La 71e section du Conseil National des Universités et la tolérance au plagiat

Posté par Jean-Noël Darde

Des éléments de l’article ci-dessous sont évoqués dans une interview recueillie par Anne Mascret et publiée le 5 octobre 2011 par l’AEF, agence d’informations spécialisées, notamment sur l’enseignement supérieur : Plagiat universitaire : Jean-Noël Darde s’inquiète de la présence de plagiaires sur les listes de candidats aux élections du CNU.

(Mis en ligne début octobre 2011. Dernières corrections le 13 octobre)

Dès le printemps 2006, nous avons en vain tenté de faire réagir des membres influents de la 71e section, notamment Pierre Moeglin (MSH Paris Nord), à des situations déplorables de plagiat qui mettaient en cause le laboratoire Paragraphe de l’Université Paris 8 (voir Les pieds dans le plagiat). Depuis l’ouverture de ce blog, fin 2009, nous avons encore tenté de susciter des réactions de membres de la 71e section du CNU… toujours en vain. Nous nous sentons donc d’autant plus libre et fondé aujourd’hui à nous exprimer à nouveau publiquement et sans fard.

Exigences déontologiques
La Section est au regret de devoir mettre en garde très formellement les candidats contre la pratique, de moins en moins exceptionnelle, consistant pour un auteur à ne pas citer rigoureusement ses sources d’information ou d’inspiration, certaines omissions pouvant relever de procédés non conformes à la déontologie universitaire. Quelquefois même, elle a dû déplorer des cas plus ou moins caractérisés de plagiat, qui consiste à recopier la lettre même de ce qui a pu être écrit antérieurement par d’autres auteurs, sans leur reconnaître, par des guillemets appropriés et par une indication bibliographique convenable, la paternité des lignes en cause.

Sans aller jusqu’à ce point, il arrive trop souvent que les auteurs, tout en citant leurs sources, les recopient plus ou moins textuellement, mais sans utiliser les guillemets ou en les utilisant de manière ponctuelle et parcimonieuse ; dans d’autres cas, pour se justifier implicitement – mais maladroitement – de ne pas recourir à cette convention typographique, ils s’appliquent à ne modifier que quelques mots dans la phrase dont ils ne sont pas les auteurs réels, citant simplement, en notes de bas de page, le nom des auteurs dont ils reprennent les propos, mais aussi, quelquefois, en oubliant de le mentionner ou en ne le faisant qu’une seule fois, bien plus haut dans le texte, ou encore bien plus bas…

Il est à peine nécessaire de souligner que ces pratiques sont inadmissibles et indignes d’universitaires, tout en desservant très fortement ceux qui s’y livrent…

La déclaration ci-dessus figure dans les rapports 2009 et 2010 de la 2e section du CNU (Droit public). Les plagiats « indignes d’universitaires » pour les membres de la 2e section du Conseil national des universités sont mieux tolérés par les membres de la 71e section du CNU (Sciences de l’information et de la communication). Le plagiat y est même si bien toléré que des tolérants au plagiat, et même des plagiaires, n’ont pas craint de se présenter aux dernières élections du CNU qui se déroulent du 12 septembre au 11 octobre 2011 et dont les résultats seront rendus publics le 25 octobre.

À cette élection 2011 au CNU, sept listes se sont disputées les suffrages des professeurs de la 71e section, dont six avaient leur équivalent chez les maîtres de conférences. Deux des sept listes se distinguent : Action et interaction emmenée par Imad Saleh, directeur du laboratoire Paragraphe et Directeur-adjoint de l’École doctorale Cognition, Langage et Interaction (CLI), et Ensemble pour la valorisation et la promotion des SIC qui affiche aux trois premières places de suppléants du collège A, trois collègues cités sur notre blog pour avoir, selon les cas, dirigé et validé des thèses aux plagiats très grossiers, ou avoir toléré ou même pratiqué le plagiat.

On note parmi tous les candidats aux élections de la 71e section du CNU une forte représentation du laboratoire Paragraphe — 6 de ses membres dont 4 pour la seule liste (collèges A et B) Action et réaction. Le Laboratoire Paragraphe, classé « A » par l’Agence d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES) est aussi partie prenante du Projet ARTS-H2H qui a bénéficié du label LABEX (laboratoire d’excellence) attribué  au printemps dernier. C’est aussi le laboratoire qui, à notre connaissance, détient le record de France du taux de thèses-plagiats soutenues en son sein.

