Parcours de recherche

 

Albert Piette est né le 18 avril 1960 à Namur.
Après des études de lettres classiques et de philosophie aux Facultés de Namur et à l'Université de Louvain, il obtient un doctorat en anthropologie et sociologie à l' Université de Paris V en 1987 et une habilitation à diriger des recherches en 1993 à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales à Paris.
Nommé maître de conférences à l'Université de Montpellier III en 1988 et à l'Université de Paris VIII en 1992, il devient professeur à l'Université d'Amiens en 2001.
Pendant plusieurs années, Albert Piette enseigne à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, à l'École Pratique des Hautes Études (à la Vème section des sciences religieuses) à Paris, ainsi qu'à l'Université Catholique de Louvain, à Louvain-la-Neuve.
De 1993 à 2000, il est membre titulaire du Centre d'Études Interdisciplinaires des Faits Religieux.
Il intègre alors le Groupe de Sociologie Politique et Morale, à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales.
En 2011, après une année d'enseignements à l'Université de Strasbourg, il est nommé Professeur au département d'ethnologie de l'Université Paris X-Nanterre et devient membre du Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative (CNRS - UMR 7186).    
 
              

  

Objectif

Depuis ses commencements, mon travail est interpellé par la place donnée à l’être humain en anthropologie sociale. Sartre écrivait que les sciences humaines nient ou présupposent l’homme. J’ai ainsi, au fil des années, critiqué d’abord la mise en partage de caractéristiques culturelles, sociales ou situationnelles et ensuite le primat donné aux relations, qu’ils s’agissent des relations qui partent des êtres, qui passent par eux ou qui font comme s’il n’y en avait pas. La critique a porté tout aussi sur les schèmes d’analyse que sur la méthode ethnographique. Dans les diverses configurations possibles de l’anthropologie sociale, l’être humain est fragmenté, dilué, voire en effet nié. Parallèlement, je tente de proposer, à partir d’une anthropologie existentiale, un "topic" spécifique : l’être humain, chaque être humain, comme entité avec son bord net, sa consistance, séparée de ce qui l’entoure – ce que j’appelle un « volume d’être ».

Since the beginnings of my work, I have been concerned by the place given to the human being in social anthropology. Sartre wrote that the human sciences deny or presuppose man. I have thus, over the years, criticized first the sharing of cultural, social or situational characteristics and then the primacy given to relations, whether they start from beings, pass through them or act as if there were no beings. The criticism has focused as much on the anthropological schemes of analysis as on the ethnographic method. In the various possible configurations of social anthropology, the human being is fragmented, diluted, or denied. At the same time, I try to propose, based on an existential anthropology, a specific topic: the human being, each human being, as a singular entity with its radical edge, its consistency, separated from what surrounds it - what I call a "volume of being".

 

 

Parcours chronologique  

Mené de 1984 à 1987, son travail de thèse constitue une observation comparée de six fêtes (carnavalesques, politiques, populaires…) en Wallonie (Les jeux de la fête). Influencé par les travaux écrits sous la mouvance de Gregory  Bateson et avec une méthode photographique spécifique, Albert Piette pratique une observation rapprochée des détails des rituels festifs (attitudes de distraction, gestes d'hésitation, posture expectative).

A partir d'une confrontation de ces données ethnographiques avec la portée surinterprétative des théories du rituel, Albert Piette dépasse les interprétations en termes de tradition, de symbole et de sacré pour insister sur les écarts, les contrastes et les paradoxes du jeu rituel. Il propose une interprétation en termes d'interstice et d'implication paradoxale qui vise à comprendre les différentes formes de distance comme intrinsèque  au rituel lui-même, et plus particulièrement le mode mineur par lequel il s'acccomplit en situation (Le mode mineur de la réalité).

Glissant des rituels séculiers vers les religiosités séculières, c'est-à-dire, le fait religieux hors de la sphère religieuse institutionnalisée comme telle, Albert Piette tente de faire de celles-ci une cartographie et, en même temps, un objet pleinement légitime en sciences sociales des religions. Ce qui l'intéresse dans  cette recherche n'est pas de découvrir du "religieux" dans des activités comme la politique, le show-business, le sport ou les parasciences, mais de voir comment des traits issues des "religions historiques" travaillent ces activités non religieuses et constituent des formes hybrides, syncrétiques sous forme d'énoncés ou de pratiques, qualifiés ou non de religieux par les gens (Les religiosités séculières).

