Un Tilapia
attrayant
Tilapia buttikoferi (HUBRECHT, 1881)
AQUARAMA (1984)
par Robert ALLGAYER - AQUARIUM 32 - STRASBOURG
Les espèces du genre Tilapia ne sont généralement pas très attrayantes.
Ce poisson avec sa robe contrastée laisse peu d'aquariophiles indifférents.
Tilapia buttikoferi. En haut : mâle. On remarque les sujets âgés grâce à leurs barres verticales plus estompées. En bas : femelle. Pour se soustraire aux menaces du mâle, la femelle doit avoir à sa disposition des refuges, c'est pourquoi un décor rocheux est capital. Photos: J. Teton |
APERÇU SYSTEMATIOUE
Ce Cichlidé fait partie du vaste genre Tilapia SMITH,1840,
regroupant la majorité des grands Cichlidés africains pondeurs
sur substrat découvert. Depuis 1973, les incubateurs buccaux en
sont séparés pour des raisons ostéologiques, ontogénétiques
et ethologiques. Ils ont été versés dans l'ancien
sous genre Sarotherodon RUPPELL, 1854. En 1981, quelques espèces
incubatrices buccales, sur des critères géographiques, de
dimorphisme, de dichromisme sexuels secondaires, et ethologiques (incubation
exclusivement maternelle) ont été intégrées
dans l'ancien sous genre Oreochromis GUNTHER, 1894. ces deux anciens
sous genres ont actuellement valeur de genre.
Tilapia buttikoferi a été décrit en 1881 sous
Chromis buttikoferi. 1ere description; Notes Leyd. Mus. III, p.
66. Synonymes : Tilapia buettikoferi BOULENGER, 1899, Tilapia
ansorgii BOULENGER, 1911.
Nom scientifique : Tilapia (Heterotilapia) buttikoferi
(HUBRECHT, 1881), espèce-type de sous genre.
Noms communs : Fr. : Tilapia zèbré, "Buttiko";
All. : ZebraFluss-barsche.
REPARTITION GEOGRAPHIQUE
Dans les rivières de Guinée Bissau jusqu'au Liberia, notamment
dans la Culufi River (Types), où cette espèce occupe les
endroits des rives creusées.
DESCRIPTION
Le contraste de la robe constitué par les barres verticales noir
et blanc argenté des adultes, fait de ce Tilapia l'une des
plus jolies espèces du genre. Chez les sub-adultes les barres claires
sont jaunâtres. Six barres sombres traversent le corps, deux sur
la tête respectivement à travers l'oeil et sur l'opercule.
Les barres corporelles s'étendent dans la nageoires dorsale où
la quatrième forme une tache dans la partie molle. Les nageoires
ventrales, anale et caudale sont noires. Les pectorales sont incolores.
Taille : 25 cm pour le mâle adulte, les femelles restent sensiblement
plus petites avec 1820 cm. Nageoire dorsale : D.XIV-XV/14-16; nageoire
anale : A.III/10-11. Le dimorphisme sexuel est impossible à constater
jusqu'à la formation du couple. Les femelles adultes prennent des
barres beaucoup plus claires en période d'excitation intense.
ALIMENTATION
Cette espèce peut être considérée comme omnivore
à tendance herbivore en captivité. Toutes les nourritures
sont acceptées comme les vers de terre, vers de vase, viande de
poisson ainsi que les végétaux tels la salade et les épinards
pochés. Malheureusement cette espèce a tendance à
se nourrir des plantes décoratives tendres.
MAINTENANCE EN AQUARIUM
Un bac de un mètre de longueur frontale (200 litres) constitue
un espace minimum pour un couple adulte. T. buttikoferi est très
actif à partir de la formation du couple. La configuration initiale
du décor sera sensiblement modifiée au cours de la maintenance
et par la suite lors de la période de reproduction. C'est pourquoi
un substrat constitué de pouzzolane (matériel de filtration)
ou du gravier à forte granulométrie s'impose, la stabilité
de ce matériel est beaucoup plus élevée que par exemple
le sable fin. Le décor de la face arrière sera de préférence
réalisé en polystyrène expansé et résiné,
ce qui permet de maintenir le bac avec une esthétique présentable.
Plusieurs roches délimiteront la surface de fond en territoire.
Quelques plantes à feuilles dures comme les espèces des
genres Anubias et Bolbitis seront fixées sur le décor
artificiel par leur rhizome à l'aide de trombones. Bien que cette
espèce soit originaire de rivière à eau douce (100
uS/cm), elle peut parfaitement être maintenue et reproduite dans
une eau de conduite beaucoup plus dure par ex. pH 7,0-7,2; dureté
totale 10-25° THf ; conductivité 200-700 uS/cm; température
24-27°C. La condition primordiale de leur maintenance réside
dans la filtration de l'eau. Les travaux de terrassement et les déjections
abondantes dues à une nourriture conséquente, produisent
une grande quantité de matière polluante. D'autre part les
particules infiltrées dans les interstices du substrat, sont continuellement
remises en suspension. En conséquence il importe de filtrer énergiquement
l'eau par un procédé mécanique efficace. Le bac de
décantation de grande dimension semble le plus adéquat.
Celui-ci sera principalement garni de pouzzolane concassée sur
20-30 cm de hauteur et une couche de 10 cm de laine perlon répartie
sur une surface de 4 dm2. La laine perlon (préfiltration mécanique)
devra être rincée tous les 2-3 jours afin de maintenir une
eau cristalline et éviter son obstruction rapide. Ce filtre pourra
être animé soit par une pompe immergeable ou par une turbine
externe, au débit double de la contenance du bac. Les changement
d'eau seront au moins de la moitié de la contenance du bac par
semaine.