Rappelons que les membres des sections du Conseil National des Universités se voient confier l’évaluation des dossiers et des travaux des candidats pour la qualification à l’accès au corps des maîtres de conférences et à celui des professeurs d’université. Que des universitaires aveugles au plagiat, tolérants au plagiat et même à l’occasion plagiaires, puissent être désignés pour évaluer les dossiers de collègues posent un problème auquel il faut répondre de manière cohérente. Soit ils doivent être écartés du CNU, soit il faut accorder aux candidats qui déposent leur dossier devant la 71e section du CNU la même tolérance au plagiat que l’on accorde à des membres du CNU.

Dans ce contexte, il est  légitime que les prochains candidats qui auront à soumettre leur dossier à la 71e section du CNU soient mieux informés des formes de plagiat et auto-plagiat tolérées dans cette section du CNU, puisque tolérées par des universitaires titulaires ou même chez ses propres membres. Dans cette perspective, pour tracer les nouvelles limites du tolérable en matière de plagiat dans la 71e section on pourrait s’aligner sur les pratiques de nos collègues Khaldoun Zreik ou Imad Saleh déjà souvent cités sur ce blog.

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ENSEMBLE… PLAGIONS

Khaldoun Zreik est candidat en 2e position de la liste Ensemble pour la valorisation et la promotion des SIC. Il est membre du Conseil de l’École doctorale Cognition, Langage et Interaction. Nous ne citerons ici que des articles « scientifiques » mis en avant par Khaldoun Zreik lui-même dans le CV qu’il a mis en ligne. De ce CV très fourni qui affiche un nombre remarquable de références concernant des activités de recherche et des publications — « Chapitres dans des ouvrages collectifs« , « Articles publiés dans des revues internationales » et « Articles présentés et publiés dans des colloques internationaux avec actes et comités de sélection » — nous avons retenu ici les seuls articles dont les co-auteurs sont Majed Sanan, Mahmoud Rammal et Khaldoun Zreik. Nous avons fait ce choix  dans la mesure où certains des travaux de ces trois co-auteurs ont déjà fait l’objet d’analyses sur ce blog (cf. ces deux liens :  Autopsie d’une thèse-plagiat et Bibliographie-alibi ou la stratégie de la lettre volée).

ACTIVITÉS DE RECHERCHE (cf. CV K. Zreik)

Structure Driven Information Extraction Approach
– M. Sanan, M. Rammal, K. Zreik , 2008. « Arabic supervised learning method using N-gram » in Interactive Technology and Smart Education – Vol. 5 N°. 3, 2008 Emerald Group Publishing Limited, ISSN 1741-5659; pp 157-169.

– M. Sanan, M. Ramal, K. Zreik. « Arabic documents classification using N-gram ». in IEEE-ICHSL’6, 6th International Conference o n Human System Learning. LAAS, CNRS -Toulouse, France 14-16 mai, 2008. Europia Pub.
M. Sanan, M. Ramal, K. Zreik. « Arabic “KeyWord Matching” search engine limitations » In IEEE-ICTTA : International IEEE Conference on Information & Communication Technologies. Damascus- Syria, April 7-11, 2008. Editions IEEE.

PUBLICATIONS (cf. CV K. Zreik)

Chapitres dans des ouvrages collectifs
M. Sanan, M. Rammal, K. Zreik, 2009, Utilisation de N-Gramme dans la recherche d’information en arabe. In « Systèmes Intelligents « , sous la direction de Mustapha Bellafkih, Mohammed Ramdani, Khaldoun Zreik. ISBN 978-2-909285-53-3, Ed. Europia, Juin 2009.

Articles publiés dans des revues internationales

M. Rammal, M. Sanan Majed, K. Zreik « Improving Arabic Information Retrieval System using N-Gram Method » in WSEAS TRANSACTIONS on COMPUTERS, Issue 4, Volume 10, April 2011 – ISSN: 1109-2750 (http://www.worldses.org/journals/computers/computers-2011.htm)

M. Sanan, M. Rammal, K. Zreik, 2008. « Arabic supervised learning method using N-gram » in Interactive Technology and Smart Education – Vol. 5 N°. 3, 2008 Emerald Group Publishing Limited, ISSN 1741-5659; pp 157-169 / www.emeraldinsight.com/1741-5659.htK. Zreik, R. Beheshti, « The Challenge of Augmented Heritage » in International Journal of Design Sciences and Technology, Europia, Paris, Volume 13 (n°1) 2007. ISSN 1400-6529