C'est cette idée du "religieux en train de se faire" qui entraîne Albert Piette à pratiquer une observation de l'activité religieuse dans une religion établie comme telle, le catholicisme. D'où le travail ethnographique effectué dans un diocèse français en 1995. A partir de descriptions détaillées et d'une théorisation critique par rapport à la perspective dénonciatrice du discours des sciences sociales des religions, l'objectif est d'étudier les formes ordinaires de la vie religieuse : que font les catholiques au jour le jour dans les paroisses, dans leurs rencontres diverses, réunions ou célébrations ? Que font-ils quand ils font du religieux ? Qu'est-ce que le religieux en actes ? Quelles sont les modalités de présence de Dieu  présenté comme un interactant à part entière  (La religion de près) ?

Après cette recherche ethnographique, Albert Piette reprend l'ensemble des données empiriques issues de ses travaux sur les rituels, les religions séculières et les paroisses catholiques , et de les synthétiser sous trois axes théoriques dominants : le rituel comme espace-temps interstitiel et paradoxal; Dieu comme acteur invisible mais présent selon des modalités spécifiques; l'acte de croire inséré dans son basculement quotidien et son hésitation sous forme du mode mineur (Le fait religieux).

Parallèlement à ses recherches de socio-anthropologie du fait religieux, Albert Piette développe un travail épistémologique sur la gestion théorique et méthodologique  du détail en sciences sociales, en particulier dans la vision classique de la sociologie (Durkheim, Weber, Bourdieu), dans la tradition ethnologique et dans l'interactionnisme symbolique. Albert Piette confronte là sa propre focalisation sur  les détails sans importance constitutifs du  mode mineur de la réalité à la  récurrence des schèmes d'intelligibilité dominants en sociologie ou en anthropologie : homogénéité partagée, rationalité, stratégie, détermination sociale (Ethnographie de l'action).

Le livre d'Albert Piette, Détails d'amour ou le lien par l'écriture, constitue non seulement le journal des émotions et des réflexions notées après la mort de son père mais aussi le témoignage de sa tentative, très ritualisée, quasi obsessionnelle, de garder des traces de situations passées avec l'être désormais absent, à l'aide de l'écriture des détails de son visage, de ses gestes ou de ses paroles. Selon cette perspective autoethnographique, Albert Piette montre dans Le temps du deuil, comment il a utilisé ses propres convictions religieuses mais aussi son goût pour l’écriture et ses recherches anthropologiques dans différents domaines liés à la mort et aux croyances pour ne pas laisser le néant et l’oubli recouvrir l’absence de son père.

Albert Piette décrit sa passion de l’anthropologie, en même temps qu’il précise les grands enjeux intellectuels de celle-ci : d’une part, la question des origines de l’homme, son traitement souvent oublié par les anthropologues, d’autre part, la question du réel et l’importance d’une observation radicale et rapprochée des êtres humains. Plutôt que de se laisser séduire par la diversité des cultures ou par les questions d’actualité, Albert Piette plaide pour un retour à une anthropologie capable de réfléchir, à partir de données ethnographiques, sur la condition humaine. C’est un livre d’abord destiné aux étudiants en sciences sociales mais aussi à tous les lecteurs qui s’intéressent à l’être humain et à ses différences par rapport à l’animal. Petit traité d’anthropologie,Dans son  

Dans L'être humain, une question de détails, Albert Piette reprend les notions de détail et de mode mineur pour les replacer dans une perspective évolutionnaire et comparer le mode de vie des hommes et des grands singes. Dans ce livre, l'observateur des humains en situation découvre une forme humaine associée à un ensemble de traits qui traversent toutes les situations : engagement minimal, présence dégagée, mise entre parenthèses des conséquences, présence d'êtres non concernés par la situation ou d'objets sans usage direct. Le principe de l'humain résiderait dans ce qui est périphérique, secondaire, dans ce qui est autour, à côté, en décalage : les choses qui ne sont pas vraiment importantes. Bref, les détails. En situation, dans son corps, avec les autres êtres humains, les objets, les animaux ou les divinités, l'homme produit seulement une fine lamelle de sens, de nécessité, d'obligation, de raison, de contrôle, d'enjeu. Le reste, très dense, c’est le mode mineur de la vie. 

