Conférence de Consensus
Elaboration dune stratégie de
surveillance médicale clinique
des personnes exposées à lamiante
15 janvier 1999 - Paris La Villette
Texte du jury
Société Française de Médecine du Travail
(SFMT)
Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF)
avec la participation de la Société dImagerie Thoracique (SIT)
à la demande du Ministère de lEmploi et de la Solidarité
Comité dOrganisation
P. Brochard - Président du comité,
Médecine du travail, CHU - Bordeaux
J. Ameille - Président de la SFMT, Médecine du travail, CHU - Paris
M. Fournier - Président du jury, Président de la SPLF, Pneumologue, CHU -
Paris
M. Rémy-Jardin - Présidente de la SIT, Imagerie thoracique, CHU - Lille
J. Bignon - Pneumologue, ancien directeur INSERM U139 - Paris
L. Boitel - Médecin du travail - Paris
A. Cantineau - Médecine du travail, CHU - Strasbourg
F. Conso - Médecine du travail, CHU - Paris
C. Cothereau - Médecin du travail - Paris
J-C. Dalphin - Pneumologue, CHU - Besançon
J-L. Fumery - Médecin du travail - Toulon
Cl. Got - Anatomie-pathologique, chargé de mission au Ministère
de lEmploi et de la Solidarité - Paris
Dr C. Schucht - Médecin inspecteur du travail - Strasbourg
A. Taytard - Pneumologue, CHU - Bordeaux
Jury
M. Fournier - Président du jury,
Pneumologue, CHU - Paris
F. Bonnaud - Pneumologue, CHU - Limoges
J. Brugère - Cancérologue - Paris
J-F. Caillard - Médecine du travail, CHU - Paris
D. Furon - Médecine du travail, CHU - Lille
M. Guillemin - Hygiéniste industriel, Institut Universitaire - Lausanne
J. Lellouch - Santé publique, INSERM U472 - Villejuif
J. Paoli - Préventeur, CHSCT - Digoin
M. Pascual - Médecin du travail - Lognes
J. Piquet - Pneumologue, CHG - Le Raincy-Montfermeil
J. Rémy - Imagerie thoracique, CHU - Lille
J. Roudaire - Bibliothécaire
R. Salamon - Santé publique, INSERM U330 - Bordeaux
P. Serrier - Médecin Généraliste - Paris
Experts
A. Bergeret - Médecine du travail,
CHU - Lyon
M-A. Billon-Galland - Laboratoire dEtude des Particules Inhalées - Paris
C. Bonnin - Médecin du travail - Bourg la Reine
Ch. Boutin - Pneumologue, CHU - Marseille
P. Catilina - Hygiéniste industriel, CHU - Clermont-Ferrand
E. Chailleux - Pneumologue, CHU - Nantes
P. de Vuyst - Pneumologue, Clinique universitaire - Bruxelles
A. Depierre - Pneumologue, CHU - Besançon
P. Dumortier - Minéralogiste, Clinique universitaire - Bruxelles
P. Frimat - Médecine du travail, CHU - Lille
F. Galateau-Sallé - Anatomie-pathologique, CHU - Caen
M. Goldberg - Santé publique, INSERM U88 - Saint-Maurice
B. Housset - Pneumologue, CHU - Paris
E. Kauffer - Hygièniste industriel, INRS - Nancy
F. Laurent - Imagerie thoracique, CHU - Bordeaux
M. Letourneux - Médecine du travail, CHU - Caen
B. Milleron - Pneumologue, cancérologue, CHU - Paris
I. Monnet - Pneumologue, cancérologue, CHU - Paris
J-C. Pairon - Médecine du travail, CHU - Paris
C. Paris - Médecin du travail, CHU - Rouen
A. Perdrix - Médecine du travail, Physiologie respiratoire CHU - Grenoble
P. Ruffié - Pneumologue, cancérologue, Institut Gustave Roussy - Villejuif
L. Thiberville - Pneumologue, CHU - Rouen
M. Tunon de Lara - Pneumologue, CHU - Bordeaux
D. Valeyre - Pneumologue, CHU - Bobigny
A. Valleron - Santé publique, INSERM, U444 - Paris
J.-Cl. Yernault - Pneumologue, Clinique universitaire - Bruxelles
Avant propos
Cette conférence de consensus a été organisée et sest déroulée en tenant compte des règles préconisées par lAgence Nationale dAccréditation et dEvaluation en santé (ANAES). Les conclusions et recommandations présentées dans ce document ont été rédigées par le jury de la conférence, en toute indépendance. Leur teneur nengage en aucune manière la responsabilité de lANAES.
