Et si on parlait de la mécanique de la 2CV ?
Ou comment nous montions nos 2Cv Cross et autres Deuches . ..
Vers une description technique d'une 2cv de 1951
Mon premier souvenir que j'ai de la 2cv remonte à mon enfance. A l'époque, il y avait à la
maison une Traction avant (7Cv) de 1937, je crois, mais d'avant guerre, ça j'en suis sure. Comme elle ne suffisait
pas pour les besoins de transport, il y avait également un plateau C4. Je me rappelle les discussions sur les vertus d'économies
d'une nouvelle voiture, et un jour "Elle" est arrivée. Une camionnette 2cv, nous sommes en 1956.
Pour les besoins de transport de la production elle était un peu juste parfois, alors une
deuxième est arrivée et le C4 c'est retrouvé sur cales dans un hangar. Je ne sais plus combien de 2CV sont rentrées
après mais il y en avait partout. Plusieurs fois, j'ai dû aider à changer un moteur avant de partir à l'école, tant
pis pour le retard. J'avais à peine 15 ans quand j'ai conduit ma première 2CV, les gendarmes étaient plus cool à l'époque.
En 1976 en Belgique j'ai découvert le 2CV CROSS et j'ai été contaminé. Dans ce qui va suivre
je vais développer comment je montais les mécaniques. J'avais un petit garage à Bruxelles, et je récupérais les Deuches
rejetées par le contrôle technique, accidentées, ou abandonnées (131 sur 4 ans). Elles étaient décortiquées proprement
et servaient de pièces de rechanges pour l'équipe qui s'était constituée. Une vingtaine de voitures sont sorties au
fil du temps.
Il y avait même, à la fin, Renaud, qui préparait un mémoire d'ingénieur, et dont le
thème et le titre était "55CV pour une 2CV" (soutenu avec succès). Le meilleur moteur qui ait été produit à été celui équipant
l'"Ami 6 super", en 1968. Son arbre à came avait des angle très intéressant. Mais il a été rapidement sacrifié sur
l'autel des économies de carburant, crise pétrolière oblige! Monsieur Keersmaker était étonné de la quantité de
cet arbre à cames que je commandais quand je n'en trouvais pas à la casse.
Je partais donc d'une base de moteur de 2cv6, à savoir pour commencer le carter moteur, constitué de
ses 2 demi carters. Ils étaient sélectionné avec soin. Pas de défauts apparents et surtout "passé au marbre".
Voici le premier point pour perdre de la puissance ! Chasse aux déséquilibres, et aux vibrations potentielles. Le plan
de joint des carters doit être exempt de tout défaut de planéité et de gauchissement.
Lorsque cette condition est remplie, les faces d'appuis des portées de cylindre sont mise
strictement parallèle au plan de joint du carter. Ainsi les différents axes des pistons et de leurs chemises sont
en alignement suivant les besoins du moteur. Les deux demi coquilles ainsi contrôlées peuvent recevoir l'embiellage.
J'en ai consommé pas mal jusqu'à . . .
Un artisan reconditionnait les embiellages, et avec lui nous avons "amélioré" le
produit. En premier lieu, l'équilibrage. Il était assemblé avec des pièces sélectionnées et de bonne qualité (surtout
au niveau des coussinets) . Les bielles étaient de poids identiques et même retaillées et allégées pour certain moteur.
J'ai alors très vite abandonné les embiellages d'origine ou d'échanges standards
Vient alors l'arbre à cames, celui de l'ami 6 ! Les puristes me rétorqueront que cet arbre
est creux pour laissé circuler l'huile de lubrification. Regardez bien un schéma de graissage du nouveau moteur,
et vous verrez que ce problème ce règle facilement sans contrevenir au règlement du 2CV Cross de l'époque. L'équilibre
hydrostatique était respecté et je n'ai jamais eu de difficultés de graissage. Les angles de certains arbres à cames
de 2CV4 étaient encore plus intéressant mais impossible à monter sur une embase 2CV6. Ce qui explique que certaine
2CV4 rivalisait avec les autres en course.
