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Pour un Islam de Paix

Discours du Cheikh Khaled BENTOUNES, lors de la conférence internationale "La rencontre Islam-Occident", organisée par l'association Terres d'Europe sous l'égide de l'UNESCO,  Paris, 

12/13 Janvier 2000. 

 

 

 

 

1.Introduction: L'avenir en commun, ou la voie de l'espérance.

   La conférence internationale "Pour un Islam de Paix" est née de l'inquiétude que nous avions à l'époque face aux évènements douloureux qui se déroulaient en Algérie et ailleurs. Inquiétude face à la grande confusion qui régnait alors autour de la question: qu'est-ce que l'Islam par rapport à l'Islamisme, à l'intégrisme qui légitime le terrorisme par le religieux? cet état d'inquiétude et de confusion ne s'est pas démenti et s'est même amplifié à la suite des tragiques évènements que nous vivons aujourd'hui. Force est de constater que nous sommes encore incapables de faire le discernement entre le message religieux et spirituel reçu de 609 à 632 par le Prophète Mohammed (sur Lui le Salut et la Paix) et le contexte politique et social dans lequel vit la société musulmane à l'aube du XXI° siècle.

   Si rien n'est fait pour dissocier, analyser les problèmes politiques, économiques et relationnels entre les sociétés arabo-musulmanes et occidentales, cela nous entraînera vers une peur croissante et un malentendu grandissant qui seront dommageables pour tout le monde.

   Et pourtant, il existe dans l'Islam une dimension de paix, une dimension spirituelle, une dimension humaniste méconnue, d'une richesse exceptionnelle, que beaucoup de nos contemporains ne soupçonnent pas, imprégnés qu'ils sont par les images de violences qui traversent malheureusement, en ces temps, le monde musulman. La médiatisation à outrance de l'islam intégriste véhiculée, en particulier, par les médias occidentaux nous conduit à une impasse, à une occultation de la véritable dimension universelle contenue dans le message mohammédien. La majorité de l'opinion occidentale interrogée sur l'Islam répondra sans nuance que cette religion est intolérante, intégriste et violente.

   Dans ce contexte, comment s'étonner que les musulmans se sentent les mal-aimés au sein de la communauté internationale alors que leur majorité (près d'un milliard et demi !) aspire à vivre en paix avec le reste du monde? Si tant est que celui-ci les écoute, les comprenne et leur tende la main afin qu'ils puissent pleinement jouer leur rôle et prendre la place qui leur revient parmi les nations modernes du XXI° siècle.

 

2. La voie du milieu.

   Dès à présent nous sommes obligés de faire un constat difficile: l'histoire retiendra que nous avons tous négligé la voie du milieu, la voie de la sagesse: celle qui appelle les hommes à la fraternité, à agir dans le sens de la justice, de la tolérance,  de l'entraide entre les États. Sans oublier la dignité et la prospérité pour tous les peuples. C'est la voie du milieu à laquelle nous convie le Coran quand il dit : "Nous avons fait  de vous la communauté du milieu, pour que vous soyez les témoins" (Coran, sourate 2, verset 143) . Nous sommes les témoins, les miroirs des uns et des autres par nos pensées, paroles et actes positifs ou négatifs ici-bas. Et c'est dans ce sens que le commandeur des croyants 'Umar Ibn Al-khattâb disait :" Du vivant de l'envoyé de Dieu les hommes étaient jugés par la révélation. Mais la  révélation a pris fin et nous vous jugeons dorénavant selon votre comportement1 ." ." Dès le début de l'expansion de l'Islam, l'accent est mis sur la qualité du comportement humain et non sur l'application stricte de la lettre. Un hadith dit: "...Les actes ne valent que par les intentions...", mais aussi : Wabisa Ibn Ma'bad (qu'Allah l'agrée) raconte qu'il se rendit auprès du Prophète (SLSP) qui lui dit:

   -Tu es venu t'informer au sujet du bien?

   -Oui, répondis-je.

   -Consultes ton cœur ; dit le Prophète (SLSP) , car le bien est ce qui procure à ton âme et à ton cœur la tranquillité et la sérénité, alors que le péché te trouble intérieurement et suscite dans le cœur  l'embarras , même si les gens (doctes) t'apportaient toutes les justifications juridiques possibles2 ."

