Lu dans Le Monde le 18 janvier 2002
http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3212--259129-,00.html
L'éruption du volcan Nyiragongo a dévasté Goma
Le Nyiragongo a produit une gigantesque coulée de lave, large d'environ deux kilomètres, qui a traversé Goma et tout ravagé sur son passage.
Goma, la grande ville de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), est métamorphosée. Dans la nuit du jeudi 17 au vendredi 18 janvier, une large coulée de lave qui s'est échappée du volcan Nyiragongo a traversé la ville et tout détruit sur son passage.
Seuls quelques murs de la cathédrale, située en centre-ville, étaient toujours debout vendredi matin. Le reste de l'édifice a été emporté ou brûlé par la coulée de plusieurs centaines de mètres de large et de deux mètres de hauteur, qui a recouvert des quartiers entiers.
Une partie des quelque 400 000 habitants de la ville, qui avaient fui dans la nuit, souvent vers la localité rwandaise voisine de Gisenyi, sont revenus sur les lieux dans la matinée pour constater les dégâts. Ils déambulent, l'air hagard, ou s'assemblent sur les ronds-points. Des femmes pleurent bruyamment en découvrant leur maison détruite. Beaucoup se protègent des émanations de gaz et des fumées avec des mouchoirs humides. "L'odeur de soufre est partout et de nouvelles fissures ne cessent d'apparatre dans le sol. Les gens sont terrorisés, on essaie d'évacuer", raconte Désiré Bukasa, un opérateur radio travaillant pour les Nations unies.
Bien que le volcan se soit apaisé vendredi matin, la lave, qui forme un mur noirâtre au milieu de la ville, est toujours rougeoyante au centre de la coulée, d'où apparaissent quelques pans de murs, quelques morceaux de maisons, divers objets, un vélo, une carcasse de mobylette. De nombreuses maisons sont éventrées et ici ou là, la lave entrée par l'arrière d'une bâtisse ressort par le portail vers la rue.
Au nord de la ville, le siège de la Mission d'observation des Nations unies au Congo (Monuc) est resté miraculeusement intact, la lave étant passée à 300 mètres. En revanche, le bâtiment a été en partie pillé. Un officier de l'armée congolaise a d'ailleurs affirmé que des soldats congolais avaient commencé à piller Goma, mais que des soldats rwandais tentaient de les en empêcher. Quant à l'aéroport, seule une partie de la piste a été recouverte par la coulée de lave, qui a épargné l'aérogare et des dépôts d'essence.
Aucun bilan officiel du nombre de victimes n'était disponible vendredi en fin de journée. Des sources militaires font état d'environ quarante-cinq morts.
"Il semble qu'il n'y ait plus de danger direct dû à l'éruption pour le moment. Le stock de lave du volcan, estimé à 200 millions de mètres cube, s'est écoulé", a estimé Dieudonné Waffula, directeur du centre de vulcanologie de Goma. "La lave continue de s'écouler à environ 5 kilomètre/heure, sur le même tracé que dans la nuit", a-t-il précisé. En revanche, a-t-il ajouté, "il y a des risques importants pour les populations, dus aux émanations de gaz" provenant de la lave. Pour cette raison, a-t-il estimé, les habitants de Goma doivent rester pour le moment à Gisenyi.
Mais vendredi en milieu de journée, on apprenait que l'éruption du volcan Nyiragongo menaçait également la localité rwandaise de Gisenyi. Dans l'après-midi, la coulée de lave se rapprochait dangereusement de cette ville-frontière et ne se trouvait plus qu'à environ quatre kilomètres des habitations, tandis que la terre continuait à trembler régulièrement. "Les commerçants ont fermé boutique, même le marché ne fonctionne pas. Les gens ont tous peur que ne se reproduisent ici les événements de Goma", explique un journaliste rwandais, Aloys Bade Habinaza.
L'AIDE HUMANITAIRE S'ORGANISE
Les autorités rwandaises ont convoqué une réunion à Gisenyi pour faire face à l'urgence. "Nous allons organiser des camps dans la région pendant une semaine pour accueillir la population de Goma", a déclaré Fidèle Mutzindo, préfet de Gisenyi. De son côté, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), mouvement rebelle congolais qui contrôle l'est du pays avec l'aide du Rwanda, a appelé la communauté internationale à fournir eau, nourriture, médicaments, bâches et tentes pour la population.
Des volontaires de la Croix-Rouge rwandaise se trouvent déjà à Goma, et les différentes agences des Nations unies préparent l'organisation des secours depuis Kigali. L'agence d'aide humanitaire de la Commission européenne, Echo, a d'ores et déjà annoncé qu'elle était prête à venir en aide à la population de la ville de Goma. Quatre experts d'Echo basés en RDC et au Kenya étaient attendus vendredi dans la région pour participer aux travaux d'évaluation des besoins, a expliqué Michael Curtis, porte-parole du commissaire à l'aide humanitaire, Poul Nielson. "On ne sait pas très clairement quels sont les besoins pour l'instant, même si nous pensons que cela prendra la forme d'un travail d'aide humanitaire classique, alimentation, couvertures, etc.", a-t-il déclaré. La Belgique a débloqué une aide humanitaire d'urgence de 1,25 million d'euros et également donné l'autorisation d'utiliser sur place des réserves stratégiques de médicaments, matériel de purification d'eau, et réserves d'eau, stockés en RDC. Le ministère allemand des affaires étrangères a, lui aussi, annoncé mettre à disposition 300 000 euros d'aide humanitaire. L'Union européenne s'est quant à elle déclaré prête à apporter une assistance en fonction des besoins.
Les opérations de secours sont très délicates, car les explosions de dépôts d'essence provoquées par la lave rendent difficile l'accès à la ville, explique Florian Westphal, porte-parole de la Croix Rouge à Nairobi. "Notre entrepôt et nos ateliers de mécanique ont été détruits. L'aéroport est inutilisable et le port fluvial de Goma a été détruit par une explosion", ajoute-t-il. Enfin, deux des trois stations de pompage de la ville sont hors service.
Le volcan du Nyiragongo, à une dizaine de kilomètres au nord de Goma, culminant à 3 425 mètres, avait tué 2 000 personnes en trente minutes en janvier 1977, avec des coulées de lave qui avaient traversé des villages à une vitesse allant de 60 à 100 kilomètres/heure. Selon le vulcanologue français Jacques Durieux, la coulée de jeudi a été beaucoup plus lente qu'en 1977, de l'ordre de 180 mètres à l'heure. Le volcan, a-t-il précisé, avait commencé à présenter des signes de regain d'activité il y a quatre jours, avec des projections de cendres et de poussières. Le volcan, l'un des deux encore en activité dans la chaîne des Virunga, avec le Nyamuragira, était à nouveau entré en activité en 1982, en 1994 et en février 2001, mais sans coulée de lave.
Avec AFP
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