C'est une nouvelle déclinaison du mode mineur, de l'existence et de ses détails qu'Albert Piette propose dans L'acte d'exister. Une phénoménographie de la présence,  sous forme de trois perspectives. La première concerne des méthodes d'observation et de description qu'il appelle phénoménographie. En effet quelle discipline scientifique décrit l'être humain ? Comment penser la présence de celui-ci ? Comment capter l'acte d'exister ? A.P. propose des réponses à partir d'images photographiques, d'auto-observations d'états d'esprit et de la filature d'un individu. La deuxième perspective concerne le débat sociologique. En décalant les perspectives classiques de celui-ci orienté vers la compréhension de la société, de la culture ou de l'interaction, le livre propose une théorie de la présence en termes de travail et de repos. Il esquisse une comparaison entre les modes de présence des hommes, des divinités, des êtres collectifs et du chien. La troisième perspective est anthropologique. Elle fait suite à L'être humain, une question de détails et propose une lecture évolutionnaire de la présence humaine à partir des sépultures préhistoriques de l'Homme de Néandertal et d'Homo Sapiens Sapiens. Nous y trouvons l'hypothèse selon laquelle l'acte de croire à des énoncés religieux est un élément clé dans la généalogie du mode de présence-absence de l'être humain, donc du mode mineur. 

Dans Anthropologie existentiale, Albert Piette commence par une comparaison des modes de présence des hommes et des singes et constate que la particularité des humains est la présence-absence et l'attention détachée. L'homme serait-il le seul animal à être minimal ? Il s'interroge alors sur les origines de cette caractéristique à travers un détour dans des sites préhistoriques, comme les abris d'Homo erectus et les sépultures de l'Homme de Neandertal. Progressivement, les étapes-clés de la généalogie de la minimalité apparaissent : l'habitat, les objets, la perception subsidiaire, le langage, le marquage social et l'acte de croire. Albert Piette fait ensuite de cette caractéristique humaine un argument pour repenser l'anthropologie selon deux axes principaux : la méthode phénoménographique à travers l'observation rapprochée du cours de l'existence des hommes mais aussi d'autres êtres (comme les dieux, la société ou les animaux) et l'anthropologie existentiale comme théorie des modes d'exister, articulant action et présence. Le livre se termine par une "rêverie" anthropologie qui montre l'enjeu éthique de ne pas oublier cette originalité de l'homme minimal et la nécessité d'une pédagogie de la minimalité.

 Les Propositions anthropologiques pour refonder la discipline sont un ensemble de 256 fragments écrits pendant un an, en 2008 et 2009. Ils constituent la suite logique des deux livres précédents. Le fil conducteur est de repenser et de refonder l’anthropologie comme discipline afin qu’elle ne soit pas sociale et culturelle ou ethnologie, autrement dit afin qu’elle ne soit pas synonyme de sociologie. A.P. tente donc d’associer l’anthropologie, d’une part à un objet spécifique, l’être humain et les êtres (non-humains) qui l’entourent, les parasapiens, et d’autre part à une méthodologie tout aussi spécifique, l’onto-phénoménographie qui cherche à repérer, observer et décrire, chacun de ces êtres dans la singularité de leur existence continue, en se défocalisant des perspectives socioculturalistes et relationnistes. Dans ces propositions, la minimalité apparaît non seulement comme une clé d’explicitation de l’évolution et de la différence anthropologique mais aussi comme un éclairage inattendu sur les modes de présences des êtres, quels qu’ils soient.

Qu'est-ce que l'anthropologie ? C'est l'interrogation qui traverse Fondements à une anthropologie des hommes dans lequel Albert Piette réfléchit sur les caractéristiques capables de distinguer l'anthropologie des sciences sociales. Après avoir cerné les traits essentiels de l'opération sociologique, après une critique des enquêtes ethnographiques, ce livre entend attribuer à l'anthropologie le statut d'une discipline à part entière avec un objet et des méthodes spécifiques. C'est l'homme, l'individu existant, qui est l'objet de l'anthropologie posée et théorisée comme une science des hommes avec leurs caractéristiques sociales et culturelles mais aussi au-delà ou en deça de celles-ci. Les méthodes consistent alors à se rapprocher des individus pris séparément et non plus collectivement, pour les suivre dans la continuité des situations et des instants de l'existence. C'est dans cette continuité que les hommes rencontrent en situation des institutions, des dieux ou des animaux : ils sont aussi présents en situation. Albert Piette trouve dans l'ontologie un fondement théorique à la consitution de l'anthropologie comme discipline autonome, une science des individus humains et non humains.

