MALADIES AUTO-IMMUNITAIRES 

 

une réaction du système immunitaire contre certains constituants de son propre organisme. Un dysfonctionnement (observé pathologiquement ou provoqué expérimentalement chez l'animal) des dispositifs régulateurs mis en place au cours du développement et du fonctionnement du système immunitaire risque ainsi de ne pas faire disparaître des structures et des molécules dangereuses ou d'attaquer des structures et des molécules utiles, voire nécessaires à la survie. Ces dernières perturbations (qu'elles soient imputables à l'antigène ou au système immunitaire) peuvent déclencher des maladies dites auto-immunitaires, soit spécifiques d'organes, soit étendues à un ensemble tissulaire, c'est-à-dire systémiques.

GUIDE PRATIQUE DE RHUMATOLOGIE

1. Les maladies auto-immunitaires (M.A.I.) humaines Il ne suffit pas qu'une maladie avec troubles fonctionnels et lésions s'accompagne d'auto-anticorps et/ou de lymphocytes sensibilisés correspondants pour qu'on la baptise maladie auto-immunitaire (M.A.I.): en effet une réaction auto-immunitaire (R.A.I.) patente peut apparaître à la suite de l'atteinte (traumatique, infectieuse...) d'un organe sans être la cause de cette affection (anticorps anti-cœur apparaissant deux à trois semaines après un infarctus du myocarde). Il faut donc montrer le rôle de la R.A.I. dans la genèse de la maladie, ce que l'on fait souvent de façon expérimentale sur l'animal. Ces M.A.I. forment une sorte de continuum où l'on trouve, à une extrémité, des maladies bien limitées à un organe (type I) et à l'autre, des maladies dites "systémiques" non spécifiques d'organe portant sur des molécules et structures ubiquitaires de l'organisme (type II).******* les differents auto-anticorps avec leurs maladies correspondantes

Les M.A.I. de type I Les plus représentatives des maladies de ce type sont endocriniennes, neuro (ou para-) neurologiques ou autres.

Les atteintes endocriniennes peuvent toucher la thyroïde comportant atrophie ou hypertrophie (goitre) de l'organe et hyperfonctionnement avec hyperthyroxinémie (maladie de Basedow ou de Graves: parfois vraie thyrotoxicose avec exophtalmie, tachycardie, nervosité, perte de poids) ou hypofonctionnement avec hypothyroxinémie (maladie de Hashimoto, myxœdème avec empâtement, ralentissement physique et intellectuel et signes biologiques caractéristiques). Le type de l'affection semble dépendre de la cible ou du type d'agents de la R.A.I. présente: les auto-anticorps antithyroïdiens sont multiples (plus de sept). Le diabète juvénile insulinodépendant est dû à une atteinte des cellules b, des îlots de Langerhans du pancréas, qui sécrètent l'insuline, avec présence d'anticorps et de lymphocytes T dirigés contre plusieurs auto-antigènes du pancréas: c'est une maladie touchant dans un organe un type cellulaire, davantage que l'effet d'un seul auto-antigène qui serait nocif pour cet organe. La cortico-surrénale peut subir une atteinte auto-immunitaire destructrice donnant lieu à une mélanodermie avec asthénie et amaigrissement; c'est la maladie d'Addison. Des anticorps et des lymphocytes T spécifiques peuvent y être montrés. Hypophyse, ovaires, testicules, parathyroïdes peuvent (rarement) donner lieu à des atteintes de cet ordre.

Des affections d'ordre neurologique : dans la sclérose en plaques (et quelle qu'en soit l'étiologie, encore débattue), il existe une atteinte des gaines myéliniques des axones dans la substance blanche du système nerveux central: atteinte en foyers, par des lymphocytes assistés de cellules gliales et avec présence d'anticorps contre des constituants de cette gaine. La polyradiculonévrite (syndrome de Guillain-Barré) en serait un équivalent au niveau des nerfs périphériques. L'ophtalmie sympathique (uvéo-rétinite allergique) où l'atteinte traumatique d'un œil est suivie, ultérieurement, d'une atteinte inflammatoire de l'œil sain pouvant conduire à la cécité s'accompagne d'hypersensibilité cellulaire spécifique et aussi d'anticorps que certains ont considéré comme protecteurs (anticorps facilitants). L'endophtalmie phaco-anaphylactique touche, elle, le cristallin. La myasthénie avec hyperfatigabilité surtout des muscles de la face, sensible à la néostigmine, est due à une atteinte des récepteurs d'acétylcholine à la jonction neuro-musculaire. On y trouve des auto-anticorps spécifiques de ces récepteurs et d'autres, anti-muscles striés. Elle s'accompagne assez souvent d'une tumeur thymique. D'autres maladies sont à citer dans ce groupe I:

