La descente de la Courtille par la barricade du Temps des cerises


L’occasion de ce parcours est une balade organisée pour le CE de « Ponts Formation Édition », l’activité de formation continue de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées après l’installation de la Maison des Ponts au 15, rue de la Fontaine-au-Roi, Paris 11e.

[En 1860, on trouvait au 15, Fontaine au Roi, Jeanson Frères, fabricants de moulures en bois pour le bâtiment, dorure chimique pour tenture et encadrements, avec, en 1870, l'indication qu'ils ont aussi un "magasin à Bondy, 34" et, en 1880, une "usine à Billancourt, chemin de hallage". En 1890, Jeanson Frères est remplacé par un plumassier: M. Pichon. En 1900, on trouve à cette adresse la manufacture de "Simon et Cie, habillement et confection pour hommes et enfants, en gros et détail", qui aura bientôt ses magasins 7 et 9, rue Croix-des-Petits-Champs, et 15 et 17, rue Auber. Dans les années 1950, la S.A. Simon et Cie est toujours au n°15, où elle a été rejointe, depuis 1930 par Simon Hermanos, agents pour l'exportation.]

- La rue a connu les noms de rue de la Fontaine nationale en 1792 ; rue de la Fontaine au Tyran pendant la révolution de 1848

- à l’angle de la rue Pierre-Levée, une barricade opposa le 23 juin 1848 une résistance farouche

- L’octroi à roulettes était installé à l’angle de la rue de la Folie-Méricourt en 1724. A l’Est de cette barrière, dans le triangle que forment la rue du Faubourg-du-Temple et celle de la Fontaine-au-Roi avec la rue Saint-Maur, (l’une des rares tangentes de la capitale, qui joint l’abbaye de Saint-Denis à celle de Saint-Maur-des-Fossés), est né un village de guinguettes au milieu des « courtils », ces jardins du dimanche éloignés du logis citadin : la Courtille.
Parmi ces guinguettes, celle de Ramponneau (à l’angle de la rue de l’Orillon et de la rue Saint-Maur), qui en 1786, à la construction du mur des Fermiers généraux, sera si glorieux qu’une barrière sera ouverte à son nom au bout de la rue de l’Orillon, sur le bd de Belleville, au départ de la rue auj. Ramponeau. Les guinguettes passaient à cette date un cran plus à l’Est, sur la pente montant vers le village de Belleville.
 « Il n’y a plus que les ouvriers qui connaissent les fêtes et dimanches, explique Louis-Sébastien Mercier. La Courtille, les Porcherons, la Nouvelle-France se remplissent ces jours-là de buveurs. Le peuple y va chercher des boissons à meilleur marché que dans la ville. Plusieurs désordres en résultent ; mais le peuple s’égaie, ou plutôt s’étourdit sur son sort. »


- « grisette 1830 » de Joseph Jean Emmanuel Cormier, dit Joé Descomps (1869-1950) plutôt spécialisé dans les petits bronzes décoratifs, spécialement des nus féminins. Placée là en 1911 seulement, mais pas de façon totalement arbitraire puisque les Vendanges de Bourgogne, en face, ont été l’un des creusets de la Révolution de 1830, lors d’un banquet qui regroupa le général Lafayette, commandant, sous la Restauration, des gardes nationales en 1789, Godefroy Cavaignac, fils d’un Conventionnel, (ne pas le confondre avec son frère Eugène Cavaignac, le sabreur de juin 1848), en gros des républicains partisans du suffrage universel, et d’autres, comme Odilon Barrot, prônant une monarchie constitutionnelle.
On va vite déchanter et, la Garde Nationale ayant été dissoute le 31 décembre 1831 par Louis Philippe, et Lafayette renvoyé, « La Société des Amis du Peuple » brave la décision royale en organisant aussitôt un banquet en leur honneur à ces mêmes Vendanges de Bourgogne. Durant le dîner, Évariste Galois, qui vient tout juste d’avoir 20 ans, y lève son verre à la santé de Louis-Philippe alors qu'il a gardé son couteau dans l'autre main. D’autres, qui y ont vu un symbole, l’imitent le couteau  brandi ostensiblement ; aussitôt, c’est la débandade générale, par les portes et par les fenêtres du jardin, de peur des suites policières.
Le lendemain, Évariste Galois est arrêté chez sa mère, au prétexte d'incitation à l'assassinat du roi. Il est emprisonné à Sainte-Pélagie, d’où il écrit à son ami Chevalier :
« ..Je suis sous les verrous ! ! !?..Tu as entendu parler des Vendanges de Bourgogne. C'est moi qui ai fait ce geste?? mais ne me fais pas la morale, car les brumes de l'alcool m'avaient ôté la raison. »
 