Lélaboration de recommandations pour une stratégie de surveillance médicale clinique des personnes exposées à lamiante doit :
- tenir compte des capacités de recensement des personnes exposées et de caractérisation des activités professionnelles et emplois exposant à ce risque ;
- tenir compte des caractéristiques particulières des affections respiratoires liées à lamiante (relation dose-effet, temps de latence, pronostic) ;
- préciser parallèlement limpact médical et limpact social, individuel et collectif, du dépistage de ces affections ;
- intégrer le contexte réglementaire de la surveillance médicale spécialisée actuellement définie et des dernières mesures législatives (conditions dattribution dallocation de cessation anticipée dactivité) ;
- proposer, dans les domaines dincertitude, les investigations à mener.
Cet argumentaire présente le contexte épidémiologique, clinique et réglementaire dans lequel sinscrit la conférence de consensus.
2.1. Populations exposées à lamiante et populations concernées par la surveillance médicale
2.1.1. Les populations
Le recensement individuel des personnes ayant été ou étant exposées à lamiante est difficile. Le regroupement en populations définies aide à ce recensement. Trois secteurs dactivité comportant ou pouvant comporter une exposition professionnelle sont individualisés par le décret du 7.2.96 :
- Secteur 1 : fabrication et transformation de matériaux contenant de lamiante
- Secteur 2 : confinement et retrait de lamiante
- Secteur 3 : intervention sur des matériaux ou des appareils susceptibles de libérer des fibres damiante.
Lexposition à lamiante peut aussi être indépendante de lactivité professionnelle : la caractérisation de populations concernées est plus difficile.
Dans létat actuel des connaissances, la surveillance médicale doit être a priori proposée à toute personne :
- ayant travaillé ou travaillant dans les entreprises répondant aux activités industrielles définies par les secteurs 1 et 2 ;
- ayant eu ou ayant un emploi, correspondant aux activités définies par le secteur 3 de ce décret.
Les listes de ces entreprises et emplois sont partiellement établies, et sont révisables. Elles devront faire lobjet de parutions officielles.
Un soin particulier doit être apporté au recensement des personnes ayant été ou étant professionnellement exposées à lamiante et entrant dans lune des catégories suivantes :
- les travailleurs non salariés (travailleurs indépendants, commerçants et artisans)
- les chômeurs
- les retraités
- les travailleurs ayant changé demploi.
Lévolution des connaissances permettra denvisager lextension de cette surveillance médicale, sous des formes à définir, à certaines populations potentiellement soumises à une exposition :
- paraprofessionnelle : familles des salariés exposés dont lactivité professionnelle a été importante ;
- passive intramurale : personnes vivant ou travaillant dans des locaux publics ou privés contenant de lamiante ; locaux dont le recensement et la surveillance relèvent du décret du 7.2.96 ;
- environnementale : la cartographie des sites concernés doit être organisée (sites industriels, décharges).
2.1.2. Les niveaux dexposition
Le jury propose la classification de limportance de lexposition entre trois niveaux :
- Expositions importantes :
- expositions certaines, élevées, continues et dune durée supérieure ou égale à 1 an ; exemples : activités professionnelles entrant dans le cadre du secteur 1 et de leurs équivalents dans le secteur 3 (exemples : flocage, chantiers navals) ;
- expositions certaines, élevées, discontinues et dune durée supérieure ou égale à 10 ans (exemples : mécaniciens rectifieurs de freins de poids lourds, tronçonnage de lamiante-ciment) ;
- Expositions intermédiaires :
- toutes les autres situations dexposition professionnelle documentée. La majorité entre dans le cadre du secteur 3.
- Expositions faibles :
- expositions passives (exemples : résidence, travail dans un local contenant de lamiante floquée non dégradée).
2.1.3. Evaluation individuelle du niveau dexposition
Lévaluation du niveau dexposition dun individu implique le renseignement dun interrogatoire professionnel sappuyant sur un guide officiel, actualisé et mis à la disposition des professionnels, et utilisant une grille standardisée et les matrices emploi-exposition. Ce guide doit comporter la liste des entreprises et des métiers à risque.
