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23 aprile 2009 4 23 /04 /aprile /2009 03:39
Colloque Organisé par Abderrazzak Benchaâbane

Nicole de Pontcharra et Jean-François Clément

 
C’est parce que l’Art contemporain est une réalité vivante entretenue depuis plus de cinquante ans par plusieurs générations d’artistes que le terrain où il se manifeste est traversé par de multiples pratiques existantes ou à développer — la création, le fonctionnement de galeries et fondations, les échanges nationaux et internationaux, la formation du public, celle des critiques, le marché de l’art — qu’il paraît indispensable de créer un lien entre elles. C’est le but de la Biennale.

Nous avons donc fait de la médiation l’objet d’un colloque, qui est une première mise en chantier d’un travail à long terme pour éclaircir comment, dans un pays comme le Maroc, on peut établir des synergies, en s’appuyant à la fois sur l’État, les institutions privées, la société civile et les instances qui, à l’étranger, travaillent dans le même sens. Afin, en premier lieu, de rendre les œuvres et les artistes plus visibles et aussi rentabiliser leur travail pour qu’ils puissent en vivre. Établir des liens entre les réseaux marchands et non marchands.

Les personnalités réunies sont invitées à nous faire part de leur expérience de terrain et à nous faire partager les réflexions qui sont nées à partir de leur fréquentation de l’art et des artistes au Maroc et ailleurs. Cette sorte d’état des lieux est indispensable si l’on veut accompagner de manière concrète le travail des artistes et de ceux qui sont les médiateurs de leur création.

À travers des discours croisés il devrait apparaître que l’art contemporain au Maroc qui est dans la mouvance de l’histoire de l’art international a impulsé et impulse toujours l’élan indispensable à la vie de la pensée, provoque des interrogations sur l’état de la société, enrichit le monde des idées, aiguise l’imaginaire du public, casse des idées reçues. Certains moments clefs de son histoire n’auront pas échappé aux intervenants du colloque.

La médiation des artistes engagés et des œuvres porteuses de sens suppose une éthique qui ne prend pas l’enjeu commercial, certes non négligeable, comme critère principal de ses choix.

On interrogera donc l’histoire de l’art contemporain au Maroc et ses moments clefs. L’évolution de la vie artistique, à travers le regard de journalistes et critiques.

On s’interrogera sur les galeries, de plus en plus nombreuses dans les grandes villes et l’accueil qu’elles font à la jeune création.

On se demandera comment nouer un dialogue entre les politiques, les institutions et les artistes et définir une véritable politique artistique pour favoriser la création et la diffusion. Quand on sait que dans le système qui régit actuellement le marché de l’art, l’art des pays d’Afrique est encore marginalisé, par rapport à la production des pays occidentaux. Il sera abordé également le problème essentiel de l’éducation culturelle et artistique qui devrait faire partie d’un grand projet politique.

Toutes les interrogations, les quelques réponses pourraient être une base de réflexion pour améliorer ce qui existe déjà comme infrastructures dans le domaine artistique au Maroc et imaginer des moyens plus efficaces pour à la fois rendre accessible à tous les publics potentiels le patrimoine contemporain et donner à ce dernier toutes les chances de rester vivant, en perpétuelle évolution.

 

On peut partir du paradoxe suivant : le Maroc contemporain connaît une vie artistique très riche et très diversifiée. Néanmoins, faute de médiation, faute de présence des œuvres dans l’espace public, cet art est assez peu connu des Marocains eux-mêmes en dehors de quelques minorités citadines. Il est abondamment produit, mais assez peu reçu par des livres de critiques, des catalogues de galeries, des publications de musées ou de catalogues accompagnant le marché de l’art, pour ne rien dire des manuels scolaires. Ce déséquilibre local entre production des œuvres d’art et leur réception est un premier fait.

Cet art contemporain n’existe que par un marché encore embryonnaire organisé par très peu de galeries professionnelles bien distinguées des bazars et par des maisons de ventes aux enchères locales qui pourraient, à court terme, être menacées par des grands groupes étrangers. Il n’y a pas encore de réel musée national même si cela est imminent. Seules existent des collections, le plus souvent occultées, publiques ou privées.

Le moment est donc venu de donner à des commissaires d’expositions l’occasion de faire connaître localement les œuvres des artistes marocains. Car si on peut toujours, au moins pour la peinture, créer individuellement, on ne peut pas se médiatiser tout seul comme le soulignait Farid Zahi dans D’un regard, l’autre, l’art et ses médiations au Maroc (éditions Marsam). Pour cette médiatisation, il convient de d’avoir des dispositifs, des lieux et des discours, mais aussi des métadispositifs, c’est-à-dire une analyse de tous les obstacles ou des moyens qui produisent et contrôlent, a priori, les discours ou les pratiques relatives à l’art. Que veulent dire, au juste, au Maroc œuvre, auteur ou spectateur ?

 

Le deuxième fait est que les artistes marocains demeurent des solitaires. Ils ne sont pas insérés dans des réseaux où interviendraient les commandes des politiques ou des municipalités, des administrateurs soutenus par des trésoriers, des commissaires d’exposition leur donnant, par des commandes, les moyens de faire appel à des ingénieurs, des techniciens ou à des collaborateurs extérieurs en vue de produire collectivement l’œuvre d’art, plus particulièrement des œuvres de très grande taille qui deviendraient les symboles des nouvelles identités en cours de construction. Pour cette raison, on ne voit pas apparaître de statues monumentales. Les artistes privilégient les matériaux légers qu’ils peuvent acquérir par leurs propres moyens, ce qui donne à la peinture une domination incontestée.

