CONSTRUCTION DE MODÈLES EN FIL DE FER

 

François APÉRY
F.Apery@univ-mulhouse.fr

 

 

1  Introduction

Il est une longue tradition de constructions de modèles en mathématiques. Sans remonter à Archimède, on peut évoquer le célèbre catalogue de Martin Schilling qui recense et décrit près de quatre cent modèles en 1911, dont certains survivent derrière les vitrines de quelques laboratoires de mathématiques. On en a un aperçu dans le très beau livre publié sous la direction Gerd Fischer ([6]).

La plupart des modèles sont des surfaces pour des raisons évidentes. Les surfaces réglées sont réalisées sur un bâti traversé de fils à coudre qui matérialisent les droites génératrices. En utilisant un bâti déformable on peut d'ailleurs décrire une homotopie de surfaces réglées, par exemple la déformation d'un cône en un hyperboloïde à une nappe. L'un des attraits de ces modèles, tient à ce que la surface, contrairement aux modèles solides en plâtre ou en bois, ou même aux modèles grillagés, n'est pas réalisée matériellement. Elle n'apparaît que par son contour apparent qui semble flotter dans l'espace un peu comme une caustique obtenue par réflexion de la lumière.

C'est cette qualité que l'on veut étendre à des surfaces engendrées par d'autres familles de courbes, et pour commencer par des coniques, en utilisant les propriétés mécaniques du fil de fer. Notamment celles du fil d'acier du type corde à piano. Un tel acier est utilisé en orthodontie sous le nom de jonc. Son élasticité se traduit par le fait qu'il ne garde pas la trace des déformations qu'il subit pourvu qu'elles ne soient pas trop importantes. Un fil de longueur donné soumis à des contraintes prend une position d'équilibre qui matérialise une courbe.

Si on impose par exemple aux extrémités de se toucher en un point donné suivant un angle plat, ce qui représente quatre contraintes, la position d'équilibre est un cercle. Si maintenant on impose en outre au fil de passer par un second point du plan du cercle, ce qui fixe une cinquième contrainte, le fil prend comme position d'équilibre une courbe plane convexe peu différente d'une ellipse. D'où l'idée de construire une surface engendrée par des ellipses à l'aide d'un bâti sur lequel sont montés des fils d'acier astreints à satisfaire au moins cinq conditions.

La surface représentée de cette façon donne comme les surfaces réglées l'impression de n'exister que virtuellement par le biais de ses contours apparents, de plus le réseau de coniques, comme auparavant le réseau de droites, fournit une première indication sur une manière de paramétrer la surface. En effet, il s'agit plus de la représentation d'une surface paramétrée que d'une surface géométrique. De sorte que si le modèle a un bâti déformable on modélisera une homotopie plus qu'une déformation d'objets topologiques.

Le premier modèle que j'ai construit selon ce principe (fig. 1 ) est la surface de Boy du sixième degré engendrée par des ellipses passant par un point fixe [1]. Ce modèle est exposé au département de mathématiques de l'université de Cagliari en Italie. Je voudrais présenter ici deux autres modèles. Le premier, le modèle central fermé du retournement de la sphère, est une surface algébrique réelle du huitième degré engendrée par une famille d'ellipses passant par un point fixe. Le second est un modèle déformable représentant l'homotopie appelée gastrulation.

Avant de décrire ces modèles il m'a paru utile de présenter le cadre mathématique dans lequel peut s'étudier la position d'équilibre d'un fil élastique inextensible. Il s'agit d'un problème ressortissant au calcul des variations. Problème au demeurant élémentaire dont la théorie est faite notamment dans [5].

L'élasticité du fil d'acier se mesure par un module d'autant plus grand que le fil reprend vite sa forme initiale après disparition des contraintes. Depuis Daniel Bernoulli, on définit l'énergie potentielle d'un fil élastique de longueur fixée comme le produit du module d'élasticité par la moyenne du carré de sa courbure (ou de l'écart entre sa courbure sous contrainte et sa courbure au repos dans le cas où le fil n'est pas rectiligne d'origine comme cela arrive lorsqu'il est fourni en bobine). Plus le fil est tordu ou courbé, plus sa courbure est grande, et plus grande est son énergie potentielle. D'après le principe général de moindre action de Hamilton, le fil tend à minimiser son énergie potentielle. C'est la mise en équation de ce principe due à Euler, que nous allons d'abord détailler.

2.  Le problème variationnel

2.1  L'espace fonctionnel

On représente un fil flexible inextensible par un chemin tracé dans ú3. On considère donc l'espace vectoriel réel E2 des chemins de classe C2 tracés dans l'espace euclidien ú3, d'origine O, muni de la norme :

|| x|| =


sup
I 

|| x(t) || +


sup
I 

||x¢(t) || +


sup
I 

|| x¢¢(t) || .

C'est un espace de Banach sur lequel la fonctionnelle de longueur :

l( x) =

1
ó
õ
0 

|| x¢(t)|| dt

est continue. Il en est de même de la fonctionnelle :

 

m(x) =

1
ó
õ
0 

x¢¢(t) 2dt

où l'exposant 2 désigne un carré scalaire. On note F la partie fermée de E2 constituée des chemins de longueur 1 paramétrés par longueur d'arc. D'après le théorème d'Ascoli F est compact pour la topologie de la convergence uniforme mais pas pour celle de E2. On s'intéresse aux extrémales de m en restriction à F.