- Angle du bd Jules Ferry, qui ne prend ce nom qu’en 1906.  Entre le lotissement des marais du Temple, dont la rue du Grand Prieuré formait la limite, et la rue de la Folie-Méricourt, il n’y avait pas de constructions quand… la suite est dans Balzac, César Birotteau : « Du Tillet, instruit des intentions du gouvernement concernant un canal qui devait joindre Saint-Denis à la haute Seine, en passant par le faubourg du Temple, acheta les terrains de Birotteau pour la somme de soixante-dix mille francs. (…) Au commencement de l’année 1822, le canal Saint-Martin fut décidé. Les terrains situés dans le faubourg du Temple arrivèrent à des prix fous. Le projet coupa précisément en deux la propriété de du Tillet, autrefois celle de César Birotteau. La compagnie à qui fut concédé le canal accéda à un prix exorbitant si le banquier pouvait livrer son terrain dans un temps donné. » Le quai Charles X en 1824, devient quai de Jemmapes (victoire de 1792 sur les Autrichiens) en 1830.
Le canal a fait du faubourg du Temple le faubourg industriel du 19e siècle. Mais le même canal, qui les a pour ainsi dire fait naître, fournit aux ouvriers insurgés « une ligne de défense formidable » : en juin 1848, « il fallut du canon pour emporter les barricades élevées sur les deux rives à l’entrée du faubourg du Temple » ; les troupes de Lamoricière n’y parvinrent qu’au bout de cinq jours, se rappelle La Bédollière. Dès 1859, le 2nd Empire fait donc couvrir le canal, de la rue Rampon à la Bastille, de sorte que la cavalerie ne puisse plus y être stoppée.

- La descente de la Courtille. « Sous l’austère Restauration, la mode vint, on ne sait comment, d’aller achever les orgies du mardi gras à la Courtille : la nuit s’y passait à boire, et au matin du mercredi des Cendres, c’était, pour les bourgeois vertueux, un divertissement incomparable que d’assister à “la descente de la Courtille”. » Paris Atlas.
« La nuit du mardi gras donc, une fois minuit passé, les danseurs de l’Opéra, des Variétés, etc., montaient s’encanailler avec les débardeurs et les mamelucks de la barrière de Belleville, on buvait, on sautait, on faisait tapage tous ensemble, c’était l’égalité dans l’orgie ; puis, dès six heures du matin, fiacres, cabriolets, chars-à-bancs, tous les véhicules enfin étaient envahis par cette foule en délire, et toujours hurlant, toujours vociférant, elle commençait un défilé qui, jusqu’au boulevard, avait lieu au petit pas, mais à dix heures du matin tout devait être rentré dans l’ordre. » Comme le carrosse de Cendrillon, la Courtille des plaisirs, à dix heures tapantes, redevient le Paris du travail.
Cette mode se maintiendra une vingtaine d’années, jusqu’en 1838. Lettre de Victor Hugo à Juliette Drouet datée « Mardi gras - 20 février 1849 » mais évoquant celui de 1838 : « Je n'oublierai jamais cette matinée où je sortis de chez toi, le cœur ébloui. Le jour naissait, il pleuvait à verse, les Masques déguenillés et souillés de boue descendaient de la Courtille avec de grands cris et inondaient le Boulevard du Temple. Ils étaient ivres et moi aussi; eux de vin, moi d'amour. »
Dès 1815, Ramponneau, situé un peu plus haut, on l’a dit, a été remplacé par beaucoup plus chic : Les Vendanges de Bourgogne, au coin du canal (son adresse est 144, quai de Jemmapes sous Louis Philippe). De ses balcons, c’est au champagne qu’on asperge la descente de la Courtille plutôt qu’à la farine et aux œufs. Les bals Chicard, qui s’y tiennent sous la monarchie de Juillet, du nom de leur promoteur, négociant en cuir du faubourg Saint-Antoine, sont à dix francs la carte, sur invitation. Néanmoins, les costumes chicards de carnaval continuent d’imiter ceux du peuple, avec comme types Balochard, « l’ouvrier tapageur et spirituel », Pétrin, le boulanger, etc. Milord l’Arsouille, patronyme hybride, symbole du riche encanaillé, qui conduira les descentes de la Courtille jusqu’à la dernière et sa ruine.

