L’usage traditionnel veut qu’après que soit suivi de l’indicatif. Mais le concept d’indicatif mode de la réalité et du subjonctif mode de l’incertitude, etc., n’est pas si irréfragable :
Je suis arrivé après qu’il est parti. (Aucun doute : d’abord il est parti, ensuite je suis arrivé.)
Mais :
Je suis arrivé avant qu’il (ne) parte. (Aucun doute non plus : je suis arrivé et il n’était toujours pas parti avant mon arrivée.)
Loin de moi l’idée de vouloir sanctionner ce que beaucoup considèrent toujours comme des erreurs, mais l’exemple ci-dessus semblerait démontrer (si je ne m’abuse) qu’il n’y a pas toujours de logique dans les règles grammaticales (qui sont souvent des codifications simplifiées de l’usage des gens de lettres).
Aujourd’hui, dans la langue parlée, je crois que pratiquement tout le monde dit Je suis arrivé après qu’il soit parti. Le Robert dit que c’est un emploi critiqué, mais cite tout de même des auteurs dont la langue ne saurait être qualifiée de relâchée : respectivement Gide et Montherlant :
Dans le TLF, on peut lire ceci :« après que Vincent eût fermé sa porte »
« Trois semaines après que cette phrase ait été écrite »
En quoi, au fond, l’emploi du subjonctif avec après que constituerait-il un outrage à la langue française ?Rem. Pourquoi le développement du subj. avec après que dep. le début du XXe s.? M. Stéfanini, en 1953, ds Remarques sur la syntaxe d'après que en fr. mod. estimait que chez les sujets qui emploient tantôt l'ind., tantôt le subj. avec après que, le subj. ,,exprime un procès dont la réalité ne peut faire aucun doute, dont la réalisation est garantie par après que, mais il permet de le considérer dans le temps in fieri, qui est en train de se faire pour aboutir au temps in esse, où se déroule (s'est déroulé ou se déroulera) le procès principal.`` (p. 79). ,,En se faisant suivre du subjonctif, après que conserve, dans toute la mesure du possible, sa symétrie avec avant que qui, grâce au discordantiel pouvait déjà établir entre deux faits un lieu non seulement temporel, mais idéel.`` (p. 83). En 1955, ds Nouvelles remarques sur la syntaxe d'après que, il s'efforce d'expliquer pourquoi un vaste public a manifesté un tel empressement à adopter la nouvelle tournure. Avant que et après que ,,ne datent pas avec précision le procès exprimé par la principale (...) mais le situent simplement comme antérieur ou postérieur à un autre procès qui ne coïncide pas avec lui. Dans les deux cas, on établit entre les deux faits un rapport de consécution (...); avant que diffère, retarde l'arrivée, après que ne la fait pas attendre. Mais la chronologie de raison reste la même : les deux locutions placent identiquement deux événements à la suite l'un de l'autre.`` (pp. 125-126). ,,On a dégagé des deux locutions cet élément commun qu'elles établissent une chronologie de raison, qu'elles mettent « en suite » deux procès, et qu'elles le font en situant dans l'en deçà d'un événement le fait à dater, qu'elles semblent donc comporter une sorte de jugement critique sur le juste moment de survenance du procès. (...) [La langue] néglige les raisons puissantes qui justifient l'emploi de l'indicatif avec après que, pour ne retenir que la nuance de critique implicite qu'elle contient (...).`` (p. 136).
La langue réalise ainsi une tendance à la symétrie entre deux constr. de sens opposé, dont l'oppos. semble suffisamment marquée par les loc. conjonctives.
Pour M. Wilmet, ds Après que suivi du subj., 1969, après que ,,oblige l'usager du fr. mod. à saisir l'événement subordonné par sa séquelle verbale. Comme les tiroirs composés de l'indicatif ne suffisent plus à marquer l'aspect extensif, l'habitude s'installe de recourir au mode subjonctif, où les formes simples et les formes composées constituent toujours des couples aspectuels véritables , en sacrifiant ainsi l'expression du temps (au demeurant assurée par la conjonction) à celle de l'aspect (...) Le mode subjonctif, presque insensible à la notion de temps, fournit (...) une solution unique joignant la simplicité à l'efficacité.`` pp. 37-38.