2.2  L'énergie potentielle d'un fil flexible inextensible

La courbure d'un chemin x de E2 est donnée par la formule :

k = || x¢Ùx¢¢|| ·||x¢|| -3,

de sorte que sur F, son carré vaut :

k2 = x¢¢2.

La fonctionnelle m a donc aussi sur F, l'expression :

m(x) =

1
ó
õ
0 

k( s) 2ds.

C'est sous cette forme qu'Euler définit l'énergie potentielle d'un fil flexible inextensible matérialisé par x.

2.3  L'énergie du chemin dérivé

Il est commode de regarder la dérivée x¢ comme un chemin tracé dans ú3, c'est-à-dire un élément de l'espace de Banach E1 des chemins de classe C1 (plus nécessairement d'origine O) muni de la norme :

|| x|| =


sup
I 

|| x(t) || +


sup
I 

||x¢(t) || .

La condition d'appartenance à F revient à tracer le chemin dérivé (qui n'est plus nécessairement de longueur 1) sur la sphère unité de ú3. La fonctionnelle à minimiser sur la sphère s'écrit :

n(x) =

1
ó
õ
0 

x¢( s) 2ds.

C'est l'énergie du chemin sur la sphère unité. La fonctionnelle m s'interprète comme l'énergie du chemin dérivé. Une extrémale de m sur F est alors une extrémale de n sur la sphère unité (plus nécessairement de longueur 1), autrement dit une géodésique de la sphère, c'est-à-dire un arc de grand cercle, parcourue à vitesse constante. En particulier x¢ reste dans un plan fixe passant par l'origine. Il existe un vecteur constant u tel que u·x¢ = 0. Le produit scalaire u·x est donc constant, ce qui prouve que x est tracé dans un plan orthogonal à u mais ne passant par l'origine qu'à cause de la condition initiale x0 = O. Par intégration on trouve que x est un arc de cercle éventuellement dégénéré en un segment de droite. On peut chercher les extrémales de m sur l'espace des chemins y de F astreints à vérifier certaines conditions supplémentaires.

2.4  Calcul de la dérivée de n

Il peut être utile de voir que n est de classe C1 et d'obtenir du même coup sa dérivée. On définit  y : E×I ® ú par y(x,t) = j(x¢(t) ) , où j(v) = v2, de sorte que

n( x) =

1
ó
õ
0 

y(x,t) dt.

Pour démontrer la dérivabilité de n sur E1, on utilise le théorème de dérivation sous le signe somme. L'application y se décompose sous la forme y = j oFF : E×I ® ú3 est donnée par F(x,t) = x¢(t) . L'application F est linéaire et continue par rapport à x, elle est donc dérivable par rapport à x et sa dérivée partielle est continue et s'écrit :

xF(x,t) ·y = F( y,t) = y¢( t) .

D'autre part j est de classe C1 et sa dérivée vaut :

Dj(v) ·w = 2v·w,

si bien que y est dérivable par rapport à x et que sa dérivée partielle est continue et vaut, d'après le théorème des fonctions composées,

xy(x,t) ·y = ( Dj( F(x,t) ) o xF(x,t) ) ·y = 2x¢(t) ·y¢(t) .

Finalement n est de classe C1 et sa dérivée vaut :

Dn(x) ·y = 2

1
ó
õ
0 

x¢(t)·y¢(t) dt.

2.5  Contrainte des demi-tangentes aux extrémités

Fixer les demi-tangentes aux extrémités de l'extrémale de m revient à fixer les extrémités de l'extrémale de n sur la sphère unité. On prend pour origine y0 = (1,0) et pour extrémité y1 = (expiq1,0) , où 0# q1 < 2p et ú3 est identifié à ÷×ú. Une extrémale de m est donnée par l'arc de cercle horizontal centré en i/q1 d'origine O, d'extrémité i(1-expiq1)/q1 et orienté positivement. Il y aussi l'arc de cercle horizontal centré en i/(q1-2p) d'origine O, d'extrémité i(1-expiq1) /(q1-2p) et orienté négativement. Il y a en fait une infinité de solutions données par les arcs de cercles faisant éventuellement plusieurs tours sur eux-mêmes centrés en i/(q1+2kp) d'origine O, d'extrémité i(1-expiq1) /(q1+2kp) et orientés suivant le signe de k.

2.6  Contrainte isopérimétrique

On impose des conditions sur les extrémités et des demi-tangentes aux extrémités. Cela revient à chercher les extrémales de n sur l'espace des chemins y d'origine y0 = (1,0) , d'extrémité y1 =  expiq1,0) , tracés sur la sphère unité et astreints à vérifier

x( y) = x1,

(1)

x(y) =

1
ó
õ
0 

y(s) ds.

Il s'agit d'une contrainte dite isopérimétrique. Dès lors qu'on impose des contraintes, il y a moins de chemins les satisfaisant et les extrémales ne sont plus nécessairement des géodésiques de la sphère. Toutefois si une géodésique de la sphère satisfait ces conditions, c'est une des extrémales cherchées. Les applications

Y |®  y(0) , y|® y(1) et y|®

1
ó
õ
0 

y(t) dt

sont linéaires et continues sur E1, si bien que les équations y( 0) = y0, y( 1) = y1 et (1) définissent un sous-espace affine fermé A1 de E1. On cherche donc les extrémales de n sur la partie fermée G = SÇA1, où S Í E1 désigne l'ensemble des chemins tracés sur la sphère unité. Si G est non vide, on peut choisir une origine [y] sur G qui fasse apparaître l'espace de Banach sous-jacent à A1, à savoir le sous-espace vectoriel E1,0 de E1 d'équations


y( 0) = 0, y( 1) = 0 et

1
ó
õ
0 

y( t) dt = 0.