- 37, Fbg du Temple, en 1876, Boléro Star, puis Bijou Concert, Bijou Théâtre, etc. En 1924, le théâtre et son architecture "fin de siècle" sont détruits et débute la construction du Grand Cinéma du Palais des Glaces. Sa façade, recouverte de miroirs, lui vaut son nouveau nom. En 1960, la salle est transformée en salle de music-hall et de concerts. De grands noms s'y produisent dont Nina Simone, Marcel Dadi, Touré Kunda ; 1977 est l'année punk avec, au festival du Palais des Glaces, les Clash, les Damned, Jam, Generation X…
Le Funiculaire y fait son va et vient depuis 1891

- 50, rue du Fbg du Temple, cour industrielle
- 52, cour industrielle dans bâtiment social de 1935, constructeur de chauffage depuis 1955.

- 68, fbg du Temple/16 Goncourt, PLU : immeuble de rapport 1884, balcon filant au 5e, porte piétonne richement décorée sur la rue des Goncourt. La rue des Goncourt est percée en 1883 seulement sur l’emplacement de la caserne de la Courtille (gardes françaises) de 1780 ; les immeubles Alix Gaillard, au n°5, comme les portes décorées des n° 8, 6, 4 sont postérieurs.

- rue Darboy : villa du clos de Malevart : nommée fin 1999 : La rue du Faubourg du Temple, à proximité, a été tracée sur un très ancien chemin ouvert au travers d'un lieu-dit champêtre appelé au 12ème siècle, "clos de Malevart".
- rue Deguerry, ouverte en 1865, comme la symétrique (l’une et l’autre baptisées en 1875 d’ecclésiastiques tués par la Commune), en même temps que l’église ; au 6, bow-windows métalliques peints en vert.

église Saint-Joseph À l’annexion, le 11e arrondissement dans son ensemble ne comptait en tout et pour tout que deux églises. Napoléon III y a fait ajouter par Ballu l’église Saint-Joseph, « fort belle – nous dirions presque trop belle, en raison de la ferveur de la population pour laquelle elle a été faite, car cette ferveur est des plus tièdes », commente le Paris-Atlas de 1900. La ferveur iconoclaste, à l’inverse, est intense, qui a poussé, le 20 août 1899, de jeunes anarchistes à mettre l’église à sac.