 

3.Le religieux et le politique.

   L'intérêt accru porté, en ces temps, à la religion musulmane demande donc une nécessaire clarification.

   Le rapport entre le religieux et le politique est mal défini, mal interprété. Si nous faisons une analyse claire, sans parti pris, que constatons nous?

   L'Islam est là pour éclairer, éduquer et éveiller la conscience de l'individu, du citoyen afin qu'il joue un rôle actif et utile au service de tous et non qu'il devienne un élément destructeur de lui-même et des autres au nom d'une vérité qu'il prétend détenir. Il aide l'homme à concevoir la société humaine de manière positive.

   Les deux aspects politiques et religieux se complètent et se rejoignent dans l'éducation civique de l'individu. Si la politique est la gestion de la cité des hommes, la spiritualité est la gestion de notre cité intérieure. Elle nous engage à cheminer dans le sens du bien, de l'unité, de la fraternité. Elle n'a pas pour vocation d'exclure le politique: son rôle est , au contraire, de lui donner du sens, de l'humaniser. En effet, plus notre spiritualité s'élève, notre raison s'épanouit, notre champ de conscience s'élargit, et plus notre aptitude à prendre en compte les différents besoins humains et combattre l'injustice s'affirme.

   Aujourd'hui, il est manifeste que les États qui se réclament d'un Islam plus idéologique que spirituel ont inversé le problème. Les principes religieux sont mis en avant abstraction faite de la conscience de l'individu. Toutes ces actions sont conditionnées par le dogmatisme, emprisonnant ainsi la conscience individuelle dans un carcan. La conscience du citoyen est bafouée. Tout effort de réflexion et d'interprétation est rejeté. Dans cette situation, le citoyen est incapable d'initiative. Face aux problèmes qui se posent à lui, les réponses sont déjà toutes prêtes. Il doit se contenter d'obéir à un clergé institutionnalisé et "idéologisé" au service de gouvernants peu scrupuleux. Toute expérience transcendante individuelle est niée. Ce processus enferme la société dans une névrose collective qui justifie toutes les aberrations, tous les débordements.

 

4.La sacralité de la vie.

   Une autre confusion majeure: l'Islam est présenté comme une religion qui, par le fait même des agissements des intégristes, semble n'accorder aucune sacralité à la vie comme si l'existence humaine n'avait aucune valeur. Bien au contraire, si nous revenons aux sources de l'enseignement mohammédien, nous voyons que l'Islam accorde une place considérable à la vie d'un être en tant que conscience mais aussi à l'ensemble des créatures. Le Coran nous invite à travers une multitude de  versets au respect et à la sacralité de la vie: "Quiconque tue un homme (...) tue toute l'humanité" (Coran, sourate 5, verset 32). Même en cas de situation de conflit, il n'est pas permis de porter atteinte aux vieillards, aux femmes, aux enfants et aux religieux, de tarir les sources, de couper les arbres, de tuer les animaux, d'incendier les biens. Il est par contre recommandé de respecter les prisonniers. Au temps du Prophète, ces derniers pouvaient même racheter leur liberté en apprenant à lire et à écrire aux analphabètes. Et en cas de troubles, le Prophète nous a indiqué l'attitude à adopter: " Abu Bakr rapporte ces paroles de l'Envoyé de Dieu (SLSP):

   -Certes, il y aura des troubles! Pendant ces troubles, celui qui est assis sera meilleur que celui qui est debout, meilleur que celui qui marche, celui qui marche meilleur que celui qui court pour y prendre part. Quand ils auront éclaté, que celui qui possède un troupeau de chameaux s'occupe  de ses chameaux; que celui qui possède un troupeau de moutons s'occupe de ses moutons et que celui qui possède une terre s'occupe de sa terre !

   Un homme lui demanda:

   -Et ceux qui n'ont ni chameaux, ni chevaux, ni terre, que feront-ils?

   -Qu'ils prennent leur sabre et le cassent contre une pierre, et qu'ils se préservent des troubles, s'ils le peuvent! Mon Dieu, ai-je bien fait parvenir le message?

