- Jérémy né 18 juin 1982. - Alexandre né le 30 décembre 1985, victime d’un accident mortel de moto le 24 février 2005.
Votre entourage, vos proches,
vous-même(s) êtes concernés par la perte d’un enfant., Le décès de son enfant est la pire des choses. C’est
anormal, injuste, horrible, inconcevable, incompréhensible, inexplicable, à
l’opposé de l’enchaînement logique et légitime d’une vie de famille….
Pourquoi ?...
Voici un
schéma exposé lors d’une conférence à laquelle nous avons assisté mon mari et
moi. Schéma relayé par Dominique Davous et mis au point par une équipe
médicale, qui décrit avec justesse la situation dans laquelle se trouvent les
parents. Comment aider, comprendre, soutenir, respecter sans jamais donner de «
conseil »ni décider à leur place. D’être présent sans être envahissant. Mission
très difficile. Mais tant que l’on ne l’a pas vécu, on ne peut savoir ce qu’est
perdre son enfant et supporter les incidences que le drame génère.
Ce schéma, nous
l’avons trouvé tellement juste, tellement vrai, avec les mots appropriés, que
nous en avons fait part à notre entourage et que nous avons envie de le
partager. J’y
introduis notre propre vécu, aujourd’hui avec deux années de recul
-Il y a danger pour le couple.
-Il y a danger pour la fratrie !
Culpabilité d’être en vie, ne pas avoir su protéger son frère, sa sœur
décédé(e), ne plus être ou mal soutenu, être impuissant à la souffrance de son
père, de sa mère.
En ce qui nous
concerne nos deux fils étaient très liés et d’une rare complicité. Ils vivaient
sous notre toit au décès d’Alexandre tout juste âgé de 19 ans. Jérémy, 22 ans
lors de la disparition de son frère, a sombré dans une sévère dépression,
restant des mois, enfermé dans sa chambre, dans l’obscurité, portant les
tee-shirts de son frère avec pour seule compagnie sa télé, son ordinateur et la
visite de deux copains qui formaient avec nos garçons un groupe soudé de quatre
inséparables.
Jérémy à
brutalement tout perdu :
-Son métier de routier dont il était
fier -L’insouciance de sa jeunesse, allant
jusqu’à s’autodétruire par excès de nourriture comme pour combler le vide. Et surtout
refusant toute aide médicale.
Nous ne
pouvons que lui témoigner notre amour. La communication entre nous a été plus
que succincte et les échanges difficiles voire rompus. Pour combattre son
isolement je lui ai écrit beaucoup de lettres auxquelles il a pu se raccrocher
à des moments choisis par lui. Elles ont fini par réparer et consolider les
liens.
Au jour d’aujourd’hui, les choses ont un peu
évoluées, mais nous restons très soucieux en ce quiconcerne sa santé, son futur et une reprise d’activité. Nous
savons que tout n’est pas gagné, il faudra encore du temps pour qu’il se
reconstruise et qu’il apprenne à vivre avec l’absence.
Entre la
ruptureet l’errance il se passe
environ 4 à 5 ans, repassant de l’errance à la rupture et inversement.
Il faut aussi environ 3 années
pour comprendre que oui, il faudra passer les dates, des étapes autrefois
heureuses mais devenues cruelles de notre histoire familiale. Revivre des
souffrances à travers de nombreux détails (et ce au quotidien) et que tout recommencera au fil du temps pour toujours année après année.
Il est prouvé qu’un minimum de 10
années est nécessaire pour arriver aux larmes douces…
La mort,
la maladie, le handicap font peur. Comme si c’était contagieux et
l’exclusion(ou quelque chose d’approchant) se met en place.
Pour
certaines personnes, cela dérange. Après s’être apitoyées, elles sont rassurées
de ne pas être directement concernées, prennent du recul, coupent tout contact
traduit en action visible, se retranchant dans une compassion sans doute
sincère, mais distancière. Ce qu’elles devraient réaliser, c’est que personne
n’est hélas à l’ abri d’une cruelle destinée.
« Fuir parce qu’on ne sait pas quoi
dire » pour nous n’est pas excusable. Si un coup de téléphone est malvenu au
moment où vous le donnez, dites que vous rappellerez, que ce n’est pas
grave ! Le message de réconfort sera passé. A u moment des dates
difficiles, il est vrai quel’isolement
est notre refuge. Dans ce cas une petite lettre, un petit texto par portable,
nous donne un peu de réconfort. Puis par la suite, le coup de téléphone.
(N’oubliez pas ce que dit le schéma.)
Perdre
des amis, avoir des voisins qui détournent la tête après en avoir beaucoup fait
dans les premiers jours, de la famille qui ne téléphone plus.
Nous le
vivons comme beaucoup de parents endeuillés.
