Le service public
 
Remarques préalables sur un mythe fondateur

En France, le service public est un mythe car il en a toutes les caractéristiques

  • Profondeur : résonances affectives (Thème /défense du service public = décalage entre la réalité et la représentation collective : mythe…)
  • A connu de multiples glissements de signification.

S.P. et intérêt général = la particularité d’être un concept imprécis et inaccessible
En réalité :

  • S.P a un double enracinement : juridique et social.
  • Juridique : pierre angulaire du droit administratif. Sert de guide pour délimiter le champ d’application du droit administratif et de son contentieux/ au privé.

Ex : contrat administratif  / par opposition au contrat privé.

Responsabilité publique / privée.

Statut fonctionnaire / salarié = droit du travail

Marque  la frontière entre la sphère privée / publique.

Le S.P =Caution juridique du bon usage de la puissance publique sert à légitimer l’intervention de l’état.

  • Enracinement social (sociétal)

Le thème du service public => certaine conception de l’Etat, du lien social :

L’état n’est plus perçu comme une autorité distincte, régalienne mais comme un état dispensant des subventions, des services, au nom du principe de l’égalité, entre citoyen au nom de l’intégration sociale.

Les services publics sont supposés mieux garantir les intérêts du public / service privé ( secteur marchand),  le S.P donne une forte identité collective malgré les attaques / coût, lourdeur…

A.     le service public une notion complexe et flexible

notion juridiquement controversée et contestée.

Définition minimum : le service public est une activité d’intérêt général exercée ou contrôlée par une personne publique et soumise à un régime particulier.

Répond à 3 critères : fonctionnel  = I.G./ organique = exercée ,contrôlée  / matériel = régime particulier

1.      critère fonctionnel (fonctionnalité) incontournable : le service public se rattache d’abord à une activité d’intérêt général.

Le S.P n’est pas un organisme mais une activité d’administration qui se caractérise par une prestation  fourni à l’usager.

a)      la détermination de l’intérêt général relève d’une démarche pragmatique…

Comment isoler parmi toutes les activités celles qui sont à haute teneur d’intérêt général ?

  • différence essentielle viendra en ce que les actions privées seront mues par la recherche du profit, intérêt général vient après = secondaie
  • Dans le service public, primauté à la satisfaction de l’intérêt général. Cela peut être validé par le pouvoir politique ou jurisprudentiel.

b)      …qui s’explique par l’élargissement historique de cette notion

ex : début du 20° siècle : théâtre municipal n’était pas une action d’intérêt général/ alors que maintenant au Xxe théâtre municipal.

En 67 : construction et  exploitation d’un casino municipal : I.G / rayonnement touristique de la région .

C’est extrêmement tributaire des idéologies et de l’opinion publique.

De la 3° république aux années 20 : la conception dominante est le libéralisme (y compris juridique) = le moins d’état possible.

L’initiative privée est la règle = Le service public c’est l’exception.

La bonne administration est celle qui administre le moins. L’état libéral préfère réglementer les activités du secteur privé au moyen de la police administrative plutôt que de concurrencer le secteur privé. Cette conception libérale s’est toujours trouvée tempérée par le « solidarisme ».

Exemple : les lois scolaires de la 3° république :

Elles conduisent  à la mise ne place d’un système éducatif, d’une formation et d’une socialisation.

Exemple : mise en place de protection ouvrière = assurances

regardé avec méfiance par les socialistes (marxistes) et les libéraux.

Théorisation de la doctrine de la  solidarité qui entend justifier l’intervention de l’Etat en lui conférant la mission ( = en élargissant les I.G), d’intervenir directement dans les rapports sociaux pour y injecter de la solidarité.-> émergence d’un état social. = mise en place d’un système d’assurances sociales.

Au lendemain de 14-18 : évolution des besoins, nouvelle génération de service public fondé sur l’élargissement de l’intérêt général 

Le juge administratif va admettre que l’état intervienne dans des initiatives privées = quand l’initiative privée est défaillante, l’Etat prouve sa légitimité à intervenir.

Au lendemain de 39-45, nouvelle poussée : I.G dans les domaines de la culture (les MJC), dans le domaine social…

2)…exercée ou contrôlée par une personne publique…(= critère organique )

A l’origine le S.P est géré par un organisme de droit public (EPLE) :

-          la régie = exploitation directe du service par l’administration

-           le budget est intégré à la collectivité, mais le service ne dispose pas d’un budget autonome, il n’a qu’une ligne budgétaire.

