mercredi 3 mars 2010

Taï Chi Chuan




Une interview de Vlady Stevanovitch

Maître incontesté du Tai Chi Chuan de la Voie Intérieure, Vlady Stevanovitch nous avait accordé cette interview quelques années avant de nous quitter. C'est donc là un document émouvant, témoignant de la joie de vivre de ce Maître et de son amour sans faille pour cette Réalité à laquelle l’intellect ne donne pas accès.


Qu’est-ce que le Tai Chi Chuan ?

C’est avant tout une activité corporelle qui, selon les écoles, pourra avoir deux objectifs possibles : l’un, moderne, reposant sur l’exercice physique en vue de la compétition ; et l’autre, traditionnel, qui est la recherche de l’énergie vitale.

Cela dit, même dans la recherche du Chi, il y a des effets corporels. Le corps devient beaucoup plus libre, souple et vigoureux. Les articulations fonctionnent mieux et les muscles acquièrent une plus grande efficacité…

On peut aussi observer des effets dans le domaine mental : une plus grande concentration, une mobilisation de la volonté plus immédiate… Et surtout, plus de vitalité et de joie de vivre.

Et tous ces effets sont vérifiables dès la première leçon de Tai Chi Chuan !


Comment cela se pratique-t-il ?


Le Tai Chi Chuan est d’origine martiale. A une époque lointaine, il était destiné au combat. Mais aujourd’hui, les gestes de combat sont stylisés. Ils se font au ralenti. Il y a une recherche d’équilibre, de coordination du mouvement avec la respiration et, dans notre école surtout, une coordination du mouvement avec la circulation du Chi dans le corps.


Comment peut-on percevoir le Chi ?

Jusqu’à très récemment, en Occident, le Chi n’était qu’une théorie. On ne le percevait pas. On en entendait parler. C’était généralement une théorie sous-jacente à l’acupuncture.

Il a fallu quelques maîtres de notre époque pour nous révéler ce qu’était le Chi, nous le faire percevoir et nous apprendre à nous en servir.

Nous savons donc maintenant que le Chi a quelque chose de concret.

Mais, contrairement à toutes les disciplines enseignées en Occident, la perception du Chi ne passe pas par un apprentissage intellectuel. Il n’y a aucune théorie, rien à apprendre, seulement une faculté corporelle propre à tous les être vivants mais que notre état d’être humain nous permet de développer.


De quels repères sensibles disposons-nous pour apprendre à le cultiver ?

Comme tout ce qui est perçu, le Chi l’est également par les sens. Mais c’est le sens tactile qui va être plus particulièrement conditionné pour percevoir le Chi. La main étant beaucoup plus sensible que le reste du corps, on va s’exercer à sentir le Chi avec la main.

Grâce à la pratique, cette main devient un détecteur des vibrations et des courants énergétiques de l’espace. En forme de gueule de tigre, libre de la moindre tension, elle fonctionne comme une véritable antenne parabolique. Elle capte à distance d’innombrables informations. Elle est l’instrument de la perception consciente du Chi. Et ça se voit ! Si vous êtes observé par un expert chinois pendant que vous faites votre Tai Chi, ne vous souciez pas de vos mouvements, ni même de votre équilibre. Ce sont vos mains qu’il observera. Ce sont elles qui lui révéleront le degré de votre compréhension du Tai Chi et le niveau auquel vous êtes arrivé.

Par ailleurs, la source individuelle du Chi de l’être humain se trouve dans le Tan Tien, le ventre, ce centre du corps et ce lieu privilégié de focalisation de toute l’énergie vitale. Le Tan Tien est également le centre de gravité du corps, là où sont subies les effets de la loi de l’attraction universelle.

C’est donc avec la main que l’on scrute les messages de l’espace, et c’est dans le Tan Tien qu’on les reçoit. Quelle que soit la position des bras, l’écoute des mains est destinée au ventre. Pas à la tête.

La main perçoit des vibrations dans l’espace. Ce sont d’innombrables courants énergétiques parmi lesquels elle distingue infailliblement ceux qui sont favorables au déroulement de la forme, à l’aisance du mouvement, à l’équilibre, au bien-être du pratiquant. La main reçoit ce courant qu’elle transmet au Tan Tien. Le Tan Tien est littéralement attiré dans le sens du courant favorable. Il oriente le corps. Et c’est en déplaçant son centre qu’on navigue dans l’espace.

Voilà comment on peut apprendre à sentir le Chi ! Et cela dès les premières leçons, ce qui est généralement vécu par l’élève débutant comme une véritable révélation ! De là découle très rapidement un changement radical dans les perceptions et les attitudes, parce qu’on sent enfin quelque chose qui passait totalement inaperçu avant.


Mais, pour le débutant, comment faire la différence entre la perception réelle et ce que son imagination pourrait créer ?

En Occident, nous sommes attachés à l’objectivité. Nous sommes des cartésiens, nous voulons tout vérifier, nous doutons de tout. Et c’est là le grand obstacle dans le travail du Chi.

Au début, on ne distingue pas ce qui est imaginaire de ce qui est réel, car pour le corps l’imaginaire et le réel sont une seule et même chose.

Il faut donc d’abord se libérer de ce conditionnement cartésien, et accepter que l’influence de l’imagination aide la perception, ce qui, d’ailleurs, est un processus normal.

Mais si, au début, on doit effectivement s’aider de l’imagination pour sentir le Chi, par la suite la perception directe devient évidente, surtout lorsqu’on a senti différents niveaux et qualités de Chi, ou lorsqu’on s’est trouvé agressé par le Chi sans qu’il y ait la moindre agressivité extérieure de la part de quelqu’un. A ce moment là, on ne peut plus en douter.