(2)

La fonctionnelle n en restriction à A1 est de classe C1 puisqu'elle l'est sur E1 (voir &2.4).

2.7  Équation d'Euler-Lagrange

La contrainte isopérimétrique (1) introduit le multiplicateur de Lagrange 2L (le facteur 2 permettra ultérieurement une simplification) dans l'équation d'Euler-Lagrange. On écrit :

n(y) =

1
ó
õ
0 

N(s,y,y¢) ds et x(y) =

1
ó
õ
0 

M(s,y,y¢) ds,

avec

N(s,u,v) = v2 et M(s,u,v) = u.

La dérivée variationnelle de N+2L M vaut (en supposant y de classe C3)

[ N+2L M] y =


u

( N+2LM) (s,y,y¢) -

d


ds

 


v

( N+2L M) (s,y,y¢) = -2y¢¢+2L .

Le lemme fondamental du calcul des variations dit qu'une extrémale de n sur G est donnée par un chemin y Î G tel que

[ N+2L M] y·z = 0 "z Î E1,0ÇTy,

(3)

où Ty désigne l'espace vectoriel des chemins z de ú3 tels que, pour tout s, le vecteur z(s) soit tangent à la sphère unité en y(s) , autrement dit

y·z = 0.

On a donc

y·z = 0 Þ ( -y¢¢ + L) ·z = 0,

ce qui donne l'équation d'Euler-Lagrange

yÙy¢¢ = yÙL ,

ou encore

x¢Ùx¢¢¢ = x¢ÙL .

(4)

Cette dernière équation s'intègre, compte tenu de la condition initiale xs0, xs0¢, xs0¢¢ à l'instant s0 non nécessairement nul, en

x¢Ùx¢¢ = ( x-xs0) Ù L+xs0¢ Ù xs0¢¢.

On en déduit la constance du produit mixte

[ x¢,  x¢¢,  L ] = [xs0¢, xs0¢¢, L] ,

donc, grâce à ( 4) :

[ x¢, x¢¢, x¢¢¢] = [ xs0¢, xs0¢¢, xs0¢¢¢] .

Ceci prouve que le chemin est plan dès lors que la torsion est nulle en un point. Le chemin x ne peut être plan qu'à la condition nécessaire mais non suffisante que les vecteurs x1- x0, x0¢, x1¢ soient dépendants.

2.8  L'exemple de l'hélice circulaire

On considère la spire d'hélice circulaire

x =

1


2Ö2p

( e2ips,2ps) .

On a bien x¢2 = 1. De plus x0¢ = x1¢, donc

[ x1-x0, x0¢, x1¢] = 0.

Par ailleurs :

[ x¢, x¢¢, x¢¢¢] = 2p3Ö2

ê
ê
ê
ê
ê

 

-sin2ps

-cos2ps

sin2ps

cos2ps

-sin2ps

-cos2ps

1

0

0

ê
ê
ê
ê
ê

= 2p3Ö2.

 

 

On a

m(x) =

1
ó
õ
0 

x¢¢(s)2ds = 2p2.

La spire x est bien une extrémale du problème isopérimétrique considéré. En effet on a

x¢Ùx¢¢¢ = x¢Ù L ,

avec L = ( 0 ,0, 2p2Ö2) . Le chemin correspondant y sur la sphère unité est un cercle de rayon 1/Ö2, ce n'est donc pas un arc de grand cercle. Toutefois x n'est pas un minimum de m car il y a des courbes planes donnant une valeur inférieure. Il y a notamment l'une des courbes élastiques d'Euler (voir la figure (2) et la figure (4) dont est extraite la courbe élastique plane) satisfaisant les conditions initiales.

FIGURE 2 : La spire horizontale d’hélice circulaire et la courbe verticale élastique d’Euler satisfaisant les mêmes conditions initiales. La flèche indique la décroissance de l’énergie potentielle.

3  Cas des courbes planes

3.1  Réduction de l'équation d'Euler-Lagrange

Par une rotation du repère du plan on peut se ramener au cas où L = l2 Î ú3+* Í ÷, le plan étant identifié à ÷. On retrouvera toutes les solutions par rotation autour de l'origine. Si on veut par exemple prolonger une solution de part et d'autre de l'origine, il suffit de la recoller avec celle dont la demi-tangente vaut -x0¢. On a exclu le cas L = 0 déjà traité puisqu'il correspond à l'absence de contrainte isopérimétrique. On utilise comme paramètre intermédiaire l'angle a entre la dérivée x¢ et l'axe réel horizontal, de sorte que

x¢ = eia( s) .

(5)

On note a( 0) = a0. L'équation d'Euler-Lagrange ( 4) prend la forme de l'équation du pendule circulaire

a¢¢+l2sina = 0,

dont on sait qu'elle s'intègre par des intégrales elliptiques. Il y a les solutions triviales a º 0 ( p) qui donnent des segments de droite. Après multiplication par a¢, l'équation s'intègre en

 

a¢2


2

-l2cosa = l2(2m-1) ,

ou encore

a¢2 = 4l2

æ
ç
è

m -sin2

a


2

ö
÷
ø

,

avec m > 0, le cas m = 0 ne donnant que des segments de droites. Il est commode de poser b = a/2, de sorte que

x¢(s) = e2ib

et que l'équation précédente s'écrive

b¢2 = l2(m-sin2b) .

