La Mazurka souto li pin


Galànti chatouno,
Amourous jouvènt,
La roso boutouno,
Ansin nous counvèn;
Au-jour-d’uei qu’es fèsto,
Anen la culi,
Qu’en danso moudèsto
Devèn trefouli.

Venès, que l’ouro s’avanço,
Es fèsto au Mas d’Escanin,
La mazurka, gènto danso,
La faren souto li pin.

bis

Lou bèu musicaire,
Bèn estigansa,
Fau que tarde gaire,
Déurié coumença...
Devers lis Aupiho,
Vès,lou tambourin
Aco nous rehivo
E nous met en trin.

Coulourido o palo,
Dins l’èr perfuma,
Li man sus l’espalo
Quan poù nous bleima!...
Dansant en mesuro
Is iue di parènt,
Souto la verduro,
Res nous dira rèn.

La font de l’Arcoulo
Que coulo à grand rai,
L’auro iè ventoulo
Li pibo e li frais;
Au riéu que clarejo
En coulour d’argènt,
Ges d’àutris envejo...
Que béure au sourgènt.

Oh! que saren bello,
Dins lou fres valoun,
Largant li trenello
De nosti péu blound!
En floutant à rèire,
Li jouvènt alor,
Eli creiran vèire
De garbello d’or!

La danso finido,
Vendren à parèu
DeDins la bastido,
Souto lou castèu;
En rejouïssènço,
Béuren lou muscat
Pèr la souvenènço,
De la mazurka.

La Mazurka sous les pins


Jolies jeunes filles,
Garçons amoureux,
La rose en bouton,
Nous convient ainsi;
Aujourd’hui c’est la fête,
Allons la cueillir,
Car nous ne devons nous émouvoir
Qu’au cours de danses décentes.

Venez, car l’heure s’avance
C’est fête au mas d’Escanin;
La mazurka, jolie danse,
Nous la danserons sous les pins.

bis

Le beau musicien,
Au costume typique,
Devrait commencer...
Sans trop tarder.
Voyez le tambourin,
Du côté des Alpilles,
Cela nous réveille
Et nous met en train.

Pâles ou hâlées,
Dans l’air parfumé,
Les mains sur l’épaule
Qui peut nous blâmer!...
Comme nous dansons en mesure,
Aux yeux des parents,
Sous la verdure
Personne n’y trouvera à redire.

La fontaine de l’Arcoule
Coule à gros bouillons,
La brise y évent
Les peupliers et les frênes;
Au ruisseau qui s’éclaire
En couleurs d’argent,
Nous n’avons pas d’autres envies...
Que de boire à la source.

Oh! que nous serons belles,
Dans le frais vallon;
Dénouant les tresses
De nos cheveux blonds!
En flottant en arrière,
Les jeunes alors,
Croiront voir en véritéé
Des gerbes d’or !

La danse finie
Nous viendrons par couples
Dans la bastide
Sous le château;
En réjouissance,
Nous boirons le muscat
Pour la souvenance,
De la mazurka.

 

HISTORIQUE

Charles Rieu, dit Charloun, poète provençal, néé le 1er Novembre 1845 au Paradou (Bouches du Rhône), mort au mas D’auge, près de Fontvieille (Bouches du Rhône) en 1924.Il était le fils de rudes paysans ; au sortir de l’école de son village, après avoir appris en outre quelques rudiments de grec et de latin, il se mit de bonne heure au travail de la terre pour gagner sa vie. La lecture de Mireille, alors qu’il était encore enfant, lui fit prendre conscience de sa vocation poétique, encouragée très vivement par Mistral pour qui Charloun conserva un véritable culte. L’oeuvre de Charloun est essentiellement composée de ses trois recueils de chansons : Les Chants du Terroir (1897) , Nouveaux Chants du Terroir (1900) et Derniers Chants du Terroir (1904). Dans ces trois volumes le poète chante les “travaux et les jours” du paysan de Provence, aussi bien les menus incidents de la vie de la ferme que les soucis que causent les mauvaises récoltes. Cependant ce paysan a donné une excellente traduction en provençal de l’Odyssée (1907) qui rend, mieux que toute traduction française, le rythme et l’harmonie des vers d’Homère et l’atmosphère de la vie rurale en Grèce à l’époque d’Ulysse.Charloun s’est aussi essayé dans le genre dramatique avec Marguerite du Destet qui, encore inédite, a été joué à Châteaurenard quelques temps avant sa mort, et n’a été reprise rarement depuis malgré ses qualités incontestables. Charloun est un authentique poète paysan qui a le sens de la langue, dont il utilise avec une maîtrise remarquable la souplesse, les images et la rusticité