la maladie de Biermer avec anémie (à cellules dites mégalocytaires), gastrite atrophique et achylie (absence d'acide chlorhydrique et de pepsine), avec anticorps anti-cellules pariétales de l'épithélium gastrique, et anti-facteur intrinsèque, lequel est nécessaire à la fixation et au transport de la vitamine B12 (qui est un agent de la fabrication des globules rouges ou érythropoièse);

le syndrome de Goodpasture comportant une atteinte rénale (glomerulo-néphrite) et des hémoptysies avec des anticorps dirigés contre les membranes basales du glomérule rénal et du poumon;

la rectocolite ulcéro-hémorragique (maladie de Crohn) qui évolue par poussées douloureuses, diarrhéiques, fébriles avec hémorragies, où l'on trouve des auto-anticorps ainsi que des lymphocytes T cytotoxiques vis-à-vis des cellules du colon;

le pemphigus bulleux de la peau et de la bouche, grave, avec clivage de la peau et présence d'anticorps attaquant les liaisons (desmosomes) entre les cellules épithéliales fermant le corps muqueux de Malpighi, ainsi que la dermatite pemphigoïde à grosses bulles avec anticorps anti-membrane basale des cellules épidermiques.

l'orchite azoospermique observée après vasectomie, avec auto-anticorps anti-spermatozoïdes.

Les M.A.I. du type II

Dans ce cadre le lupus érythémateux disséminé est le plus représentatif. Il frappe surtout des femmes jeunes, atteint de nombreux organes, évolue par poussées. Il s'accompagne d'une éruption en ailes de papillons autour du nez, de fièvre variable, de polyarthrites, de glomérulonéphrite et d'autres signes. Il comporte des anticorps anti-noyaux cellulaires (anti-ARN, anti-ARN polymérase, anti-ribonucléoprotéines et plus spécifiquement d'anticorps anti-ADN natif), donnant lieu à des cellules typiques (dites de Hargraves) dans le sang. Il comporte aussi de nombreux autres auto-anticorps dirigés en particulier contre des éléments cellulaires ou moléculaires du sang, ainsi que des complexes immuns (entre autres anti-ADN fixé sur ADN) se déposant sur les membranes basales des glomérules rénaux. Protéinurie et parfois hématurie en résultent.

La polyarthrite rhumatoïde avec ses poussées inflammatoires et fébriles de gonflement articulaire des petites articulations distales s'accompagne d'auto-anticorps (immunoglobuline M) anti-région Fc des immunoglobulines G. La présence de ce facteur rhumatoïde entraîne la formation de complexes immuns qui se déposent dans les synoviales des articulations et y attirent des cellules sanguines qui attaquent le collagène et le cartilage. D'autres auto-anticorps (de même type que dans le lupus érythémateux) peuvent y être décelés ainsi que des lymphocytes T auto-sensibilisés.

la dermatomyosite la peau découverte est liliacée, œdémateuse, les muscles sont œdémateux, douloureux, peu fonctionnels, évoluant vers la sclérose; l'état est fébrile. On trouve souvent des auto-anticorps anti-nucléaires, des facteurs rhumatoïdes.

la sclérodermie généralisée on trouve aussi des anticorps anti-collagène, anti-centromère chromosomique, anti-topoïsomérase. Elle s'accompagne d'une atteinte diffuse du tissu conjonctif et des fibres collagènes, ce qui entraîne une sclérodactylie et des arthralgies avec, par ailleurs, un syndrome vasomoteur des extrémités (syndrome de Raynaud). On retrouve ce dernier dans les connectivites mixtes, de nature proche, avec polyarthrite inflammatoire, myosite, doigts boudinés et les mêmes types d'anticorps non spécifiques d'organes. Le syndrome de Gougerot-Sjögren est à classer à part avec ses auto-anticorps systémiques de type lupique, et ses manifestations générales possibles, ainsi que ses manifestations locales parotidiennes et lacrymales (glandes infiltrées, bouche et yeux secs, anticorps anti-canaux excréteurs).