3.2  Cas m = 1:

FIGURE 3 : Courbe élastique, m = 1

(6)

L'équation différentielle s'écrit :

b¢ = lcosb,

et s'intègre en

tg

æ
ç
è

 

b


2

+

p


4

ö
÷
ø

= nels.

On fait le changement de paramètre

x(s) = X(t) avec t = nels.

On a

x¢(s) = ltX¢(t) ,

de sorte que la relation ( 5) s'écrit :

lX¢(t) =

1


t

eia( s) =

-t4+6t2-1


t( 1+t2) 2

+4i

t2-1


(1+t2) 2

.

On en déduit, avec la condition initiale X( n) = 0,

lX( t) = -Log

t


n

-

4(1+it)


1+t2

+

4( 1+in)


1+n2

.

Ramené au paramètre s, on a (fig.)


x( s)

=

-s-

4( 1+inels)


l( 1+n2e2ls)

+

4( 1+in)


l( 1+n2)

 

(7)

 

=

-s-

4( 1+inels)


l( 1+n2e2ls)

+

2


l

 

æ
ç
è

1+iexpi

a0


2

ö
÷
ø

,

 

avec les conditions initiales x0 = 0 et

 

ì
í
î

 

tg [(a0+p)/4] = n

tg [(a1+p)4] = nel

.

3.3  Cas m > 1:

FIGURE 4 : Courbe élastique, m = 2

On pose m = 1/k2. L'équation ( 6) s'écrit

b¢ =

l


k

 


Ö
 


1-k2sin2b
 

.

L'abscisse curviligne est donnée en fonction de b par l'intégrale elliptique de Legendre de première espèce de module k

s( b) =

k


l

F( b) -s0,

F( b) =

 b
ó
õ
0 

 

       dg


 


Ö


1-k2sin2g

   et  s0 =

k


l

F( b0) ,

en posant b0 = a0/2. En effet, l'origine des abscisses curvilignes est prise à l'instant 0, de sorte que s(b0) = 0, valeur à priori différente de s0. Cette fonction, comme les suivantes, dépend du module k bien qu'on ne le fasse pas apparaître pour alléger la notation. Elle est continue et strictement croissante. Elle s'inverse avec la fonction amplitude

b = amF( b)

Ceci donne l'expression de b à l'aide des fonctions elliptiques de Jacobi cn = cos am et sn = sin am:

 

ì
í
î

 

cos( b) = cn (l/k) ( s+s0)

sin( b) = sn (l/k) ( s+s0)

.

On en déduit :

x¢(s) = cn2

l


k

(s+s0) - sn2

l


k

(s+s0) + 2isn

l


k

(s+s0) cn

l


k

(s+s0) .

En utilisant la fonction dn de Jacobi (la dérivée de l'amplitude) qui vérifie

dn2 = 1-k2 sn2,

on peut intégrer la partie imaginaire de l'expression précédente :

Imx(s)

=

 

2


lk

 

æ
ç
è

dn

æ
ç
è

l


k

s0

ö
÷
ø

-  dn

æ
ç
è

 

l


k

(s+s0)

ö
÷
ø

ö
÷
ø

 

 

=

 

2


lk

 

æ
ç
è

 


Ö
 


1-k2sin2b0
 

-  dn

æ
ç
è

l


k

( s+s0)

ö
÷
ø

ö
÷
ø

.

Pour la partie réelle on utilise l'intégrale elliptique de Legendre de deuxième espèce de module k

E( u) =

u
ó
õ
0 

dn2tdt,

de sorte que

Re x(s) = s

æ
ç
è

1-

2


k2

ö
÷
ø

+

2


lk

 

æ
ç
è

E

æ
ç
è

 

l


k

( s+s0)

ö
÷
ø

-E

æ
ç
è

 

l


k

s0

ö
÷
ø

ö
÷
ø

.

Finalementt


 

 


                                 x(s)

s

æ
ç
è

1-

2


k2

ö
÷
ø

(8)

 

 

+

2


lk

 

æ
ç
è

E

ê

l


k

(s+s0)

ö
÷
ø

- E

æ
ç
è

l


k

s0

ö
÷
ø

-i dn

æ
ç
è

 

l


k

( s+s0)

ö
÷
ø

+  i dn

æ
ç
è

l


k

s0

ö
÷
ø

ö
÷
ø

 

.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3.4  Cas 0 < m < 1:


FIGURE  5 : Courbes élastiques pour m = 0, 994 ; 0, 98 ;   0, 908 ; 0, 5 ; 0, 25

On pose m = sin2b1 avec 0 < b1 < p/2. L'équation (6) implique b Î [-b1,b1] modulo p, on peut supposer notamment que b0 Î [ -b1,b1] . Elle s'écrit

b¢ =

l


k

 


Ö
 


1-k2sin2b

,

avec

k = sin-1b1.

Comme précédemment l'abscisse curviligne est donnée en fonction de b par l'intégrale elliptique de Legendre de première espèce

s(b) =

k


l

F(b,k) -s0,

mais cette fois-ci le module k est strictement supérieur à 1, et b Î [ -b1,b1] . De plus, nous avons fait figurer le module k dans la notation de F car nous aurons besoin de le modifier. On a toujours

 

ì
ï
í
ï
î

 

s0 =  k/l F(b0,k)

dn( l/k  s0) =


Ö
 


1-k2sin2b0
 

 

 

 

L'intégrale F converge quand b prend pour valeur -b1 ou b1. La fonction F est impaire continue et strictement croissante sur [ -b1,b1] . Elle admet pour inverse l'amplitude :

am:[ -F(b1,k) ,F(b1,k)] ® [ -b1,b1] .

