NE JAMAIS T’OUBLIER ....
 

 

 

 

Le 24 février 2007

 

 

 

Nos prénoms sont :  

  Nicole et Didier.

Nous avons eu deux fils :  


- Jérémy né 18 juin 1982.
- Alexandre né le 30 décembre 1985, victime d’un accident mortel de moto le 24 février 2005.

          Votre entourage, vos proches, vous-même(s) êtes concernés par la perte d’un enfant., Le décès de son enfant est la pire des choses. C’est anormal, injuste, horrible, inconcevable, incompréhensible, inexplicable, à l’opposé de l’enchaînement logique et légitime d’une vie de famille….

     
 

Pourquoi ?...

 

                                                                                

          Voici un schéma exposé lors d’une conférence à laquelle nous avons assisté mon mari et moi. Schéma relayé par Dominique Davous et mis au point par une équipe médicale, qui décrit avec  justesse la situation dans laquelle se trouvent les parents. Comment aider, comprendre, soutenir, respecter sans jamais donner de « conseil »ni décider à leur place. D’être présent sans être envahissant. Mission très difficile. Mais tant que l’on ne l’a pas vécu, on ne peut savoir ce qu’est perdre son enfant et supporter les incidences que le drame génère.

     

          Ce schéma, nous l’avons trouvé tellement juste, tellement vrai, avec les mots appropriés, que nous en avons fait part à notre entourage et que nous avons envie de le partager. J’y introduis notre propre vécu, aujourd’hui avec deux années de recul

 

-      Il y a danger pour le couple.

 

-      Il y a danger pour la fratrie ! Culpabilité d’être en vie, ne pas avoir su protéger son frère, sa sœur décédé(e), ne plus être ou mal soutenu, être impuissant à la souffrance de son père, de sa mère.

     

          En ce qui nous concerne nos deux fils étaient très liés et d’une rare complicité. Ils vivaient sous notre toit au décès d’Alexandre tout juste âgé de 19 ans. Jérémy, 22 ans lors de la disparition de son frère, a sombré dans une sévère dépression, restant des mois, enfermé dans sa chambre, dans l’obscurité, portant les tee-shirts de son frère avec pour seule compagnie sa télé, son ordinateur et la visite de deux copains qui formaient avec nos garçons un groupe soudé de quatre inséparables.
 

          Jérémy à brutalement tout perdu : 

 
 

-      Son métier de routier dont il était fier
-
      L’insouciance de sa jeunesse, allant jusqu’à s’autodétruire par excès de nourriture comme pour combler le vide.
Et surtout refusant toute aide médicale.

     

           Nous ne pouvons que lui témoigner notre amour. La communication entre nous a été plus que succincte et les échanges difficiles voire rompus. Pour combattre son isolement je lui ai écrit beaucoup de lettres auxquelles il a pu se raccrocher à des moments choisis par lui. Elles ont fini par réparer et consolider les liens.

     

          Au jour d’aujourd’hui, les choses ont un peu évoluées, mais nous restons très soucieux en ce qui concerne sa santé, son futur et une reprise d’activité. Nous savons que tout n’est pas gagné, il faudra encore du temps pour qu’il se reconstruise et qu’il apprenne à vivre avec l’absence.

 

 

 

 

          Entre la rupture  et l’errance il se passe environ 4 à 5 ans, repassant de l’errance à la rupture et inversement.

 

 

 

          Il faut aussi environ 3 années pour comprendre que oui, il faudra passer les dates, des étapes autrefois heureuses mais devenues cruelles de notre histoire familiale. Revivre des souffrances à travers de nombreux détails (et ce au quotidien) et que tout recommencera au fil du temps pour toujours année après année.

 

 

 

          Il est prouvé qu’un minimum de 10 années est nécessaire pour arriver aux larmes douces…

 

 

 

          La mort, la maladie, le handicap font peur. Comme si c’était contagieux et l’exclusion(ou quelque chose d’approchant) se met en place.

 

 

 

          Pour certaines personnes, cela dérange. Après s’être apitoyées, elles sont rassurées de ne pas être directement concernées, prennent du recul, coupent tout contact traduit en action visible, se retranchant dans une compassion sans doute sincère, mais distancière. Ce qu’elles devraient réaliser, c’est que personne n’est hélas à l’ abri d’une cruelle destinée.

 

 

 

          « Fuir parce qu’on ne sait pas quoi dire » pour nous n’est pas excusable. Si un coup de téléphone est malvenu au moment où vous le donnez, dites que vous rappellerez, que ce n’est pas grave ! Le message de réconfort sera passé. A u moment des dates difficiles, il est vrai que  l’isolement est notre refuge. Dans ce cas une petite lettre, un petit texto par portable, nous donne un peu de réconfort. Puis par la suite, le coup de téléphone. (N’oubliez pas ce que dit le schéma.)

 

 

 

          Perdre des amis, avoir des voisins qui détournent la tête après en avoir beaucoup fait dans les premiers jours, de la famille qui ne téléphone plus.