angle 160 St-Maur/1-5 Orillon : localisation du Cabaret des Marronniers. Sont vues souvent au Cabaret des Marronniers, deux des quatre ou cinq maîtresses que compte le Régent  rien que parmi les dames de qualité : la marquise de Prie, par exemple, qui a « beaucoup d’agrément dans le visage, dans l’esprit et dans toutes les manières, selon Mathieu Marais, parle italien à merveille et chante de même », ou la comtesse de Parabère – « elle est grande, la taille bien prise, le visage brun, car elle ne se farde pas ; elle a de beaux yeux, une bouche charmante et peu d’esprit ; en un mot, c’est un bon morceau de chair fraîche », assure la princesse Palatine.
A l’automne ? de 1733 : En compagnie d’Émilie de Breteuil, marquise du Châtelet par son mariage, de la duchesse de Saint-Pierre, qui vient de dépasser la cinquantaine, et de son jeune amant, le comte de Forcalquier, (qui a eu quelque temps plus tôt les cheveux coupés par un boulet de canon, au siège du fort de Kehl, finalement tombé aux mains des Français le 28 octobre 1733), Voltaire est attablé devant une fricassée de poulet, aux chandelles, dans ce cabaret des Marronniers couru pour ses jeux de bagues, ses escarpolettes et la diseuse de bonne aventure qu’on était presque assuré d’y trouver.
 La mémoire de ce rendez-vous des amants restera vivace jusqu’à la veille de la Révolution : les marronniers du Mariage de Figaro y feraient allusion. Ils constituent le mot de passe du piège tendu au comte Almaviva :
« La comtesse :
— Je mets tout sur mon compte. [Suzanne s’assied, la comtesse dicte.] Chanson nouvelle, sur l’air : ... Qu’il fera beau, ce soir, sous les grands marronniers... Qu’il fera beau, ce soir...
Suzanne écrit :
—“Sous les grands marronniers...” Après ?
La comtesse
— Crains-tu qu’il ne t’entende pas ? »
Le 5ème acte de La Folle Journée, son sous-titre, s’y déroule tout entier, et s’y dénoue : « Le théâtre représente une salle de marronniers, dans un parc ; deux pavillons, kiosques ou temples de jardin, sont à droite et à gauche ; le fond est une clairière ornée, un siège de gazon sur le devant ».
Puis le Tambour-Royal (enseigne qui est un clin d’œil à la caserne de gardes française qu’on a évoquée rue Goncourt) de Jean Ramponneau s’est établi à cet emplacement ; une énorme salle de 900 à 1 000 places. Le patron bâtit sa gloire sur le prix de sa pinte et, en 1758, sur le fait d’avoir gagné un procès contre un entrepreneur de spectacles, l’église ayant fait valoir, en dépit d’un contrat dûment signé, qu’on ne pouvait forcer un homme à se damner en montant sur les planches. Voltaire ne pouvait pas ne pas s’emparer d’une affaire dans laquelle l’église condamne si fort le théâtre qu’elle en absout le parjure, sans compter qu’elle n’a aucun reproche à faire au cabaret ; il va donc écrire un Plaidoyer de Ramponeau dans lequel le bonhomme fait l’éloge de sa profession :
" Si nous sommes nécessaires à la puissance temporelle, nous le sommes encore plus à la spirituelle, qui est si au-dessus de l’autre. C’est chez nous que le peuple célèbre les fêtes; c’est pour nous qu’on abandonne souvent, trois jours de suite, dans les campagnes, les travaux nécessaires, mais profanes, de la charrue, pour venir chez nous sanctifier les jours de salut et de miséricorde; c’est là qu’on perd heureusement cette raison frivole, orgueilleuse, inquiète, curieuse, si contraire à la simplicité du chrétien, comme maître Beaumont lui-même est forcé d’en convenir; c’est là qu’en ruinant sa santé on fournit aux médecins de nouvelles découvertes; c’est là que tant de filles, qui peut-être auraient langui dans la stérilité, acquièrent une fécondité heureuse qui produit tant l’enfants bien élevés, utiles à l’Église et au royaume, et qu’on voit peupler les grands chemins pour remplir le vide de nos villes dépeuplées. (...)

L’Encyclopédie, à l’article Cabaret, prétend que les lois de la police ne sont pas toujours rigoureusement observées dans nos maisons. Je demande justice à la cour de cette calomnie: je me joins à maître Palissot, maître Lefranc de Pompignan, et maître Fréron, contre ce livre abominable. Je savais déjà par leurs émissaires, mes camarades ou mes pratiques, combien ce livre et leurs semblables sont pernicieux.
Une foule de citoyens de tout ordre et de tout âge les lit, au lieu d’aller au cabaret: les auteurs et les lecteurs passent dans leurs cabinets une vie retirée, qui est la source de tant d’attroupements scandaleux. On étudie la géométrie, la morale, la métaphysique, et l’histoire: de là ces billets de confession qui ont troublé la France, ces convulsions qui l’ont également déshonorée, ces cris contre des contributions nécessaires au soutien de la patrie (...) Ces détestables livres enseignent visiblement à couper la bourse et la gorge sur le grand chemin: ce qui certes n’arrive pas à la Courtille, où nous abreuvons les gorges, et vidons les bourses loyalement."
 
