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18 mars 2006

Le Quotidien / Le coucher / The nightmare

Salut!!

Ca y est la formation me laisse un peu de répit..pour combien de temps? En attendant voici une réflexion sur les rapports entre le cadre et la maltraitance institutionnelle..


Dans la M.E.C.S. où je suis apprenti, le coucher est un moment particulièrement redouté par les éducateurs. Quelle que soit la manière dont s’est passée la journée, une tension est systématiquement palpable autour de 22h. Il faut savoir que deux règles importantes régissent ce moment. La première : en semaine, les jeunes qui ont moins de quinze ans doivent être couchés à 21h30. Ceux qui ont plus de quinze ans doivent l’être à 22h. La deuxième : Lors du départ de l’éducateur, à 22h30, les lumières des chambres doivent être éteintes et les jeunes ne doivent pas en sortir.
Le première règle n’est pas vide de sens : elle exprime la nécessité, pour les usagers les plus jeunes, d’avoir un sommeil d’une durée plus longue. Cette règle est institutionnelle. Elle régit la manière dont doivent se dérouler les couchers dans l’ensemble des groupes de l’Institution (en tout cas ceux qui accueillent un public de la même tranche d’âge, les 13-18 ans). C’est donc une règle qui s’impose à l’éducateur, et au groupe, indépendamment de leurs volontés. Il semble cependant que les éducateurs l’utilisent aussi car elle leur fournit un outil intéressant pour organiser le coucher. Il sera pour eux en effet a priori plus simple ne pas devoir envoyer tous les jeunes se coucher au même moment. En cas de difficultés posées par l’un d’eux, l’éducateur n’a pas à gérer l « effet groupe », et peut se pencher sur les difficultés réelles du jeune qui ne veut pas rejoindre sa chambre.
La deuxième règle n’est pas l’expression d’une intention éducative, mais une nécessité due au fonctionnement de l’institution. Les nuits sont assurées par un veilleur de nuit qui travaille parfois en doublure, mais le plus souvent seul, pour encadrer l’ensemble des groupes. Ceci représente en semaine une cinquantaine de jeunes, et cinq bâtiments différents. Les difficultés qu’ont pu connaître les veilleurs durant leurs nuits il y a quelques années (et les cadres de permanence) expliquent l’importance qu’attache l’institution à ce que les jeunes ne se déplacent plus après le départ des éducateurs.
Les deux règles que nous venons d’évoquer, si elles ne sont pas vides de sens et peuvent s’expliquer, laissent-elles la place à l’écoute éducative de la problématique de l’usager ? Comment celles-ci sont-elles expliquées à -et entendues par- l’usager ?
Il faut d’abord rappeler que ces deux règles ont été fixées en fonction du projet de l’établissement, un internat, qui établit que les jeunes doivent être scolarisés. L’heure du coucher ne prend son sens, vis-à-vis des usagers, que parce que ceux-ci devront se lever le lendemain pour aller à l’école. Or, la scolarisation d’un jeune n’est pas quelque chose de simple et d’acquis lorsque celui-ci entre en Institution. La M.E.C.S. est en effet agrémentée pour accueillir des jeunes placés par la Protection de l’Enfance. Les usagers sont donc, pour la plupart, placés car ils ont été victime de maltraitance physique, sexuelle, ou de carences affectives et éducatives importantes. Ils peuvent être méfiants vis-à- vis de l’adulte, dans un sentiment d’insécurité et d’anxiété permanent. Ils ont pour la plupart été déplacés de familles d’accueil en foyers d’hébergement et n’ont « posé leurs bagages » nulle part. Supposer alors que la scolarisation d’un jeune qui entre dans l’institution est un acquis, signifie que l’on passe outre ses besoins essentiels, sa demande de sécurisation, et d’un lieu qu’il puisse enfin considérer comme le sien. Aujourd’hui, la moitié des jeunes du groupe sur lequel je travaille n’est plus scolarisée, et nous privilégions un accompagnement qui leur permette de s’installer dans l’établissement. Nous nous heurtons chaque soir encore à cette règle institutionnelle qui fixe l’heure du coucher.
Cette règle perd aussi son sens dès lors que l’on tient compte de la problématique de certains usagers, pour lesquels le coucher est un moment extrêmement anxiogène. Il faut garder à l’esprit que la chambre, et le lit, sont des espaces dans lesquels les jeunes placés ont pu connaître des moments très difficiles. Le coucher est aussi le moment de la journée où le jeune va se retrouver face à soi-même, à son histoire, et pendant lequel tous ses problèmes vont se réveiller dans sa pensée. On voit bien alors qu’une règle qui fixe une heure de coucher qui ne tient pas compte de ces données peut être synonyme de maltraitance institutionnelle, si elle est appliquée à tout prix. La seule solution, pour les éducateurs, consiste alors à cumuler les heures supplémentaires, en attendant que le fonctionnement soit réfléchi en équipe, avec le chef de service. Pourquoi ne pas éventuellement mettre en place un système de veillées qui permette de respecter le rythme de l’usager ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

très bien résumé, une vraie soirée en MECS! jme retrouve complètement dans mon stage, où c'est la "bagarre" tous les soirs quand on prononce le "c'est l'heure d'aller en chambre"! la résidence est en ébullition, ça bouge de partout, court d'un côté, traîne de l'autre... bref la cata pratiquement tous les soirs c'est minimum 30 minutes en plus, même en ayant pris les devants!