   Un autre demanda:

   -Et si l'on me force à me ranger du côté d'un des belligérants et que l'un des combattants me frappe de son sabre ou que je sois tué d'une flèche?

   -Il devra répondre de son péché et du tien, et il sera d'entre les gens du feu."

   

   Un hadith, rapporté par Sa'd Abi Waqqâs, contient ce rajout: "Ô Envoyé de Dieu, s'il vient à entrer chez moi et lève son bras sur moi pour me tuer?

   -Sois comme le meilleur des fils d'Adam, répondit-il, puis il me lut le verset: Si tu lèves la main sur moi pour me tuer, je ne ferai pas de même, car je crains Dieu, le Souverain des mondes!" ( Coran,  sourate 5, verset 28)3 .

 

5.La raison comme lumière.

   'Ali le gendre du Prophète et quatrième khalife de l'Islam a dit: " Si l'esprit anime le corps, la raison  anime l'esprit4 ." Dès le début de l'Islam, la place de la raison joue un rôle prépondérant. Ainsi, les premiers versets coraniques révélés à Mohammed ont été:

  Lis au nom de ton Seigneur qui a créé!

Il a créé l'homme d'un caillot de sang.

Lis!...                                                

Car ton Seigneur est le Très-Généreux 

       Qui a instruit l'homme au moyen du calame,

Et lui a enseigné ce qu'il ignorait.          

(Coran, sourate 96, versets 1 à 5 ).

   L'enseignement de ces versets s'adresse en premier lieu à la raison comme élément de perception fondamental chez l'être humain. La lecture, l'instruction font partie des bases qui donnent à la raison les moyens par lesquels elle se connaît. C'est par cette connaissance  qu'elle se révèle à elle-même, découvre sa nature et les conséquences de ses comportements. Ainsi la notion de religion prend pleinement son sens dans le fait d'être à la fois le lien (religare) avec l'absolu  et la relecture des signe du Divin en nous-mêmes et à travers la création...Ce texte s'adresse à l'homme doué d'intelligence qui, du grossier, extrait le subtil, révélant les secrets cachés de la création à travers lesquels il a compris la fonction des lois fondamentales qui régissent la vie. Par conséquent, dès le début de l'Islam, la place de la raison est essentielle.

   La charia ( la loi) met en avant la raison comme élément nécessaire pour définir la responsabilité. Par ailleurs, les fondateurs des écoles juridiques dans l'Islam ont mis en valeur des critères rationnels afin de ne pas lire ou appliquer les textes de la loi sans réflexions préalables. Ainsi ils ont établi le raisonnement (ray ) comme règle, le consensus (ijmâ ) pour unir les opinions, l'analogie ( al qiyàs ) comme moyen de comparaison et enfin l'effort d'interprétation intellectuelle ( ijtihad ) qui fait appel à la recherche, à la réflexion pour répondre aux besoins évolutifs de la société. Ces différentes écoles qui ont existé dans le monde musulman, et qui subsistent jusqu'à aujourd'hui, ont permis dès l'origine un épanouissement de la pensée, son ouverture et son adaptation durant l'âge d'or de la civilisation musulmane. Aucun savant aussi prestigieux fût-il ne pouvait imposer ses idées à toute la communauté. La diversité des points de vue et des écoles faisait la richesse de la pensée islamique qui avait comme règle d'or: " Nulle contrainte en religion " ( Coran, sourate 2, verset 256 ). Comment se fait-il qu'au III° siècle de l'Hégire, dans la capitale du monde musulman: Bagdad, les différentes tendances : les rationalistes, les traditionalistes, les mystiques... pouvaient coexister, échanger, débattre en toute liberté? Que la maison de la sagesse ( Bayt al-Hikma ) était ouverte à tous, aux philosophes musulmans, grecs ( aristotéliciens ), mais aussi aux philosophes de la pensée juive, chrétienne, mazdéenne, etc?... Chacun pouvait débattre de ses points de vue en toute liberté. Sans oublier l'Andalousie, où la tolérance et le dialogue entre les religions connaissaient un essor sans précédent. Le savoir et les connaissances dans toutes les disciplines étaient appris et enseignés sans distinction de races et de religions. Enfin, c'est en terre d'Islam que la pensée juive fut rénovée par le philosophe juif Maimonide qui fit ses études à Fès (Maroc ) et écrivit son oeuvre en Égypte.