Lutilisation de la métrologie dambiance est très importante :
- par les données, lorsquelles existent, quelle apporte pour les expositions passées ;
- par son aptitude à préciser une exposition actuelle, notamment lorsque lemploi ou lactivité ne sont pas typiques et ne permettent pas une catégorisation.
La quantification de lexposition permet doptimiser le recours à la prévention technique ou organisationnelle.
2.2. Caractéristiques générales des affections respiratoires liées à lexposition à lamiante
Lexposition à lamiante est délétère pour lappareil respiratoire. Les principales pathologies respiratoires associées à lexposition à lamiante sont :
- la pathologie pleurale bénigne (plaques pleurales, épaississements pleuraux localisés ou diffus, atélectasies par enroulement, pleurésies bénignes)
- lasbestose,
- la pathologie maligne : (mésothéliome, cancer broncho-pulmonaire).
Ces affections ont en commun :
- un temps de latence le plus souvent élevé, qui peut se compter en dizaines dannées, entre le début de lexposition et les premières manifestations radiocliniques ;
- la persistance du risque toute la vie durant ;
- une relation dose-effet fermement établie ;
- labsence fréquente de traitement curatif.
Leur pronostic diffère :
- bon, avec une morbidité faible ou nulle pour les plaques pleurales ; mauvais pour le mésothéliome et les formes non-opérables de cancer broncho-pulmonaire ; intermédiaire pour lasbestose, qui expose au risque dinsuffisance respiratoire ;
Lexposé de ces caractéristiques générales des affections respiratoires liées à lexposition à lamiante conduit aux remarques suivantes :
1. Pour un sujet ayant, ou susceptible davoir été exposé à lamiante, il est essentiel dévaluer limportance de lexposition.
2. La condition respiratoire des sujets peut être affectée, indépendamment du risque asbestosique, pendant toute la durée de la surveillance (processus physiologique de vieillissement respiratoire, événements respiratoires intercurrents, bronchopathie chronique liée au tabagisme...).
Cela justifie au début de toute surveillance médicale, la pratique dun bilan de référence.
3. La notion établie de temps de latence justifie un intervalle libre après le début de lexposition professionnelle, avant lorganisation du dépistage.
4. Largument assez bien étayé selon lequel il existe des différences de cancérogénicité pleurale, à exposition comparable, selon les différents types de fibre damiante, sefface devant les possibilités de mélange de fibres, la grande difficulté dinvestigations rétrospectives, et lexistence dune cancérogénicité broncho-pulmonaire pour tous les types de fibre.
2.3. Contexte réglementaire
2.3.1. La surveillance médicale spéciale des salariés exposés :
La réglementation du code du travail
- organise la protection des travailleurs contre les risques liés à linhalation de poussière damiante. Les valeurs limites dexposition existent depuis 1977 et ont été abaissées par paliers. Les valeurs applicables au 1.1.98 sont de 0,1 f/ml/ sur 8 heures de travail (toutes fibres) pour les activités du secteur 1, et 0,1 f/ml sur 1 heure de travail pour les activités des secteurs 2 et 3.
- précise les outils et conditions de mise en uvre dune surveillance médicale spéciale qui comporte :
- en cours dexposition, un examen clinique annuel, une radiographie pulmonaire de face tous les 2 ans, et des épreuves fonctionnelles respiratoires, à une cadence au moins égale à celle de la radiographie thoracique.
- lobjectif de la surveillance médicale spéciale est avant tout la prévention : information des salariés, étude des conditions de travail, évaluation des expositions.
2.3.2. La surveillance après exposition :
En cas dabsence dactivité (retraite, chômage), un suivi post-professionnel pris en charge par le fond daction sanitaire et sociale comporte tous les 2 ans un examen clinique, un examen radiologique thoracique, éventuellement des épreuves fonctionnelles respiratoires.
En cas dactivité le suivi post-exposition doit être assuré par le médecin du travail de la nouvelle entreprise.
2.3.3. La cessation anticipée dactivité
Le texte de Loi du 23 décembre 98 définit linstauration dune allocation de cessation anticipée dactivité. Cette mesure concerne :
- les salariés et anciens salariés du secteur 1 : à partir de 50 ans, en fonction de la durée dexposition au risque, ces salariés peuvent cesser leur activité avant lâge légal du départ en retraite (bénéfice dune année pour 3 années dexposition) ;
- les victimes de maladies professionnelles graves (asbestose, cancer broncho-pulmonaire, mésothéliome). La cessation dactivité intervient alors dès lâge de 50 ans, quelle que soit la durée de lexposition.