Troisième groupe de M.A.I. Un troisième groupe, intermédiaire entre les types I et II, est à retenir: il concerne essentiellement des M.A.I. sanguines et hépatiques. Parmi les premières: les anémies hémolytiques auto-immunitaires les plus fréquentes à anticorps IgG "chauds" et opsonisants, anti-Rh, les autres à anticorps IgM "froids" anti-antigène I de surface; les purpuras thrombopéniques (par manque de plaquettes) idiopathiques avec auto-anticorps IgG opsonisants anti-plaquettes et les neutropénies auto-immunitaires par anticorps anti-granulocytes neutrophiles (différents des auto-anticorps anti-cytoplasmiques de ces mêmes granulocytes) qui s'accompagnent de vascularites granulomateuses et souvent nécrosantes. Parmi les secondes, la cirrhose biliaire primitive avec ictère et atteinte inflammatoire des ductules biliaires (donc bien spécifique d'un organe) mais parfois syndromes de Raynaud et/ou sclérodermie et auto-anticorps anti-mitochondries qui sont aussi bien actifs in vitro au niveau du rein; le même type d'auto-anticorps est trouvé dans l'hépatite chronique active non virale avec signes d'insuffisance hépatocellulaire, parfois fièvre et purpura ou anémie hémolytique auto-immunitaire et évolution vers la cirrhose. Enfin, plusieurs M.A.I. peuvent toucher un même malade. Elles s'associent préférentiellement - mais pas uniquement - entre M.A.I. d'un même groupe (atteintes polyendocriniennes par exemple).

2. Perspectives thérapeutiques Les traitements utilisés, expérimentés ou envisagés sont de divers ordres. Les traitements symptomatiques, les premiers utilisés sont encore les principaux. Essentiellement substitutifs dans les M.A.I. spécifiques d'organe: insuline dans le diabète, thyroxine dans le myxœdème, vitamine B12 dans la maladie de Biermer, etc. et anti-inflammatoires dans les M.A.I. systémiques: stéroïdiens (corticoïdes) et non stéroïdiens comme dans le lupus érythémateux disséminé, la polyarthrite rhumatoïde et autres connectivites. Les traitements immunosuppresseurs (cyclophosphamide, cyclosporine et macrolides proches, touchant surtout les lymphocytes T) ont été utilisés avec quelque succès, mais les dangers d'une immunosuppression globale les ont fait abandonner sauf urgence ou nécessité exceptionnelle. Les traitements "intermédiaires" visent à interrompre la chaîne des événements pathologiques à un niveau donné (en règle efférent): blocage des molécules d'adhérence par des anticorps monoclonaux (anti-LFA1, anti-ICAM1). La plasmaphérèse avec épuration extra-corporelle des complexes immuns pathogènes a pu donner des résultats satisfaisants. Les traitements visant à inhiber une sous-population cellulaire du système immunitaire expérimentés sur l'animal sont parfois utilisés chez l'homme. Il s'agit surtout d'anticorps monoclonaux dirigés contre des récepteurs ou corécepteurs des lymphocytes T (anti-CD3, anti-CD4) contre le récepteur de la lymphokine IL2 ou essai de blocage, au moyen d'anticorps spécifiques ou de peptides adaptés, du "présentoir" à peptides antigéniques qu'est le complexe majeur d'histocompatibilité. Les tentatives d'intervention sur les "réseaux" dérégulés dans le but de les normaliser: réseau des cytokines avec l'antagonisme transrégulateur TH1/TH2, difficile à manipuler (l'interféron g par voie générale diminue l'uvéo-rétinite auto-immunitaire, l'interféron b est favorable dans la sclérose en plaques). Les tentatives d'action spécifique directe sur le réseau idiotypique sont rares, y compris l'immunisation contre les récepteurs de lymphocytes T spécifiques (anti-clonotype). Par contre, on utilise couramment l'injection intraveineuse d'immunoglobulines humaines extraites du sérum de plusieurs sujets sains; les bons résultats parfois (souvent?) observés sont rapportés à une normalisation du réseau par l'apport d'anti-idiotypes manquants. Les interventions à visée spécifique, dans le but d'engendrer une tolérance immunitaire ad hoc. Ce serait bien l'idéal si l'on connaissait avec précision les antigènes causals et si l'on savait induire, avec certitude, une réaction facilitante tolérogène (ce qui est incertain). On essaie cependant de le faire, souvent avec succès en expérimentation, sur les M.A.I. spécifiques d'organe: immunodéviation par administration des auto-antigènes causals à dose et par voies appropriées, en particulier orale. En définitive, la réaction auto-immunitaire (R.A.I.) est une réaction physiologique contrôlée par une intrication de réseaux équilibrés où prédomine une réaction de facilitation envers les auto-antigènes. Une perturbation de cet équilibre imputable à l'antigène ou au système immunitaire peut conduire à l'apparition de maladies auto-immunitaires spécifiques d'organes ou systémiques, humaines ou animales, observées ou provoquées. Leur analyse montre qu'il s'agit de maladies polygéniques par leurs facteurs favorisants, polyantigéniques par leurs cibles immunologiques, polypathogéniques par leurs mécanismes de perturbations fonctionnelles et lésionnelles. Cette analyse est riche d'enseignements pour l'immunologie fondamentale et pour l'immunopathologie; elle est riche d'espoirs pour la thérapeutique de demain et déjà d'aujourd'hui.

 Dr A sa

 Medecine

Copyright (c) 2000 medsanté. Tous droits réservés.