Articles présentés et publiés dans des colloques internationaux (avec actes et comités de sélection)
– M. Sanan, M. Ramal, K. Zreik. « Utilisation de N-Gramme dans la recherche d’information arabe » Colloque SITA’08 – INPT – Rabat, Maroc 5-7 mai 2008.
– M. Sanan, M. Ramal, K. Zreik. « Arabic documents classification using N-gram », in IEEE-ICHSL’6, 6th International Conference on Human System Learning. LAAS, CNRS -Toulouse, France 14-16 mai, 2008.
– M. Sanan, M. Ramal, K. Zreik. « Arabic “KeyWord Matching” search engine limitations » In IEEE-ICTTA : International IEEE Conference on Information & Communication Technologies. Damascus- Syria, April 7-11, 2008. Editions IEEE .
– M. Sanan, M. Ramal, K. Zreik. « L’accès multilingue à l’information scientifique et technologique : limitations des moteurs de recherche en langue arabe » Actes du dixième colloque international sur le document électronique (CIDE.10). Ed. Europia, Paris, 2007.

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Notons que ces extraits du CV en ligne de Khaldoun Zreik ont été copiés depuis son site personnel en septembre 2011. Précisons encore que dans cette liste, l’article « Improving Arabic Information Retrieval System using N-Gram Method » in WSEAS TRANSACTIONS on COMPUTERS, Issue 4, Volume 10, April 2011 – ISSN: 1109-2750 (http://www.worldses.org/journals/computers/computers-2011.htm), a été publié en 2011 et que Khaldoun Zreik a donc pris la décision en 2011 de le faire figurer sur son CV en ligne. Pourtant dès avril 2010, nous avions déjà signalé sur ce blog la présence de nombreux plagiats dans des articles antérieurs dont Khaldoun Zreik était co-auteur, publiés entre 2007 et 2009. Dans cet article publié en 2011 que Khaldoun Zreik vient d’afficher sur son CV, on trouve la reprise de plagiats (copier-coller) déjà présents dans des articles publiés entre 2007 et 2009 et présentés comme tels sur ce blog en 2010. Cette situation nous conduit à poser la question, notre collègue est-il inconscient — il continuerait à produire des plagiats en ne sachant pas ce qu’est un plagiat — ou tellement certain de ne rien risquer à continuer à signer des plagiats ?

À propos d’un récent article que nous avons mis en ligne (De Sfax en passant par la Lorraine, des plagiats à la queue leu leu), Djemel TAOUFIK, professeur de l’Universitée de Sfax (Tunisie) dont le nom figurait comme co-auteur d’un article-plagiat, s’est défendu en affirmant n’avoir jamais co-écrit cet article, ni ne l’avoir jamais lu, ni même avoir jamais su qu’il existait et que son nom apparaissait comme co-auteur, ni savoir qu’il avait été mis en ligne. À l’inverse, Khaldoun Zreik revendique ces articles-plagiats en 2011. Non seulement, il n’a pas retiré de son CV en ligne les articles dont nos travaux ont déjà montré à quel point ils étaient truffés de copier-coller, mais il fait récemment valoir sur son CV en ligne un nouvel article d’autant plus rempli de copier-coller et plagiats que cet article recycle une part des plagiats précédents.

Ces six articles différents (ou du moins aux intitulés différents, puisque comme on va le voir se mêlent ici plagiats, auto-plagiats de plagiats, et traductions non déclarées), publiés entre 2007 et 2011, exposent les résultats d’un projet de recherche entre trois établissements — l’Université Paris 8, l’Université de Caen et l’Université libanaise. Les trois auteurs, Majed Sanan, Mahmoud Rammal et Khaldoun Zreik, s’intéressent aux spécificités de la langue arabe et à leurs conséquences sur l’efficacité des moteurs de recherche avec cette langue, comme à l’application d’une méthode (la méthode N-gramme) à la recherche d’information en langue arabe. Pour ce faire, les auteurs proposent différentes manières de traiter un corpus unique composé de 2667 documents numériques en langue arabe issus du Journal officiel libanais de l’année 2002.

Ce  corpus étant un corpus original, les résultats chiffrés des différentes opérations réalisées seront mécaniquement des chiffres « originaux », sans pour autant que ces travaux aboutissent à des conclusions très nouvelles et pertinentes. Les opérations appliquées au corpus ne sont en effet pas très originales. Preuve en est que l’essentiel des textes qui présentent et justifient ces opérations sur ce corpus sont constitués de l’assemblage de plagiats, principalement de sources américaines — « copier-coller » ou plagiats serviles — qui se répètent d’article en article.

