29.5.07

Chanson d'amour

L'amour, la mort, le deuil, la renaissance. La vie.
Tout ce qu'on n'a pas pu ou su dire pendant qu'il était temps, par omission, par pudeur ou par paresse. Toutes ces choses qui deviennent évidentes lorsqu'il n'y a plus personnes à qui les dire. Ces mots qui empoisonnent parce qu'ils ne peuvent plus être dits.Ismaël vit avec Julie qui ne sait pas si c'est par amour, pour le sexe ou pour la sécurité facile du couple. Ismaël ne sait pas s'engager, ne sait pas dire ces mots si difficiles à prononcer tels que "je t'aime". Julie doute. Ismaël ne comprend pas pourquoi. Mais quand Julie disparaît brutalement, il se retrouve désemparé devant le gouffre laissé par sa place vide.
Christophe Honoré filme les déboires amoureux d'Ismaël avec une infinie franchise, sans apporter le moindre jugement, la moindre ficelle qui pourrait expliquer ses comportements. Sous ses airs de fausse candeur crâneuse, Ismaël est un inadapté. Incapable d'aimer ouvertement; incapable d'exprimer ses sentiments les plus intimes. Louis Garrel (l'agaçant frère de Romain Duris dans "Dans Paris" du même Honoré) se glisse avec délice dans la complexité d'Ismaël. A la fois charmeur, égoïste, enfantin, immature, il est aussi une vraie tête à claques mais, frappé par le chagrin, il est une une boule de tristesse et de mélancolie. Autant, Garrel m'avait énervé dans "Dans Paris" autant il m'a ému jusqu'au larmes dans les Chansons d'Amour.
Christophe Honoré choisit de raconter cette histoire à travers des chansons qui sont comme de reflets musicaux des sentiments des personnages. Hommage à Jacques Demy (les deux marins qui traversent l'écran) et aux comédies musicales comme les Demoiselles de Rochefort. Il s'est appuyé sur les textes d'Alex Beaupain (qui a déjà travaillé sur deux de ses précédents films) dont beaucoup sont issus de son album Garçon d'honneur paru en 2005. A croire que ces textes étaient écrits pour ce film tellement ils s'intègrent sans mièvrerie ni gros sabots dans le déroulé du récit. Et entendre Louis Garrel chantait Au ciel, les larmes aux yeux, alors qu'il marche sur les trottoirs mouillés et gris de la capitale est une véritable réussite, une très belle séquence d'émotion.
Le film propose un idéal de vie ou tout serait possible à deux, à trois, en famille, entre amis, entre filles ou entre garçons. Idéal utopique ou perte de repère d'une société où la jeunesse est en perte de vitesse? La réponse sera sans doute apportée par chacune des sensibilités qui nous habitent. Quoi qu'il en soit, ce film là est un pur moment de bonheur qui a bien raison de faire perdre ses sens au petit Ulysse de Télérama.
Les chansons d'amour - Christophe Honoré






Les Yeux au ciel - Alex Beaupain - Interprété par Louis Garrel (BO du film)

28.5.07

La fourmi et le bouton

Une fourmi sur un bouton, en voila une étrange vision.
Une fourmi qui tourne en rond, autour du bouton;
Sur la tranche, à l'infini, drôle de destin;
Sans jamais trouver l'issue de ce cercle sans fin.
Hypnotisé par tant d'obstination incensée,
D'un coup de pouce, je l'envoyais valser,
Sur le bouton d'une rose, vers de plus vastes horizons,
Que ce vulgaire bout de fer qui boutonnait mon veston.

Au ciel

Les yeux
Au ciel
Les nuages blancs dans le parfait
Nulle trace de dieu
Au ciel
Ces nuages lents dans le bleu défaits
Le soleil inonde
Le ciel
Mes jours en hiver passés à t'oublier
Où chaque seconde
Est une poignée de terre
Où chaque minute
Est un sanglot
Vois comme je lutte
Vois ce que je perds
En sang et en eau
En sang et en eau
Je jette
Au ciel
Ces galets polis que tu peignais en vert
Mais nulle réponse
Du ciel
Nul ricochet sur cet mer à l'envers
Le soleil inonde
Le ciel
Mes jours en enfer passés à t'enterrer
Où chaque seconde
Est une poignée de terre
Où chaque minute
est un caveau
Vois comme je lutte
Vois ce que je perds
En sang et en eau
En sang et en eau
J'espère
Qu'au ciel
Des diables malins coupent aux anges leurs ailes
Pour que tu retombes
Du ciel
Dans mes bras ouverts, cadeau providentiel
Mais chaque seconde
Est une poignée de terre
Et chaque minute
Est un tombeau
Vois comme je lutte
Vois ce que je perds
En sang et en eau
En sang et en eau
Au ciel - Alex Beaupain - Garçon d'honneur (2005)


26.5.07

Mikado

- Et tu as eu quoi comme cadeaux d'anniversaire?
- Une fibroscopie, entre autre...
- Ah !? C'est original !
- Ah ça !

25.5.07

Soleil

Village Nubien - Egypte - Septembre 2002

24.5.07

La jeune fille amoureuse

Ils étaient assis au fond de la salle, près des portes, de chaque coté de l'escalier. Elle était de profil. Il était de face. Leurs visages étaient faiblement éclairés par les projecteurs qui inondaient la scène.Sur la scène, la voix de Daphné virevoltait en notes pures sur ses textes sensibles et éthérés, tandis que le public de la jolie salle de L'Européen, d'une sagesse infini, se laissait embarquer sur les chemins qui sentent bon la poésie et la douce mélancolie nous menant dans un univers particulier où les rhinocéros dansent et les centaures vous emportent et où volent des dragons d'or. Sans s'en rendre compte, les chansons aux accents magiques et oniriques nous envoûtaient béatement.Elle a entonné Les Phénix avec son magnifique refrain. Soudain, je ne sais pas pourquoi, mon regard a été attiré vers le couple du fond de la salle. Un mouvement, un éclat de lumière sur le visage, des yeux qui brillaient, je ne sais pas. Elle était tournée vers son ami et le regardait avec une passion dévorante. Elle chantait avec Daphné "il me parlait de lui, je me disais c'est lui que je veux. Et sous le ciel d'avril, entre ses bras à lui, je me fis si petite". Ces paroles étaient destinées exclusivement au jeune homme de son coeur. Lui, visiblement touché et ému, avait les yeux qui brillaient d'une étrange façon.Un moment, une image, un instant qui passait par là, par hasard, saisi par erreur, par inadvertance, mais qui m'a donné le sourire.

Rome au deux visages

Une vision beaucoup moins glamour et propre de la Rome Antique que celle proposée par Cléopâtre. Dans la série, produite par la chaîne américaine HBO, tout n'est que violence, noirceur et sulfureux. Lutte de pouvoir, corruptions et manipulations, alliances et désalliances, tous les personnages sont voilés par cette noirceur crasse. De complots en assassinats, d'intérêts personnels en guerres civiles, la vision de la grandeur d'une Rome idéalisée en prend un bon coup dans l'imaginaire.Le grand coup de force de cette série est de mêlé intimement la petite histoire à la grande Histoire, la chronologie historique servant de trame et de feed back. Les personnages de fiction côtoyant les personnages historiques avec réalisme. D'après le spécialiste qui a suivi ces douze épisodes de la saison 1 avec nous, les faits sont plutôt bien respectés et la reconstitution de la ville proposée ici est assez cohérente avec la réalité.
Les décors sont ahurissants. Beaucoup de moyens dans les reconstitutions de la Rome de la fin du 1er siècle avant J.C. Les studios de Cinecitta ont permis ces reconstitutions des rues de Rome avec beaucoup de réalisme. C'est une vision "populaire" de Rome loin de la propreté habituelle que nous avons. Rien n'est épargné : les chiens errants, les graffitis sur les murs, les rues bondées de peuples où l'insécurité règne. On aurait presque la sensation de sentir les odeurs des échoppes de ces rues là. A côté de cela, les intérieurs des villas des patriciens déborde de luxe : sculptures, peintures murales, mobiliers...
Rome ne lésine pas sur la violence, le sexe et la luxure, montrant une société en crise. Pourtant, cette société est empreinte de religiosité. La religion et ses actes de déférence commandent chaque acte de la vie quotidienne.
HBO signe encore une fois une série de qualité, interprétée par des acteurs convaincants (moi, j'ai un petit faible pour Ray Stevenson qui interprète Titus Pullo). Les personnages féminins sont des petits bijoux de perversité et de manipulation à grands coups d'oeillades, de charmes physiques ou ensorcelés et la lutte féroce et intestine entre Atia (Polly Walker) et Servillia (Lindsay Duncan) est un pur régal.
ROME de Kevin McKidd et Ray Stevenson