Dans De l'ontologie en anthropologie, Albert Piette précise sa référence à la notion d'ontologie en se démarquant des utilisations récentes qui en sont faites en anthropologie. Pour lui, l'ontologie désigne bien une direction théorique et empirique de l'anthropologie consistant à observer, décrirer et comparer des êtres, des présences, des individus, des existences. Les êtres, ce sont les individus qui sont "là" dans une situation, ils viennent d'ailleurs et vont continuer à se déplacer. Ils ne sont pas fixes, mais toujours en train de se faire, de se défaire, de se modifier, d'évoluer, de naître et de disparaître. Ce sont des individus contingents, particuliers, singuliers, déployant des modalités diverses, à chaque moment, à chaque situation, d'être présents. Ainsi l'anthropologie constitue l'étude comparée des êtres, une science des êtres. A.P. plaide pour une ontologie réaliste des êtres humains et non humains, observés en situation directe et en temps réel. Dans ce livre, son dialogue constant avec la philosophie permet de construire une anthropologie de la présence fondée sur l'observation.

L’origine de la croyance reprend le thème du croire, avec cette hypothèse : au commencement, les Homo sapiens ne croyaient pas. Un jour, certains ont commencé à croire à des choses incroyables, en tout cas difficilement croyables, par exemple que des morts vivent. A partir de là, une manière humaine d’exister s’est progressivement façonnée, marquée par l’interférence permanente de la présence et de l’absence, de l’engagement et du dégagement, du majeur et du mineur, les uns et les autres si caractéristiques des humains. Ce serait la caractéristique de l’Homme moderne. Comment va-t-il continuer à évoluer ? En augmentant ses facultés d’activité ou ses facultés de passivité ? Face à ces questions, ce livre met en résonnance les sépultures de la préhistoire, des descriptions de l’acte de croire, une réflexion anthropologique et une interrogation éthique.

Dans Contre le relationnisme, A.P. écrit sous forme de lettre aux anthropologues. Il part de l'omniprésence en anthropologie de l'idée de relation (thème de recherche, concept explicateur, méthode de travail), pourtant rarement discutée. Le livre critique Goffman, Bourdieu, Lévi-Strauss et Latour. En alternative, il met en avant la notion d'existence, de présence et de singularité, qui deviennent ainsi le centre d'une théorie et d'une méthodologie. C'est moins les relations que le relationnisme que ce livre critique, car des relations il y en a dans la vie de tous les jours... Mais où sont-elles ? Comment sont-elles ? C'est vers l' "individu" qu'A.P. trouve des réponses.  

Viennent ensuite deux livres associés chacun à un auteur : Fernando Pessoa et Martin Heidegger. Dans Méditation pessoanienne, A.P. mélange des citations du Livre de l'intranquillité avec ses propres réflexions, afin d'interroger le rôle de l'Anthropologue, en réaction à certaines versions du "tournant ontologique" : observer-décrire des existences, dire la réalité. Le livre se termine par une proposition d'éthique hoministe, fondée sur le savoir anthropologique, la lucidité et la valorisation de la singularité individuelle. Dans Avec Heidegger contre Heidegger. Introduction à une anthropologie de l'existence, il ne s'agit pas d'être heideggerien et fidèle à la pensée du philosophe, mais de voir comment avec et contre Heidegger, il est possible de dépasser le mépris heideggerien pour l'anthropologie et de voir comment celle-ci peut être repensée avec pour thème de départ : l'homme, un être vers la mort. En lien avec les existentiaux de Heidegger, le livre constitue une ouverture de l'horizon empirique de l'anthropologie ainsi focalisée sur l'homme en tant qu'il existe. A.P. propose un livre d'anthropologie existentiale mais aussi de préhistoire existentiale puisqu'il cherche à faire la généalogie ou l'archéologie du Dasein. En nuançant la valorisation heideggerienne du "souci", A.P. insiste sur la spécificité évolutionnaire de l'existence des sapiens dans le mode mineur. Vient ensuite un autre livre, Aristote, Heidegger, Pessoa : l'appel de l'anthropologie. A Pessoa et à Heidegger, A.P. ajoute Aristote pour continuer à réfléchir sur l'objet de l'anthropologie, qui ne serait pas celui d'autres disciplines. Celui-ci ne serait pas une partie de l'être humain, ni un ensemble d'êtres humains. Ce serait l'existence des hommes, des unités individuelles ou des volumes d'être. Aristote est posé alors en fondateur de l'anthropologie, plutôt qu'Hérodote habituellement placé en tête des histoires de l'anthropologie (sociale et culturelle).