 

6.L'intolérance, un problème crucial.

   La limite de la tolérance s'arrête où débute l'intolérance:  lorsqu'un être devient un danger pour autrui. Nous vivons dans un monde où les extrêmes mènent le jeu. Intolérance  sous toutes ses formes, violences, incivilités, atteintes aux droits fondamentaux de l'homme...sans parler de l'injustice et des inégalités tant sur le plan économique, financier, technologique, mais aussi sur le plan intellectuel où seuls ceux qui détiennent le monopole de la puissance de l'information ont droit de cité. Pourtant, la différence de vision, d'interprétation, de conception du monde est pour les hommes une richesse exceptionnelle. Nous sommes les miroirs des uns des autres. Mon existence ne peut se révéler que par rapport à autrui. J'ai besoin de l'autre pour penser, pour exister, en un mot: pour vivre. Par la différence de sa tradition, de sa coutume, cet autre n'est pas forcément mon ennemi même s'il pense, prie...différemment de moi. L'autre est là pour me révéler ma propre richesse. L'intolérance est aujourd'hui un problème crucial dont chacun doit prendre conscience et auquel il faut remédier en affirmant cette pluralité de vues aussi bien sur le plan philosophique, politique, religieux, que spirituel. Agir ainsi, c'est apprendre à mieux se connaître. C'est une invitation au respect d'autrui et à la préservation de l'héritage universel de l'humanité.

 

7.La puissance et la sagesse.

   La puissance matérielle sans la sagesse n'est qu'éphémère et la relecture de l'histoire de l'humanité le prouve. Dans le contexte actuel, il est urgent de repenser cet équilibre car la puissance sans la sagesse a toujours été pour la société ou la civilisation un facteur de déséquilibre et de décadence.

   Dès qu'une société atteint un seuil hégémonique et qu'elle impose son diktat aux autres, elle signe le début de son déclin. Plus elle devient puissante plus elle doit être vigilante afin d'être juste et d'harmoniser ses rapports avec les autres. Comment équilibrer la puissance qui, automatiquement, porte vers l'hégémonie, vers l'envahissement de l'autre? Par la sagesse, fruit de la réflexion intellectuelle, morale et spirituelle, mais surtout par la prise de conscience et la préservation de ce dénominateur commun qui relie les hommes: l'humanité. On ne peut équilibrer la puissance temporelle que par un humanisme de plus en plus grand. Le manque d'humanité nous conduit inexorablement vers l'affrontement, les troubles et le chaos. Moins d'humanité nous entraîne vers plus d'animalité. Aujourd'hui, le sens et les valeurs humaines doivent être au centre de nos préoccupations. Comment éveiller en l'homme cet état de conscience, comment le développer? Cela ne peut s'accomplir que par un attachement profond à cette origine commune: la fraternité adamique. Le Prophète a dit: " Vous êtes tous d'Adam et Adam est de terre." La sagesse commande à celui qui se trouve au plus haut de l'échelle ( politique, économique, militaire, scientifique ) et qui détient un pouvoir mettant en jeu le destin de l'humanité de réaliser l'état humain le plus magnanime, le plus juste, le plus universel.

 

8.Les trois principes de l'Islam.