En 1772, Jean Ramponneau cède la main à son fils pour reprendre la Grande Pinte, guinguette située juste en face de l’ex-château des Porcherons, à l’emplacement de l’actuelle place d’Estienne-d’Orves. Père et fils sont les papes de Paris, à lire Jean Joseph Vadé, le « Corneille des Halles », dans La Pipe cassée : « Voir Paris, sans voir la Courtille, / Où le peuple joyeux fourmille, / Sans fréquenter les Porcherons (…) / C’est voir Rome sans voir le pape ».

on prend à gauche la rue Saint-Maur
- 166-170, rue St-Maur, le bâtiment sur cour est la manufacture de H. Mourceau : tissus, étoffes et tapisseries d’ameublement, de 1858-59; les 2 immeubles de rapport aux n° 166 (où le directeur de la manufacture a son appartement) et n° 170 s'y ajoutent en 1862-63.


on remonte la rue du Fbg du Temple
- cour des Bretons, Cour de Bretagne (1829). Cour des Bretons (1877) : lotissement du 19ème siècle associant artisanat et logements, ateliers en r-d-c et 1er étage ; rénovée en 2001, vendue en logements.

- 105 rue du Fbg du Temple, Galerie marchande à un seul accès, construite de 1923 à 1924 par l'architecte Ferdinand Bauguil pour le compte de Théo Cremnitz, promoteur de cet ensemble de "magasins d'exposition". Appelé "Palais du Commerce", l'édifice abritait une cinquantaine de magasins et ateliers, tous à l'abandon aujourd'hui. Constitué de deux niveaux de galeries ouvertes sur des coursives, la galerie est en béton armé. Les sols pavés de verre et une verrière en fond de galerie éclairent l'ensemble. Le sous-sol abrite un bal-musette, "La Java", qui a vu débuter, entre autres, Edith Piaf et Maurice Chevalier. Inscrit MH en 1994:
Le Palais du Commerce
105, rue du Fbg du Temple






















- 94 rue du Fbg du Temple, Cet humble et pittoresque concert de quartier existait déjà en 1850. Après des années d'une vie agitée, l'ancien 'Concert du commerce', sous ce nom en 1910 dans Hillairet (En février 1902, Maurice Chevalier, engagé sur la recommandation de Boucot, en supplément de programme, y chantait pour cinq francs par semaine !), a rouvert ses portes au public le 16 novembre 1988 sous le nom de Théâtre du Tambour Royal, évocation du cabaret de Ramponneau. Ne subsistaient de l'ancienne salle, après plus de 60 ans d'abandon, que des fragments de fresques, quelques éléments de scènes, de régie et de sièges (trois d'entre eux ont encore leur place dans la salle).

on tourne à dr. dans passage Piver
- 14, passage Piver, atelier début 20ème ; à partir de 1943, emboutissage des métaux, puis garage, auj atelier d’artiste

- 5, impasse Piver, ex usine Springcourt

on prend à g. la rue de l’Orillon, puis à g. la rue Louis Bonnet et la rue de la Présentation pour rejoindre la rue du Fbg du Temple
- rue de l’Orillon : Pour Alphonse Daudet, le gavroche typique du faubourg, c’est un « petit du quartier », «né, comme moi [c'est le gamin qui parle], rue de l’Orillon, dans un atelier de menuisier, et depuis huit ans jusqu’à quinze qu’on m’a mis en apprentissage, avoir roulé le faubourg dans une voiture à bras pleine de copeaux »