Le volume humain. Esquisse d'une science de l'homme est le fruit d'une expérience unique: A.P a été filmé par Catherine Beaugrand et Samuel Dématraz, sans interruption, pendant 12 heures. Il présente la description aussi précise que possible de tous les instants privés et publics, sans aucune coupure, du petit déjeuner au dîner, en passant par les trajets de RER, les conversations avec des collègues, les heures d'enseignements et les moments vides. Ces descriptions sont suivies par des commentaires sur le volume humain, ses modes de présence, ses actes, son style, ses détails, ses changements et sa continuité au fil de la journée. A.P. propose des concepts et des réflexions sur ce qui pourrait constituer l'anthropologie comme science de l'homme. C'est comme s'il y avait deux disponibilités, l'unité humaine sans discipline, et l'anthropologie, sans objet qui lui soit propre, une sorte de mot fourre-tout ou synonyme de sociologie. En postambule du livre, A.P. s'interroge sur ce que serait les fondements de l'anthropologie. Il convoque alors, non plus seulement Hérodote, mais Aristote, et au fondement métaphysique, il ajoute un fondement artistique, en commentant Rilke sous forme de conseils à un jeune anthropologue. Ainsi au fil des pages se précisent les principes d'une telle science de l'homme que l'auteur ne veut pas séparer d'une éthique, une "éthique du volume" selon ses mots, dans laquelle il s'interroge sur ce qui existe et sur ce qui n'existe pas : ce qui lui permet d'attribuer une valeur centrale à l'être humain et à chaque singulier. Le livre commence par une préface de Catherine Beaugrand: "Continuité du volume d'être, vue de l'art". Dans Anthropologie théorique ou comment regarder un être humain, c’est une théorisation systématique de l’être humain représenté comme volume qui est proposée en débat avec quelques-unes des théories contemporaines de l’anthropologie. Alors qu’il pourrait sembler que l’être humain a été et est constamment présent en anthropologie, il est au contraire pensé dans ce livre que l’être humain n’est jamais vraiment entré en anthropologie. Le projet est de présenter les fondements ou les conditions, théoriques et méthodologiques en vue de cette entrée. C’est un livre d’anthropologie théorique, au sens étymologique du terme voulant présenter un mode de regarder l’être humain, ou plus précisément un être humain. Après un chapitre consacré à des dessins réalisés par l'auteur pour clarifier la notion de volume, le livre se présente comme un débat avec des anthropologues et des philosophes. Il recourt en particulier à la méthode structurale comme alternative aux discours phénoménologiques pour "saisir" le volume humain. Dans cette visée, l'ouvrage se termine par quelques pages sur l'art comme paradigme de l'anthropologie. 

L'être-cycliste, anthropologie triste est dans la droite ligne de la théorie du volume d'être. A partir d’un dessin de Marcel Duchamp représentant un cycliste, ce livre propose une réflexion sur le mouvement en cycles, les roues, les pédales, pour penser une anthropologie de l’être replié sur lui-même. En même temps que l’auteur avoue son engouement pour le cyclisme, il ne dissimule pas son scepticisme à l’égard des pensées des arrachements, des flux et des entremêlements. En dialogue avec des philosophes et des anthropologues, Albert Piette définit une anthropologie fondée sur une observation de l’être humain. Pour cela, il estime nécessaire de revenir au champ lexical du contour, de la consistance, de la stabilité, et pourquoi pas de la substance. Pratiquée radicalement, une telle observation implique une anthropologie triste dont les points caractéristiques sont définis dans l'ouvrage. Une postface de Philippe Machetel montre les passerelles possibles entre les notions de chaos et d'attracteur utilisées en physique et le volume d'être.

Anthropologie existentiale, autographie et entité humaine porte sur l’écriture de soi et sur soin qu'Albert Piette appelle « autographie ».  L’auteur qui a fait de son existence son propre « terrain » propose différentes expérimentations autographiques. Il expose les principes fondamentaux de l’autographie, pertinents pour l’anthropologue mais également pour quiconque voudrait la pratiquer. L’attention aux détails est à chaque fois centrale.  A.P. estime que l’observation et la description de soi ne peuvent se suffire en elles-mêmes. En anthropologie, L’enjeu n’est pas une connaissance de soi-même, ni non plus des situations ou des contextes sociaux. En ce sens, l’autographie est différente des autobiographies et des auto-ethnographies. Sa visée ultime est une compréhension de l’être humain en tant qu’entité. L’autographie est ainsi un élément clé de l’anthropologie existentiale dont l’ « objet » est ainsi précisé.   En réalité, ce livre opère un double renversement par rapport à l'histoire de l'anthropologie : parler de soi et non des autres, parler de soi pour comprendre l'être humain et non des faits sociaux. Les principes méthodologiques et les enjeux théoriques sont sans cesse présents dans ce livre qui fait dialoguer des écrivains et des anthropologues, en particulier Montaigne, Rousseau, Pessoa, Leiris et Lévi-Strauss.