-          Ex : la cantine scolaire est gérée en régie par la commune : une ligne budgétaire dans celui de la commune.

-          Souvent géré par des organismes de droit privé (associations, fondations et même certaines organisations  privées) ;qui sont sous  le contrôle de la personne morale  publique qui l’a créé.

Ex : enseignement privé sous contrat, association gérant des IME.

Concessionnaire de service public :

 une Collectivité Territoriale, appelée concédant va charger par convention une personne privée ( = concessionnaire), de faire fonctionner un service. La convention va prévoir un cahier des charges regroupant des droits et obligations. Le concessionnaire va exploiter à ses frais et à ses risques et périls, mais en bénéficiant d’un monopole / à l’ intervention et pourra se rémunérer sur l’usager. (EDF, Tunnels, autoroutes…).

= l’état concède un domaine du S.P.

La notion de service public a perdu de son unité organique et juridique. => difficulté

  • perte de l’unité organique -> service public : la gestion n’est plus uniquement réservée aux personnes publiques / des organismes privés peuvent en être chargés (sous contrôle).
  • Perte de l’unité juridique :2 types de service public : administratif (SPA) ou industriel et commercial (SPIC).
  • SPA : service public classique (université, collège, HP, CNEFEI, CHR, CHU etc. sont presque entièrement soumis au droit administratif.

    ð          Gestion publique,

    ð           personnels fonctionnaires,

    ð           règles de gestion publique,

  • ð           les usagers n’ont pas de droits acquis = doivent se conformer aux règles réglementaires (situation imposée, ex : fermeture de classe).

  • SPIC : ils agissent dans les mêmes conditions que les entreprises privées

    ð     Les contrats sous droit privé,

    ð     Statuts des  personnels = salariés de droits privés.

    ð      Usagers en situation contractuelle = et non réglementaire / = (dédommagement si le contrat n'est pas respecté).

    ð     Mais ces sociétés ont des prérogatives de droits public, déléguées , au nom de l’I.G. (pont à péage, SNCF, autoroutes parc publics de stationnement…).

3)… et soumise à un régime particulier ( = critère matériel ).

Le S.P utilise ses privilèges (prérogatives de puissance publique) pour fonctionner, car il intervient pour l’intérêt général / à la logique de marché.

Le statut de monopole est inhérent à la conception de service public (présupposé : le S.P. est le seul capable de satisfaire correctement les besoins du public). Il a une forte identité en France = s’il existe un S.P. = le privé ne fonctionne pas bien.

Confrontation au niveau européen, pas complètement tranchée.

  • La conception française du service public = la reconnaissance de la nécessité d’un monopole et des protections qui s’y rattachent
  • La conception communautaire (d’origine libérale) est plus sensible à la notion de concurrence et opposée au monopole.

L’UE préfère la notion de service d’intérêt général à la notion de S.P ; sous réserve d’une adaptation des modalités d’organisation des services publics, on peut surmonter ces antagonismes.

L’UE admet une restriction à la concurrence : ex : les service universel est admis. Il garantit partout et pour tous un service de base à un prix abordable.

Important : les modalités de fonctionnement du  service public seront à voir.

L’existence d’une mission d’intérêt général ne doit pas être forcément liée à un monopole.
L’U.E. admet la restriction de la concurrence :

Ex : le service universel consiste à garantir par tous, pour tous, un service de base à un tarif acceptable…

Il est possible de confier une mission de service public à un opérateur privé uniquement s’il y a un pouvoir de contrôle et de responsabilisation de l’Etat ou des Etats de l’UE.

A.     « les lois » du service public

a la fin des années 30, synthèse des grands principes du service public constituant des régimes exorbitants du service public : les « lois Roland ».

1.      les 3 grands principes communs et leur utilité

a)      le principe de continuité : le plus spécifique

principe de valeur constitutionnelle qui impose  que le service fonctionne de manière normale et régulièrement conformément à la nature et à l’importance du service livré. Il ne s’applique de la même manière dans le cas de la justice, la défense, la police, l’éducation nationale.