- Comme au Tambour royal, clientèle du Cabaret de la Courtille de Gilles Desnoyers, 129, rue du Fbg du Temple, était mêlée : nobles et courtisans aimaient, en carnaval comme aux jours moins gras, fréquenter les guinguettes populaires, Mme de Genlis, préceptrice des enfants du futur Philippe-Egalité, y avait dansé, dit-on, avec un valet de chambre.
Cour de la Grâce de Dieu : d'une longueur de 133 m et d'une largeur minimum de 3,50 m. M. Meyer, propriétaire de cette voie privée et directeur du théâtre de la Gaîté la dénomma ainsi en 1870, en souvenir de l'énorme succès de la pièce dramatique de Dennery et de Gustave Lemoine « La Grâce de Dieu » jouée en son théâtre. Ce vaste ensemble offre une belle homogénéité architecturale dans ses bâtiments bas et ses pavillons. En 1850, il était alors plus qu'insolite de regrouper en un seul et même lieu un aussi grand nombre de logements populaires (précurseurs de nos HLM) et de ce fait, il fut considéré comme « le plus grand immeuble de la capitale » ; réhabilités par l’office public d’HLM dans les années 1970. Dans une liste de victimes du coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851, on trouve un « GANTILLON, dessinateur, cour de la Grâce-de-Dieu »

on remonte la rue du Fbg du Temple jusqu’à la place du Gal Ingold, l’ex Barrière de Belleville du Mur des Fermiers Généraux.
- A la construction du mur des Fermiers Généraux, les cabarets sont passés de l’autre côté. Sous la Restauration et dans les débuts de la monarchie de Juillet, entre les cabarets du Bœuf-Rouge, du Coq-Hardi, du Sauvage, de la Carotte filandreuse, de l’Épée-de-Bois, la circulation est interdite aux voitures. « Un beau dimanche du printemps ou de l’été, tout est confondu dans la rue, depuis la barrière jusque auprès de l’entrée du bourg. Ouvriers, bourgeois, militaires, hommes décorés, femmes en bonnet, femmes en chapeau, marchands de fruits, de petits pains, tout circule, tout monte ou descend confusément, sans se presser, sans se heurter ; et chacun cherche, sans être troublé, l’enseigne de la guinguette où l’on vend du bon petit vin à dix ou douze sous le litre, ou quinze sous la bouteille ; du bon veau, de l’excellente gibelotte de lapin, de l’oie, soit en double soit rôtie, etc. », assure en 1826 la Vie publique et privée des Français.
« Le dimanche, l’ouvrier vrai, écrit Denis Poulot, va se promener avec sa femme et ses enfants dans les promenades publiques, visite les musées, les expositions, l’été plus spécialement, va à la campagne dans les environs de Paris, à dix heures il est rentré. »
Passons à l’ouvrier, le second dans l’ordre décroissant de sa nomenclature : « Quand il fait beau le dimanche, à une heure, tout le monde en route, à Saint-Ouen (pour la friture), Joinville, Romainville (Les tramways électriques empruntèrent ces lignes dominicales : dès 1896, République-Romainville, tramway à impériale) ou Bondy, on dîne au Lapin Vengeur, [l’enseigne représente un lapin tuant d’un coup de pistolet un cuisinier] on rentre chargé de lilas ou de muguet, même de simples fleurs des champs ; à onze heures, tout le monde dort. »

- La dernière barricade de la Commune fut-elle celle de la rue Oberkampf ? Celle de la rue Rébeval dans le 19e ? Celle de la rue Ramponneau, au coin de la rue de Tourtille, à en croire un dessin de Robida [né en 1848, il habite Belleville de 1869 à 1882, avant de filer sur Argenteuil] qui le légende comme « la dernière barricade de la Commune » ? Lissagaray a peut-être été le dernier défenseur de celle-ci [Lissagaray sera ensuite en exil à Londres, l’amour des 18 ans d’Eleanor, dite Tussy, la cadette des sœurs Marx ; il en a 34].