De cette batterie de 6 articles, nous avons choisi de mettre d’abord en avant deux articles remarquables (affichés ci-dessus en gras, rouge et bleu) qui, comme le précise le CV de K. Zreik, ont été « présentés et publiés dans les colloques internationaux (avec actes et comité se sélection) ». Ces colloques avaient le parrainage de la prestigieuse association scientifique américaine IEEE.

Les illustrations ci-contre donnent un aperçu  de l’ampleur de ces emprunts. Toutes les parties surlignés en rose, correspondent à des parties empruntées à la virgule près.

L’article « Arabic ‘KeyWord Matching‘ search engine » (en réalité intitulé « Internet arabic search engines studies » sur le site ieeexplore.ieee.org) est accessible dans sa version intégrale « coloriée » par ce  lien (Internet Arabic search engines studies).

La version coloriée de l’article Arabic documents classification using N-gram est ici.

Quelques phrases surlignées en rose lancées sur Google suffisent à trouver une bonne part des sources de ces emprunts et à constater que l’intitulé de certaines de ces sources se trouve déjà dans la bibliographie de ces articles selon un mode déjà signalé ci-dessus par le CNU de droit public et analysé plus en détail dans deux articles de ce blog (cf. Bibliographie-alibi ou la stratégie de la lettre volée et Serials plagiaires).

Ajoutons que dans ces deux articles, les « copier-coller » ne se limitent pas aux parties qui concernent la présentation « théorique » de la problématique. Dans l’article « Arabic documents classification using N-gram », ce sont aussi toutes les modalités de l’expérience sur le corpus des 2667 documents du parlement libanais qui sont « copier-coller » depuis un article de Leila Kreisat, « Arabic Text Classification Using N-Gram Frequency Statistics A Comparative Study« , publié en 2006 et accessible par ce lien.

D) Experience

Generating the N-gram profile consisted of the following steps:
1)    Split the text into tokens consisting only of letters. All digits are removed.
2) Compute all possible N-grams , for N=3 (Tri-grams)
3) Compute the frequency of occurrence of each N-gram.
4) Sort the N-grams according to their frequencies from most frequent to least frequent. Discard the frequencies
5) This gives us the N-gram profile for a document. For training class documents, the N-gram profiles were saved in text files.

Each document to be classified, went through the text preprocessing phase, then the N-gram profile was generated as described above. The N-gram profile of each text document (document profile) was compared against the profiles of all documents in the training classes (class profile) in terms of similarity. Specifically, two measures were used.

Comme on le constate, le plagiat facilite beaucoup la rédaction d’articles « scientifiques », il permet de produire plus d’articles, plus rapidement. Pour ces six articles, on peut indiscutablement parler de plagiats à la chaîne. L’originalité de ce CV ne se limite en effet pas au manque d’originalité des deux articles cités ci-dessus.

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L’article — « (2008). « Arabic supervised learning method using N-gram » in Interactive Technology and Smart Education – Vol. 5 N°. 3, 2008 Emerald Group Publishing Limited, ISSN 1741-5659; pp 157-169. » —   est cité dans le CV mis en ligne par Khaldoun Zreik au titre des activités de recherche (« Structure Driven Information Extraction Approach ») et au titre des publications (« Articles publiés dans des revues internationales »).

Mis à part son titre, l’abstract (lire sur l’illustration ci-contre) et quelques détails, cet article en anglais est en réalité la copie conforme de l’article en anglais déjà mentionné : M. Sanan, M. Ramal, K. Zreik. « Arabic documents classification using N-gram ». in IEEE-ICHSL’6, 6th International Conference on Human System Learning. LAAS, CNRS -Toulouse, France 14-16 mai, 2008. Europia Pub. On peut donc parler ici d’auto-plagiat, et dans ce cas particulier « d’auto-plagiat de plagiats » puisque le document « original » est lui-même truffé de plagiats, que rien ne vient préciser qu’il s’agit de deux articles  semblables, et qu’au contraire tout est mis en œuvre pour les faire apparaître comme distincts.

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On retrouve le même phénomène « d’auto-plagiat de plagiats » avec l’article « L’accès multilingue à l’information scientifique et technologique : limitations des moteurs de recherche en langue arabe », Actes du dixième colloque international sur le document électronique (CIDE.10). Ed. Europia, Paris, 2007. »

Cette fois, il s’agit, sans que cela soit nulle part précisé, de la version française de l’article en anglais — « Arabic “KeyWord Matching” search engine limitations » In IEEE-ICTTA : International IEEE Conference on Information & Communication Technologies. Damascus – Syria, April 7-11, 2008. Editions IEEE .