La fonction x(s) est toujours donnée par la formule ( 8) , mais s doit rester dans l'intervalle

 

é
ê
ë

-

k


l

F(b1,k) -s0,

k


l

F(b1,k) -s0

ù
ú
û

.

On peut noter que

dn

æ
ç
è

 

l


k

( s( b1) +s0)

ö
÷
ø

= dn F(b1,k) =


Ö
 


1-k2sin2b1
 

= 0,

de sorte que

Im x(s( b1) ) =

2


lk

 


Ö
 


1-k2sin2b0
 

.

(9)

Cas m =  1/2:

On peut observer que dans ce cas qui n'est qu'un cas particulier du précédent, le terme linéaire disparaît dans la formule (8) :

x(s) =

Ö2


l

 

æ
ç
è

E

æ
ç
è

 

l


Ö2

(s+s0)

ö
÷
ø

-E

æ
ç
è

 

l


Ö2

s0

ö
÷
ø

-i dn

æ
ç
è

 

l


Ö2

( s+s0)

ö
÷
ø

+i


Ö
 


cosa0
 

ö
÷
ø

.

L'équation (6) prend la forme suivante

a¢ = 2


Ö
 


cosa
 

, avec a Î

é
ê
ë

-

p


2

,

p


2

ù
ú
û

,

qui rappelle celle de la lemniscate de Bernoulli

a¢ = 3

úæ
Ö


cos

2


3

 

æ
ç
è

a-

p


2

ö
÷
ø

 

.

3.5  Récapitulation

L'équation différentielle (6) qui caractérise les extrémales du problème isopéri-métrique donne, à L fixé, une condition locale. On peut donc obtenir des extrémales en recollant certaines des solutions précédentes correspondant à une même valeur de L ou de l. Les courbes élastiques trouvées doivent être de longueur 1. Par ailleurs, on avait supposé L Î ú3+*, modulo une rotation du repère du plan. On a donc la possibilité de faire tourner les courbes précédentes pour obtenir d'autres extrémales. Par construction elles ont pour origine O. La demi-tangente à l'origine x0¢ donne a0. Les deux dernières conditions initiales x1 et x1¢ (c'est-à-dire trois conditions, deux pour x1 et une pour x1¢ à savoir a1) déterminent l et m et la rotation à appliquer autour de l'origine.

On peut par exemple, dans le cas m = 1, déterminer la boucle élastique de longueur 1 (fig. 3 ). La condition x1 = 0 reportée dans (7) conduit à la valeur l = l0 et n = e-l0/2, où l0 = 3,83¼ est l'unique solution strictement positive de l'équation :

l = 4 th

l


2

.

L'angle au sommet de la boucle vaut

q = p-8 Arctg e-l0/2 @ 113°.

Si donc on impose à un fil de fer flexible et inextensible de prendre la forme d'une boucle avec un angle au sommet d'environ 113°, il prendra la forme de la figure . En revanche, si on impose un angle au sommet différent alors on trouvera une boucle correspondant à une valeur de m différente de 1. Si cet angle vaut 180° on obtient une courbe convexe qui approche suffisamment l'ellipse pour rendre réaliste des modèles en fil de fer de surfaces engendrées par des coniques.

FIGURE 6 : Boucle élastique

4  Modèles en fil de fer

4.1  Le modèle central fermé

4.1.1  Équations

Il s'agit d'une surface qui advient à l'étape centrale d'un retournement de la sphère symétrique dans le temps. On parle de modèle central pour désigner une telle surface. La construction géométrique d'un tel retournement et donc de son modèle central est due à Bernard Morin ([7]). On peut définir une notion de transition générique entre deux immersions de telle sorte que l'on puisse coder un retournement de la sphère par la suite de ses transitions génériques (voir [2]). On peut alors distinguer plusieurs sortes de modèles centraux, suivant le nombre de transitions génériques qui apparaissent simultanément à l'instant 0, à mi-chemin du retournement. Le modèle central dit ouvert rassemble deux transitions génériques, un point quadruple et une transition appelée D0 qui opère une chirurgie sur la courbe double.

Pour construire algébriquement la surface correspondant au modèle central, il y a intérêt à examiner le cas où le maximum de transitions génériques y sont concentrées. En effet une telle transition crée une dégénérescence algébrique, et plus il y en aura plus l'équation de la surface sera simple à obtenir. D'où la notion de modèle central fermé qui concentre cinq transitions génériques: un point quadruple et cinq D0. On peut alors définir le modèle central fermé comme une surface algébrique réelle du huitième degré, c'est-à-dire l'ensemble des zéros réels du polynôme du huitième degré

P( X,Y,Z) = -72ADE2-18DEG(C+E)+3BG2(3B-4D)+4G4,

 

ì
í
î

 

A = Z(1-Z), B = 2(X2+Y2), C = 2(Y2-X2),

D = 2Z2, E = 4XY, G = 3(X2+Y2+Z2)-4Z.

 

Par construction, cette surface est engendrée par une famille à un paramètre de coniques qui passent toutes par l'origine et qui sont les images des méridiens de la sphère par la paramétrisation

f( J,h) =

cosh


1-sinhcosh(sin2J-cos2J)

 

ê
ê
ê
ê
ê
ê
ê
ê

 

 

1


Ö3

(cosh+2sinh) cosJ

 

1


Ö3

(cosh-2sinh) sinJ

cosh

,

J et h désignent respectivement la longitude et la latitude de la sphère. Elle rentre tout à fait dans notre cadre.

