Soixante ans que nos biberons sentent le sapin…

Ce n’est certes pas après la lecture d’un simple article du Monde que je me prétendrai spécialiste du scandale ou supposé tel du Bisphénol A, mais j’en retire tout de même un enseignement très intéressant.

J’y ai appris que le conflit entre scientifiques payés sur fonds publics -qui trouvaient dans 90% des cas des effets biologiques du bisphénol, et donc en mettaient en évidence la dangerosité potentielle- et ceux qui étaient financés par les entreprises qui vivent notamment de son exploitation -du bisphénol A, donc-, ces derniers ne trouvant -bien sûr- rien, était basé sur des principes méthodologiques. Selon l’auteur de l’article, qui s’est inspiré essentiellement de ses contacts avec certains des premiers, dont un Monsieur vom Saal, une Madame Soto, non par parti pris, mais parce que les intervenants de l’autre bord ne répondaient pas à leurs questions, les scientifiques qui trouvaient des effets se fondaient sur des protocoles d’expériences récents, alors que ceux qui ne trouvaient rien -ceux qui étaient donc payés par les entreprises, donc- se fondaient sur des protocoles d’il y a 60 ans.

C’est un peu comme si on cherchait à déterminer le lieu d’alunissage d’astronautes sur la Lune en regardant avec des jumelles.(vom Saal)

Pas spécialement rassurant.

Je ne ferai pas le procès ici de ces scientifiques ou supposés tels qui travaillent pour la Dow Chimicals et autres grandes bienfaitrices de l’humanité (après tout, le plastique qui recouvre mon clavier ne viendrait-il pas de leurs usines?). Je suppose que d’autres le feront bien mieux que moi. Mais je ne peux m’empêcher de penser à ces lieux communs qui veulent que le service public, c’est le conservatisme, l’immobilisme, le confort, le fonctionnarisme et autres clichés, alors que le privé tablerait sur le progrès, l’innovation, la course en avant…

Comme si l’économie et l’histoire corroborait ces cartes postales.

Tiens! L’industrie automobile, par exemple, déteste l’innovation réelle, celle qui change les choses, celle qui amène ou amènerait à une véritable réduction de la consommation: changer les patrons d’achat du symbole de la société de consommation, c’est un risque tellement énorme, et il aura fallu ces dernières années pour qu’enfin ces dinosaures tendent à s’effondrer sur eux-mêmes sous les coups de boutoir de la nécessité et des crises économiques.1

La résistance aux réglementations d’Etat basées sur le principe de précaution, sur la découverte d’un danger pour la santé publique ou sur le souci de réduire les effets secondaires contre-environnementaux de notre mode de vie est telle que les parlements, sous perfusion des intérêts particuliers des bétonneurs et autres marchands de bien-être, mettent souvent des années, voire des décennies pour prendre les mesures les plus élémentaires qui réduirait la nocivité de la consommation humaine, pour nous-mêmes comme pour la planète et ses autres habitants.

Le conservatisme critiqué par Messieurs Michel père et fils ne se situe peut-être pas seulement là où ils veulent bien le voir.

Une fois de plus, il ne faut pas généraliser: on parle bien ici de grosses entreprises, d’intérêts à 6 chiffres ou plus, pas de PME, de petites boîtes qui tentent de devenir grandes. Encore que…

Encore que, ce n’est pas d’elles, peut-être, que l’on parle, mais Ford a commencé dans un garage, tout comme Windows ou Apple -ou peu s’en faut. Et aujourd’hui, ce sont plutôt des représentants de l’immobilisme que de l’innovation. Mais bon, cessons de jouer au yo-yo sur le sujet, revenons à la constatation: l’entreprise n’est innovante que si ça l’arrange bien et conservatrice dans le même cas. Bref, elle est là où le pognon l’appelle, et ce n’est pas souvent dans la direction du mieux-être collectif.

Ceci aussi pour expliquer une fois encore pourquoi, si je ne suis pas contre les manipulations génétiques ou les nanotechnologies en soi, c’est uniquement si -et seulement si- les progrès, les découvertes, les utilisations faits dans ces domaines restent intégralement sous contrôle de la collectivité par le biais d’associations horizontales indépendantes à la fois de l’Etat et des entreprises, et qui soient habilitées à stopper toute initiative qu’elles jugeraient dangereuses ou potentiellement dangereuses, jusqu’à consultation populaire bien raisonnée, bien documentée, sous protocole adéquat.

Une entreprise de taille respectable, c’est un peu comme un grand Navigateur sur un OS Windows: il fait tout pour t’empêcher de penser à le virer et il ralentit toute la machine, sous prétexte que, sans lui, rien ne marcherait.

—————

Ah oui, quant aux patentes, brevets et autres exclusivités mortifères, je suppose que l’on aura compris. Qu’on rémunère les chercheurs à l’heure de travail, qu’on leur accorde quatre semaines de congé par découvertes prépayées intéressantes, et qu’on ne la ramène pas sur l’indispensable nécessité de rentabiliser la recherche: ça fait deux cents qu’on nous emmerde avec ce concept qui a contribué à l’augmentation des inégalités de par le monde. Alors, que vivent la science et la technologie, mais au sein des masses, pas dans le giron des portefeuilles anonymes.

Evidemment, avec la gouvernance mondiale actuelle, ce beau programme n’est pas pour demain. Mais bon, je veux bien faire de la politique, si c’est à ma sauce.

  1. Personnellement je ne peux que prévoir à terme une nouvelle crise, celle de la surconsommation individuelle, qui devrait nous réenfermer dans le local en dehors des transports publics d’ici, quoi?, un quart de siècle, sans doute. Ca m’étonnerait que l’automobile passe sans dommage ce cap. []

Leave a Reply

Time limit is exhausted. Please reload CAPTCHA.

*