Ici, à part le passage de l’anglais au français, le titre constitue la principale différence entre les deux documents. Le résumé en français est une reprise du court texte de la version anglaise pris en sandwich entre deux nouveaux développements.

On ne peut que se féliciter qu’un même article soit publié dans différentes langues, à la condition qu’il soit précisé que telle version est la traduction du texte original. Dans le cas ci-dessus, il est patent que tout au contraire les auteurs ont tenté de faire passer les deux versions française et anglaise d’un même article comme deux articles différents et chacun original. Le mode de présentation de ces « différents » articles sur le CV en ligne de K. Zreik  confirme la tentative de faire prendre pour distincts des documents semblables.

Comme nous l’avons déjà signalé dans un précédent article, certains de ces 6 articles ont été édités dans des conditions très particulières. Ils étaient les versions imprimées de communications de ces trois auteurs à des colloques organisés et présidés par Khaldoun Zreik, lus « en double aveugle » (sic) sous son autorité, et publié aux éditions EUROPIA, entreprise dirigée par le même Khaldoun Zreik.

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Nous ne colorierons ni « Improving Arabic Information Retrieval System using N-Gram Method », ni  « Utilisation de N-Gramme dans la recherche d’information en arabe ».  Le premier article, ajouté sur son CV par Khaldoun Zreik en 2011, est en fait, si on ose dire, la version « originale » d’un article avec plagiats. En ce sens que cet article contient en effet maints plagiats « originaux » en anglais, de type « copier-coller » — dans des proportions semblables à celles des autres articles coloriés ci-dessus. Le second article, bien que publié antérieurement, dès 2009, est la version française du premier : les plagiats originaux en anglais ont été traduits en français.

Cette paire d’articles est intéressante dans la mesure où l’on peut observer que les plagiats originaux, simples « copier-coller » en langue anglaise issus d’Internet, sont facilement repérable par une recherche sur Google ou avec l’aide des logiciels dits « anti-plagiat », alors que la version française de l’article, toute aussi fautive que la version « originale » résiste au contrôle par les logiciels. Certains plagiats sont cependant repérables avec Google par application de la méthode que nous avons  proposée dans l’article « Le briquet de Darwin ».

Si le plagiat permet de produire plus et plus rapidement, « l’auto-plagiat de plagiats » a l’intérêt de multiplier les effets bénéfiques du simple plagiat et d’améliorer les CV soumis à une évaluation plus quantitative que qualitative.

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Notons que les éditeurs scientifiques anglo-saxons, comme l’IEEE aux États-Unis ou l’Emerald group au Royaume-Uni, se font en principe une règle de n’accepter un article que s’il s’agit d’un « original and unpublished work ». Que l’IEEE et Emerald aient publié les mêmes plagiats signés SANAN, RAMMAL et ZREIK est donc surprenant, d’autant plus qu’ils affichent l’un et l’autre une attention sourcilleuse au problème du « plagiarism » (on se reportera à ce long développement, Identifying Plagiarism, mis en ligne sur le site www.ieee.org, un texte qui décrit avec beaucoup de précision les modus operandi des plagiaires, ceux-là mêmes mis en œuvre par Khaldoun ZREIK et ses co-auteurs).

À vrai dire, si l’IEEE affiche des déclarations de principe sans ambiguïté contre le plagiat, cette association peut dans la pratique être très timorée vis-à-vis des plagiaires.  Khaldoun Zreik avait dans un premier temps décidé de porter plainte contre nous et s’était vu accordé la « protection fonctionnelle » de l’Université Paris 8 pour le faire. Dans la perspective d’un procès, et afin de nous aider à faire valoir l’exceptio veritatis, nous avions pris contact avec le Président du chapitre français de l’IEE à propos des plagiats manifestes de Khaldoun Zreik dont l’IEEE faisait la promotion sur son site. Bien que Daniel Pasquet, alors président du chapitre IEEE France, ait convenu de la réalité de ces plagiats, et que cette affaire ait fait l’objet d’échanges de mails avec W. Hangen et Anthony Ven Graitis, responsables des affaires de plagiat à l’IEEE…, rien ne s’est passé et cet article-plagiat est toujours en accès payant sur le site de l’IEEE.