Prière

Je voudrais pas crever et j'veux pas qu'on me dise
Combien de kilomètres à pied, il me reste à marcher;
Je veux pas qu'on s'épuise à tout m'expliquer,
Laissez-moi des surprises, laissez-moi rêver.
Je voudrais pas crever mais comme c'est des choses qui arrivent,
Je veux danser souvent avec le diable de l'été
Et m'enivrer de rire et m'enivrer d'un rien;
Je veux passer la vie à n'être qu'un matin.
La vie ne fait pas semblant,
C'est un va ! C'est un viens ! Que j'entends
Un tango sous la valse du vent,
la vie ne fait pas semblant.
Je ne veux pas crever mais mon amour je voudrais
Que l'on s'éternise dans un bain de juillet
Qu'on se saoule de nous en s'offrant des je t'aime
Que nos corps s'épousent et qu'ils s'en oublient même.
Que l'on pende a son cou la mort et ses valises
Qu'on la foute dans un trou le temps qu'on s'éternise
dans un baiser de lune qui n'appartient qu'à nous
Mon amour, je voudrais t'emmener jusqu'au bout.
La vie ne fait pas semblant,
C'est un va ! C'est un viens ! Que j'entends.
Un tango sous la valse du vent,
La vie ne fait pas semblant.
Et puisqu'un jour ou l'autre, on tomb'ra dans l'oreille
D'un vieux bonhomme sourd qui f'ra la sourde oreille.
Je fais souvent ce rêve pour me faire semblant
Celui de mourir d'un oeil, une fois en passant.
La vie ne fait pas semblant,
C'est un va ! C'est un viens ! Que j'entends.
Un tango sous la valse du vent,
La vie ne fait pas semblant.
Mourir d'un oeil !
Je voudrais être sur
Le dos d'un aigle
Pour voir t'entendre, encore.
Mourir d'un Oeil - DAPHNE - CARMIN (2007)


22.5.07

Gravitation

Hall Napoléon - Le Louvre - Paris - 18/05/2007

21.5.07

Cleopatre, fille du Nil

Il m'a dit :

" Je t'emmène au cinéma. C'est une surprise. Il ne faudra pas que tu te rancardes. Il faudra te laisser porter".

Docilement, je l'ai écouté. Je lui ai dit d'accord, je te suis, les yeux fermés. Les seules informations dont je disposais, c'était que nous allions à la cinémathèque pour 14h30. Il m'a laissé faire, devant bien rire intérieurement, quand j'ai pris mon appareil photo, me disant qu'après la séance, nous pourrions aller nous promener sur les bords de la Seine. Comme il me l'avait demandé, je me suis tenu à l'écart complet même lorsqu'il a acheté les billets. La curiosité était pourtant de plus en plus mordante mais pas la moindre affiche, pas le moindre détail qui aurait pu l'étancher.
L'ouvreur en nous donnant l'accès à la salle nous dit avec le sourire, l'entracte sera de 15 minutes. Un entracte? Pour un film? Mais où a-t-il bien pu m'embarquer? Devant ma mine surprise, il a de nouveau souri content de son effet. Bien, je dispose d'un autre élément qui pourtant ne m'avance pas beaucoup. Le film sera long.

Il me lâche, magnanimement, que je n'ai pas à m'inquiéter. C'est un film que je n'ai jamais vu et que je rêve de voir depuis longtemps. Ce qui en soit ne me guide pas d'avantage; il y a tellement de films que je veux voir.
Assis dans la grande salle, j'observe le public très particulier de la Cinémathèque. La moyenne d'âge est relativement élevée, rajeunie pourtant par quelques garçons pas comme les autres ©. Je me dis qu'il doit s'agir d'un film ancien sans savoir trop pourquoi je me fais cette réflexion. Il reste intraitable et ne veut rien me dire de plus que tu verras. C'est un film qui a été réalisé avant ma naissance me dit-il en continuant à s'amuser de son petit jeu. Le spectre des possibilités est encore trop large. Le goutte à goutte de ses indices n'est pas là pour calmer mon impatience et ma grande curiosité qui va être mise à rude épreuve jusqu'à la révélation finale.
La salle s'est plongée dans le noir. Les brouhahas de bavardages se sont apaisés. Le grand écran s'est allumé sur un fond grisâtre, sans images. Une musique s'est élevée. Le film commençait. Pendant cinq bonnes minutes, j'ai fixé l'écran vide, ne voyant que la musique pompeuse et orientalisante Mais qu'était-ce donc que ce film là. Le Sage me souffle qu'il s'agit de la musique d'ouverture du film, comme pour un opéra. Je sens déjà poindre une grande fresque romanesque. Soudain, un thème musical me fait comme un déclic. Je pense que je viens de deviner le titre du film qui va se jouer devant nous.
Et puis, semblant surgir d'une antique fresque, elle surgit devant mes yeux sur l'immense toile de l'écran : Elisabeth Taylor is Cleopatra, a film by Joseph L. Mankiewicz.


Je voyais enfin le film qui m'a fait le plus rêvé quand j'étais jeune gamin, quand je m'extasiais devant les beautés de l'Egypte pharaonique. J'ai vu des images, des extraits du film mais jamais l'oeuvre complète. Et là, j'y étais. J'allais enfin suivre le destin tourmenté de la dernière Reine d'Egypte.
Cette longue attente aura été bénéfique. Quel bonheur ! Quel pied ai-je pris devant ce grand film spectaculaire ! Grandiose, à deux doigts du grandiloquent hollywoodien quand ils évoquaient l'Antiquité. Tout y est beau, monumental, colossal et propre (même les gens du peuple sont beaux).
La magnificence de l'entrée de Cléopâtre à Rome. La force de la bataille d'Actium. Le gargantuesque festin dans le gigantesque navire de Cléopâtre. La grande déclaration d'amour tellement osée pour cette époque. Le minois plein de jeunesse bravache de Lyz Taylor. Son clin d'oeil mutin qui fait fondre le plus dur des hommes.

Cléopâtre - Joseph L. Mankiewicz

20.5.07

Sous le ciel de Paris # 16

Paris - 20/05/2007

Dimanche 20 mai. On se croirait un jour de Toussaint. Déprimant. Surtout en repensant à ma petite soeur qui s'envolait ce matin vers le soleil de Cuba.
Pendant ce temps là, je regarde, par la fenêtre, tomber cette pluie froide qui a mangé le beau paysage de Paris, en me disant que, bon sang, demain, c'est la reprise du travail. Un temps à la hauteur de mon spleen.