- rue Louis Bonnet, enfant d’Aurillac, ouverte en 1927 : l’Auvergnat de Paris  était mort en 1913, une foule immense suivant ses obsèques.

puis la rue de la Présentation : la lisière sud de « La Goulette » de Paris pour les juifs tunisiens, et depuis le début des années 1980, le bord inférieur du Chinatown de Belleville.
On trouvait encore dans les années 1990 quelques vestiges de pavés en bois dans une entrée d'immeuble rue de la Présentation.
Le personnage de L’Homme qui tuait des voitures, d'Éric le Braz, habite à l’angle Bonnet/Présentation

puis rue du Moulin Joly
- galerie Artegalore, 14, rue du Moulin-Joly, ses vernissages attirent de nombreux VIP collectionneurs. On a pu y croiser Arielle Dombasle, Marc Lavoine, Andrée Putman ou encore Philippe Starck.

- à dr., rue Jean-Pierre Timbaud  (ex rue d’Angoulême ; la « Ville Neuve d’Angoulême » est nommée ainsi à la suite du premier projet de lotissement et d’urbanisation de cette zone marécageuse, au XVIIIe siècle, qui appartenait alors au duc d’Angoulême, frère du futur Louis XVI et futur roi Charles X). Le cercle internationaliste ‘Les Sans Patrie’, fondé en 1880, a tenu ses réunions hebdomadaires du samedi, salle Thomas, dans cette rue. Les Causeries populaires de Libertad y ont eu une annexe en 1903, à l’angle avec la rue Morand (auj, mosquée Omar).

Le bâtiment 2 sur 5
La dernière des 4 bosses
- 98 rue Jean-Pierre Timbaud: une pile de 5 bâtiments d'habitation successifs, en brique de Bourgogne, de 1887, et 4 intervalles où bosselle quatre fois, pour y prendre sa lumière, l'atelier qui occupait tout le sous-sol.

- 94 rue Jean-Pierre Timbaud. Ex manufacture d'instruments de musique de 1881 à 1936 : la lyre du portail (1882) est le seul élément explicite qui en rappelle l'histoire. « Couesnon & Cie » fabriquait dans la grande halle métallique des cuivres réputés dans le monde entier des fanfares et du jazz. Le Hall de l'hôtel industriel est son magasin, vitrine internationale de ses instruments qui sont testés dans la salle de l'Harmonie ; un Cercle Lamartine, société justement « lyrique » a été hébergée dans ces lieux par un négociant en vin à l'origine de la salle de l'Harmonie. Au début de la 3e République, six cents ouvriers fabriquent des instruments à vent dans « la manufacture la plus importante du monde ». Elle devient propriété de la CGT métaux en 1936 par l'achat de l'usine par l'Union Fraternelle des Métallurgistes, association dépendant de la CGT. A cette époque, c’est Rol-Tanguy, métallo de Talbot Paris puis de Renault, militant de la première cellule d’entreprise créée dans l’usine au début 1924, qui est le secrétaire du syndicat des métallos de la région parisienne. A partir des années 1930, c’était toujours le syndicat des métaux qui était le premier du cortège syndical au Mur des Fédérés, et à la tête des métallos, on voyait Jean-Pierre Timbaud, ouvrier dans une fonderie d’art, trapu, « image d’Epinal avec ses couleurs chantantes et crues », comme le décrit Philippe Robrieux. C’est dans le Grenelle des usines Citroën qu’il avait mené la campagne électorale du Parti communiste, en 1932, contre Marceau Pivert. C'est sous ce fer forgé des métallos que furent accueillis les volontaires des Brigades internationales à leur retour en 1938, que s'enseigna la pratique pionnière en France de l'accouchement sans douleur, que ce tissèrent des réseaux de résistance. A la Libération, de solides barricades s’élèvent là comme avenue Parmentier, faubourg du Temple. Le 24 août, les Allemands essayent de les forcer en direction de la République ; ils sont repoussés à l’aide de grenades incendiaires et d’un canon de 77 pris à l’ennemi. La rue pourra alors honorer Jean-Pierre Timbaud, à ce moment-là fusillé depuis déjà trois ans, dès l’été 1941, à Chateaubriand. C'est dans la Maison des métallos que fut rendu le dernier hommage à Dulcie September, amie de Nelson Mandela, assassinée à Paris. La Maison a été rachetée par la ville de Paris, et confiée à la mairie du 11e pour devenir un lieu polyvalent. L’Union des métallurgistes y a conservé un espace pour installer son Institut d’Histoire Sociale.