3. Question n°1 : Quels sont les outils de la surveillance médicale clinique ?
3.1. Lexamen clinique
Lexamen clinique :
- établit une relation de qualité visant à écouter, informer, rassurer le cas échéant la personne ayant subi une exposition.
- contribue à lévaluation de lexposition :
- renseigne sur les habitudes tabagiques, les antécédents, lexistence de symptômes qui peuvent être notamment :
- une douleur qui peut révéler un épanchement ou un épaississement pleural, un mésothéliome, plus rarement des plaques pleurales.
- une dyspnée qui doit orienter en priorité vers une atteinte parenchymateuse (asbestose), pleurale ou une maladie associée (bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).
- des râles crépitants (asbestose).
3.2. Biométrologie (marqueurs dexposition)
Il y a 2 catégories de biomarqueurs dexposition :
1. le comptage des corps asbestosiques par microscopie optique ;
2. le comptage et lidentification des fibres dans les tissus par microscopie électronique.
Trois milieux biologiques peuvent faire lobjet de ces analyses : lexpectoration, le liquide de lavage bronchoalvéolaire (LBA), le parenchyme pulmonaire.
Aucune de ces techniques ne peut être actuellement recommandée dans loptique dun dépistage ou dune surveillance.
3.3. Limagerie thoracique
Les deux techniques considérées sont la radiographie et la tomodensitométrie (TDM).
La radiographie de face est actuellement le seul examen recommandé par les textes. Elle manque de sensibilité, le risque de faux négatif étant de lordre de 20 à 30 %. Lirradiation représente 0,1 à 0,2 milliSievert (de 1/10e à 1/20e de lirradiation annuelle moyenne naturelle en France).
Trois techniques TDM sont utilisables : lacquisition conventionnelle centimétrique, lacquisition spiralée centimétrique et lacquisition millimétrique. Deux dentre elles peuvent être recommandées : lacquisition spiralée centimétrique (manifestations pleurales bénignes, tumeurs) ou lacquisition en coupes millimétriques (détection de lasbestose et des maladies des petites voies aériennes), toutes deux à bas milli-ampérage.
Sans précautions particulières, la TDM conventionnelle peut représenter une irradiation 100 fois supérieure à la radiographie (20 milliSievert, soit 10 fois lirradiation annuelle moyenne naturelle en France). Il est possible de diminuer considérablement lirradiation par le choix judicieux des paramètres dexposition et par une protection de la thyroïde, et des seins chez la femme jeune.
- Bien que la radiographie soit actuellement la seule méthode validée, la sensibilité de la TDM pour le dépistage des nodules pulmonaires lui est supérieure.
- Pour la détection de la pathologie interstitielle diffuse la TDM est plus sensible que la radiographie.
- Pour la détection des plaques pleurales la TDM est plus sensible et plus spécifique que la radiographie qui peut confondre plaques, graisse extrapleurale et musculature thoracique.
- Pour le mésothéliome, il nexiste pas dans la littérature scientifique de données validant lefficacité de la TDM comme outil de détection.
Les facteurs suivants doivent être pris en compte :
- la cohérence et la reproductibilité de la radiographie nécessitent une cotation type BIT (formation des lecteurs) ;
- la sensibilité et la spécificité des radiographies numérisées nont pas été démontrées ;
- le jury recommande létablissement dune grille TDM de lecture établie par les sociétés savantes, dune lecture incluant la prise en compte des paramètres de réalisation et dans lidéal dune double lecture ;
- le choix des paramètres doit garantir la stricte reproductibilité de lexamen TDM tout au long de la surveillance.
Les limitations à lutilisation de la TDM reposent sur deux notions :
- il ny a pas de données qui démontrent sa supériorité par rapport à la radiographie thoracique dans le dépistage du cancer broncho-pulmonaire ;
- la TDM a une grande sensibilité, mais son manque de spécificité expose à la découverte dun nombre important de lésions dont limputabilité à lexposition à lamiante sera difficile à obtenir.
Il ny a aucune indication à la pratique dune échographie pleurale, dune tomographie ou dune IRM dans le dépistage.