   La loi

   La création repose sur des lois. Celles-ci sont omniprésentes, qu'il s'agisse des lois scientifiques, politiques, ou spirituelles...Pour la société musulmane, le malaise actuel réside dans le fait qu'il y a une méconnaissance  profonde du rapport entre l'aspect métaphysique de la loi en tant que principe régissant le rapport de l'homme à Dieu, et l'aspect temporel de la loi régissant les relations entre les individus. Aujourd'hui, la loi ( charia ) telle qu'elle est comprise ne concerne que le rapport au cultuel, occultant la relation et le comportement vis-à-vis d'autrui. Elle est en décalage face aux besoins réels que réclame l'épanouissement de la société. Pourtant, dans l'Islam, les deux dimensions sont liées. Nous ne pouvons répondre à cette invitation d'élévation vers le divin qu'en respectant et en prenant en compte la dimension humaine. La valeur de la loi n'est que la somme du comportement de l'homme vis-à-vis de ses semblables. Sinon, la loi elle-même ne devient que contrainte. Elle se coupe de la réalité qu'elle est venue harmoniser, alors que c'est par la mise en pratique de Ses attributs, comme la justice, la sagesse, la miséricorde, l'amour, etc..., que Dieu se révèle à nous. Selon le hadith, Dieu dit: " J'aime Mon serviteur et Mon serviteur M'aime. Quand il se rapproche de Moi d'un empan Je Me rapproche de lui d'une coudée, quand il vient vers Moi  en marchant, Je Me rapproche de lui en courant. Jusqu'à ce que Je sois son ouïe, sa vue, sa parole..."

   La foi

   Mais l'Islam repose sur trois principes: la loi ( islam ), la foi ( iman ), et l'excellence ( ihsan ). Si la loi est une approche de l'extérieur vers l'intérieur de l'être, la foi est une lumière qui nous éclaire de l'intérieur vers l'extérieur. " C'est Lui qui prie sur vous ainsi que les anges pour vous sortir des ténèbres vers la lumière ", dit le Coran ( sourate 33, verset 43 ). Cette lumière permet de voir, de comprendre et de connaître à travers le livre de la création les signes manifestes du Divin. On est donc loin de cette foi intolérante, aveugle et fanatique qui refuse tout débat, toute expérience, toute réflexion, cela même qui nourrit l'être et le conduit vers l'excellence ( ihsan ).

   L'excellence

   Si la loi est le cadre extérieur dans lequel se situe le message mohammédien, la foi, la lumière qui vient nous éclairer intérieurement sur les signes qui témoignent de cette réalité divine dans la création, l'excellence, elle, est ce qui nous invite à vivre et à réaliser la plénitude du message. C'est l'expérience intime, profonde et réelle qui fait de nous des témoins vivants et privilégiés. Cette réalisation devient effective en nous par la vision, la contemplation et la certitude; nul doute n'est permis. Cette expérience transforme radicalement l'être dans sa façon de voir, d'entendre, de parler, de penser et d'agir. C'est le rattachement à l'essentiel du message, au tawhid , principe de l'unité divine, le point de départ de toute expérience, la continuité de son évolution et sa finalité. L'homme découvre la vérité subtile inscrite dans la création par une approche positive d'éveil à travers ses propres sens. Un hadith le définit comme suit : " Adore Dieu comme si tu le voyais, car sache que si tu ne Le vois pas, Lui te voit 5 ." Tout regard vers le beau me révèle la beauté du divin. Et derrière chaque apparence se cache une subtilité. Tout ce qui m'entoure m'invite à vivre et à approfondir cet état: " Il est le premier et le dernier; Celui qui est l'apparent et Celui qui est le caché. Il connaît parfaitement toute chose" ( Coran, sourate 57, verset 3 ). De ce fait, l'expérience au quotidien devient une relation permanente imprégné de la présence du divin.

 

9.L'avenir en commun ou la voie de l'espérance.

   Dans le contexte actuel est-il permis d'espérer un renouveau? Personnellement je reste optimiste par rapport à ce qui nous arrive. Les différents évènements qui se sont produits sont un appel à nous ressaisir et à réviser nos façons de gérer, de construire ensemble l'avenir pour les générations futures.

   Comment un groupe quel qu'il soit, animé par une idéologie, est-il capable aujourd'hui de mettre en péril l'humanité? Qu'est-ce qui nous a conduits vers cette fragilité? Chacun doit essayer de trouver la réponse en lui-même !

   Les réponses sont multiples. En premier lieu l'injustice sur le plan politique et économique. Comment se fait-il que 15 % de la population mondiale ( Europe, États-Unis, Japon ) détiennent près de 60 % des créations de richesses dans le monde ? L'imam Ali a dit :" La justice est une , l'injustice est multiple.  C'est bien pourquoi il est plus facile de commettre des injustices que d'être juste 6 ."

