LA GRAND-PLACE DE TOURNAI.

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UNE FORME PEU COMMUNE.

Alors que dans la plupart des villes, la grand-place est de forme rectangulaire ou carrée, celle de Tournai est triangulaire.

Peut-être – mais ce n’est pas une certitude -, cette forme particulière est-elle due à la présence de deux voies romaines qui se rejoignaient à l’emplacement de l’actuel beffroi.

 

DU CIMETIERE GALLO-ROMAIN AU CENTRE DE LA VIE URBAINE.

  1. A l’époque gallo-romaine, le terrain de l’actuelle grand-place était situé en dehors de l’enceinte et servit de cimetière du Ier au Vème siècle de notre ère comme l’ont révélé des fouilles qui ont mis à jour entre autres nombreux objets des médailles à l’effigie des empereurs dont les plus récentes datent de Constantin.
  2. Au Xème siècle, sur le terrain des « Maux » situé entre les remparts de la première enceinte urbaine et une nouvelle route qui, sortant de la cité à hauteur du beffroi actuel, menait à Lille se développe un nouveau quartier dit « du forum » ou « du marché ».

A partir du XIIème siècle, la grand-place sera ainsi le siège de divers marchés. De plus, au XIIIème siècle, avec le développement des activités commerciales, Tournai attire chaque année un nombre considérable de marchands étrangers lors des deux foires de mai et de septembre.

Aujourd’hui encore, Tournai continue à être une ville de marchés qui draine la population des environs. Le marché hebdomadaire du samedi, après une vaine tentative de le déplacer, continue à se tenir sur la grand-place. Depuis 1825, le Vendredi saint se tient le traditionnel marché aux fleurs. D’autre part, jusque il y a peu, en mai et septembre, la grand-place de Tournai accueillait les attractions foraines des kermesses. Depuis la rénovation de la place en 1998, ces attractions ont été déplacées sur un terrain libre le long des boulevards de ceinture.

Même les événements tragiques de la deuxième guerre mondiale ne parviennent pas à enlever à la grand-place sa vocation commerciale. En effet, détruite par les bombardements allemands de mai 1940 et les incendies qui s’en suivent, la Grand-place redeviendra vite un lieu de commerce: des échoppes provisoires y sont construites, formant une petite cité commerçante au milieu des décombres.

Avant mai 1940

Après mai 1940

Les échoppes provisoires

  1. Outre sa fonction commerciale, la grand-place a toujours servi de lieu de réunion et d’espace pour diverses manifestations tantôt tragiques tantôt ludiques.

L’ASPECT DE LA GRAND-PLACE A CHANGE AU COURS DES SIECLES.

L’aspect de la grand-place a bien sûr fortement changé au cours des siècles. Si le XIXème siècle a supprimé certains bâtiments que nous aurions sans doute aimé conserver, la deuxième guerre mondiale a achevé l’œuvre si bien que l’état actuel est, pour la plupart des bâtiments, très récent. Toutefois, dans le souci de garder son caractère au cœur de la ville, les Tournaisiens ont reconstruit leur grand-place en s’inspirant des styles anciens. Seules quelques maisons ont opté pour un style contemporain.

Pour se rendre compte des modifications apportées à la grand-place après la deuxième guerre mondiale, il suffit de comparer la vue de la place avant 1940 et la vue ci-dessous.

La gravure de 1647 ci-contre nous donne une idée des constructions qui s’élevaient sur le côté nord-ouest de la grand-place aux XVIème et XVIIème siècles. Les maisons sont construites en brique et en pierre. Certaines ont un pignon et sont plus élevées que leurs voisines.

 

Parmi les bâtiments importants aujourd’hui disparus figurent

  1. LA MAISON DU PORCELET.

Sur la gravure précédente, on distingue à droite de l’église, une maison de taille imposante flanquée de deux tours. C’est la maison du Porcelet ou hôtel du Porc, qui devait son nom au porcelet en ronde bosse qui la couronnait. Elle était considérée comme une des plus anciennes de la ville et on la disait même construite sur l’emplacement d’un édifice qui servait d’habitation aux préfets romains. C’est sans doute pour cela que, lors de sa reconstruction en 1755, elle a été décorée de bustes d’empereurs et appelée la maison des douze Césars. Actuellement, si cette maison a bel et bien disparu, le nom continue à être donné au site qu’elle occupait.

hôtel du Porc au XIIème siècle

hôtel du Porc en 1647

Il est vrai que cette maison fut le témoin d’événements importants.