A ce stade du montage, deux alternatives suivant la destination du moteur: Conforme au règlement
ou libre de toutes réglementations. Je commencerais par le conforme.
Là, une petite entorse, le piston n'était pas une pièce strictement d'origine mais commercialisé par
Borgho, les cotes étaient conformes mais la surface était traitées avec une couche de graphite. Les segments étaient
d'une qualité satisfaisante, pourtant je détrempais certains éléments du racleur d'huile, car c'est lui qui absorbe
le plus d'énergie pendant son voyage dans le cylindre.
Il faut bien récupérer de l'énergie quelque part! les autres segments étaient ajustées au
cylindre avec un jeu supérieur, car on avait tendance à tourner un peu plus chaud que le normal. Nous avons calculé à une équivalence
de 17 CV DIN les pertes dans un moteur de 2 Cv par les différents facteurs et paramètres mécaniques. Dans mon
enfance, quand je mettais les segments dans le cylindre, on se mettait à deux avec des tournevis et bonjour les rayures
! Qui dit rayures sur de la fonte dis point de rupture potentiel ! Avec un collier de serrage de type cerflex, (Je
sais ,il y a une faute ,mais je ne fais pas de pub!) on y arrive très bien.
Toujours avec l'aide du marbre, la hauteur du plan de joint supérieur du cylindre est appairée
identiques des 2 cotés. La tolérance que nous avions fixée était inférieur au 1/10 MM dans toutes nos vérifications.
Résumons, Les deux demis carter ont reçu l'embiellage, l'arbre à cames, et sont assemblés.
Pistons, segments et chemises sont sélectionnés. Les 3 tirants ont été sélectionnés de même longueur et exempt
de toute déformation. Il faut maintenant préparer des tête de culasse.
Là, il y a deux possibilités, 2CV4 ou 2CV6. Dans les deux cas il faut renforcer la pré -
tension des ressorts pour palier au risque d'affolement des soupapes. Un moyen simple, multiplier les rondelles à la
base des ressorts. Mais attention il doit rester au minimum 5/10 de jeu entre les spires lorsque la soupape est ouvert à fond
par son culbuteur. Attention à bien sélectionner les tiges de culbuteur.
Ni rayure ni torsion ! attention à la longueur identique sur les 4 tiges du moteur. La portée
de joint de la culasse est "rodée" avec son cylindre pour avoir une meilleur étanchéité. Au montage, la surface
de joint est enduite de pâte à joint de culasse "bleue". Faites un teste simple lors d'un démontage. Remonter
les culasses avec du savon dilué sur le plan de joint, et faite un tour de compression ! Oh les belles bulles !!
En cross nous utilisions des culasses de 2CV4 modifiées pour être montées sur des chemises
- pistons de 2Cv6. Pour ce faire la modification porte sur les tubes de culbuteur. L'opération est simple avec l'outil à dudgeonner.
Si vous tentez ce montage, vérifiez le dégagement de la tête de soupape et la face du pistons. Pour ce faire , cylindre
ouvert, coller une boulette de pâte à modeler sur le piston en face de la soupape. refermez la culasse , faites
faire 2 tours au vilebrequin. et retirez la culasse. la boulette doit être écrasée et doit avoir une épaisseur d'un
mm mini.
Elle doit être identique des deux côtés, sinon il y aura un déséquilibre dans la puissance
des cylindres par différence du taux de compression.
Tout est en ordre ? alors on ferme ! Les écrous de culasse bien propre, sont approchés à la
main, serré à 1 kg avec une clef dyna. On présente la tubulure. Les 4 plans de joint doivent être en contact
sans effet de bascule. vérifié si les joints laissent les ouvertures libres de passages sinon gare aux turbulences
dans les conduits. Si tout est conforme, poser les vis et écrous de serrage et serrez légèrement. Maintenant
vous pouvez serrer régulièrement jusqu'au couple de serrage (3.3).