En face, angle rue Morand, la mosquée Omar ; pendant la grande prière du vendredi, les fidèles débordent largement sur la chaussée de la rue Morand

Passage de la fonderie, l'aller
Passage de la Fonderie, le retour
- passage de la Fonderie (fin 2nd Empire), rénové en 1990:

- 70, rue J-P Timbaud : Cour des Fabriques, début 2nd Empire

- 10, Cité d’Angoulême, ancienne manufacture des frères Dutertre, 1853, peintres-décorateurs sur porcelaine, dont la façade monumentale était autrefois visible de la rue J-P Timbaud. Auj. atelier de Jean Nouvel

La Cour des Fabriques
- rue d’Angoulême (auj. J.-P. Timbaud). Cavaignac en attaque le 23 juin 1848 les barricades qui, avec celles de la rue des Trois Bornes, sont défendues par les Montagnards de Belleville, ravitaillés par la rue des Trois-Couronnes, et qui mettront deux généraux et 300 soldats hors de combat. De l’autre côté du faubourg, le Temple ne sera pris par la troupe que le surlendemain 25 juin. Les bronziers Abel Davaud, 19 ans, qui jouera plus tard dans le mouvement coopératif un rôle de premier plan, ou Henri Tolain, se sont battus sur ces barricades comme, dans celles du quartier Popincourt, les bronziers des Filles-du-Calvaire, des ouvriers en articles de Paris, des ciseleurs, des mouleurs, des cambreurs, des cordonniers, des chapeliers, des tailleurs.

(Alternative en prenant par la rue des Trois-Bornes:

- 19 rue des 3 Bornes (et 11 cité Holzbacher, qui reliait 3 Bornes au 28 Fontaine au Roi à compter de 1845, supprimée en 1876 ; les frères Holzbacher faisaient des portefeuilles, des albums, médaille de bronze à l’expo de 1834), on a le libraire Gosset, qui publie par exemple le discours du citoyen Agricol Perdiguier sur la fixation des heures de travail prononcé à l’Assemblée nat le 8 sept. 1848. Lieu de naissance d’Alfred Sisley, plaque.


- 9 rue des Trois Bornes, déjà attestée au 17e s. mais chemin de terre : Guithon SA, découpage, emboutissage, repoussage de métaux en feuille pour orfèvrerie, arts de la table, luminaires, etc.)

on tourne à dr. dans la rue Pierre-Levée
4 Pierre-Levée, ISMH, manufacture de Loebnitz, bâtiment peut-être de 1868, ou de 1880-84, par Paul Sédille, l’architecte du Printemps, sur lequel ont été posées les fresque réalisées pour le pavillon des Beaux-arts de l’Expo universelle de 1878.
12, Pierre-Levée, PLU boutiques au r-d-c, ateliers et logements en étage, 1907
15, ateliers métallurgiques Kurz
16, atelier sur cour
20, Pierre Levée, frise de fleurs en céramique sur ancienne manufacture de porcelaine ; escalier en coin dans la cour (ci-contre)
- 23 rue Pierre-Levée : les Plombiers-couvreurs de la Seine,

- 17, Fontaine au Roi : 28 mai 1871, dernière barricade présumée de la Commune (voir plus haut ; plaque). Le 28  mai, à 13h, y tenaient encore Jean-Baptiste Clément, Théophile Ferré, délégué à la Sûreté générale et son frère Hippolyte, Varlin, un garibaldien... « Au moment où vont partir leurs derniers coups, une jeune fille venant de la barricade de la rue Saint-Maur arrive, leur offrant ses services. Ils voulaient l’éloigner de cet endroit de mort, elle resta malgré eux. A l’ambulancière de la dernière barricade et de la dernière heure, Jean-Baptiste Clément dédia longtemps après la chanson des Cerises », écrira Louise Michel. C’est donc, sinon la dernière, en tout cas la barricade du Temps des cerises.