  1. LE PUITS SAINT-QUENTIN.

En face de l’église, se trouvait jadis un puits monumental de plus de trois mètres de diamètre, très abondant en eau. Certains font remonter sa construction aux environs de 1460 mais le style de sa décoration est caractéristique du XVIème siècle.

Ce puits Saint-Quentin communiquait avec la citadelle par une galerie. On l’abattit en 1821, car il tombait en ruine.

L’ancien puits Saint-Quentin

 

 

 

 

 

 

 

 

PLUSIEURS FORMES DE POUVOIR SONT REPRESENTEES SUR LA GRAND-PLACE ET AUX ENVIRONS IMMEDIATS .

  1. L’EGLISE SAINT-QUENTIN ET LE POUVOIR RELIGIEUX.

Bien que dominée par la cathédrale Notre-Dame, la grand-place qui était située en dehors de la première enceinte ne dépend pas de cette paroisse, mais bien de la paroisse Saint-Quentin.

L’église Saint-Quentin, qui se trouve sur le côté opposé au beffroi, entre la route qui mène à Lille et celle qui mène à Courtrai, est l’une des plus anciennes de la ville. Selon une tradition, elle fut dotée par saint Eloi, évêque de Tournai et de Noyon (649-665) et dédiée à saint Quentin, un apôtre de la première évangélisation.

Une église dite «du forum» existait très certainement au Xème siècle, puisqu’une chronique parle des chanoines qui l’occupaient en 952. Les bâtiments actuels qui datent de la fin du XIIème et du début du XIIIème siècle tirent certainement leur origine du développement du marché qui lui-même est au point de départ de ce quartier.

Dans son état primitif, cette église présentait la forme d’une croix latine, flanquée de quatre chapelles semi-circulaires, mais elle a bien entendu connu de nombreuses transformations au cours des âges. Sur la gravure de 1647, par exemple, figure encore le porche disgracieux que le XIVème siècle avait ajouté à la façade. Au XVème siècle, le chœur agrandi fut doté d’un déambulatoire par le célèbre tapissier tournaisien Pasquier Grenier.

Lors des bombardements de 1940, l’église fut incendiée. Lors de la reconstruction, les architectes modifièrent profondément la façade pour lui rendre un aspect roman aux dépens de l’aspect gothique qu’elle avait avant la guerre.

  1. LE BAILLIAGE ET LE POUVOIR ROYAL.

Le Bailliage de Tournai et du Tournaisis a été créé par ordonnance du roi de France Charles VI, le 20 juin 1383.

Représentant direct du roi, établi dans un premier temps au hameau de Maire, le bailli ne pouvait exercer son pouvoir étendu ni sur la ville de Tournai ni sur ses banlieues.

La commune garda ainsi son autonomie jusqu’en 1539, année où Charles-Quint décida d’installer le bailliage dans une maison appelée La Couronne située sur la grand-place, transformant ainsi les magistrats tournaisiens en simples délégués du prince.

En 1640, la maison du bailliage fut reconstruite et les armoiries des archiducs Albert et Isabelle furent apposées sur la façade.

En 1773, pendant l’occupation autrichienne, l’impératrice Marie-Thérèse remplaça le bailliage par le Conseil provincial du Tournaisis qui fut à son tour supprimé en 1794 après l’invasion française.

Le bailliage occupait deux maisons jumelées, l’actuel restaurant «Le Carillon» qui date de 1930 et le bâtiment de la banque Dexia de style Renaissance qui remonte à 1612.

  1. LE POUVOIR COMMUNAL. DEUX MONUMENTS DISPARUS : LA HALLE DES CONSAUX ET LA TOUR DES SIX.

Situé en dehors du périmètre de la grand-place, mais néanmoins à proximité, se dressait jusqu’en 1818 l’ancien hôtel de ville ou halle des Consaux. Bâtie vers 1234 ou 1237, cette halle fut transformée au XVIIème siècle quand on ajouta contre la façade une galerie à arcades et un perron à double rampe qui menait à l’entrée principale.