   A l'effort de justice s'ajoute la dignité. Les hommes sont-ils tous égaux en droit? Une vie du Nord a-t-elle plus de valeur qu'une vie du Sud ? D'où qu'il soit, chacun doit-être respecté et considéré quelles que soient sa religion, sa race, sa couleur, sa langue...Il existe des textes garants des droits fondamentaux des hommes ratifiés par tous les pays mais qui sont rarement appliqués. La fracture entre pays nantis et pays pauvres est grande. Si nous voulons bâtir un avenir en commun pour le bien-être de tous, comment doit-être fait ce partage? Comment ces pays riches peuvent-ils participer et aider les autres pays à les rejoindre au service du bien commun et de l'intérêt général ?   Avec le plus grand respect: celui du droit à la différence. Le bien-être humain n'est-il que matériel, lié uniquement à une consommation et un développement effréné ? Ne faut-il pas renouer et enseigner les valeurs nobles  et universelles de cet héritage commun de l'humanité ?

 

10.Le sanctuaire du divin. 

   L'homme est l'être le plus complexe qui soit, capable du meilleur comme du pire. Il donne la vie et la mort. Cette contradiction chez l'être humain existe dès l'origine. Ce qui distingue les hommes entre-eux, c'est le pouvoir immense qu'ils ont sur eux-mêmes. Un homme qui n'a pas ce pouvoir sur lui-même est un être immature. Alors, comment arriver à gérer nos contradictions, l'ombre et la lumière...? Les hommes sont capables des pires  exactions, mais aussi capables d'œuvres remarquables sur le plan artistique, scientifique, etc... Certains sont capables de porter l'idéal humain à un niveau tel que les hommes se reconnaissent, s'entraident et s'aiment à travers eux. Ils ont atteint un tel état de compassion qu'ils peuvent alléger le fardeau de la souffrance des autres. Pensons aux grands sages, aux prophètes, aux philosophes et aux hommes de bonne volonté qui ont agi et marqué les mémoires à travers les siècles, allant parfois jusqu'au sacrifice de leur vie pour que l'humanité ne sombre pas dans le désespoir et le chaos. Il y a donc un besoin urgent de voir émerger des êtres qui sont le sanctuaire vivant du divin, les témoins par excellence. Ils sont les véhicules du message d'amour, de compassion, d'espérance et de miséricorde. Ils seront les annonciateurs des temps nouveaux, du message messianique, révélateur d'un âge où la justice règnera, où l'homme cessera d'être un loup pour son frère. Ce propos peut paraître utopique, mais il est en réalité le défi majeur à relever pour ce nouveau siècle afin de construire un monde dans lequel seront apaisées les querelles et les contradictions : la fraternité universelle étant la clé de voûte.

   Cette fraternité est un cercle dont chaque individu est un maillon complémentaire de l'autre. Dans un cercle, il n'y a ni premier, ni dernier. Chacun est concerné, il est à la fois le premier et le dernier. J'espère que c'est dans cet esprit d'unité que l'humanité se retrouvera pour réaliser le meilleur de son destin.

   Je tiens à remercier ceux qui nous ont aidés et encouragés pour réaliser cette rencontre. Monsieur Koïchiro Matsuura, directeur général de l'UNESCO, et à travers lui tous les membres de cette organisation. Son Altesse Royale Hassan Ibn Talal de Jordanie, Monsieur Rahal, conseiller diplomatique à la présidence, représentant Son Excellence Monsieur Abdelaziz Bouteflika, président de la République Algérienne, et tous les intervenants ainsi que la présidente et les membres de "Terres d'Europe " qui ont fait de cette conférence une réussite.

Cheikh Khaled BENTOUNES

" Pour un Islam de Paix"

Albin Michel

Notes:

1.Les Jardins de la Piété. Al Imâm Al-Nawawi, Alif éditions, 1989.

2.Quarante hadiths, Imâm Al-Nawawi, Dar Al-Koran Al Kareem, Beyrouth, 1980.

3.Les signes de la fin des temps dans la tradition islamique.Alif éditions, Lyon, 1996.

4.Dits de l'Imam Ali, Youssef seddik, " Sindbad ", Actes Sud, 2000.

5.Voir note 2.

6.Voir note 4.

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