4.1.2  Description du modèle en fil d'acier

Chaque méridien de la surface (autrement dit l'image d'un méridien de la sphère par f) est une ellipse tangente au plan horizontal à l'origine. Pour déterminer une ellipse il suffit de cinq conditions linéaires indépendantes. Deux conditions sont données par le passage par l'origine et la tangente en ce point. On fixe deux autres conditions en imposant les points d'intersection avec le plan horizontal de cote 1. La courbe de niveau correspondante est décomposée en un cercle et une astroïde allongée, autrement dit une courbe du second degré et une courbe de degré six, ce qui fait bien huit au total (fig. 7 ). La dernière condition (qui elle n'est pas linéaire) est donnée par la longueur de l'ellipse, puisque que l'on veut la réaliser en fil de fer inextensible.

Le fil choisi pour ses qualités d'élasticité est un acier inoxydable au nickel-chrome de section de 0,9mm de diamètre et de grande résistance à la traction (environ 2000 MPa). Le fil est naturellement courbé à l'origine si bien qu'il prend, en l'absence de contraintes, la forme d'un demi-cercle. Le bâti sur lequel vont se fixer les fils de fer est constitué de deux parties: un moyeu de laiton placé à l'origine où convergent tous les méridiens, et une plaque de laiton ayant la forme d'un voisinage tubulaire de la courbe de niveau de la surface à la cote 1. Le moyeu comme la plaque sont percés de 116 trous devant recevoir les 58 méridiens du modèle.

Pour des raisons de symétrie (le modèle a une symétrie d'ordre quatre par rapport à l'axe vertical), le nombre de méridiens devrait être un multiple de quatre, par exemple 60 . Mais il y a deux méridiens doubles, ce qui explique les 58×2 = 116 orifices. On a d'ailleurs utilisé du fil de section un peu supérieure (1mm de diamètre) pour réaliser ces deux méridiens doubles qui sont des cercles.

FIGURE 7 : La courbe de niveau du modèle central fermé à la cote 1

Dans le premier modèle réalisé sous ma direction par Gregorio Franzoni à l'Université de Cagliari en 1998 ([4]), les méridiens sont en téflon.

 

Ils sont fixés sur un plan horizontal en bois (le socle du modèle) de cote légèrement positive, et traversent le plan horizontal de cote 1 en plexiglas. Les deux plans sont maintenus en position par quatre tiges métalliques (fig. 8). Le fait que le socle soit un peu au-dessus du plan de cote 0 occulte le voisinage du pôle de la surface qui est pourtant essentiel.

De là l'idée du moyeu au pôle pour fixer tous les méridiens et avoir une meilleure image de la surface en son voisinage. De plus, en utilisant le fil de fer décrit plus haut, les tensions s'équilibrent, si bien qu'il n'est plus nécessaire de maintenir les deux plans par un système de tiges. Le socle ne sert plus à rien, quant au plan de cote 1, il est maintenu en place au cours du montage des méridiens par une tige centrale que l'on ôte à la fin.

Finalement il ne reste que le réseau de coniques rassemblées sur le moyeu polaire, et le voisinage de la courbe de niveau de cote 1 qui semble suspendu en lévitation. On retrouve les effets de contour apparent des surfaces réglées. Ce qui est remarquable, c'est que le modèle tient tout seul sans visserie ni soudure, il est entièrement démontable. C'est le jeu des tensions des fils de fer qui, d'une part, maintient chaque fil en position et en forme, et d'autre part, suspend la pièce de laiton à la cote 1 que les fils doivent traverser le long de la courbe de niveau (fig. 9 ).

Figure 9 :Vue du modèle central réalisé par F.Apéry avec la coopération du Laboratoire de Génie mécanique de l'IUT de Mulhouse, et de l'Officina della Università degli Studi di Calgari.




La gastrulation


L'oeuf d'amphoxius



 

Les choses se compliquent alors un peu, la division cellulaire ne fonctionnant plus avec la même régularité géométrique et chronologique. De plus, les blastomères s'écartent du centre pour créer un espace rempli de liquide appelé blastocèle. On arrive grosso modo à une sphère dont l'intérieur est liquide: la blastula. Commence ensuite l'opération morphologique appelée gastrulation, car elle conduit au futur estomac de l'être vivant, l'archentéron. C'est cette étape qui nous intéresse.

Contrairement à ce qu'une première idée pourrait laisser croire cet estomac ne trouve pas sa place à l'intérieur de la blastula. Ceci poserait d'ailleurs un problème pour l'orifice anal (blastopore) qui devrait être pratiqué dans la surface de la blastula et laisserait échapper tout le liquide blastocoelien. C'est pourquoi la gastrulation conduit à la formation simultanée de l'archentéron et du blastopore par une déformation géométrique sans déchirure ni création d'anses. La dénomination mathématique de ce type de déformation continue qui conserve la topologie est l'isotopie.

Le processus consiste à creuser la blastula en rapprochant du pôle animal, par un mouvement d'invagination, un point proche du pôle végétatif, à la manière d'un ballon dégonflé dont on enfoncerait la valve (fig. 10 ).