Un autre élément qui intervient dans le rendement de votre moteur: le volant. Il emmagasine
de l'énergie sur le cycle moteur pour le restituer ensuite . Le poids est un avantage dans certains cas mais
un inconvénient dans d'autres. Un volant lourd ralenti la montée en régime. Un volant trop léger donne un bas
régime trop instable, pouvant aller jusqu'à des difficultés de démarrage, surtout à froid. J'ai utilisé des volants
allégé de 2kg par usinage. En fonction des rapports de boites , le régime du moteur à son importance. J'ai vu un de
mes "moteurs spéciaux " prendre 9000tours sur un délestage (là j'ai quand même eu peur!)!.
J'ai utilisé une variante de ce montage, surtout pour les courses "Zolder" sur
circuit. L'embiellage était spécial. L'ensemble piston chemise était différent. Le cylindre 2CV6 était réaléser et
recevait un piston de "coccinelle 1300 " lui même retailler sur le haut et ajusté "à la
pâte à modeler". J'avais calculé l'équivalence cylindré à 687 cm3. Dans ce cas je remplaçais les ressorts de soupape
par ceux de ce même véhicule! (pré - tension à près de 60Kg). Des tours et de la puissance accompagnés de frayeurs
mécaniques! Pour réduire les effets de friction sur les parois de la chemise,
J'ai transformé, pour certain moteur, un piston en "balle de golf". la jupe du
piston était creusée de petite cavité faite par une fraise boulle à 5mm les unes des autres. Réduction des frottements
et rétention d'une mini goutte d'huile. Ce type de moteur ne recevait pas de carénage, ni de ventilateur. On
ne gardait que la poulie d'entraînement de l'alternateur. De ce fait, un départ ne devait pas trop tardé. Pour palier
un peut à ce désavantage, le moteur recevait 3 radiateurs d'huile,(de2CV) couplés 1 en permanence + 2 régulés
par une thermovalve à 92 degrés.
Le moteur conforme en 2CV Cross, recevait les culasses de 2CV4 modifiées avec les pistons
chemises de 2CV6 et l'arbre à cames Ami6. Le montage technique était lui comme le moteur spécial. Ces différents montages
de moteurs développaient entre 37 et 46 Cv de puissance disponible d'après les tests et conclusions de Renaud
Au niveau des boites de vitesse , j'ai déterminé 37 possibilités de rapport sur la base des
compositions suivant les jeux de pignons et les couples coniques. Les différentielles étaient montées de façon très
serrée en ajoutant des cales d'épaisseur.
Au niveau des châssis j'ai eu des résultats intéressants en remplissant le vide avec de la
résine polyuréthane 2 composants. l'inconvénient évidemment est de ne pouvoir effectuer une réparation d'urgence par
la soudure en cas de dégâts graves. Les bras avants, souvent pliés étaient renforcés avec des billes d'argile expansée
noyés dans de la résine au niveau du coude.
Une anecdote au passage, ou une histoire belge mais authentique : J'avais quelques 2CV qui
tournaient en essai ou rodage avec ce type de moteur sur route. L'un d'entre eux s'est fait prendre au radar
sur l'autoroute de Liège, à 149Km/h . Lors de la comparution devant le tribunal le juge a conclu à un non lieu par
appareil déficient ou mal étalonné." Il est impossible à une 2CV d'atteindre cette vitesse à cet endroit de l'autoroute" !
Et pourtant elle tourne ! Dans le PV d'infraction il était précisé que le véhicule était "mécaniquement normal
et conforme". Les faits sont largement prescrits depuis 1977.
En guise de conclusion, je salue les participants de cette épopée, qui avaient un surnom,
Mouth, Tiki, les Zaïrois, Ouaf Ouaf, Bucéphale, ou un prénom Bruno, Robert, Patrick "leptichien", Philippe,
Marc, Michel et Patrick, Jean Jacques le Samouraï, ou dont je me rappelle mais sans nom ni surnom, et je les
remercie pour les merveilleux et deuchistiques moments qu'ils m'ont permis de vivre.
Spirou |