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DU PLAGEX DANS LE LABEX

Aux  élections 2011 du CNU, Imad Saleh conduit la liste Action et interaction. Imad Saleh est co-auteur avec Abderrazak Mkadmi de l’ouvrage  Bibliothèque numérique et recherche d’informations publié en 2008 dans la collection « Information,hypermedias et communication » qu’Imad Saleh dirige lui-même aux Éditions Hermès et Lavoisier. Cette maison d’édition, comme beaucoup d’autres dans ce domaine, publie des ouvrages scientifiques à compte de laboratoire. Cet ouvrage co-signé par Abderrazak Mkadmi et Imad Saleh faisait partie en 2011 de la liste des  « PARTNERS’ REFERENCES » mises en avant dans le projet ARTS-H2H : présenté par l’Université Paris 8, ce projet s’est vu décerner le label LABEX (laboratoire d’excellence) par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. L’ouvrage Bibliothèque numérique et recherche d’information est donc indiscutablement « d’excellence », de référence, aux yeux de ses co-auteurs et de l’Université Paris 8.

Pour faire court, nous nous limiterons à présenter les deux premiers cas patents de plagiats imprimés dès les premières pages de cet ouvrage co-signé par Imad Saleh. Les textes surlignés en rose sont des « copier-coller », des plagiats.

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Dans cet ouvrage, le plagiat commence tôt, très tôt, dès les deux premiers paragraphes de l’introduction au premier chapitre. Ces deux paragraphes sont la copie à l’identique d’un passage du texte « Le domaine de recherche d’information – Un survol d’une longue histoire » signé par Jian-Yun Nie (voir illustration ci-contre), un cours mis en ligne en 2003 à l’attention de ses étudiants de l’Université de Montréal et aussi publié sous son nom en 2008 dans un chapitre introductif à un ouvrage lui aussi édité par Hermès et Lavoisier (Recherche d’information : État des lieux et perspectives, Mohand BOUGHANEM et  Jacques SAVOY).

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On remarquera le « [MOO 48] » pris en charge par MKADMI et SALEH et qui renvoie dans la bibliographie en  fin d’ouvrage  à « [MOO 48] Mooers, C.N., Application of Random Codes to the Gathering of Statistical Information, MIT Master’s Thesis, 1948. Cette référence bibliographique qui appartient de fait au seul Jian-Yun NIE fait aussi partie du plagiat.

Ce type de renvoi bibliographique, présent à l’intérieur même d’un plagiat mais qui apparaît pour le lecteur comme une initiative du prétendu auteur du texte, est une très explicite signature de plagiat.

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Le deuxième exemple retenu, toujours dans la même introduction au premier chapitre de l’ouvrage,  est une nouvelle illustration du modèle de plagiat « pâté d’alouette et de cheval » présenté dans un précédent article La bibliographie-alibi ou la stratégie de la lettre volée : on plagie et copie-colle beaucoup, mais on laisse traîner ici et là des références floues à la source plagiée.

Toute cette partie « 1.2.1 Qu’est-ce que l’information ? » (voir ci-contre) est en effet une simple reprise de différents passages, pour l’essentiel repris à l’identique et pour quelques phrases plagiats serviles, de la thèse de Christine MICHEL soutenue en 1999 à l’Université de Lyon 1 : Évaluation de systèmes de recherche d’information, comportant une fonctionnalité de filtrage par des mesures endogènes. Ici aussi les renvois « [FLU 95] »et « [LEC 94] » appartiennent à Christine MICHEL et font donc partie des plagiats. Notons à la page 21 (paragraphe non surligné dans l’illustration ci-contre), la seule citation de la thèse de Christine MICHEL réalisée dans le respect des normes universitaires de référencement. Par contre, le renvoi « [MIC 99] » qui conclut le premier paragraphe de la page 21 et la note en bas de page — Pour plus de précision sur les définitions se rapportant aux divers points de vue de l’information, veuillez consulter la thèse de Christine Michèle (sic) [MIC 99]— ne change rien au statut de plagiats des textes qui le précèdent.

On notera ce détail cocasse : une telle désinvolture vis-à-vis de la mention des sources s’exerce dans un ouvrage dont le sujet est précisément les bibliothèques numériques et la recherche d’information…

Imad Saleh est par ailleurs Directeur du Laboratoire Paragraphe et Directeur adjoint de l’École doctorale Cognition, langage et interaction. On comprend donc mieux pourquoi, sans grand risque de nous tromper, nous avons pu évaluer dans un précédent article à environ 50% le taux des thèses rédigées au sein du Laboratoire Paragraphe, puis soutenues et validées, posant de sérieux problèmes relatifs aux « copier-coller » et aux « plagiats ».

