30
août
« Une grande civilisation n’est conquise de l’extérieur que si elle est détruite de l’intérieur » Le film s’ouvre par cette pensée de Will Durant. Pour l’instant, tout va bien.
Le film avait un fort potentiel : prétendre conter le déclin de la civilisation aztèque du point de vue maya, mettant en perspective sa chute prochaine face aux déchirures internes de l’Empire et l’arrivée subite des espagnols. Un pan de l’Histoire passionnant, méconnu ou fantasmé.
Apocalypto est polémique : intéressante démarche cinématographique (et historique) trop vite obscurcie par une mise en scène privilégiant une vision tribale des populations méso-américaines.
Apocalypto commence là : Patte-De-Jaguar fait partie de ces Mayas. Malheureusement, le film ne touche pas un mot sur la situation que je viens brièvement d’expliciter, et nous plonge sans préambule dans l’action. Le spectateur peine à comprendre le « pourquoi du comment » : qui sont les mayas? où sont les Aztèques? quelle est la différence? Et pourquoi se font-ils enlevés?
A quoi cela est-il du ? Mise en scène maladroite? Sensationnalisme primaire? Message chrétien éclipsé? Ou au contraire christianisme exalté? Quoi qu’il en soit, cette mésaventure cinématographique a élevé au sein de la critique spécialisée un nouveau conformisme, à savoir l’anti MelGibsonnisme, que venaient enrichir de nombreux scandales médiatiques.
En clair : Apocalypto était attendu au tournant.
Il faut tout de même reconnaitre à Mel Gibson un certain courage.
Mais que fait Mel Gibson? Si c’est véritablement la pensée précédemment citée qu’il veut exposer, on se demande où et comment il la développe. Car Apocalypto n’est ni plus ni moins qu’un film d’aventures. Un très bon film d’aventures, superbement filmé, mais qui n’a rien de la fresque historique promise et par son titre (qui signifie Révélation) et par sa citation ; et si l’on peut considérer, avec beaucoup d’indulgence, que Mel Gibson fait une allégorie politique sur le déclin d’une civilisation, il faut tout de même avouer que le spectateur lambda ne verra ni plus ni moins qu’une simple chasse à l’homme dans la jungle, le tout sur fond de Mayas traqués.
En ce qui concerne la violence, principale crainte et du public et de la critique, Mel Gibson a fait évoluer son concept : à l’horreur visuel (imposé par sa précédente réalisation) il a préféré une violence implicite, mais cependant omniprésente. Sa jungle se fait hostile, inhospitalière, le tout étant rendu par une succession de plans bien pensés : tantôt larges, tantôt très serrés, nous faisant alors apparaitre toute l’ampleur de la menace (pièges mayas, serpents venimeux, rochers assassins…). La mise en scène sublime le décor, rend cette jungle palpable ; et si l’on attendait du film plus qu’il ne peut offrir, on ne peut que s’émerveiller de la reconstitution minutieuse du paysage aztèque : la cité de Tenochtitlan, la langue Nahuatl… Mel Gibson est incontestablement un habile metteur en scène, mais l’on se demande si son zèle cinématographique ne sert pas plus le spectacle que le fond : en témoigne ses précédentes reconstitutions qui tiennent plus du fantasme épique que de la réalité historique.
Jean Bresson
Commentaires
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Jean-Sébastien Guillermou on 08.30.2010
Bel article, j’avoue avoir été troublé par ce film. Historiquement, il est très bancal puisqu’au niveau des peintures, de l’architecture, il y a confusion entre les Mayas, les Aztèques et d’autres cultures, comme vous l’avez souligné. Mais en tant que cinéphile, j’ai bien aimé la réfléxion sur la fin de la civilisation, même si comme vous le disiez, il s’agit plus d’un « survival » dans la jungle à la « Predator » que d’un vrai film d’auteur. On en revient toujours au même débat avec des oeuvres comme Gladiator : faut-il privilégier la vérité historique ou le long-métrage en lui-même ? J’avais bien aimé la réponse de Ridley Scott, qui affirmait que sur certains points les historiens n’en savaient pas plus que lui… J’ai beau être professeur, j’avoue qu’il est plaisant de voir avec des élèves une oeuvre de ce type, car on peut justement discuté en classe des « erreurs », du point de vue du réalisateur… Cinéma et Histoire sont décidément complémentaires !