Portique

Rue des Colonnes - Paris - 18/05/2007

Cinéphilie

Elle :
- Sinon, je suis allée voir Lady Chatterlay. Y es-tu allé?
Moi :
- Non ! Je n'ai pas vu ce film. On a voulu y aller et puis comme d'habitude, on a laissé passé.
Elle :
- Ah malheureux!!! C'était un très beau film !
Moi :
- Oui ! On nous en a dit le plus grand bien !
Elle :
- Oui et Marina Hands, elle est comme moi. Quand elle court nue, elle n'a pas les fesses en béton armé!!!!
Moi :
- ??!!
Elle :
- Je ne sais si tu arrives à comprendre ce que je raconte.
Moi :
- J'espère que je n'ai pas compris !
Elle :
- Quand elle court, ses fesses sont comme de la gélatine; comme les miennes.
Moi :
- Oh mon dieu ! C'est ce que j'avais compris !
Elle :
- Ok, j'arrête. Tu peux pas comprendre! C'est vachement important!
Moi :
- (mort de rire)

Triste Compagne

Ce n'est pas le mal de vivre,
Non ça c'est réservé aux esthètes à la dérive,
qui jugent la déprime démodée.
Je n'ai pas la gourmandise
qui consiste à tout détester.
C'est pas pour moi le mal de vivre,
c'est beaucoup trop raffiné.
Ca ira mieux demain;
Du moins je l'espère,
parce que c'est déjà ce que je me suis dit hier.
La larme à l'oeil en automne,
parce qu'elles sont mortes les feuilles,
alors qu'j'les connaissais à peine,
elles étaient même pas de ma famille.
Ce n'est pas par desespoir,
il faudrait vaille que vaille
souffrir du matin au soir,
c'est beaucoup trop de travail.
Ca ira mieux demain,
du moins je l'espère,
parce que c'est déjà ce que je me suis dit hier.
Ce n'est pas non plus du spleen pourtant,
c'est toujours à la mode,
mais c'est de la déprime qui frime le spleen,
c'est beaucoup trop snob.
Et c'est pas de la mélancolie,
c'est dommage ça m'aurait plu,
mais les chanteurs ont déjà tout pris
y'en avait plus.
Ce n'est qu'une triste compagne,
une peste qui murmure,
"n'oublie pas que tout s'éloigne et ne reste que les pleurs".
Triste Compagne - Bruno Bénabar in Reprise des négociations - 2005



Comment rester de marbre?

Ah bah voilà ! Dès que le soleil daigne montrer la pointe de ses rayons, c'est tout de suite beaucoup plus agréable pour se balader. Les touristes sont tous dehors, essayant de rattraper le retard de ces derniers jours pluvieux. Les jupes et les t-shirts ont remplacés les vêtements de pluies et les parapluies.Ce vendredi, profitant d'une éclaircie geignarde et encore convalescente et d'une forte poussée de température, on a enfin pu sortir de la tanière qu'était devenu notre appartement. On avait presque oublié ce qu'était l'air frais du dehors.La redécouverte de la sensation de marcher dans Paris et redécouvrir qu'il est agréable de marcher dans ses rues. Une grande balade qui nous a mené des Grands Boulevards jusqu'au Louvre en passant par la Comédie Française; et du Louvre jusqu'à Concorde en s'arrêtant, au Hall Napoléon pour visiter l'exposition consacrée au sculpteur grec Praxitèle.Praxitèle, le sculpteur de tous mes fantasmes, celui qui a su sculpter la perfection masculine dans toute sa splendeur avec le Hermès du musée d'Olympie. Cette oeuvre n'était malheureusement qu'évoquée par deux moulage en plâtre. L'oeuvre de Praxitèle ayant quasiment totalement disparue, l'exposition tente de présenter son oeuvre par rapport aux nombreuses copies de l'époque romaine qui ont multiplié à foisons ses sculptures qui correspondaient parfaitement avec leurs goûts décoratifs. L'exposition propose donc d'essayer de trouver les points les plus communs entre les différentes copies d'un même sujet (les Satyres, l'Apollon Sauroctone, l'Aphrodite de Cnides...) afin d'imaginer à quoi pouvait ressembler les plus les oeuvres originales. Démarche originale mais aussi peut-être aussi un peu trop ardue pour ceux qui ne s'intéressent pas particulièrement à la sculpture antique (j'en avais un exemple avec moi qui a trouvé le moyen de s'endormir).Mais moi, qu'est ce que j'ai aimé. Je savais parfaitement bien que je n'avais pas sous les yeux, les originaux du maître grec, mais pouvoir observer ces copies au plus prêt et dans le détail fut un plaisir immense. Avoir le nez presque collé sur ces bouches pulpeuses qui semble faire une moue presque dédaigneuse; observer la gestuelle maniérée et les déhanchés cambrés et nonchalants; suivre des yeux les plis compliqués des chitons et des peplos, les tresses et les boucles fines des chevelures de marbre. L'envie chatouilleuse de passer mes mains sur le poli du torse d'Apollon, sur le galbre fessu d'un satyre rieur, sur les rondeurs du visage d'Aphrodite. L'envie mordante de réchauffer ce marbre froid et donner vie à ces figures figées. L'envie princière de poser ses lèvres sur le dessin parfait de ces bouches pour leur insufler le réveil.
En même temps, avec le recul, imaginer ces êtres sans bras, sans tête, sans sexe n'est pas forcément ragoutant même si ce qui serait réveillé serait la perfection incarnée. Alors, le panneau sortie annonçait déjà la fin du parcours, et d'un dernier regard large, j'ai embrassé toutes ces silhouettes une dernière fois en leur souhaitant de continuer pendant encore mille ans à enchanter les yeux de ceux qui poseront le regards sur elles.
Praxitèle - Musée du Louvres - Jusqu'au 18/06/2007

19.5.07

Trompettes pour le Moineau Glorieux

Jardin des Tuilleries - Place de la Concorde - Paris - 18/05/2007

17.5.07

Ombres urbaines

Place des Fêtes - Paris - 03/05/2007

Quitte ou double


Pour la magnifique musique de Zbigniew Preisner et le sublime concerto en mi mineur. Pour la mise en scène époustouflante de Krzysztof Kieslowski. Pour la beauté de la scène des marionettes et pour la poignante scène du concert (celle de la vidéo). Pour la lumière tantôt douce tantôt criarde mais toujours filtrée. Pour le joli appartement de Véronique. Pour les deux histoires simples et simplement belles, et même si le lien entre elles est trop ténu. Pour la magie de l'ensemble de ce film et même si le sens profond m'échappe sans aucun doute. Pour tout cela, j'ai aimé voir La Double Vie de Véronique.
Pourtant, une question me vient à l'esprit. Pourquoi Irène Jacob a obtenu le prix d'interprétation féminine à Cannes en 1991 pour ce film? Franchement !