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Approche épidémiologique du plagiat universitaire

Dans un commentaire (février 2010) à un des premiers articles mis en ligne sur ce blog, Philippe Quéau affirmait :

Le travail présenté ici ne fait que dévoiler un premier arbrisseau. Il reste encore à explorer toute la forêt des pillards, qui est une sorte de forêt « en marche », comme dans Shakespeare. Cette marche des pillards contribue à la défaite, non de la pensée (car un bon lecteur voit la fraude), mais bien de la société elle-même. Car les pseudo-docteurs bardés de diplômes d’emprunt et labellisés des plus beaux titres universitaires infecteront dès lors sans contrainte toute leur vie professionnelle de leurs pratiques, et imposeront l’arrogance de leurs « titres » à des esprits trop crédules.

Imaginons un directeur de thèse de la 71e section qui laisse soutenir une thèse avec des plagiats (copier-coller grossiers). Une fois passée avec succès l’épreuve de la qualification par un CNU peu attentif au plagiat, le nouveau qualifié concourt à un poste de maître de conférences devant un comité de sélection pas plus attentif au plagiat. Devenu enseignant titulaire dans un département et un laboratoire dirigé par un membre de la 71e section peu regardant sur le plagiat, l’universitaire laisse passer quelques années et se présente aux élections du CNU… S’il est élu, peut-on compter sur lui pour être intolérant au plagiat et faire nommer de nouveaux enseignants intolérants au plagiat ? Il ne s’agit pas d’un cas d’école : ce maître de conférences est candidat sur une des listes déjà citées de la 71e section aux élections du CNU en cours.

Nous nous étions pour notre part déjà inquiété à plusieurs occasions des conséquences de la présence dans des instances d’évaluation liées au monde universitaire (conseils d’administration, conseils scientifiques, comités de spécialité,  sections du CNU, etc; voir Comités de sélection, plagiat et…) de la présence de membres aveugles ou tolérants au plagiat, ou pire, de plagiaires. Comme évaluateurs, soit par incapacité de distinguer le plagiat, soit par calcul, ils ne peuvent que favoriser la promotion de tolérants au plagiat sinon même de plagiaires. L’élection d’intolérants au plagiat menacerait la sécurité des tolérants au plagiat. C’est pourquoi la contagion du plagiat dans le monde universitaire risque de continuer à s’étendre, à moins d’une réaction rapide.

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On reste surpris de voir Pascal Lardelier (Pr. Université de Dijon), auteur de l’ouvrage « Le Pouce et la souris » (note 1) dans lequel il consacre un chapitre aux « copier-coller » des collégiens et lycéens, s’embarquer en toute connaissance de cause sur la liste dirigée par Imad Saleh. Mais dans les deux listes citées ici, Action et réaction et Ensemble pour la valorisation et la promotion des SIC, candidates aux élections de la 71e section du CNU, s’il y a des plagiaires et des tolérants au plagiat, il y a d’abord une majorité de collègues qui ne sont pas favorables à la valorisation et la promotion du plagiat. Pris en otage par les aveugles, tolérants au plagiat et plagiaires, le plus probable est que ces collèges se tairont (note 2). De ces otages silencieux, il y en au sein même du Laboratoire Paragraphe et parmi les autres enseignants de la 71e section à l’Université Paris 8 qui se présentent à ces élections. Mais un maître de conférences candidat au CNU est-il vraiment libre de se scandaliser des plagiats d’un professeur en tête de liste et de se plaindre d’avoir été trompé et embarqué dans cette galère.

(1) Le pouce et la souris, enquête sur la culture numérique des ados, Éditions Fayard, 2006.

(2, note du 13 octobre 2001) Un otage ne se tait pas, il me fait savoir qu’il reste solidaire des plagiaires.

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Avis : nous tenons toujours compte des demandes faites de bonne foi de modifications, rectifications ou précisions, quand elles sont fondées. Nous procédons alors sans délai à ces corrections. Ce blog est aussi naturellement ouvert au droit de réponse.

Par contre tous les mails et courriers accompagnés de « mises en demeure », tentatives d’intimidation ou menaces seront désormais mis en ligne et commentés sur ce blog à la rubrique « Pressions et procès ». Nous en publierons prochainement un florilège.
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Rappel : la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH, 23 juin 2009, Sorguc c. Turquie, n° 17089/03) a souligné à propos d’un problème lié à une université turque “l’importance de la liberté universitaire, qui comprend la liberté des universitaires d’exprimer librement leurs opinions au sujet de l’institution ou du système dans lequel ils travaillent et la liberté de diffuser sans restriction le savoir.