C’est en quelque sorte le prolongement du sens psychologique ?

Là, nous distinguons encore le psychique du corporel. Mais lorsqu’on a admis que les deux ne font qu’un, c’est simplement la manifestation de la vie.


Comment cultiver le Chi ?

Il faut un enseignant pour vous guider. J’ai écris des livres dans lesquels je donne de nombreuses techniques de manipulation du Chi ; mais dés la première page je souligne que sans instructeur qualifié il est impossible d’accéder à ces techniques et de les pratiquer correctement.

Ensuite, c’est une affaire de travail. On travaille le Chi quotidiennement, comme on travaille un instrument de musique.

Ces deux conditions remplies, on peut atteindre et développer certaines facultés corporelles qui sont inaccessibles autrement, et surtout une compréhension différente de la vie. On voit ce qui est important dans l’existence. Et cela est pour moi essentiel !

Lorsqu’on s’est sensibilisé au Chi, la compréhension verbale n’a plus de sens. On voit les choses, ce sont des évidences qu’on n’a pas besoin d’expliquer.


Est-ce que le Tai Chi peut être thérapeutique ?


On ne peut pas, avec le Tai Chi Chuan, soigner une maladie précise, mais c’est toute la santé qui se modifie. Dans ce sens, on peut presque considérer le Tai Chi comme une panacée, toujours efficace, qui agit aussi bien sur le mental que sur le corporel.

Evidemment, il y a des cas où c’est trop tard, où il n’y a plus rien à faire ; mais un pratiquant de Tai Chi Chuan n’attrape généralement aucune maladie grave.


Existe-t-il des contre-indications ?

Oui, absolument ! Comme tout, le Tai Chi Chuan peut nuire, et même être dangereux s’il est pratiqué par des personnes qui ont des problèmes.

Le plus souvent, la culture du Chi met en évidence un trouble préexistant dont on n’était pas conscient. Le Tai Chi est donc un grand révélateur.

Mais il est aussi contre-indiqué aux personnes psychologiquement déséquilibrés qui, lorsqu’on leur fait travailler le Chi, ont des crises terribles.


Quels sont exactement les dangers d’une mauvaise utilisation du Chi ?

Un mauvais usage accidentel du Chi peut provoquer des malaises et des douleurs que la médecine n’a pas le pouvoir de soigner. Ils peuvent être très désagréables, mais ils passeront.

Par contre, lorsqu’on s’aventure dans l’exploration du Chi sans être guidé, ça peut être plus grave.


Comment en êtes-vous venu à pratiquer le Chi ?

C’est une longue histoire. J’ai tout d’abord connu un maître de Chi, à l’âge de quinze ans, alors que j’avais des problèmes de souffle en apprenant à jouer de la clarinette. Ce maître m’a guidé dans ce travail que j’appliquais, sans trop le comprendre, au profit de mon activité musicale.

C’est bien des années après, tout en continuant à pratiquer les exercices qu’il m’avait appris, que j’ai enfin compris de quoi il s’agissait.

Je travaillais depuis une bonne trentaine d’année dans le domaine du Chi, lorsque j’ai rencontré, à Bruxelles, un maître chinois qui faisait quelque chose que je ne connaissais pas : du Tai Chi Chuan.

J’ai évidemment reconnu là un travail sur l’énergie vitale, et je lui ai immédiatement demandé s’il voulait me prendre pour élève. Il était très étonné mais a accepté. J’ai donc tout laissé tomber pour le suivre, et je suis resté avec lui pendant plusieurs années, travaillant intensivement matin et soir.

Cet homme n’expliquait rien, il montrait, disant simplement « follow me ». Heureusement, ayant une très longue expérience du Chi, je pus facilement suivre son enseignement, que j’ai conservé et que je transmets à présent.


En quoi consiste votre école ?

Ce qui nous distingue avant tout, c’est un travail intensif de recherche du Chi. Dans les autres écoles, ça se fait aussi, bien entendu, mais avec beaucoup moins d’insistance, et sans faire un travail séparé sur le Chi.

Dans un de nos cours, il y a deux phases : une première où l’on travaille sur le Chi en posture assise, et une seconde de mise en pratique, debout, avec les mouvements.

Ce qui nous distingue encore, c’est que nous refusons toute compétition, tout affrontement, même toute simulation de combat. C’est un travail qui se fait sur soi-même, en ne s’opposant à personne, ni en essayant d’être meilleur que qui que ce soit.


L’approche du Chi est-elle différente pour un Occidental et pour un Oriental ?

Bien sûr ! Les Orientaux ont ça dans leur culture et dans leur vocabulaire. Nous, nous disons « bonjour » ; eux, ils disent « bon Chi ».

Ce sont des notions qui sont là depuis la naissance ; et il n’y a, par conséquent, rien à leur expliquer. Il suffit de leur montrer des techniques.

D’autre part, en Orient, on suit. On n’essaie pas de prouver ni de comprendre, on essaie d’apprendre, de faire comme le maître.

Pour les Occidentaux c’est très différent. Il faut d’abord briser ce mur de l’objectivité et du doute. Mais, une fois que cette résistance a cédé, l’apprentissage des techniques est identique. On dit même que les Occidentaux sont avantagés parce qu’ils sont obligés, par leur éducation, de tout analyser. Or, il se fait que, lorsqu’on a bien analysé une technique, on l’assimile beaucoup plus facilement et on progresse beaucoup plus vite.


Propos recueillis par Jean-Baptiste Loin
http://www.reponsesbio.com



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