Sous le ciel de Paris # 15

Paris - 16/05/2007

16.5.07

Au rayon des rencontres

J'avais lu dans les Chroniques de San Francisco d'Armistead Maupin, qu'à San Francisco, il n'était pas rare de faire des rencontres d'un soir, autour d'une salade ou dune botte d'asperges, dans le rayon primeur d'un supermarché. Mouse et Mary-Ann s'y sont d'ailleurs rencontrés. Mais, ça ne restait que de la littérature.
J'avais vu dans Queer As Folk, Justin et Brian draguer de façon sans équivoque autour d'une courgette au calibre adéquate, un charmant jeune homme, pour une consommation ultérieure tout autre que culinaire. Cela se passait aussi dans un supermarché, à Pitsburg. Mais, ça ne restait qu'une série télévisée.
J'avais entendu dire que les Galeries Lafayette avaient organisé, le jour de la Saint Valentin 2004, une vaste soirée célibataire dans les rayons et les étages du prestigieux magasin des Grands Boulevards. Mais, ça ne restait qu'une grande opération commerciale.
Il y a une vaste mythologie autour des rencontres dans un magasin, un grand phantasme. Mais ce n'est pas la vraie vie, me disais-je, au fond de moi même. Imaginez donc ! Se faire aborder par un grand gaillard en survêtement et à la main, un panier rempli de deux poireaux, d'un camembert moulé à la louche, de deux yaourts 0% de matière grasse saveur citron, d'une crème épilatoire pour homme spéciale cuisse et torse, de fil dentaire, d'un paquet de désodorisant pour toilette senteur mer du sud, et qui vous dit : vous êtes la personne que j'attendais depuis dix ans et pour le reste de ma vie. Franchement, pas très glamour.
Pourtant...
Pourtant, hier soir, comme souvent, au Monoprix du coin de la Place, j'effectuais mes quelques achats pour le dîner du soir même. Le nez plongé dans les rayons dans le but de remplir le panier; un oeil qui parfois traînait sur une silhouette fuyante. Ne me blâmez pas, ce n'est pas de ma faute. A 19h30, au Monoprix du coin de la Place, c'est la Fête. Adonis et Apollon semblent se donner le mot et rendez-vous pour se retrouver tous, au même endroit, au même moment. Au rayon, viande fraîche en libre service, j'en suis encore à me demander sur quoi arrêter mon choix. Lentement, je fais un premier passage pour voir la totalité de l'offre. Je m'arrête devant les Cordons Bleus (oui bon, je sais pas très original ! Mais on avait décidé avec le Sage E. : facile à préparer). Du coin de l'oeil, je remarque, sans m'y attarder plus que cela, un jeune homme qui semble avoir les même doute quant à son menu du soir.
- Bonsoir !
- Heu... Bon... Bonsoir...
- Excusez moi de vous déranger. Je peux vous poser une question?
- Heu... Oui... Oui, si vous voulez...
- Qu'allez-vous manger ce soir?
- ... !!!???
- Je ne sais pas quoi acheter. Pas la moindre idée. Peut-être que vous allez pouvoir m'influencer.
- (glups!) Heu... Je pense que ça sera Cordon Bleu
- Ah oui ! Avec une frisée, ça peut être très bien.
- (sourire crispé). Heu... Oui... Tout à fait...
- Et vous mangez seul?
- (Haaaaaa ! Au secours !) Non, non ! J'ai trois personnes qui m'attendent à la maison.
- Et bien, bon appétit et bonne soirée.
- Mer... Merci ! Vous 'si
Bon sang ! La drague dans un supermarché, ça existe vraiment dans la vraie vie ! Je n’en reviens pas. Je devais être rouge pivoine tirant méchamment sur le coquelicot bien corsé. Je me suis senti gêné jusqu'à la racine de mes pauvres cheveux. Gêné mais flatté, de l'intérêt qu'on m'a sommairement porté. Je suis pas un Garçon pas comme les autres © pour rien, tiens.

De la marche à la palme

Affiche du 60ème Festival de Cannes par Christophe Renard & Alex Majoli

Ce soir, le 60ème Festival de Cannes sera déclaré ouvert par l'actrice taiwanaise, Shu-Qi et le metteur en scène Manoel de Oliveira, couple improbable et énigmatique. Les flashs des photographes crépiteront tout au long de la montée des 24 marches du Palais du Festival pour accompagner dans une haie lumineuse le m'as-tu-vu festivalier. Les strass et les paillettes des jolies robes des jolies actrices sponsorisées par les plus grandes marques de la haute couture. Cannes n'est pas qu'un haut lieu du 7ème art c'est aussi une grande foire commerciale où les stars ne sont que des VRP de renom. Evolution pas si heureuse de l'artistique vers le tout commercial et rentable. Bref.
Cette fois encore, il y aura bousculade pour tenter d'apercevoir, entre les rangées de gardes du corps, Catherine Deneuve et Elodie Bouchez qui défendront les couleurs du film de Gaël Morel, Après Lui, à la Quinzaine des réalisateurs. Brad Pitt et toute sa bande de copains d' Ocean's 13 de Steven Soderberg (prions pour que ce soit moins bavard que le 12). Jude Law, Nathalie Portman, Norah Jones et Rachel Weisz qui essuieront les plâtres dès ce soir pour la présentation de My Blueberry Nights de Wong Kar-Wai. Chiara Mastroianni, Louis Garrel, Ludivine Sagnier pour Les Chansons d'Amour de Christophe Honoré. Même Alain Delon qui après avoir craché dans la soupe a daigné accepter l'invitation de Gilles Jacob; mais qui se soucie encore d'Alain Delon?
L'ouverture du festival va aussi signifier la fin des vaches maigres dans les salles de cinéma de l'Hexagone. Les quelques sorties cinématographiques simultanées vont vite balayer le vide intersidéral et la pauvreté de la production qui a déboulé sur les écrans depuis deux mois. Les producteurs ont bien récuré les fonds de tiroirs, espérons un peu de plaisir renouvelé dans les salles obscures.En tout cas moi, à 20h00 pétante, je serais devant la télévision pour entendre la fameuse et devenue mythique phrase : "je déclare le 60 ème festival de Cannes ouvert" sous les applaudissements d'un parterre de dentelles et de décolletés de chair rose ou bien encore de smoking sombres et de chaussures bien cirées.

Une perle de douceur


Bon ! Je sais la vidéo n'est vraiment pas terrible. Mais il faut faire abstraction. Fermer les yeux et laissons nous emporter par ce magnifique air des Pêcheurs de Perles. Laissons nous flotter sur les vagues ondulantes de cette voix (ici celle de Alain Vanzo) chantant les louanges et la beauté d'un amour éternel.

Je crois entendre encore - Les Pêcheurs de Perles - Georges Bizet

Sagrada Familia

Jardin du Palais Royal - Paris - 13/05/2007

Constatation # 136

C'est dit, l'année prochaine, je prends mes vacances en avril.

15.5.07

Omar Porras met en scène à la Comédie Française

On se sent bien petit quand on entre à la Comédie Française. Ecrasé par les moulures et les stucs; les dorures et le lustre; les tentures et les statues. Impressionné par ces portraits des acteurs passés au nom glorieux; par les profils des auteurs glorifiés du Théâtre Français. Subjugué par le siège élimé et décapitonné de Molière dans lequel il joua le Malade Imaginaire.Je fus tout penaud pour ma première visite dans ce lieu mythique. Ebloui par l'aura que dégage ce lieu. Petit bonhomme intimidé dans la rotonde qui sert de hall de théâtre, j'ai imaginé les longues robes chatoyantes des galantes des siècles passés qui venaient se montrer aux premières des pièces de La Fontaine, de Marivaux ou de Musset, flottantes comme des nuages colorées dans ce vaste espace dédié au théâtre classique.

Il ne faut pas croire qu'à la Comédie Française, on s'endort systématiquement. L'idée toute faite de l'acteur déclamant à haute et intelligible voix sur un ton d'outre tombe dans des decors poussiéreux (enfin l'idée que j'avais du comédien de la Comédie Française). Bah non finalement. Omar Porras a su apporter sa patte pleine de fantaisie et si particulière à Pedro et le commandeur de l'auteur espagnol Felix Lope de Vega. Ici, cette tragi-comédie est magnifiée par des décors ahurissants. Les acteurs jouent avec des masques à la manière du théâtre d'Extrème Orient ou du théâtre de marionnettes. Un éblouissement total, tant dans le texte que dans les images. Un régal des sens comme je ne m'y attendais vraiment pas. Un moment de magie jubilatoire.
Pedro et le Commandeur - Felix Lope de Vega - Mise en scène Omar Porras - Comédie Française

La cape et la plume

Palais du Louvre - Cour de la Pyramide - Paris - 13/05/2007

Radotage

A l'exposition Atget, dimanche après midi, deux femmes âgées discutent.
L'une :
- Mais pourquoi ils prennent tant de temps pour regarder une photo? On attend nous...
L'autre :
- C'est parce qu'ils ne connaissent pas Paris, comme nous. Ils cherchent à reconnaître où ont été prises les photo.
La première :
- Ils ne sont pas prêts de reconnaître ! Tout ça a disparu.
La seconde :
- C'était la belle époque...
La première :
- Oh ! C'est où ça?
La seconde :
- Mais c'est la galerie du Grand Cerf.
La première :
- Ca a été détruit aussi ça.
La seconde :
- Mais Edith ! Arrêtez de dire des conneries...

Inspiration

Rien que pour les yeux liquides et limpides de la très jolie Valéria Golino. Rien que pour les bras de cet adolescent mal dégrossi mais qui qui porte tellement d'amour en lui. Pour le jeu de ce petit bonhomme de 11 ans, plus vrai que nature. Pour les paysages arides de la Sicile comme le sont ses habitants. Pour ces images merveilleuses de beauté et de poésie. Pour la mer si bleue. Pour l'émotion qu'il a déclenché en moi. Pour Francesco Casisa, ce jeune acteur débutant dans ce film, déjà si attendrissant. Pour Vincenzo Amato qui transpire l'amour mal dégrossi.
Pour tout cela, il faut voir Respiro d'Emanuele Crialese.