3.4. Les techniques endoscopiques
Lendoscopie bronchique a une place primordiale dans la stratégie de diagnostic et du suivi des cancers de lappareil respiratoire. Son caractère invasif et les imprécisions qui demeurent sur les modalités de son utilisation dans une optique de détection précoce du cancer, ne permettent pas de la retenir comme outil de dépistage.
La pleuroscopie nest pas un outil de dépistage : sa seule indication est le diagnostic dun mésothéliome.
3.5. Les épreuves fonctionnelles respiratoires
Les EFR utilisées en dépistage sont la spirométrie et lenregistrement de la courbe débit-volume. La mesure de la diffusion de loxyde de carbone (CO) est de pratique plus restreinte.
Les critères de qualité et dacceptabilité recommandés par les sociétés savantes doivent être respectés.
- La pathologie pleurale bénigne a, en général, un retentissement faible ou nul.
- La possibilité de dépistage dune asbestose débutante par la mesure de la diffusion du CO nest pas établie. Un trouble ventilatoire restrictif minime, une obstruction des petites voies aériennes peuvent révéler une asbestose non décelable sur la radiographie de face.
Les EFR sont lélément objectif de lévaluation de lincapacité respiratoire.
3.6. Les examens anatomopathologiques
Létude de la cytologie de lexpectoration na pas dintérêt pour le dépistage des cancers broncho-pulmonaires.
Les autres examens nécessitent le recours à des méthodes invasives (biopsies pleurales, bronchiques ou pulmonaires) et nentrent pas dans la stratégie de dépistage ou surveillance des personnes exposées.
3.7. Les examens biologiques (à lexception des marqueurs dexposition)
Il ny a pas actuellement de marqueurs biologiques (y compris les plus performants : antigène carcino-embryonnaire, neurone-specific énolase, cyfra 21-1) dont on puisse recommander lutilisation dans le dépistage des affections respiratoires liées à lexposition à lamiante.
La relation dose-effet a été clairement établie pour lensemble des affections liées à lamiante.
Il est impossible sur les seuls faits expérimentaux ou les observations épidémiologiques de prouver quun seuil, qui pourrait varier dun individu à lautre, existe.
Limpact médical de ce dépistage senvisage aux plans individuel et collectif.
5.1 Impact médical individuel
Le dépistage dune pathologie liée à lexposition à lamiante peut avoir plusieurs conséquences médicales :
- information du patient ;
- plan de prise en charge avec modification des conditions de surveillance ;
- incitation supplémentaire à diminuer ou supprimer des cofacteurs (tabac en particulier) susceptibles daggraver la condition respiratoire.
Les plaques pleurales : La prévalence est élevée. Leur présence ne semble pas indiquer un niveau dexposition particulier, ni constituer un facteur de risque supplémentaire dasbestose, de cancer broncho-pulmonaire ou de mésothéliome. Leur évolutivité est lente ou nulle. Il nexiste aucun traitement.
Les épaississements pleuraux diffus :
Ils se traduisent plus fréquemment par des symptômes cliniques (douleurs, dyspnée) la fonction respiratoire peut être altérée. Ces anomalies peuvent aussi se retrouver dans certains cas datélectasie par enroulement.
Les pleurésies asbestosiques bénignes :
Elles sont souvent peu abondantes.
Lasbestose : La survenue dune asbestose est indicative dun niveau dexposition supérieur à 20-25 f/mlxannées. Lévolutivité est en général faible, mais le développement dune insuffisance respiratoire est possible et peut constituer une perte de chance pour le traitement dautres affections. Il est possible que le tabagisme accentue lévolution de la fibrose pulmonaire. Il nexiste pas de traitement susceptible de faire régresser le processus fibrosant.
Le dépistage dune asbestose a donc limpact médical suivant :
- Lidentification du sujet comme faisant partie dun groupe fortement exposé, et donc à risque accru en matière de cancer
- Le cas échéant, une forte incitation et une aide au sevrage tabagique
- Une accentuation de la surveillance médicale
Le cancer broncho-pulmonaire : La survenue dun cancer broncho-pulmonaire nest pas indicative dun niveau dexposition particulier. Les formes localisées, justiciables dune résection chirurgicale complète, ont le taux de survie à 5 ans le plus élevé.
Le mésothéliome : La survenue dun mésothéliome nest pas indicative dun niveau dexposition particulier. Le traitement est essentiellement médical et son bénéfice en terme despérance de vie semble très limité. Lévaluation de ce bénéfice doit tenir compte de lexistence de formes dont lévolution est spontanément longue et de données concernant la qualité de vie des malades traités.