C’est
malheureusement dans cette double souffrance que nous voyons les vrais amis,
les personnes sur qui nous pouvons compter. Nous remercions Didier et moi, les
amis qui nous restent, et ceux qui le sont devenus, ainsi que certains proches.
En me
référant toujours à notre vécu, et pour vous aider, voici quelques exemples de
choses à ne pas dire ou de maladresse à éviter (surtout dans les premières
années) :
- Demander si ça va. Il est évident que
non. S’il s’agit d’une conversation téléphoniquemieux vaut commencer par « j’avais envie de vous appeler ;
j’étais en train de penser à vous». (au moins les premiers mois).
- Si c’est une rencontre : « je suis content(e) de vous
voir» etc.…
- Ne pas venir à l’improviste.
- Parler religion. Vous êtes peut être
croyant(s) ; il n’en est pas de même pour tout le monde. Entendre (comme
je l’ai entendu) que l’enfant ne reposera pas en paix si l’on ne fait pas
l’effort d’aller mieux, que son âme ne s’élèvera pas, que c’est dieu qui l’a
voulu… est insupportable !
- Donner son avis. Comme par
exemple :« tu devrais tout retirer de sa chambre !...» pour nous, mon
mari y a installé son ordinateur, moi, mon petit bureau, où je passe des heures
à remplir les pages de mon journal. Sur le dossier de ma chaise le blouson de
motard de mon fils, que nous avons récupéré ′intact′. Les murs sont remplis de
photos retraçant sa courte vie.
- Il n’est pas question de toucher à son armoire, ses
affaires. J’ai gardé ses vêtements portés la veille et ses draps non lavés…
- Pour nous cette chambre restera la chambre d’Alexandre,
elle ne deviendra jamais une chambre d’amis.
- Tant que nous serons en vie, il en sera ainsi, personne
n’a le droit de décider à notre place…
- il faut vous forcer à bouger à sortir,
voir du monde pour vous changer les idées… (Quelles idées ? perdre un
enfant n’est pas perdre un boulot même si cela est dramatique !)
- Il faut arriver à faire votre deuil
(cela veut dire accepter, nous ne pourrons jamais accepter.) dans notre cas «
faire son deuil » ne veut rien dire.
- Il vous reste un fils (c’est une chance)
moi, c’est deux enfants que j’ai mis au monde. Je veux mes deux
enfants !...
- Souhaiter une bonne et heureuse
nouvelle année !?
Nous
savons que toutes ces maladresses ne sont pas voulues, mais elles font trop
souffrir.
Ce qui
réconforte :
- Des paroles comme : « nous serons
toujours là pour vous »,« si vous avez besoin de parler comptez sur nous
» . Attention : le dire mais aussi le faire sur la durée, ne pas
abandonner à long terme. Combien de promesses avons-nous eu et qui dès le début
n’ont pas été tenues !
- Ne pas faire attention à notre
éventuelle agressivité (la colère issue de cette terrible injustice ne vous est
pas destinée).
- Simplement une épaule pour pleurer.
il faut
savoir que nous changeons, nous ne pourrons plus jamais être les mêmes, nous ne
pouvons faire comme si. (Cette simulation pour nous serait vécue comme une
trahison).
Perdre son enfant
- C’est subir… - C’est de la survie… - C’est vivre au jour le jour, sans
projet… - Pour mon mari et moi, c’est foncer dans
le boulot pour ne pas sombrer…
Alexandre, notre ange, adorait la vie.
Nous l’appelions d’ailleurs, ′ Alexandre le bienheureux′. Tous ceux
et celles qui l’ont connu ont gardé de lui, son sourire, sa gentillesse, sa
naïveté… Notre
fils n’était pas du tout scolaire. Mais lorsqu’il est entré au CFA du Tremblay,
comme son frère, tout a
changé. Il a aimé les cours, la complicité avec les profs ; étant interne,
sa semaine d’école, la vie en communauté lui a parfaitement convenu.
Il
n’était pas le dernier pour la rigolade. Il avait plein d’anecdotes à nous
raconter. Nos rencontres avec ses profs n’étaient que du plaisir. Alexandre
avait trouvé sa voie. Une semaine d’école, une semaine d’entreprise, c’était
parfait. Depuis 6 mois, il était entré dans la vie active.
Sa vie au
travail, sa vie le weekend avec son frère, ses copains, sa vie le vendredi soir
avec le club moto.Très
actif, son temps était chargé en gestes généreux en plaisirs à prendre ou
à
offrir ; il était sur tous les
fronts comme si ses jours étaient comptés, comme s’il savait inconsciemment…Il était
très fier à 18 ans d’avoir ses permis voiture, poids lourd, super lourd et son
permis…moto.
Plus jamais son père
ne s’entendra appeler «papounet» son frère «mon frérot» et moi «ma
petite maman».