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3 réponses to “La 71e section du Conseil National des Universités et la tolérance au plagiat”

  1. David Monniaux, Chargé de recherche au CNRS, Chargé de cours à l’école Polytechnique (Informatique) :
    Je suis surpris que des articles plagiats passent à répétition dans des publications internationales : normalement, les reviewers connaissent l’état de l’art et râlent…
    Réponse (JND) : Si le plagiaire organise et préside le colloque où son plagiat est présenté pour communication, qu’il édite les actes de ce (son) colloque dans sa propre maison d’édition, ça facilite les choses…
    Quand aux plagiats toujours en ligne sur ieeexplore.ieee.org/… C’est un mystère que je cherche à percer. Ce que je sais, c’est que la direction du Chapitre France de l’IEEE est parfaitement informée de cette situation depuis 18 mois, comme, depuis plus d’un an, l’IPR Specialist de l’IEEE Intellectual Property Rights Office responsable du traitement du plagiat à la maison mère de l’IEEE, aux États-Unis.
    Les problèmes de plagiat universitaire ne sont pas toujours aussi rapidement et rigoureusement traités aux États-Unis qu’on le croit.

     

    David MONNIAUX

  2. Christian Le Moënne, Professeur de sciences de l’information et de la communication (Université Rennes 2), Président d’honneur de la SFSIC.

    Bonjour,
    Je découvre, à la suite d’une indication d’un collègue cette interpellation et indignation très légitime de Jean Noël Darde.
    Je viens de demander au Conseil d’Administration de la Société Française des Sciences de l’information et de la communication de se saisir de cette question et de prendre une position de principe sur l’ensemble de ces pratiques totalement inacceptables.

    Commentaire (JND) :
    Quelques réactions — je mesure toute l’importance de celle de Christian Le Moënn — à mon article sur le plagiat et la 71e section du CNU, me donnent l’espoir qu’un véritable débat, ouvert et public, va enfin s’ouvrir à ce propos. D’autres réactions, très hostiles à ma démarche, montrent que la partie est très loin d’être gagnée.
    *
    Pour les lecteurs de ce blog étrangers au domaine des Sciences de l’information et de la communication (71e section du CNU), je recopie depuis le site de la SFSIC une brève présentation de la Société Française des Sciences de l’Information et de la Communication, association régie par la loi de 1901, créée en 1974.
    Présentation de l’association SFSIC:
    Notre société savante rassemble quatre cent cinquante chercheurs des universités et des grandes institutions spécialisées telles que l’INA ou le CNRS.
    Elle constitue un important foyer de réflexion et d’échanges sur les grandes questions relatives à la place de l’information, de la communication et des technologies numériques dans le monde d’aujourd’hui.
    Articulée avec d’autres associations étrangères ou internationales, la SFSIC est un partenaire reconnu de la communauté scientifique internationale. Elle facilite l’association des chercheurs et des enseignants français aux activités de recherche internationale.
    Elle organise des congrès, des colloques, des journées doctorales, et publie également une revue : Les Cahiers de la SFSIC.

     

    Christian LE MOENNE

  3. Laetitia Schweitzer est Docteure en Sciences de l’Information et de la communication.
    J’ai appris par le journal Libération daté du 5 novembre l’attaque en diffamation dont vous faites l’objet, et même si elle m’atterre, elle ne m’étonne pas. Quand je vois les réactions des universitaires de la 71ème section à qui j’ai parlé de plagiat et d’auto-plagiat (que beaucoup considèrent comme de la « multi-valorisation » normale de travaux), je suis écoeurée, et cela me conforte dans le choix que j’ai fait de laisser tomber un hypothétique avenir de MCF en info-com.
    On a beau dire que les nouvelles normes en vigueur dans le champ, qui valorisent les quantités publiées au détriment de la qualité et de l’originalité y sont pour quelque chose, j’ai tendance à penser qu’il nous incombe, au nom de la rigueur et du sérieux de la démarche scientifique, de ne pas sacrifier à la facilité…
    Pour autant, j »ai souvent eu le sentiment qu’un abîme éthique/déontologique me séparait de mes « pairs » et qu’au fond, l’honnêteté et l’intégrité n’intéressent pas grand monde… Les revendiquer revient souvent à passer pour l’emmerdeur-de-service et l’empêcheur-de-tourner-en-rond qu’il vaut mieux faire taire…
    Je vous souhaite bon courage, et, même s’il est modeste, soyez assuré de mon soutien.
    Bien cordialement

    Laetitia Schweitzer, Docteure en SIC

     

    L. Schweitzer