14.5.07

Mercantile

Passage Vivienne - Rue Vivienne - Paris - 13/05/2007

Twins Bernard


Fabien Prioville avait disparu de la troupe du Wuppertal Tanz Teater sans laisser d'adresse, nous laissant quelque peu orphelin. Et puis, soudain, au détour de YouTube, on découvre ce petit moment vidéo chorégraphié par notre Fabien. Exaltant.

Le Paris d'Atget

Pour voir Paris patiné par les années. Un Paris disparu qui semble tellement improbable pour notre regard contemporain. Avec cette exposition Eugène Atget (1857 - 1927) sur le site Richelieu de la BNF, c'est comme aller voir une exposition d'un avant-gardiste donnant sa vision d'une ville, un peu de la science fiction. Pourtant Atget a été le témoin vivant de ce Paris oublié. Ces clichés sont alors autant de documents historiques d'une ville qui n'est plus. Il a immortalisé des métiers disparus, l'impression "village" du Paris de la fin du 19ème siècle. Ce n'est plus la vision monumentale de la capitale qui est mise en lumière mais bien le Paris populaire; celui des rues et des marchés; celui qui ferait presque penser que Paris n'était, à bien des égards, qu'un gros village. Les Parisiens photographiés qui peuplent les rues figées de la capitale, vagues silhouettes floues qui traversent les photographies, sont autant de fantômes du passé, d'attirantes chimères qui nous invitent à découvrir leur Paris.
L'intérêt ne réside pas vraiment dans la technique du photographe (enfin, à mon avis) mais bien dans le charme désuet des sujets, de la couleur sépia; dans la vision quotidienne qu'il donne de Paris. Un Paris de cates postales sans doute. Un Paris où les rues étaient encore pavées et embouteillées par des voitues à bras. Un Paris où les vendeurs ambulants ressemblaient encore aux colporteurs.
Un petit reportage photo de l'Express donne un très bon avant goût de cette exposition.

Exposition : Atget, une rétrospective - Bibliothèque Nationale de France (Site Richelieu) - Jusqu'au 01/07/2007

13.5.07

La vie continue

A mi chemin entre documentaire et fiction, ce film est une étrangeté pour moi. Ce genre de film très contemplatif qui aime filmer longuement et en gros plan le visage de ses acteurs ou bien un tas de pierres qui doit avoir une valeur symbolique qui m'est hermétique. Et des tas de pierres, il y en a dans ce film. Beaucoup...Une ville chinoise, deux fois millénaire, va finir engloutie par les eaux de l'immense barrage des Trois Gorges. La ville est en complète déconstruction. Des milliers d'ouvriers arrivent dans cette ville pour la détruire, brique par brique; pierre par pierre, à la force de leurs bras et de leur masse. Parmi eux, San Ming qui a fait un long voyage pour revoir son ex-femme et sa fille qu'il n'a pas revues depuis 16 ans. Recherche lentes, entre deux coups de pioche. Perte de repère dans une ville qui n'en est presque plus une. De l'autre coté du fleuve qui gonfle jour après jour, Shen Hong cherche son mari disparu depuis deux ans, parti un jour pour cette ville en ne lui laissant qu'un numéro de téléphone erroné. Recherches farouches dans le passé d'un homme qu'elle ne reconnaît plus.Deux êtres en quête de l'autre disparu ne se croisent jamais directement (ou très furtivement l'espace d'un plan) mais leurs histoires sont mises en juxtaposition par des éléments irrationnels (une soucoupe volante qui traverse le ciel, un immeuble qui s'envole comme une fusée...) qui doivent avoir une valeur symbolique mais... (etc., etc.). La fiction prend souvent du recul face à l'aspect documentaire (l'agonie annoncée d'une ville et la déstructuration d'une sociabilité urbaine) mais lorsqu'on s'y attend le moins, un excès de fiction, de science fiction parfois même, ramène le propos du film sur les deux personnages.
Le film n'est pas forcément très facile d'accès, habitués que nous sommes, à l'action échevelée cinématographique, mais il reste un moment envoûtant du fait de son inclassibilité.

Still Life - Jia Zhang Ke

12.5.07

Années folles

Caryatide - Rue Halevy - Paris - Juin 2006

e-conne

Lui :
- Han ! Chuis allez voir l'xpo Dalida. Trop bon !
Moi :
- Ah bon?
Lui :
- Ui ! Faut tu yaille
Moi :
- Je ne crois pas, non ! Pas très motivé.
Lui :
- Non !! Mais c'est un iconne pourtant.
Moi :
- Une quoi?
Lui :
- Ben une iconne. Une iconne du Marais.
Moi :
- Ca veut dire quoi?
Lui :
- Ben qu'elle ete vachement connu dans le Marais. Elle chanté dans les bars, là bas...
Moi :
- Dalida? Tu es sûr?
Lui :
- Ben ui ! C'est tout le monde kil dit.
Moi :
- Ah d'accord ! Et sinon, tu as appris des choses pendant cette expo?
Lui :
- Oh ui ! Plin plin !
Ceci est un dialogue MSN, tel qu'il s'est réellement déroulé aujourd'hui (sans les émoticonnes ! Heu les émoticons qui polluaient, pour votre bien être), avec un moins de 19 de QI (qui se trouve être son âge aussi), garçon pas comme les autres © typique.

11.5.07

Sous les toits

Château des Comtes du Perche - Nogent Le Rotrou - 09/05/2007

Sur un refrain léger

Une opérette d'Offenbach. Une tranche de plaisir simple. Grivois, moqueurs, populaires et d'une modernité déconcertante, ces opérettes sont des recueils de chansons aux textes simples et aux mélodies légères qui vous trottent dans la tête longtemps après le spectacle (et d'autant plus si vous avez un Sage E. à la maison). Sous ces faux airs de petits spectacles de cabarets aux livrets d'une simplicité (pauvreté?) désarmante, se cachent en fait des satires féroces contre le pouvoir en place; des pamphlets contre les abus des classes dirigeantes; règlements de compte personnalisés. Populistes et populaires, ces oeuvres là connaissent une renaissance intéressante grâce à de petites troupes professionnelles ou amateurs qui mettent en exergue la modernité de ce génie art mineur de la culture classique.
Avec ou sans moyens; dans le pur respect de l'oeuvre originale ou transposé dans un univers plus contemporain, les opérettes d'Offenbach sonnent toujours comme des échos d'un passé qui se répète à l'infini.

Du moment que l'oeuvre ne soit pas dénaturée au point de ne plus ressembler à rien, sous prétexte de faire du théâtre populaire (dans le genre TF1 ou M6), comme l'a fait récemment Savary à l'Opéra Comique avec la Périchole, flirtant avec le mauvais goût, le vulgaire et responsable d'un massacre majeur de l'oeuvre.
Heureusement, les livrets fourmillent déjà tellement de ressorts comiques que les metteurs en scène n'ont plus qu'à imprimer leur touche personnelle à l'oeuvre sans la dénaturer. Repensons avec émotion à cette mise en scène magistrale de La Belle Hélène mise, par Laurent Pelly au théâtre du Châtelet, qui replaçait les aventures mythologiques de la plus belle femme de Grèce dans les années 1930. De grands moyens, de grandes voix au service d'une des oeuvres les plus drôles d'Offenbach.
L'excès de moyens n'est pas forcément une obligation pour réussir une bonne mise en scène d'une opérette d'Offenbach. La Compagnie Les Brigands (créée en 2000) l'a déjà prouvé à maintes reprises en jouant sur la scène du Théâtre de l'Athénée, Geneviève de Brabant en 2002 ou les Brigands en 2007. Là encore, grand respect de l'oeuvre. Les mises en scène de Stéphane Vallé et Loïc Boissier sont de petits bijoux d'ingéniosité qui jouent en toute simplicité sur le second degré des livrets.
Avec encore moins de moyen, la petite troupe de Oya Kephale qui existe depuis 1995, apporte à leur mise en scène une ambiance de spectacle de fin d'année qui peut donner l'impression d'un grand amateurisme "cheap" certes mais aussi et surtout d'une grande fraîcheur et d'un amusement communicatif, comme le prouvait, hier soir, ce spectateur, qui aux dernières notes de Barbe Bleue, s'est levé avec un enthousiasme débridé et hurlait son plaisir en demandant une standing ovation. Du vrai spectacle populaire dans le plus noble sens du terme, celui qui invite au plaisir de la découverte d'une oeuvre avant tout conçue pour s'amuser; celui qui voit évoluer sur scène des artistes enthousiastes prenant plaisir à faire vivre la pièce après de longs mois de travail et de préparation.

