti politique. C'est là que, tout de suite, comme dit l'expression populaire, “sortent les couteaux”. Bachir Znagui, le porte-parole du mouvement, n'en peut plus de faire la même réponse aux innombrables journalistes qui le harcèlent depuis la publication du premier communiqué : “Non, nous ne sommes pas un parti politique… mais il ne faut pas insulter l'avenir”. Ce sera un parti, il l'a dit ! Question suivante (survoltée) : “Le parti sera-t-il opérationnel pour les élections communales, à l'automne 2009 ?”. Réponse (lasse) : “le mouvement n'a pas été créé pour ça, mais si nous rencontrons une attente forte de la population, c'est en effet un des scénarios possibles”.

Ne tournons plus autour du pot : parti il y aura. Tôt ou tard. Et en tout cas, avant les législatives de 2012 où, déjà, on commence à craindre une victoire des islamistes du PJD, qui auront tiré les leçons de leur échec de 2007. Et puis on voit mal un homme comme Fouad Ali El Himma se contenter d'animer un innocent club de réflexion… Même le quotidien Aujourd'hui Le Maroc, pourtant peu suspect de vouloir gêner “l'ami du roi”, dont on le dit proche, n'a pas hésité à passer outre les périphrases en titrant sans complexe : “El Himma pose les bases d'un parti politique”. C'est dire…

Mais si le “mouvement pour tous les démocrates” séduit les élites politiques, y compris celles de gauche, la pilule du parti sera sans doute plus dure à leur faire avaler. Car il y a de fâcheux précédents historiques. Souvenons-nous du FDIC (Front pour la défense des institutions constitutionnelles) ou, plus tard, du RNI (Rassemblement national des indépendants). Le premier avait été créé, en 1963, par Ahmed Réda Guedira, conseiller et ami proche de Hassan II - tout comme l'est El Himma aujourd'hui vis-à-vis de Mohammed VI. Il y a 45 ans, l'enjeu était déjà le même : mobiliser les élites (principalement des notables ruraux, à l'époque) pour soutenir la politique royale. Le RNI, créé en 1977 par Ahmed Osman, beau-frère du défunt roi, n'avait pas d'autre objectif. Chacun en leur temps, les deux partis avaient bénéficié d'un favoritisme éhonté de “l'administration” (euphémisme pour désigner le ministère de l'Intérieur, dirigé à l'époque du RNI par Driss Basri). Grâce à une fraude électorale massive, ils avaient réussi à s'imposer, et à dominer le monde politique peu de temps après leur création.

Le même scénario se reproduira-t-il pour le futur “mouvement démocrate” (le nom semble déjà tout trouvé) ? C'est à voir… Pour la fraude, c'est quand même peu probable. Malgré tout ce qu'on peut reprocher à l'Etat, il semble acquis que la période des trucages électoraux est révolue. S'il crée son parti (ou plutôt quand il le créera), El Himma devra se battre comme les autres, sur un même pied d'égalité - à défaut de quoi il se fera écharper par l'ensemble des médias, nationaux comme internationaux. Mohammed VI, pas plus que son ami le député, ne peut se permettre un tel recul démocratique. Quant à “l'effet Makhzen”, cette inclination quasi cultu-relle des Marocains à voter pour celui qu'ils considèrent, même instinctivement, comme le favori de l'Etat, il fonctionnera sans doute en 2012, comme il a fonctionné en 2007… pour El Himma lui-même (surnommé “l'envoyé du roi” par les électeurs des Rhamna, il avait réalisé un score triomphal, faisant passer - performance unique dans le pays - ses deux colistiers dans son sillage). Mais il est douteux que ce même effet fonctionne pour tous les candidats du futur parti. La proximité avec le roi n'est pas un avantage transitif...

Les défauts et les qualités du Makhzen...
De toute façon, bien avant d'en arriver à l'étape électorale, la constitution du parti, en soi, quand son heure sera venue, n'ira pas sans poser de sérieux problèmes à “Si Fouad”. Déjà, cet homme de gauche et adhérent au “mouvement” prévient : “J'ai une famille politique, et même si elle me tape sur les nerfs par ses divisions et son inefficacité, je ne compte pas l'abandonner. Travailler avec El Himma sur des objectifs communs comme les recommandations de l'IER, d'accord. Mais ça ne m'intéresse pas de créer un parti avec lui”. Vu le “casting” du mouvement, ils sont nombreux à penser ainsi. Restera les autres : les démocrates sincères, d'où qu'ils viennent, qui ne diabolisent pas “l'ami du roi” par principe mais qui, tout de même, demandent à voir. Tant qu'il s'agit de faire vivre, comme dit le projet de document fondateur du mouvement, “un espace de concertation non exclusif des autres espaces, ouvert à toutes les forces vives, quelle que soit leur affiliation politique, en vue de servir des objectifs communs visant à la démocratisation et à l'ancrage dans la modernité”, ça va. Mais de là à s'enrôler sans conditions dans le “parti du roi”… Car c'est ainsi qu'il sera perçu, malgré tous les efforts d'El Himma pour démontrer le contraire. A moins qu'il ne donne des gages à ses alliés...

Bachir Znagui déclare déjà à qui veut l'entendre que “même la révision constitutionnelle pourra être sujette à débat”. El Himma lui-même, tout en déclarant que la réforme de la Constitution “n'est pas une priorité pour l'instant”, n'exclut pas de l'inscrire à son programme… Sauf que pour le coup, il va falloir être plus précis. Les démocrates “d'origine” ont cet inconvénient de tenir à leur autonomie de réflexion et de décision. Pour éviter qu'ils ne désertent en masse quand on en arrivera au stade de parti, “Si Fouad” devra être clair et explicite. Quel genre de révision constitutionnelle envisage-t-il ? Une réformette de façade, juste pour donner le change, ou une vraie réforme, qui réduise les pouvoirs du roi au profit de ceux des corps élus, comme le réclame la gauche depuis 50 ans ? On verra bien si El Himma arrivera jusque-là.

Mais il est permis, d'avance, d'en douter. Même s'il est le stratège le plus habile du moment, l'ancien (et futur ?) n°2 du royaume a une culture profondément enracinée, gravée dans son ADN politique : au Maroc, le Makhzen doit rester roi. Jusqu'ici, grosso modo, ça ne lui a pas trop mal réussi : les grands chantiers structurants, style Tanger Med ou baie du Bouregreg, c'est le Makhzen. La réforme de la Moudawana, c'est encore le Makhzen. Les élections libres et l'ouverture de l'audiovisuel, c'est toujours le Makhzen… Mais les enlèvements et les tortures des islamistes, c'est aussi le Makhzen. La corruption et le dramatique manque d'indépendance de la justice, c'est encore le Makhzen. Les atteintes répétées à la liberté de la presse, c'est toujours le Makhzen...

Finalement, le “mouvement” d'El Himma aura les défauts et les qualités du Makhzen : actif et enthousiasmant, mais décidément pas prêt à renoncer au pouvoir absolu. Sauf divine surprise…...

TELQUEL

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