 

 

 

          Nous le vivons comme beaucoup de parents endeuillés.

 

 

 

          C’est malheureusement dans cette double souffrance que nous voyons les vrais amis, les personnes sur qui nous pouvons compter. Nous remercions Didier et moi, les amis qui nous restent, et ceux qui le sont devenus, ainsi que certains proches.

 

 

 

          En me référant toujours à notre vécu, et pour vous aider, voici quelques exemples de choses à ne pas dire ou de maladresse à éviter (surtout dans les premières années) :

 

 

 













 

- Demander si ça va. Il est évident que non. S’il s’agit d’une conversation téléphonique  mieux vaut commencer par « j’avais envie de vous appeler ; j’étais en train de penser à vous». (au moins les premiers mois).

- Si c’est une rencontre : « je suis content(e) de vous voir» etc.…

- Ne pas venir à l’improviste.

- Parler religion. Vous êtes peut être croyant(s) ; il n’en est pas de même pour tout le monde. Entendre (comme je l’ai entendu) que l’enfant ne reposera pas en paix si l’on ne fait pas l’effort d’aller mieux, que son âme ne s’élèvera pas, que c’est dieu qui l’a voulu… est insupportable !

- Donner son avis. Comme par exemple :« tu devrais tout retirer de sa chambre !...» pour nous, mon mari y a installé son ordinateur, moi, mon petit bureau, où je passe des heures à remplir les pages de mon journal. Sur le dossier de ma chaise le blouson de motard de mon fils, que nous avons récupéré ′intact′. Les murs sont remplis de photos retraçant sa courte vie.

- Il n’est pas question de toucher à son armoire, ses affaires. J’ai gardé ses vêtements portés la veille et ses draps non lavés…

- Pour nous cette chambre restera la chambre d’Alexandre, elle ne deviendra jamais une chambre d’amis.

- Tant que nous serons en vie, il en sera ainsi, personne n’a le droit de décider à notre place…

- il faut vous forcer à bouger à sortir, voir du monde pour vous changer les idées… (Quelles idées ? perdre un enfant n’est pas perdre un boulot même si cela est dramatique !)

- Il faut arriver à faire votre deuil (cela veut dire accepter, nous ne pourrons jamais accepter.) dans notre cas « faire son deuil » ne veut rien dire.

- Il vous reste un fils (c’est une chance) moi, c’est deux enfants que j’ai mis au monde. Je veux mes deux enfants !...

- Souhaiter une bonne et heureuse nouvelle année !?

Nous savons que toutes ces maladresses ne sont pas voulues, mais elles font trop souffrir.

Ce qui réconforte :

 

 

 

- Des paroles comme : « nous serons toujours là pour vous »,« si vous avez besoin de parler comptez sur nous » . Attention : le dire mais aussi le faire sur la durée, ne pas abandonner à long terme. Combien de promesses avons-nous eu et qui dès le début n’ont pas été tenues !

 

- Ne pas faire attention à notre éventuelle agressivité (la colère issue de cette terrible injustice ne vous est pas destinée).

 

- Simplement une épaule pour pleurer.

          il faut savoir que nous changeons, nous ne pourrons plus jamais être les mêmes, nous ne pouvons faire comme si. (Cette simulation pour nous serait vécue comme une trahison).

 


Perdre son enfant

 

 

- C’est subir…
- C’est de la survie…
- C’est vivre au jour le jour, sans projet…
 - Pour mon mari et moi, c’est foncer dans le boulot pour ne pas sombrer…

 

 

 

          Alexandre, notre ange, adorait la vie. Nous l’appelions d’ailleurs, ′ Alexandre le bienheureux′.
Tous ceux et celles qui l’ont connu ont gardé de lui, son sourire, sa gentillesse, sa naïveté…
Notre fils n’était pas du tout scolaire. Mais lorsqu’il est entré au CFA du Tremblay, comme son frère,
tout a changé. Il a aimé les cours, la complicité avec les profs ; étant interne, sa semaine d’école, la vie en communauté lui a parfaitement convenu.

 

 

 

          Il n’était pas le dernier pour la rigolade. Il avait plein d’anecdotes à nous raconter. Nos rencontres avec ses profs n’étaient que du plaisir. Alexandre avait trouvé sa voie. Une semaine d’école, une semaine d’entreprise, c’était parfait. Depuis 6 mois, il était entré dans la vie active.

 

 

 

          Sa vie au travail, sa vie le weekend avec son frère, ses copains, sa vie le vendredi soir avec le club moto.Très actif, son temps était chargé en gestes généreux en plaisirs à prendre ou

à offrir ; il était sur tous les fronts comme si ses jours étaient comptés, comme s’il savait inconsciemment…Il était très fier à 18 ans d’avoir ses permis voiture, poids lourd, super lourd et son permis…moto.

 

 

 

Plus jamais son père ne s’entendra appeler «papounet»
son frère «mon frérot» et moi «ma petite maman».
 

 

Nicole

 

   

                              

 

jamais plus de photos souvenir ...

 

 
   


 

 

 

 

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