Polygame barbu

Le Sire de Barbe Bleue :

C’est un Rubens !
Ce qu’on appelle une gaillarde,
Une robuste campagnarde,
Bien établie en tous les sens !
Elle n’a point ces mignardises
Qui m’ont fatigué des marquises !
C’est un Rubens !



C’est un Rubens !
Une grosse et forte luronne,
Qui lorsqu’un amant la chiffonne,
Se défend à grands coups de poings !
Elle est robuste, elle est naïve,
Sa grâce est quelque peu massive !…
C’est un Rubens !


Acte 1 - Scéne 11
Barbe Bleue - Jacques Offenbach - Compagnie Oya Képhale - Asnières Sur Seine

10.5.07

Rosacée de pierre

Notre Dame des Marais - La Ferté Bernard - 06/05/2007

A la carte # 7 - La Perdrix

Il fallait bien trouver un endroit où manger si nous voulions visiter La Ferté Bernard. Nous aurions pu aller au MC Donald du coin, mais bon ça ne fait pas très repas du dimanche midi avec papa et maman. Quelques recherches effrénées sur Internet et un restaurant ressort, La Perdrix. Ca me fait penser à un repère de chasseurs mais les critiques insistent sur l'excellente nouvelle cuisine française qu'y est proposée. Et bien soit, réservons ! Nous serons 4, merci.Pour commencer, pas très facile de trouver la rue de Paris, là où se situe le restaurant. Mais il faut dire que sans regarder un plan, dans une ville qu'on ne connaît pas, il n'est jamais très facile de s'y repérer. L'établissement est un trois en un : hôtel deux étoiles, restaurant et un accueil bar. Grands murs extérieurs blancs sans cachet ostentatoire, une longue baie vitrée éclairant la salle à manger. L'intérieur est à l'identique mais l'ambiance y est tout à fait différente. Un accueil impeccable par un grand jeune homme charmant, tout de noir et blanc vêtu. Il nous indique d'un ample et gracieux mouvement de bras l'entrée de la salle à manger dans laquelle nous le suivons bien volontiers.Le ton est donné, le service se veut résolument classieux et chic, dans la grande tradition de la grande restauration française. Je sens aussitôt ma mère se figer. Elle ne se sent pas à l'aise et a peur de faire LA boulette. Pourtant le cadre ne s'y prête pas beaucoup à ce ton guindé. La salle du restaurant est clinquante et ordonnée, pourtant il y a un manque singulier de caractère et d'authenticité. Tout y est neuf; les plantes sont en plastique; la peinture est blanche et fonctionnelle mais avouons le pas très jolie. Le décalage entre le service et le cadre fait d'abord un peu sourire mais au final, ce dernier sait se faire oublier.Deux types de menus à la carte, le menu « découverte » et son plus copieux copain, le gastronomique. Menus entre 26 et 36 euros, ce qui est plus qu'abordable. Un large choix dès le menu découverte proposant, entrée, plat et dessert avec l'entracte sorbet à la pomme entre l'entrée et le plat. Pointes d'asperges vertes sur oeuf poché; tranches fines de saumon fumé marinées ou bien encore terrine du chasseur et son coleslaw et ses oignons confits. Magret de canard sur pyramide dauphinoise, queues de langoustines gratinées ou bien encore la traditionnelle pièce de boeuf grillée. Des plats qui ne font pas très nouvelle cuisine mais une plus qu'honorable cuisine française fine et savoureuse. Les plats sont dressés dans des assiettes originales et servies avec le sourire du charmant garçon de service; un large plus pour le restaurant.Finalement, pas de chasseurs crottés mais plutôt la clientèle bourgeoise de La Ferté Bernard. Une bonne table où l'on y mange bien mais qui manque peut-être un peu trop de simplicité pour que ce soit un endroit où l'on s'y sente bien. Quoique avec le jeune et charmant serveur...
La Perdrix - 2, Rue de Paris - 72400 La Ferté Bernard - 02 43 93 00 44

Portrait Officiel

Photo Annie Leibovitz
Nouveau portrait d'Elisabeth II. Elle est assise et mélancolique devant une fenêtre grande ouverte sur un ciel gris de menaces. Atours de souveraine mais attitude de vieille dame, attendant tranquillement l'arrivée de ses petits enfants venus la visiter dans sa chambre des Champs Fleuris.
Etrange photographie où malgré le faste des lambris et des vêtements, j'ai l'impression de voir photographiée une fin de règne.

Faux espoir

Dimanche, j'ai bien cru que le futur président serait un camembert !


Soirée électorale

Il est assez remarquable comment, pendant l'heure qui précède l'annonce des résultats d'une journée électorale, les journalistes réussissent à faire de l'antenne avec du vent et du vide. Comment ils réussissent à broder jusqu'à l'écoeurement sur le seul résultat qu'ils ont le droit de divulguer, l'estimation du taux de participation.
Dimanche 6 mai - 18h50 - France 2
La météo de la pauvre Nathalie Rihouet a été balancée en 30 secondes entre de larges pages de publicités de quatre minutes trente. A croire que les Français n'en ont rien à cirer des prévisions météorologiques de la semaine à venir. Ce qui les intéresse c'est plutôt les prévisions des cinq années à venir.
David Pujadas et le sourire d'Elise Lucet apparaissent sur les écrans. La grande soirée électorale est lancée. Il commence fort le david. Avec un ton de conspirateur et le sourire grave il annonce : " nous savons qui sera le futur président de la République, mais comme nous l'impose la loi française, nous ne pouvons rien dire avant la fermeture des derniers bureaux de votes; pas avant 20h00 ".
Mouais ! Quel est l'intérêt de le dire alors?! Franchement. C'est quoi ces annonces à deux balles qui ne servent à rien sauf peut-être à allécher le spectateur.
Le reste de cette heure est du même tonneau. Des reportages en direct live, dans les différents quartiers généraux des deux candidats avec commentaires pertinents et analyses de fond à toute épreuve : " comme vous pouvez le constater, beaucoup de monde dans la rue de Solferino, où chacun attend ici, la fin du suspens insoutenable" avec images fortes de jeunes gens en liesse faisant des gestes désordonnés de leur main droite tandis que leur main gauche maintient un portable collé à l'oreille. Même images mais couleurs différentes, rue d'Enghien où "il y a beaucoup de monde ici. Beaucoup attendent avec impatience 20h00 et le résultat de ce suspens intenable".
Pujadas, en fin journaliste qu'il est, remarque très finement que les supporters socialistes sont plus euphoriques (on sentait le clin d'oeil appuyé mais réprimé) que ceux, fervents admirateurs, de l'Identité Nationale. Ce que dément avec force le journaliste de la rue d'Enghien, tandis que celui de la rue de Solferino en rajoute une couche en annonçant qu'ici "on entend des sifflets dès que les images de Sarkozy apparaissent sur le grand écran où est diffusé la soirée spéciale de France 2".
De son côté, une autre journaliste, en direct du plus grand bureau de vote du 14ème arrondissement, tente d'élever le débat en faisant remarquer que les Parisiens ne se sont pas déplacés en masse entre 14h34 et 17h58 mais que depuis, ça va mieux.
Pujadas rebondit avec des tableaux comparatifs sur tout et n'importe quoi : les taux d'abstention depuis le début de la Vème République, les estimations des reports de voix des candidats vaincus au premiers tours, la couleur du cheval blanc d'Henri IV et bien sûr qu'est ce que va dire le ou la vainqueur de cette journée d'élection. Le tout commenté par deux spécialistes qui sous des airs pompeux et gaves ne font que reprendre les chiffres du tableau : " et oui, il semblerait que le cheval d'Henri IV était blanc à 56% mais il y a une zone d'incertitude tout de même par rapport à 2002..."
19h45. Un compte à rebours vient de s'afficher en haut à gauche de l'écran, tandis qu'un drapeau tricolore masque une photographie du palais de l'Elysée. On aurait presque l'impression d'entendre la petite musique énervante du décompte des secondes. Une mise en scène à la "24 heures chrono", mais sans Jack Bauer qui est aux abonnés absents pour sauver nos pauvres vies du désastre imminent qui nous menace tous. Dans moins de quinze minutes, nous saurons qui se cachait derrière les trois couleurs de la République.
Et ça cause et ça glose et ça s'écoute parler vainement. Les premiers invités arrivent, le sourire posé et figé de rigueur. Dans moins de 30 secondes, nous nous enfouissons encore plus dans l'opposition.
Ennuyeux ce vide abyssal. Pourquoi gâcher autant avec tellement de rien, de non dit, de mot sans sens. J'aurais pu changer de chaîne mais j'aurais eu les mêmes propos vides sur la sarkozienne TF1 (mais avec plus de moyens) ou sur la régionale France 3 (mais avec moins de moyens). Et comme il n'était pas question que je regarde l'abêtissante M6, il a bien fallu attendre les vingt coups du glas sur cette chaîne là.
Pourquoi France 2 joue t-elle sur les mêmes plates-bandes que sa concurrente privée? Pourquoi jouer ce faux suspens échevelé qui sonne tellement creux? Est-ce qu'une soirée électorale se construit sur le même canevas qu'un épisode d'une pauvre série française? Le but d'une soirée de cette envergure là pour une chaîne publique est-il l'analyse où l'obtention de la plus grosse part d'audience?
Tout ça, en plus, pour constater que nous n'avions plus que nos yeux pour pleurer sur notre désillusion partisane. Franchement, si cela était à refaire, j'aurais préféré aller au cinéma. Quitte à payer pour être déçu, au moins, j'aurais su pourquoi je perdais mon temps.