 FIGURE 10 : Gastrulation de la blastula par embolie

Sous l'effet de cette embolie, la blastula prend alors la forme d'un bol comme aurait dit La Palice. C'est le bord circulaire de ce bol qui en se contractant donne l'anus et délimite le volume de l'archentéron (l'orifice buccal quant à lui se forme ultérieurement). Toutefois si on réalise cette déformation sur un ballon dégonflé, la contraction du blastopore entraîne la contraction du volume de l'archentéron et finalement on aboutit à une chaussette de plus en plus étroite où l'estomac et l'intestin n'ont plus leur place.

Il est clair que nous avons schématisé à l'extrême le processus de gastrulation dans le but d'en extraire la partie géométrique.

4.2.2  Quasi-retournement de la sphère

Le modèle géométrique de gastrulation défini ci-dessus montre une manière d'aborder le retournement de la sphère. En effet, la gastrulation décrit un procédé pour passer de la sphère à une sphère doublement revêtue (la gastrula). Au cours de cette déformation le cercle équatorial de la sphère se contracte en un point (le blastopore), et l'un des hémisphères, disons l'hémisphère nord, passe à l'intérieur de la sphère double tandis que l'hémisphère sud reste à l'extérieur. Si bien qu'en échangeant le rôle des deux hémisphères et en faisant une dégastrulation, on obtient une sphère retournée.

Néanmoins tout n'est pas résolu, car s'il n'y a rien à dire mathématiquement sur l'étape qui va de la sphère de départ au seuil de la sphère double ainsi que sur l'étape symétrique qui démarre juste après la sphère double pour arriver à la sphère retournée, il n'en va pas de même du passage par la sphère double, où là, on n'a plus affaire à une immersion. L'application n'est plus de rang deux aux points de l'équateur. Dans ces conditions, pourquoi tout simplement ne pas se contenter d'aplatir la sphère sur un disque double, puis d'échanger les deux faces du disque et de regonfler la sphère qui est alors retournée? Dans ce cas le rang de l'application chute en tous les points du bord du disque double qui, du reste, proviennent également du cercle équatorial de la sphère initiale, donc a priori rien de plus grave qu'avec la gastrulation mais avec la simplicité en prime.

Un argument géométrique plaide pour la gastrulation. Au cours d'un retournement le plan tangent en un point doit effectuer un tour complet sur lui-même; ce phénomène ne se produit pas avec le passage par le disque double, ce qui laisse penser que, même en le perturbant, on n'obtiendra pas de retournement de la sphère acceptable. En revanche, pendant la gastrulation les plans tangents aux pôles subissent une rotation relative de p, et donc une rotation de 2p au cours du retournement complet. En réalité la gastrulation est un quasi-retournement de la sphère, autrement dit la limite d'une suite de retournements. Voilà ce qui incite à chercher un retournement de la sphère mathématiquement acceptable au voisinage de la gastrulation.

4.2.3  Description du modèle

Ceci posé nous voulons ici utiliser les propriétés du fil d'acier pour illustrer l'homotopie que nous avons appelée gastrulation. L'objet que l'on veut construire est une sphère rendue déformable par la flexibilité du fil d'acier qui matérialise ses méridiens. Le modèle est constitué de quatre types de pièces:

1.        seize méridiens en fil d'acier de section de 1mm de diamètre, identique à celui utilisé pour le modèle central.

2.        deux moyeux en laiton: chaque moyeu est un cylindre plein de diamètre 3cm traversé dans son axe vertical d'un trou de diamètre 6mm, et dont l'une des faces horizontales est fendue d'une mortaise de 4mm de profondeur et de 12mm de largeur. Par ailleurs seize rayons horizontaux régulièrement espacés sont percés au diamètre de 1,1mm, de façon à recevoir les méridiens. La face du moyeu non fendue est percée au diamètre de 1,5cm à une profondeur suffisante pour faire apparaître les seize orifices (fig. 11).

 

 

 

 

FIGURE 11 : La poignée et le moyeu du modèle de gastrulation

 

3.        une tige d'acier inoxydable de 34cm de long et 5,5mm de diamètre de section, filetée à un bout, et soudée à l'autre bout à un tenon devant s'ajuster exactement dans la mortaise d'un moyeu.

4.        une poignée de manipulation en trois pièces: un disque d'aluminium de 5cm de diamètre et de 8mm d'épaisseur, percé en son centre d'un filetage devant recevoir la tige filetée; un écrou permettant de solidariser la tige et le disque; un cylindre d'aluminium de 9cm de long et de 3cm de diamètre dont une extrémité est munie d'un tenon s'ajustant à l'un des moyeux, et l'autre est un disque identique au précédent (fig. 11). L'axe de ce cylindre est percé d'un trou de 6mm devant laisser coulisser la tige. Il est pratique de caneler les deux disques d'aluminium sur la tranche pour faciliter la prise de la main.

Pour assembler les pièces on commence par monter les méridiens sur un moyeu. Chaque fil d'acier est glissé dans l'un des orifices du moyeu jusqu'à ressortir franchement de l'autre côté. Avec un chalumeau, on fait fondre l'extrémité qui est apparue par le centre du moyeu, de façon à produire une petite boule qui empêchera le fil de repartir. Une fois les seize rayons montés sur le premier moyeu, on répète la même opération avec l'autre moyeu de telle sorte que les mortaises des deux moyeux soient du côté extérieur à la sphère formée par les seize méridiens. On glisse alors la tige à travers les deux moyeux en bloquant son tenon dans la mortaise d'un des moyeux. A l'autre extrémité, celle qui dépasse de la sphère, on enfile le cylindre d'aluminium dont le tenon vient s'adapter à la mortaise du deuxième moyeu. Puis on visse le disque d'aluminium à l'extrémité de la tige et on bloque avec l'écrou. Le modèle ainsi construit se présente comme une sphère montée sur pied.