5.2 Impact médical collectif
Les observations individuelles recueillies au cours du dépistage permettent daméliorer les connaissances aujourdhui insuffisantes.
La grande majorité des pathologies liées à lamiante est dorigine professionnelle. La surveillance médicale répond dabord à une demande dinformation de la part des populations concernées, puis à la nécessité dindemniser les pathologies observées.
La surveillance médicale a pour objectif immédiat la réparation des victimes. Celle-ci revêt une dimension à la fois individuelle et collective.
6.1. Impact individuel
Lindemnisation attribuée en fonction du taux dIPP (incapacité permanente partielle) ne prend pas en compte la douleur, ni limpact psychologique, ni la perte demploi.
La reconnaissance sociale de la réalité du préjudice subi après une exposition à lamiante est un élément fort du bénéfice.
La possibilité de bénéficier dune cessation anticipée dactivité représente un avantage certain en cas dasbestose, beaucoup plus discutable pour les victimes de cancer pour lesquelles la situation doit être appréciée au cas par cas.
6.2 Impact collectif
La reconnaissance du problème de santé publique et sa meilleure prise en charge par la Nation a un impact collectif positif :
- elle peut avoir valeur exemplaire et induire une plus grande vigilance vis-à-vis dautres problèmes actuels ou à venir ;
- elle contribuera à lavancement des connaissances quant aux expositions et aux pathologies.
La reconnaissance des pathologies professionnelles implique limputation des coûts financiers (soins, surveillance, IPP) à la caisse Accidents du Travail-Maladies Professionnelles, responsable également de la prévention des risques professionnels. La réparation, par le coût quelle génère, a un effet incitatif sur la prévention.
Les conséquences de lexposition à lamiante devraient déterminer une politique de prévention active dans les entreprises vis-à-vis des autres fibres (dites de substitution).
7.1. Mise en place du dispositif
- Création dune Structure Régionale de Coordination
Il est indispensable, compte tenu des dysfonctionnements dans le dispositif actuel, de mettre en place des Structures Régionales de Coordination, chargées dorganiser, animer et évaluer la surveillance médicale des personnes exposées à lamiante. La configuration de ces structures est à définir. Elles doivent comporter la participation :
- des Instituts Universitaires de Médecine du Travail et des consultations de pathologies professionnelles des CHU ;
- de lInspection Médicale du Travail ;
- de la Caisse Régionale dAssurance Maladie ;
- du Service Médical Régional des organismes de protection sociale ;
Elles doivent fonctionner en association avec les services hospitaliers de pneumologie, les services de médecine du travail et les médecins généralistes. Elles doivent assurer linformation et la formation des acteurs, être un centre de référence et coordonner la collecte et lanalyse des données.
- Information et suivi post-professionnels
Limplication du médecin généraliste dans le dispositif est importante, particulièrement dans le cas du suivi post-professionnel. Le médecin généraliste est un relais naturel pour transmettre linformation et repérer les personnes qui ne sont pas ou plus concernées par la médecine du travail. La sensibilisation des médecins généralistes, dans ce domaine, apparaît donc comme une priorité. Les associations de retraités, les associations de victimes peuvent aider efficacement à recenser, rassembler, informer les personnes concernées. Elles sont des partenaires naturels dans cette action.
7.2. Le dispositif
Une très vaste diffusion des recommandations incluses dans ce dispositif est une condition nécessaire à son application.
La surveillance médicale doit dabord intégrer les activités de prévention qui reposent sur la connaissance des expositions.
7.2.1. Dispositions générales
- Pour tout sujet débutant une activité professionnelle exposant à lamiante, la réalisation dun bilan de référence est indispensable. Ce bilan doit comporter :
- une information sur le risque encouru,
- un examen clinique,
- une radiographie thoracique de face,
- des EFR comportant spirométrie et courbe débit-volume.
- Pour tout sujet ayant été ou étant exposé professionnellement à lamiante, et susceptible de bénéficier du droit à une retraite anticipée (à partir de la cinquantième année dâge), un bilan doit être proposé. Ce bilan doit comporter :
- un examen clinique,
- un examen tomodensitométrique thoracique,
- des EFR comportant spirométrie et courbe débit-volume.