Retraite fourée

Réflexion maternelle en parlant de notre ancien président de la République :
- Tu as vu le cadeau qu'on a fait à Chirac? Deux paires de charentaises en cachemire. Il aura toujours du pognon plein les pattes celui là.

6.5.07

Constatation # 135

Bon allez ! A bientôt, alors !

5.5.07

L'Oiseau qui contait...

Ce matin, j'ai réalisé un de mes rêves de grand enfant.
Ce matin, j'ai vu Le Roi et l'Oiseau de Paul Grimault. J'ai enfin pu admirer le bel Oiseau bavard et malin au plumage coloré; le roi tyran de Takicardie Charles V-et-Trois-font-Huit-et-Huit-font-Seize; les deux tourteaux, la bergère et le ramoneur. J'ai vu le magnifique château, l'usine impressionnante, le grand géant de fer.
J'ai enfin vu le film culte qui a tant impressionné et marqué Hayao Miyazaki et les influences sont vraiment indéniables.
J'ai vu le film et j'ai été très sage. Beaucoup plus que ces deux petits têtards de cinq ans qui ont chahuté pendant tout le film. Petites têtes blondes inconscientes de la chance qu'ils avaient de voir ce film.
Le Roi et l'Oiseau - Paul Grimault

4.5.07

Les nuits de pleine lune.

Les nuits de pleine lune. De celles qui font passer de nuit blanche en peurs bleues. De celles qui abreuvent de rêves insensés, l'esprit agité. De celles qui réveillent au milieu des heures sombres, hébété et couvert de sueur. De celles qui vous voient plus fatigué le matin que le soir au coucher.
Les rêves perturbants des nuits de pleine lune. Ces rêves impensables mais qui ont pourtant le goût trop piquant de la réalité. Ces rêves qui perturbent au point de vous assurer, que celui qui dort à côté de vous, est bien là et se porte bien, quitte à le réveiller. Ces rêves où on voit, entend, perçoit trop violemment, au point de vous sentir témoin et acteur de votre rêve, les deux entièrement emmêlés. Ces rêves qui virent trop facilement vers le cauchemar.

3.5.07

Flamme des marais

Le Fouloire - Saint-Herblain - 28/04/2007

Araignée azimutée

L'homme araignée continue de grandir. Ses faramineux pouvoirs en font la coqueluche de New York City. Il aurait même tendance à prendre la grosse tête le jeune homme. Il est loin le jeune gars gauche et timide qui découvrait avec horreur ses nouveaux supers pouvoirs. La popularité, l'amour, ça vous fait gonfler le melon, vitesse super grand V.
Comme il est amoureux, il veut épouser sa Mary Jane d'amour qui vient de se prendre une belle pelle professionnelle sans que son benêt de chéri sans rende compte tout préoccupé qu'il est par l'immense honneur que lui fait la Ville de New York. Il fanfaronne égoïstement. Un peu l'impression que plus il devient adulte, plus il devient immature
Pourtant les supers menaces sont toujours bien présentes pour notre super héro. Un homme particularisé devenu tas de sable sur pattes; son ex meilleur ami qui crie haut et fort la vengeance familiale dans son costume de Bouffon Vert; une substance visqueuse venue des étoiles qui modifie le comportement de façon radicale; un journaleux boutonneux mais teigneux. Tout cela promet de beaux moments tout en synthèse 100% naturel.
Et on n'est pas déçu du résultat. Les combats sont impressionnants de réalisme. Les ressorts dramatiques, même si parfois artificiellement amenés, arrivent toujours au bon moment pour relancer encore plus fort le récit. Les acteurs sont toujours aussi bons. Tobey Maguire en premier lieu qui de gringalet en quotidien devient un superbe super héro. La toujours épatante Kirsten Dunst toute en incertitude et en souffrance contenue (ah bah oui ! Pas facile d'être la copine d'un super héro). Le joli James Franco (régal des yeux ce garçon là) et le petit nouveau Topher Grace (le Eric de That 70's Show) dans un rôle à contre emploi.
Ce troisième opus est moins sombre que les précédents. Il surfe beaucoup plus sur l'humour et l'autodérision du super héro (magnifiques scènes de mauvais garçon qui n'est pas sans rappeler le défilé des mauvais garçons dansant des rues de West Side Story). Pourtant, il ne perd pas en efficacité. Un très bon moment de cinéma populaire bien ficelé et qui ne se prend pas la tête outre mesure.
Spiderman 3 - Sam Raimi

Les cris de la ville

Ouvrons la fenêtre, sur les restes du sommeil et pour laisser entrer l'air frais d'un matin d'été trop en avance. Encore endormis, les yeux clos, on se prend à s'imaginer dans un grand lit de fer blanc, sous l'épais plumage d'un édredon marron, dans une belle chambre simple et rustique d'une belle longère percheronne. Les rayons du soleil chatouillent les paupières. Les effluves d'herbe fraîchement coupée et les parfums capiteux de la ferme caressent délicieusement la pilosité nasale. On s'étire paresseusement et voluptueusement, les doigts de pieds en éventail et on se dit que vraiment, elle est bien belle la vie.
Mais bien vite, les cris de la ville me rappellent à la réalité. Ceci n'était qu'un doux rêve de vacances prochaines. A l'heure qu'il est, mon quotidien est Paris. Et sa brutalité matinale me frappe les tympans comme une grande claque dans le dos que je n'avais pas vu venir.
Le cri des klaxons des voitures trop pressées. Les cris des élèves qui se dirigent vers leurs classes poussiéreuses. Le cri du bus gêné dans sa lente progression. Les cris de l'ambulance gênés dans sa rapide progression. Le cri des marteaux piqueurs qui défoncent et défoncent encore et encore les trottoirs. Le cri des mobylettes qui pétaradent à tout va dans les caisses de résonance des immeubles encastrés. Le cris du camion poubelle qui me fait penser à une goule infernale poussant son hurlement strident à chaque fois qu'elle a ingéré les déchets des boites vertes. Le cri de la ville, longue plainte de fureur mécanisée, plus intense et concentré que jamais. Presque insupportable. Les cris de la réalité quotidienne qui laisse peu de place à ceux du rêve. Où est le cri du coq qui salue le retour du jour? Celui de la vache qui appelle les mains expertes du fermier? Où est le cri joyeux de la cloche de l'église de village qui égrène les heures? Où est le cri du moineau joueur qui répond au cri du merle tapageur?
Dans ma tête sans doute. Souvenirs idéalisés d'une campagne idyllique. Le réel besoin de se mettre au vert et de se reposer. Bientôt. Bientôt, ces cris là seront redevenus réalité tandis que les cris de la ville seront devenus un lointain souvenir.