4.2.4  Manipulation

Le modèle garde une symétrie de révolution au cours de la manipulation. Chaque méridien subit une déformation identique. La manipulation du modèle se décompose en deux mouvements: une translation du pôle sud de la sphère en fil d'acier vers son pôle nord obtenue en poussant le moyeu inférieur vers le moyeu supérieur le long de la tige au moyen de la poignée, et une rotation rendue possible par le système de tenons et mortaises qui permet d'entraîner le moyeu supérieur à l'aide du disque fixé à la tige tout en maintenant le moyeu inférieur à l'aide de la poignée. La translation tend à aplatir la sphère sur un disque en forçant les méridiens à se plier en leur milieu. L'énergie potentielle du fil et donc l'effort à fournir deviennent trop importants et on risque de franchir la limite d'élasticité au-delà de laquelle le métal prendra une déformation plastique irréversible. Mais, grâce au principe de moindre action rappelé en introduction, le fil tend à minimiser son énergie potentielle, de sorte qu'il se vrille et impose un mouvement de rotation, ainsi que l'on s'en aperçoit en libérant la poignée et en se contentant de la pousser avec un doigt. La sphère s'aplatit alors d'elle-même sur un disque, chaque méridien prenant l'allure approximative d'un demi-huit horizontal (fig 6) d'énergie assez proche de celle du fil dépourvu de contraintes. C'est là que le degré de liberté en rotation des méridiens sur les moyeux est crucial. Sans ce degré de liberté l'aplatissement est impossible.

Au cours de cet aplatissement le moyeu inférieur a tourné d'environ 90° par rapport au moyeu supérieur. On peut imposer à l'aide de la poignée une rotation supplémentaire dans le même sens pour atteindre les 180° requis. Il se produit alors un phénomène à première vue étonnant: le disque se referme brusquement en une sphère deux fois plus petite que la sphère d'origine.

4.2.5  Explication du phénomène

La rotation totale de 180° tend à donner à chaque méridien la forme d'un cercle à ceci près que les deux extrémités ne sont pas exactement alignées puisque les deux moyeux ne peuvent se confondre en un seul. La courbe est en fait l'arc d'hélice circulaire décrit au paragraphe (2.8). Chaque méridien cherche à minimiser son énergie potentielle, or, comme nous l'avons dit en (2.8), bien que l'arc d'hélice circulaire soit une extrémale, ce n'est pas un minimum de l'énergie potentielle. Le minimum de l'énergie potentielle avec les conditions initiales imposées par le modèle est un arc de la courbe plane décrite dans la figure (), de sorte que le méridien recherche une configuration plane, et celle-ci ne peut être que verticale, puisque tel est le plan des deux orifices recevant les extrémités d'un même méridien.

On peut noter à ce propos que si une courbe minimise l'énergie potentielle, sa symétrique par rapport au plan horizontal à l'origine convient aussi. Cela correspond à deux cas équiprobables dans l'expérience: le disque se referme sur la main du manipulateur, ou bien il se referme vers l'extérieur. Pour favoriser le deuxième cas, plus commode pour l'observation, il suffit, au moment où l'on impose la rotation supplémentaire, de pousser légèrement vers le haut le disque formé des méridiens aplatis.

Pour en revenir à la déformation d'un méridien, il passe d'une position quasi horizontale à une position verticale par le mouvement décrit figure (2). A partir du moment où une boucle entame son redressement, elle entraîne sa voisine dans le même mouvement et de proche en proche toutes suivent et viennent se bloquer dans la position verticale (fig . 12 ).

5. Conclusion

Nous avons tenté de montrer qu'en utilisant les propriétés mécaniques d'un matériau courant, le fil d'acier, on pouvait renouveler la conception de modèles en fil d'acier, à l'usage des mathématiques. Les quelques exemples présentés ici ouvrent la voie à bien d'autres réalisations. Les musées scientifiques pourraient s'intéresser à ce genre de réalisation, quelque soit au demeurant la répulsion que pourraient avoir leurs conservateurs plus ou moins entraînés dans la mode du virtuel et du tout interactif, à figer les mathématiques dans des sculptures protégées du contact des visiteurs. Il n'en reste pas moins qu'on peut conserver un certain espace pour des objets matériels qui laissent, au même titre qu'un objet artistique, la possibilité d'une relation plus sensitive qu'un écran digitalisé d'aussi bonne résolution soit-il.

Bibliographie

[1] F. Apéry, Models of the real projective plane, Vieweg Verlag, Wiesbaden, 1987.

 

[2] F. Apéry, An algebraic halfway model for the eversion of the sphere, Tôhoku Math. J., 44, 1992, 103-150.

 

[3] F. Apéry, L'oeuf et la sphère, Pour la Science, n°276, octobre 2000.

 

[4] F. Apéry, G. Franzoni, Il rovesciamento della sfera: un modello materiale della fase centrale, Rendiconti del Seminario della Facoltà di Scienze dell'Università di Caglari, 1999, Cagliari.

 

 [5] H. Cartan, Formes différentielles, Hermann, Paris 1967.

 

[6] G. Fischer, Mathematical Models, Vieweg Verlag, Wiesbaden, 1986.

 

[7] B. Morin, J.-P. Petit, Le retournement de la sphère, Pour la Science, n°15, janvier 1979.

 

 

Département de Mathématiques, Université de Mulhouse