Cette vieille halle accueillit les assemblées municipales jusqu’au transfert vers le palais abbatial de l’abbaye de Saint-Martin à la fin de 1809.

Sous le perron de la halle des Consaux se trouvait le poids public constitué d’une grande et d’une petite balance. En effet, on devait peser à la balance publique tout ce qu’on vendait ou achetait au poids.

La Tour des Six – ce nom lui viendrait de ce que à l’origine, les documents officiels de la ville y étaient conservés sous la garde de six citoyens - qui dominait la halle servait de dépôt aux archives communales.

Cet ancien édifice, assis sur une tour de la seconde enceinte, présentait la forme d'un carré parfait, couvert d'un toit quadrangulaire, surmonté d'une bannière dorée et armoriée aux armes de la ville. Cette construction d'une extrême solidité, mesurait quarante-trois mètres de hauteur totale; chacune de ses faces en avait douze, ses murs deux et demi d'épaisseur.

La pièce où l’on conservait les archives portait le nom de ferme ou arche. On y trouvait les chartres mais aussi des documents privés passés devant le magistrat comme testaments, comptes, ventes, …

La Tour des Six était solide et aurait pu subsister. Hélas, on décida de la démolir en 1820.

A côté de la halle des Consaux se trouvait une chapelle de style ogival où étaient confessés les condamnés à mort qui se trouvaient dans une des deux prisons proches de Pippenerie et de Tiens-le-bien.

 

  1. UN AUTRE SYMBOLE DU POUVOIR COMMUNAL ENCORE BIEN VISIBLE : LE BEFFROI.

Le beffroi de Tournai, est le plus ancien conservé de Belgique.

Construit entre 1189 et 1245 pour abriter la cloche communale octroyée aux citoyens de Tournai par la charte de Philippe Auguste de 1188, le beffroi est sans doute un des premiers édifices municipaux élevés sur la grand-place.

  1. LE POUVOIR ECONOMIQUE ET LA HALLE DES DOYENS DES METIERS AUJOURD’HUI DISPARUE.
Entre le Beffroi et la halle des Consaux, donc proche de la grand-place, se trouvait la halle des Doyens des Métiers.

La date exacte de la construction de ce bâtiment est inconnue, mais, comme elle est souvent appelée «halle neuve», on peut imaginer qu’elle a été construite après la halle des Consaux, soit vers la seconde moitié du XIVème siècle après que le roi de France Jean le Bon ait reconnu légalement l’institution de la Chambre des Métiers de la ville.

 

Dans cette halle se tenaient les assemblées des puissantes corporations. Au frontispice de cet édifice se trouvaient représentés les patrons de la Cité: la vierge, saint Piat et saint Eleuthère.

La Chambre des Arts et Métiers fut dissoute en 1795 et pourtant les bannières qui ornent les façades des maisons de la grand-place montrent combien reste vivace le souvenir de l’importance des anciennes corporations.

  1. LE POUVOIR ECONOMIQUE : LA HALLE AUX DRAPS.

Le magnifique bâtiment de la halle aux draps ou Grand’Garde de style Renaissance édifié en 1610 est un des fleurons de la grand-place.

Et pourtant, cette halle dont les fonctions ont changé au cours du temps a failli être détruite à la fin du XIXème siècle pour faire place à un palais de justice puis les bombes incendiaires de mai 1940 l’ont vidée des objets d’art et d’histoire qu’elle contenait.

La photo ci-dessous la montre dans son état actuel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une étude plus approfondie de la halle fait partie du chapitre consacré au pouvoir économique.

 
  1. L’ASPECT COMMEMORATIF: LA STATUE DE CHRISTINE DE LALAING.
En septembre 1863 était inaugurée sur la grand-place une statue de bronze représentant Christine de Lalaing, princesse d’Espinoy. Epouse du gouverneur Pierre de Melun, cette protestante par son courage et son énergie joua un rôle capital dans la défense de la ville assiégée par les Espagnols en 1581. Elle semble dresser un bras vengeur en direction de la cathédrale.
 

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