Le capitalisme d'après la crise sera éthique ou ne sera pas

Grâce à nos jeunes, ou à cause d'eux, de leur vigilance, nous savons que les entreprises au XXIe siècle seront éthiques ou ne seront pas. Et qu'ils seront, eux, les gardiens attentifs d'une nouvelle forme d'orthodoxie. A cet égard, la démocratie digitale vaut bien des autorités de régulation. Et ce qui est vrai pour les entreprises et les institutions ne l'est pas moins pour les marques.

D'une certaine manière, sous la triple conjonction de la globalisation des valeurs montantes, de la "moralisation" nécessaire du monde des affaires et de la révolution digitale qui décuple la puissance citoyenne de chacun, le monde nouveau dans lequel nous sommes entrés pose les termes d'un nouveau contrat relationnel entre toutes les parties prenantes de ce monde post-crise.

Environnement, développement durable, éthique de la responsabilité citoyenne et sociale, gouvernance d'entreprise, transparence : tels sont les nouveaux repères d'un monde dans lequel la création de valeur doit être partenariale, et non plus uniquement, ou essentiellement, actionnariale. Elle doit être "bonne" c'est-à-dire durable, éthique, et ne rien devoir au cynisme. Et contrairement à ce que pensent les dirigeants de telle grande banque d'affaires, il ne suffira plus que les choses soient seulement légales, encore faudra-t-il qu'elles soient éthiquement irréprochables.

C'est tout un changement de valeurs qui est face à nous, et qui, dès lors, affectera toutes nos manières de voir, de penser et d'agir. L'utile et le superflu, le besoin et l'envie, le nécessaire et ce qui ne l'est pas : ce sont ces pesées, et les arbitrages qu'elles appelleront, qui vont former notre grille de lecture collective pour les décennies à venir.

La consommation n'est pas à l'abri de cette réflexion. On a appris à satisfaire les besoins des masses, et souvent le "toujours plus" s'est imposé. Consommer mieux pour moins, plutôt que consommer plus pour moins : c'est le nouveau mot d'ordre.

Ce ne sera pas simple quand, plus au sud et à l'est, des centaines de millions de gens entendent accéder aux joies de la consommation de masse. A eux, cette nouvelle sagesse occidentale pourra sembler bien décalée. Et il faut bien reconnaître qu'elle l'est.

Mais le mouvement d'ensemble est irréversible, et ceux qui continueraient de parier sur le jetable et l'évanescent, fantaisies de riches, devraient y réfléchir à deux fois.

De même, nous, publicitaires, devons repenser et réinventer le rêve que nous offrons aux consommateurs. Les marques devront apprendre à vendre des produits et des services qui non seulement correspondent mieux aux besoins de demain, mais respectent toutes les parties prenantes : le consommateur mais aussi le citoyen ; l'actionnaire mais aussi le salarié. Tous.

Nous ne pourrons résoudre tous les problèmes qui se posent à nous qu'en bénéficiant d'une croissance forte, et de profits solides. C'est la double condition sine qua non de la création des richesses dont notre monde a besoin pour continuer à se développer.

Mais cette croissance et ces profits ne devront rien au cynisme, et naîtront de comportements sains, éthiques, prenant en compte les devoirs de l'entreprise vis-à-vis de ses salariés, de ses fournisseurs, de ses clients et de ses actionnaires, mais aussi vis-à-vis de la cité.

Nous devons apprendre à renouer avec ce qui a fait la force du capitalisme : la réussite individuelle pour le bien collectif. Et je suis tenté d'ajouter qu'un peu de générosité aidera sans doute à faire encore plus pour la croissance.

Maurice Lévy, président du directoire de Publicis Groupe.