Les Lazarets de La Grande Chaloupe


A La Réunion, terre d'immigration, "lazaret" renvoie à la fois à la fonction de léproserie et de lieu de quarantaine.

Sous la Révolution, des lazarets sont créés à Saint Denis au pied du Cap Bernard et à Saint Paul dans le lit de la Rivière des Galets. Le premier est transféré à la Ravine à Jacques en 1827, puis à la Grande Chaloupe en 1846. En 1852, une léproserie est installée à la Ravine à Jacques où existent un centre de soins, un pénitencier pour enfants, un atelier de discipline et un lieu de quarantaine rapidement surchargé par l'afflux d'immigrants remplaçant les esclaves.

Au milieu du 19°siècle, l'essor de la canne à sucre et la venue d'une main d'oeuvre indienne engagée, estimée à plus de six mille travailleurs par an, imposent la construction de nouveaux bâtiments.

Ceux-ci sont conçus comme des lieux de quarantaine ou de "séquestration" pour "empêcher la diffusion de maladies pestilentielles...(là) se trouvent suspendues la liberté individuelle, la propriété et dans une très grande mesure les lois..."

Le choix du lieu se fixe sur la Ravine de la Grande Chaloupe à dix minutes à pied de la ravine à Jacques, endroit suffisamment isolé pour faciliter la surveillance et à la limite des communes de Saint Denis et de Saint Paul.

Deux lazarets sont construits à partir de 1860, d'une surface de 3660 m2. Entourés de hauts murs, ils sont, chacun, formés de deux bâtiments à étage, longs de quarante mètres, au toit de tuiles: deux salles occupent chaque rez-de-chaussée mais le lazaret n°1, proche de la mer, n'a qu'une salle à l'étage, tandis que le n°2 en a deux. Un rez-de-chaussée accueille les malades jusqu'à la construction d'un hôpital en 1865, dans la cour du lazaret n°2.

Autour, un mur d'enceinte auquel sont adossées de petites chambres qui servent de logement au personnel, d'infirmerie , de paharmacie, de cuisine...Hors des murs, se trouvent le cimetière, le poste de garde.

Dès 1861, les lazarets fonctionnent, même s'ils restent pendant longtemps encore un vaste chantier peu hygiénique:

" A travers les planches s'infiltrent une poussière et une masse de corpuscules dégoûtants. Nous ne pouvons rien avoir de propre, dans l'espace d'un quart d'heure, tous les objets qui sont dans ma chambre sont recouverts de saleté." (plainte du médecin, capitaine du Lazaret en 1863)

L'isolement des lazarets n'est que relatif puiqu'au fond de la vallée se trouve un camp d'indiens et qu'aux portes se pressent des petits bazardiers qui viennent en chaloupes vendre du rhum, du bétel, de l'opium.

A partir de 1882, la construction de la gare anime encore davantage les lieux.

Quand le débarquement à La Grande Chaloupe est trop dangereux, celui-ci se fait au Port. Puis, les internés sont conduits dans un wagon spécial au lazaret où toutes les précautions sont prises pour désinfecter train, hommes et bagages.

A la fin du 19°siècle, l'arrêt de l'immigration indienne oriente la recherche de main d'oeuvre vers l'Asie du Sud-Est mais surtout l'Afrique: des Cafres du Mozambique sont attendus en 1888.

Par ailleurs un décret du 27 décembre 1928 a renforcé l'obligation de posséder un lazaret défini comme station sanitaire destinée au contrôle médical des navires, de leur cargaison, et de leurs passagers. C'est dire que tous les passagers libres débarquant dans l'île sont internés pour un temps d'autant plus long qu'ils arrivent d'une zone infectée.

Ces passagers sont répartis en trois catégories: 1° catégorie: officiers ou assimilés et passagers de chambre, 2° catégorie: sous-officiers ou assimilés et passagers de chambres, 3° catégorie: passagers de pont, indigents ou domestiques.

En 1930, dans l'attente d'un développement de l'immigration malgache et rodriguaise, une commission est mise en place pour étudier l'aménagement des lazarets: en 1932, un crédit de 50 000F est même voté à cet effet par le Conseil général.

Les lazarets sont cependant de moins en moins occupés et deviennent de moins en moins fonctionnels.

Finalement, le 30 juin 1948, quand le Domaine colonial est réparti, après la départementalisation, entre les collectivités, les bâtiments de la Grande Chaloupe, toujours destiné à la quarantaine sont mis à la disposition des Ponts et Chaussées, même si en 1958, le directeur de la Santé en possède les clés.

Différents projets sont étudiés pour l'occupation de ces bâtiments comme l'installation d'une école en 1952.

Actuellement, ils servent provisoirement de dépôt de matériel en attendant de devenir un lieu de mémoire.

Michèle MARIMOUTOU

( voir des images sur le site de l'association de quartier "La Grande chaloupe": http://www.oceanes.fr/~capricom/

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