Il est ainsi opportun de créer des réseaux, non seulement d’artistes, certes aussi de financiers, les banques étant déjà présentes, surtout en tant que lieux de demande, parfois de valorisation, mais seulement de leurs propres collections, mais aussi et surtout de politiques et d’administrateurs. C’est la demande officielle destinée à l’équipement des espaces publics qu’il s’agit maintenant de promouvoir. On peut le faire par des lois qui imposent de recourir aux plasticiens dans tout marché public. On peut aussi imaginer d’autres solutions.

 

Le troisième fait est que l’art contemporain connaît deux formes, une classique, autour de la peinture de chevalet, et l’autre, après les années quatre-vingt-dix, qui explore les nouvelles formes de créations, sur de nouveaux supports comme Farid Belkahia, éventuellement sans peinture comme dans les performances, le design ou l’art vidéo. Comment faire connaître, comment valoriser ces autres formes de créations qui déconstruisent le rapport au tableau et qui n’ont, en général, que peu de valeur économique. Là aussi la responsabilité des critiques et des commissaires peut être capitale. Car ces formes nouvelles de création, celles de Younes Rahmoun, Faouzi Laatiris, Safaa Erruas, Hicham Benohoud, etc., ne disposent pas plus de médiateurs que les anciennes. Il convient de penser les références de ces œuvres aux faibles coefficients de visibilité artistique. Sont-elles marocaines pour le contenu alors que les formes peuvent être étrangères ou est-ce plus complexe ? S’agit-il d’une chance pour la création ou d’une impasse ?

 

Le quatrième fait est qu’on ne connaît aucun cas, jusqu’à présent, d’artiste marocain qui ait influencé la scène internationale, du moins occidentale, car il y a des influences perceptibles dans le cadre du monde arabe, l’inverse étant aussi vrai avec l’Irak et le Liban. La présence de l’art marocain sur le marché mondial demeure faible. Quelques critiques occidentaux, Jean-Christophe Lambert ou Pierre Restany, se sont jadis intéressés aux premiers grands artistes marocains comme Ahmed Cherkaoui, Mohamed Melehi, Mohamed Drissi, Mohamed Ben Allal ou Farid Belkahia. Il faut ensuite attendre les années quatre-vingt et l’exposition de Grenoble pour voir les artistes marocains reconnus en France, il y eut aussi, en 1999, l’exposition du musée des Arts-déco à Paris, mais ces derniers sont sous-représentés à la Frieze Fair, à la Dokumenta, à la Pal Expo, à la FIAC, à la Biennale de Venise, etc. On peut s’interroger sur ce manque de visibilité, tout particulièrement à Londres, en dehors de l’exposition organisée par Roger Shashoua, et surtout à New York, pour ne pas parler de Tokyo. Les contacts restent ténus, souvent limités aux séjours à la Cité des arts de Paris ou à des expositions communes comme celles qu’organisa en Espagne Diego Moya.

Il convient donc d’imaginer maintenant une stratégie visant à faire connaître à l’étranger ces artistes marocains tout comme on doit faire connaître au Maroc même les artistes marocains établis à l’étranger. Cette stratégie n’est pas simple à mettre en place car sa définition suppose de faire appel à des compétences multiples afin d’obtenir une présence permanente d’artistes d’origine marocaine dans les plus grandes galeries internationales, des récompenses internationales données à des artistes marocains ou des livres de référence consacrés à leurs œuvres.

 

Le cinquième fait est la fragilité de la pensée esthétique marocaine actuelle On est devant un art contemporain qui s’oppose parfois frontalement à l’absence d’image figurative et surtout à l’impératif de l’implication de la décoration à des objets fonctionnels (mosquées, maisons d’habitation, tapis, sacs, belghas, broderies, bois peints de plafonds, portes, etc.). L’imaginaire marocain est certes présent dans les productions actuelles de formes, même si les outils semblent souvent empruntés à l’Occident. Mais il peut l’être de diverses façons comme le rappelle Mohamed Rachdi dans Art et mémoire, l’invention de l’oasis natale, éd. L’Harmattan. Pour certains artistes, ce sont des réminiscences de l’histoire individuelle qui interviennent, pour d’autres celles de l’histoire collective dans la plus ou moins longue durée. On peut peindre un Maroc qui a disparu, produire des cartes postales, chercher de prétendus signes et l’on fait alors un art identitaire fermé. On peut aussi utiliser le patrimoine sur le mode de l’oubli, volontaire ou non. On peut enfin le reprendre dans sa fonction qui fut, en réalité, celui d’une innovation permanente que l’on peut poursuivre par d’autres moyens. À côté des valeurs d’échange, les œuvres d’art peuvent-elles avoir des valeurs d’usage sur le seul mode de la contemplation ? Dans ce cas, a-t-on besoin de produire des objets pour cela ? Il convient d’entreprendre collectivement une réflexion sur ces sujets qui demeurent l’impensé radical de l’art contemporain marocain.

 
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