- Pour tout sujet ayant été déjà exposé professionnellement, mais nayant pas eu de bilan de référence, ce bilan doit être pratiqué. Il comporte alors :
- un examen clinique,
- un examen radiographique thoracique,
- des EFR comportant spirométrie et courbe débit-volume
- et la reconstitution de son exposition antérieure.
- Tout sujet fumeur, exposé ou ayant été exposé à lamiante, devrait être très fortement incité à cesser son tabagisme.
7.2.2. Dispositions particulières selon le niveau dexposition
Les recommandations suivantes tiennent compte de données établies. Cependant, le jury est bien conscient des incertitudes notables qui pèsent encore sur les choix retenus en termes dexamen et de périodicité. Il estime donc indispensable que soit mise en place une procédure dévaluation de ces recommandations, et que des études permettent détayer ou de modifier les stratégies proposées.
Le suivi médical est modulé selon le niveau dexposition ; il est présenté indépendamment du bilan de référence et du bilan de cinquante ans qui devront sarticuler au mieux avec la stratégie proposée.
Il est recommandé de norganiser une surveillance médicale systématique que pour les sujets préalablement ou actuellement soumis à une exposition forte ou intermédiaire.
Les dispositions suivantes nexcluent pas la pratique dexamens supplémentaires nécessaires à la détermination de laptitude à certaines conditions de travail.
Expositions fortes : il est recommandé que :
- lorganisation des bilans périodiques débute 10 ans après le début de lexposition
- le premier de ces bilans comporte :
- un examen clinique
- un examen tomodensitométrique thoracique
- des EFR comportant la spirométrie et lenregistrement de la courbe débit-volume
- ces bilans soient répétés tous les six ans
- dans lintervalle, soient organisés tous les deux ans des bilans comportant :
- un examen clinique
- une radiographie thoracique
Expositions intermédiaires : il est recommandé que :
- lorganisation des bilans périodiques débute 20 ans après le début de lexposition
- le premier de ces bilans comporte :
- un examen clinique
- une radiographie thoracique suivie, en cas danomalie, et si nécessaire, dun examen TDM
- des EFR comportant la spirométrie et lenregistrement de la courbe débit-volume.
- ce bilan soit suivi tous les deux ans et à quatre reprises dun bilan comportant :
- un examen clinique
- une radiographie thoracique
- un bilan soit entrepris trente ans après le début de lexposition, comportant :
- un examen clinique
- un examen tomodensitométrique thoracique
- des EFR comportant la spirométrie et lenregistrement de la courbe débit-volume.
- ce bilan soit répété tous les dix ans et que dans lintervalle, des bilans soient réalisés tous les deux ans, comportant :
- un examen clinique
- une radiographie thoracique.
8. Développements
En ce qui concerne les outils diagnostiques
Evaluer la performance des outils et particulièrement de leur combinaison dans les démarches de dépistage.
Evaluer lintérêt de la TDM comparativement à la radiographie 20 ans après une exposition dans le groupe 2.
Développer de nouveaux outils (plus performants et/ou plus économiques et/ou plus acceptables).
En ce qui concerne les pathologies liées à lamiante
Rechercher des facteurs de prédisposition des pathologies liées à lamiante.
Etudier les relations entre les pathologies liées à lamiante (liens asbestose-cancer broncho-pulmonaire ; rôle prédictif des plaques pleurales...).
Développer des essais contrôlés dans le traitement des pathologies cancéreuses (notamment du mésothéliome).
Epidémiologie
Améliorer la connaissance clinique et épidémiologique des pathologies liées à lamiante en particulier en relation avec les faibles doses.
Mettre en place rapidement un registre national du mésothéliome.
Etudier le rôle des autres facteurs de risque, en particulier professionnels, pour le cancer.
Evaluation
Evaluer limpact de la conférence de consensus sur les pratiques ;
Evaluer limpact des pratiques sur létat de santé des populations exposées.
Plus généralement
Améliorer la connaissance des médecins en développant des actions de FMC portant sur :
- les conséquences sur la santé de lexposition à lamiante et leur prise en charge ;
- les procédures de reconnaissance et de déclaration des maladies professionnelles liées à lamiante.
Améliorer le contenu et laccessibilité des bases de données en matière dexposition (EVALUTIL et autres).
Analyser la meilleure façon dorganiser le suivi individuel de lexposition.
Analyser de manière pluridisciplinaire la problématique générale du dépistage des cancers broncho-pulmonaires en France.
Sassurer dune politique efficace de prévention contre les maladies liées à lamiante.