Les juges, policiers, militaires n’ont pas le droit de grève/ à cause du principe de continuité du S.P, alors que les enseignants l’ont.

b)      le principe de l’égalité (valeur constitutionnelle)

corollaire : égalité du citoyen devant la loi et les charges publiques (principe révolutionnaire)

étendue de ce principe :

égalité

  • d’accès au service public.
  • de traitement au sein du service public.

 Mais l’égalité n’est pas l’uniformité ! chacun n’est pas traité de la même manière. Toutes les personnes placées dans une même situation reçoivent un traitement identique.

  • Pour un motif d’intérêt général, sous contrôle du juge, la discrimination «positive » est admise, si elle sert à rétablir l’égalité (aides sociales, ZEP, accès réservés, avantages = tarif dégressif / cantine ).

c)      Le principe de mutabilité = adaptation : le moins connu (pas de valeur constitutionnelle)

Adaptation du service public : il doit s’adapter aux mutations sociales amis comment ?

  • Justifie que l’usager ou le fonctionnaire ne peut se prévaloir de droits acquis (maintient de classe ou de maternités par ex.)
  • Justifie l’intervention unilatérale de l’administration au nom de l’intérêt général (carte scolaire, sanitaire).

2.      Les grands principes du service public et leur évolution : l’exemple du port du foulard islamique dans les établissements d’enseignements.

a)      Rappel des faits et du contexte

Refus d’ôter leur foulard par des jeunes, poussés par leur famille : exclusion du collège.

= l’habillement n’est pas conforme à la laïcité.

Réponse du gouvernement arbitrage entre 2 principes fondamentaux.

  • Liberté religieuse
  • Laïcité
    l’école n’est pas un lieu de propagande / droit de la femme ; marquant la soumission

Le conseil d’Etat  est saisi par le gouvernement pour avis en 1989 -> circulaire Jospin

b)      La mentalité du service public : naissance d’un 4° principe ?

Le conseil d’Etat précise le principe de laïcité :

= indissociable du principe de laïcité de l’Etat par conséquent de la neutralité des services publics.

Ce principe  interdit que le service public soit exercé différemment selon les convictions religieuses et politiques des usagers.

L’école n’est pas un enseignement à la carte.

Le conseil d’état  n’indique pas explicitement si la neutralité est le simple corollaire du principe d’égalité, mais on semble s’acheminer vers une autonomie de ce principe de neutralité.

Ce principe => la mise en œuvre, interdit toute discrimination sur l’accès à l’enseignement fondé sur des croyances religieuses. Il doit permettre la reconnaissance du droit de porter des signes extérieurs d’appartenance religieuse.

Ce droit ne peut faire l’objet d’une interdiction absolue dans le règlement intérieur de l’établissement.

MAIS l’exercice de ce droit  au nom du principe de neutralité et de continuité est strictement encadré.

-          Il ne faut pas que cela constitue un acte de pression e, de propagande, qui porterait atteinte aux personnes ( élèves et adultes).

-          Le fonctionnement du service public ne doit pas être perturbé. (cela implique de suivre le programme scolaire).

C’est apprécié, par le chef d’établissement, au cas pas cas, sous contrôle du juge.

La liberté, c’est la règle ; la restriction, c’est l’exception….

A)    Un service public « personnalisé » = EPLE :

1)      Une définition EPLE, ses principaux caractères, quelques observations d’ordre général :

a)      Une définition possible et ses principaux caractères :

EPLE =  « pas de définition légale »

            = peut se définir comme une personne morale de droit public chargée d’exercer une activité déterminée, à la place de l’état (ou d’une collectivité territoriale), mais sous leur contrôle.

            = 1) Un S.P. personnalisé

- EPLE est doté d’une personnalité morale :

Personne morale = groupement de personnes et de biens, autonome, titulaire de droits et obligations / groupe.

  • dispose d’une certaine autonomie administrative et financière (il dispose n propre d’organes capables d’agir en justice.

Pour son organisation interne :

  • il contient un C.A. = une assemblée délibérante
  • un exécutif = le chef d ‘établissement
  • un mode de recrutement des organes délibérants =
  • un mode de désignation de l’exécutif           =  indices / autonomie

Pour son organisation financière :

  • il dispose d’un patrimoine
  • d’un budget autonome identifiable ( autonomie + ou  - factice / car budget vient de subventions )

Se distingue de la régie = exploitation directe du S.P par l’état (cf : la DDASS, pas d’autonomie juridique de l’ASE / car ligne budgétaire au niveau de la collectivité territoriale).