COMPORTEMENT EN AQUARIUM
Le comportement d'un couple adulte pourra rapidement affoler un aquariophile
non averti. Il est inimaginable que des individus de cette espèce,
possédant un tel potentiel d'agressivité intraspécifique,
puissent après une période de formation de couple pondre
et surveiller leurs alevins. Pendant la formation du couple, les diverses
attitudes de menace, d'inhibition, très caractéristiques
sont employées. La plus spectaculaire est la prise de bouche frontale.
L'acharnement est tel que les deux partenaires s'arrachent mutuellement
les lèvres laissant les machoires à vif. Ces tissus se régénèrent
d'ailleurs très rapidement sans laisser de cicatrice. Ces querelles
de ménage se poursuivent tout au long du cycle de reproduction,
et jamais l'on a l'impression d'être en présence d'un couple
harmonieux. La taille du bac ne change rien à cette attitude (reproduction
en bac de 1500 litres), celle-ci semble étroitement liée
à la formation du couple et même à sa cohésion
par la suite.
La femelle doit trouver un refuge inaccessible au mâle dans le bac.
D'autre part il est judicieux de faire cohabiter d'autres poissons de
taille réduite échappant facilement aux Tilapia entre
les roches. Cette présence insolite fait sensiblement diversion
à l'agressivité intraspécifique. Mâle et femelle
"s'oublient" mutuellement pendant des périodes plus ou
moins longues, préoccupés à nettoyer le terrain.
1.
Les alevins de 2-3 cm maintenus avec les adultes permet de limiter
les querelles entre les parents. 2. Femelle adulte avec quelques subadultes de bonne taille. 3. Oreochromis (Oreochromis) mosambicus l'une des espèces parmi les plus connues des aquariophiles et des scientifiques. Photos: J. Teton |
REPRODUCTION
Malgré les aléas du comportement de T. buttikoferi,
la reproduction ne présente pas de difficulté particulière.
La femelle prépare le site de ponte en dégageant le substrat
autour ou sous une roche, parfois pour atteindre la glace de fond du bac.
Souvent des endroits impossibles sont choisis et il semble que la tendance
vers la ponte sur substrat caché soit amorcée chez cette
espèce. La femelle présente des barres très contrastées
aux reflets bleutés, beaucoup plus soutenues que chez le mâle.
Les oeufs toujours nombreux (200-500) sont de couleur jaunâtre.
Le mâle n'est pas accepté dans les environs immédiats
de la ponte. La femelle seule s'occupe de la ventilation et des soins.
L'éclosion des larves à lieu environ 75 heures après
la ponte aidée par la femelle. Les larves sont transférées
successivement dans diverses cuvettes creusées dans le substrat,
mais dont le fond est constitué par la glace du bac. Cela évite
d'ailleurs que les larves s'infiltrent entre le substrat à grosse
granulométrie. Les alevins atteignent la nage libre après
5 jours, période pendant laquelle ils ont résorbés
leur vitellus. A ce stade il est judicieux de siphonner les alevins pour
les placer dans un bac de croissance réduit (40-50 litres) afin
de leur offrir au départ une nourriture suffisante. Les nauplii
d'Artémias seraient perdus dans un bac de 200 litres. Il est très
intéressant de laisser une dizaine d'alevins avec leurs parents.
Le mâle sera stimulé à protéger le territoire
contre les intrus, ce qui laissera du répit à la femelle.
Les pontes se succèdent à un rythme de 3 semaines à
un mois. Les alevins laissés dans le bac en compagnie des parents
grandissent apparemment aussi rapidement que leurs frères dans
le bac de croissance et cela sans nourriture spéciale. Après
trois semaines, les alevins sont chassés par les parents. Ils ont
une taille de un cm. Il est d'ailleurs intéressant de constater
que par leur présence indésirée, les adultes reportent
leur attention à les poursuivre sans réussir à les
capturer lors d'un agencement correct du bac. Cette espèce est
très prolifique, malgré son comportement un peu "spécial",
Tilapia buttikoferi trouve actuellement une large diffusion parmi
les aquariophiles. Ce mérite en revient d'ailleurs à J.P.
HACARD, Président de l'A.F.C. qui a le premier importé cette
espèce de Belgique en 1981 et l'a diffusée en France.
BIBLIOGRAPHIE HAGARD J.P., 1982 : Un merveilleux "fluviatile" Tilapia buettikoferi. R.F.C. n° 16 Fev. 1982 pp. 1-4. LINKE H.-STAECK W : Afrikanische Cichliden I; Tetra Verlag Melle R.F.A. 1981. THYS Van Den AUDENAERDE, D.F., 1968: An annotated bibliography of Tilapia (Pisces, Cichlidae) Doc. Zool. Mus. R. Afr. Cent. 14, XL; pp. 406. TREWAVAS E., 1973: On the cichlid fishes of the genus Pelmatochromis with the proposal of a new genus for P. congicus; on the relationship between Pelmatochromis and Tilapia and the recognition of Sarotherodon as a distinct genus. But. Br. Mus. Nat. Hist. (zool) 25, 1-25. TREWAVAS E., 1981: Nomenclature of the Tilapias of Southern Africa. J. Limnol. Soc. sth. Afr. 7, (1), p. 42. |