2.5.07

Le ronfleur

Autant les trains du samedi matin sont bruyants et tapageurs, autant ceux du dimanche soir sont calmes et endormis. Pas de cris d'enfants énervés. Pas de conversations intempestives dans un portable. Pas de glousseuses invertébrées ou même pire. Non, dans les trains du dimanche soir, les gens dorment, harassés par le week-end passé, par la nuit agitée d'un samedi arrosé. L'observation de ces gens là donne un patchwork de situations endormies.Il y a ceux qui dorment recroquevillés contre la fenêtre du train (j'en fais parti). Ceux qui dorment la tête dans leurs bras croisés sur la tablette de leur siège. Ceux qui dorment paisibles sur l'épaule de leur voisin voisine. Ceux qui dorment en s'étalant de tous les côtés. Il y a ceux qui dorment la bouche fermée. Ceux qui dorment la bouche ouverte. Ceux qui dorment le visage agité par des tics nerveux. Ceux qui dorment comme des bienheureux, le sourire béat accroché aux lèvres. Ceux qui dorment la mine renfrognée.Et puis, il y a ceux qui ronflent. De la légère respiration forte aux roulements de tambour. Dimanche, dans le train qui nous ramenait vers Paris, j'ai rencontré le maître incontestable des ronfleurs wagonés. Il était vautré sur deux sièges, les pieds posés sur un troisième en face de lui. Sa casquette vissée sur les yeux le protégeait de la lumière blafarde des néons du wagon. Il appartenait à la catégorie "bouche ouverte"; même plus grandement que la moyenne. Et il ronflait. Tellement fort qu'il a réussi à réveiller la totalité du wagon pourtant bien endormi. Même moi, qui avait les oreillettes du walkman et Arcade Fire à fond dedans. Un à un, les voyageurs se sont réveillés, se demandant quel animal pouvait bien grogner aussi fort. Lorsque qu’ils se sont rendus compte que ce grognement là était humain, ils ont commencé à sourire puis à rire. Le voyageur en face de lui, au bout d'un moment, ne tenant plus, a fini par le secouer d'abord gentiment puis plus énergiquement pour le réveiller. Ce qu'il fit, affolé, se demandant bien où il était et ce qu'il se passait. Les sourires moqueurs ont suffi pour qu'il comprenne et, sans se démonter plus que cela, a fait un signe de la main en guise d'excuse avant de se replonger dans le sommeil sans pour autant recommencer ces ronflements. A moins qu'il n'en est pas eu le temps. Le train arrivait en gare de Montparnasse et déjà les va et vient des voyageurs voulant être les premiers à descendre sur le quai, le tirèrent à nouveau du sommeil.

La glousseuse

Synonyme : tête à claques.
On la sent arriver avant même de la voir, la glousseuse. On l'entend.La glousseuse a la particularité de rire de tout et de rien. Un mot, un rire. Pas de mot, un rire. Un vent, un rire. Un rire nerveux qui hésite entre le bêlement d'une chèvre qu'on aurait oublié de traire et le cri de la hyène à qui on a marché sur les pattes. Un rire qui respire la profondeur d'âme, surtout le petit renâclement de gorge qui fait la transition entre deux rires, comme un enfant imitant le cri du cochon. Un rire qu'on a envie d'étouffer avec une bonne couche de ouate.
Observons cette jeune fille, une glousseuse, dans le train en partance pour Nantes. Elle cherche sa place. Elle demande à son ami :
- C'est où qu'on s'assoit?
- Ben sur un siège !
Elle fait résonner un puissant et tonitruant rire qui s'entend, à mon avis, jusqu'aux abords de Nantes. Les mouettes elles même ont cru reconnaître une des leurs. Et lorsqu'elle arrive à hauteur de sa place (juste à côté des nôtres) et qu'elle voit deux personnes assises, sans ménagement elle dit :
- C'est notre place.
Et elle rajoute pendant que ces deux personnes s'en vont vers d'autres wagons (les veinards) :
- C'est dingue ça ! Les gens y savent pas lire leur siège ou quoi...
La glousseuse respire la gentillesse. Elle tortille souvent le bout de son doigt dans une mèche de cheveux et penche la tête au fur et mesure qu'elle enroule ces cheveux. Elle a alors le regard vide et la bouche entre ouverte. Il parait qu'elle réfléchit. C'est ce que pense, en tous cas, l'ami de notre amie glousseuse du train.
- Tu penses à quoi?
Elle le regarde bovinement. Et lorsque la question a fini par percuter un neurone. Elle rit (cause à effet?). Ca sera sa seule réponse. Mais au bout d'un moment, elle reprend pied dans la réalité :
- On fait quoi?
- On prend le train !
Oui, je sais ! Il faudrait dire aussi beaucoup sur le copain. L'adage, qui se ressemble s'assemble, n'a jamais été aussi vrai. Mais, elle, ça la fait glousser.
- T'es bête toi alors !
La perspicacité légendaire de la glousseuse...
- Oh ! J'ai une idée !
On sent que le reste du wagon n'en revient pas de cette affirmation et retient son souffle, attendant cette idée avec impatience.
- Si on jouait à la crapette !
Comme dans les mangas des années 80 qui passaient au Club Dorothée, on voit tous les voyageurs s'écrouler par terre devant cette idée faramineuse. Voila ce que s’est, aussi, de se faire de fausses idées.
Le copain répond très favorablement à cette idée (tu penses ! la bonne éclate en perspective) et sort un jeu de cartes de la valise qui se trouve sous ses pieds. Ce qui fait rire la glousseuse. Une partie infernale s'engage ponctuait par le martèlement des mains sur la tablette à chaque fois l'un ou l'autre gagne et par les rire brefs et nerveux de la demoiselle. J'attache solidement le Sage E. à son siège pour éviter qu'il ne se jette sur elle pour l'étrangler et j'augmente un peu plus le volume de mon walkman.
Au bout d'une bonne demie heure, la glousseuse en a marre. Elle s'ennuie. Elle aimerait bien regarder un film. Le copain, très obéissant, sort aussitôt un ordinateur portable et un DVD, avec la même difficulté que le jeu de carte, puisqu'ils se trouvent aussi dans la valise sous ses pieds. Elle glousse encore. Et se trémousse aussi. Elle est contente. Je remarque que quand elle est heureuse, elle fait comme nous faisions quand nous étions petiots mes soeurs et moi, quand la joie et l'excitation étaient à son comble, nous faisions ce que nous appelions "panier à salade" qui consistait à tourner nerveusement nos mains comme le geste qui accompagne le "ton moulin, ton moulin va trop vite". Nous le faisions, nous avions 10 ans. Elle le fait encore, elle en a bien 15 de plus.
Le film semble être passionnant et la passionne visiblement aux vues du nombre impressionnant de "panier à salade" qu'elle tourne. De temps à autre, un gloussement nous rappelle qu'elle est encore présente dans le train (comme si nous pouvions oublier). Elle lâche parfois un "c'est trop génial" ou un "c'est trop fort".
Mais à partir de là, elle passe dans une autre catégorie que le Sage E. a su décrire mieux que personne.