=2) EPLE gère presque toujours un S.P (S.P.= Une activité )

Il existe presque une présomption

Soit un SPA, soit un SPIC

EPA : 3 critères : 1) la finalité du service / 2) l’origine des ressources / 3) les modalités de fonctionnement du service.

La plupart du temps EPLE = service administratif, mais qualifié Industriel et commercial.

EPIC : 3 critères : 1° son objet = assimilé à une entreprise privée / à sa façon d’acheter ou de vendre

                             2° les ressources = proviennent des redevances perçues par les usagers (EDF, RATP …)

                             3° les règles d’organisation et de fonctionnement = comme une entreprise.

Un établissement Administratif est régi fortement par le droit administratif

UN établissement EPIC par le droit privé.

Un régie = pas d’autonomie, d’organe délibératif.

            =3) EPLE exerce une activité déterminée :

  • Il est soumis au principe de spécialité = compétences d’attribution limitatives (jamais d’ordre général)
  • La personne morale ne vaut que par l’activité pour laquelle EPLE est crée.

Spécialité / unité de l’activité = on peut gérer plusieurs choses Cf : CHU prodigue des soins, peut aussi donner des cours à l’université…

= 4) EPLE est nécessairement sous contrôle :

  • une modalité de la décentralisation technique (parfois d’une déconcentration).
  • Un contrôle des tutelles exercé par la collectivité territoriale de rattachement : tutelle sur les actes et sur le personnel.
  • Un contrôle hiérarchique (cf :le proviseur) / plus large ( président d’université = élu)
  • Un contrôle financier.

Il n’y a pas de tutelles sans qu’un texte le prévoit, dans son étendue et ses modalités de contrôle.

UN EPLE = personne morale, gérant presque toujours un S.P, spécialisé, sous contrôle.

b)      observations d’ordre général :

Les établissements peuvent être très divers avec des appellations parfois trompeuses : caisses, offices, agences.., avec des importances différentes (cf : CCAS communal, Hôpitaux, EDF, ENA, Université, collège…).

On crée un établissement : on veut confier une activité importante à une personne morale crée spécilaement à cet effet : pour faciliter sa gestion, on souhaite son autonomie.

1) C’est une formule juridique qui s’est développée :

Pour 3 raisons :

  1. nécessité de développer la participation (sur un niveau plus local / le personnel, les usagers, les politiques locaux…)
  2. Intérêt de souplesse de gestion ( car plus proche).
  3. le souci de l’état de réguler l’économie = à travers les EPIC.

Mais prolifération désordonnée dénoncée en conseil d’état :

  • la constitution prévoit que seul le législateur put créer une catégorie d’établissement de S.P / spécialité + Tutelles
  • à l’intérieur d ces catégories, l’état peut multiplier le nombre d’établissement public qui s’y rattache.
  • Il n’existe pas de règles qui précisent les cas où il faut créer un établissement public.

Certains préconisent une charte du S.P ;  (mais pas une priorité).

  Ne pas confondre : S.P / EPLE / Etablissement d’utilité publique (établissement privé)

SP = 1 activité                                   / EPLE = 1 personne morale            / Etablissement privé = associations…

Ex = l’enseignement             / Ex = le collège                                / Ex = 1 mission d’intérêt général

2)      les particularités de l’EPLE :

a)      le reconnaissance et l’affirmation d’une certaine autonomie …..

EPLE = échelon opérationnel du S.P de l’éducation :

            = une personne morale de droit public

            = Un CA = organe délibérant avec représentants (Parents,Personnels,Elèves), compétent sur l’organisation…

            = Un exécutif

            = Un budget autonome

            = Une mission strictement délimitée = l’enseignement

            = Des prérogatives pour faire fonctionner le S.P

Ex : Un membre du CA n’est pas là à titre personnel, mais agit au nom de l’EPLE.

Distinguer les attributions de l’EPLE / associations internes (UNSS).

b)      …. Qui préserve le nécessaire contrôle de l’état :

rôle important de l’état.

  • au niveau du chef d’établissement : Organe exécutif du CA + Représentant de l’état
  • sur les actes pris par EPLE :
  • actes éducatifs transmis à IA
  • actes / fonctionnement ( passation de marché)
  • actes / budget

Autonomie pour une meilleure adaptation au terrain / population accueillie, et au regard du principe de la légalité : enjeux politiques et sociaux.