Jean Bresson on 08.30.2010
« Faut-il privilégié la vérité historique ou le long-metrage en lui même »
Cette question m’interpelle. Je pense que c’est au réalisateur de définir sa voie. Le problème avec Apocalypto, c’est que Mel Gibson a promis une fresque historique. Si dès le départ il en avait parlé comme d’un simple film d’aventures, ni plus ni moins, je n’aurai pas été aussi exigeant. Mais la… c’est presque prétentieux : le titre, la citation. L’ambition de Mel est clairement affichée, et au final il ne tient aucune promesses !
Avec Gladiator, Ridley Scott rend hommage au peplum. Un genre qui, si on s’en souvient, n’était pas bien érudit, et se contentait bien souvent de nous offrir du grand spectacle ! Et c’est tout ce qu’on attendait de la part de Gladiator, qui relève haut la main le pari. Et si en bonus le film offre une reflexion sur l’exercice politique des jeux … C’est genial !
A quand un bon film sur la chute de la civilisation azteque?
Jean-Sébastien Guillermou on 08.30.2010
« A quand un bon film sur la chute de la civilisation azteque? »
La bonne nouvelle dans tout ça, c’est qu’on aura peut-être des bonnes surprises dans les années à venir, si un jour un roman historique sur les Aztèques ou les Mayas cartonne…
Ferocias on 09.01.2023
Bonsoir,
Il existe un certain nombre de films mettant en scène des peuples précolombiens et pas seulement au moment de la conquête.
Citons par exemple Les Rois du Soleil avec Yul Brunner.
Ferocias´s last blog ..Merci!
Jean-Sébastien Guillermou on 09.02.2023
Bonjour, je ne savais pas, merci pour l’information.
Tal-Kyjah on 09.05.2023
Il existe aussi de très bon livres Jean-Sebastien tel que Azteca de heu…
Ptite recherche sur Google tu devrais trouver en tout cas c’est un chef d’oeuvre a dévorer!
D’un point de vue historique il est également très complet l’auteur du roman a étudié les civilisations précolombienne toute sa vie! (me semble avoir lu ça)
A plus!
Jean-Sébastien Guillermou on 09.05.2023
Merci pour le conseil, c’est noté !
Ultimo on 09.13.2010
C’est avec grand plaisir et soif de connaissances que je découvre votre blog !
Pour en revenir aux premières questions, et notamment à celle de Jean-Sébastien :
« Faut-il privilégier la vérité historique ou le long-métrage en lui-même ? « ,
je me suis posé la questions pas mal de fois et finalement la question serait : Faut-il privilégier un long-métrage de ficiton qui dit rétablir une vérité historique en se plantant ( volontairement ou pas - ça c’est un autre débat) ou bien un long-métrage « documentaire » qui tente « objectivement » d’instaurer « une » vérité historique ?
Mais bon j’dis ça …je tâcherai d’en raconter plus mais là, j’ai hélas plein de boulot qui m’attend ! J’en profitais juste pour faire un petit bonjour et conserver ce site dans mes favoris !!!
A bientôt !
U.
david on 12.09.2022
Je trouve ton propos intéressant et bien écrit, mais il y a une chose que je ne comprends pas : d’où sors-tu que Apocalypto traite des aztèques ?
Ce film parle en effet des mayas.
Et il est donc en langue maya, pas en nahuatl.
Et la cité est une cité maya, pas du tout Tenochtitlan - qui était une cité lacustre.
Ce détail a son importance pour ton propos, car le destin des peuples mayas et aztèques fut différent.
Poinçons on 09.27.2011
Bonjour à tous,
j’ai trouvé ce film bien trop violent pour qu’il puisse se dégager autre chose qu’une pensée sans nuances, voire même simpliste du monde à de cette époque.
Encore une fois, Mel Gibson m’aura déçu
MP on 12.04.2023
Les critiques faites à Gibson pour Apocalypto sont de l’ordre du procès d’intention.
N’importe quelle série TV de 2ème partie de soirée est au moins aussi violente que ce film.
Si Gibson avait montré des occidentaux (au choix, Américains, Allemands ou Français, par exemple) capturant et torturant des non-occidentaux, avec les mêmes simplifications historiques, le film n’aurait posé aucun problème. On aurait même parler d’un film « courageux ».
Le film interroge, pour les moins imaginatifs, le « sanglot de l’homme blanc » (Brükner) et c’est cela qui les dérange. Toujours, chez l’occidental, ce complexe de supériorité, même dans le champ de l’abjection.
Pour les autres, le film interroge sur l’humanité et notamment la force de la volonté d’exister, qui fonde TOUTES les résistances.