RÉPONSE
AU SNES
par
Luc Beyer de ryke,
Ce
mois
de juin marquera la célébration du soixante-dixième anniversaire de l’Appel du
Général de Gaulle. À cette occasion Philippe de Saint-Robert a publié aux
éditions cnrs
un
opuscule bienvenu intitulé Juin
40 ou les paradoxes de l’honneur (1).
« L’homme c’est la conscience, mais la conscience exaltée. » ce
mot de Vigny inspira de Gaulle comme celui de Châteaubriand qui parle de
«
l’honneur » comme
«
d’une exaltation de l’âme » qui
maintient le coeur incorruptible au milieu de la
corruption.
Le
Général tout pétri de la lecture des classiques en a lui-même le style dans
ses
Mémoires dont
bien des passages constituent des pages d’anthologie. Aussi le texte signé de
Valérie Sultan, paru sur le site du snes
(Syndicat
national des Enseignants du Secondaire), apparaît particulièrement choquant. La
signataire juge «
totalement incongru » le
choix des Mémoires
« qui ne sont pas un texte littéraire » mis
au programme de lettres en Terminale. Ce qui à mes yeux me semble « incongru
»
c’est
la réaction de Valérie Sultan coïncidant avec le soixante-dixième anniversaire
de l’Appel du 18 Juin. La symbolique de cette date rappelle Philippe de
Saint-Robert
« est là pour justifier tous les appels qui n’ont jamais été entendus,
innombrables appels toujours étouffés dans la nuit de l’Histoire et les guerres
perdues ».
Il me paraît selon « la nature des choses » que le président de l’académie du
Gaullisme en notre nom à tous dise sa réprobation. Je le fais. Mais je m’en
voudrais de réagir seulement dans la qualité qui est la mienne. On pourrait
juger le geste convenu, attendu. Il ne l’est pas. Si je m’insurge c’est avant
tout en amoureux de la langue française. Vous le savez, je suis Belge. Le hasard
des circonstances fait que la veille de la publication du texte de Valérie
Sultan, Philippe de Saint-Robert et moi avions été conviés par le délégué de la
communauté française de
Belgique
Jean-Pol Barras à débattre de la défense et de l’illustration de la langue
française. Cela se passait devant un public nombreux, épris de notre langue,
dans le bel hôtel du boulevard Saint-Germain, siège de la Délégation. Si l’amour
du français m’est venu très jeune je le dois à un professeur de lettres, Henri
Soisson, envoyé par le quai d’Orsay pour enseigner à des petits Belges la beauté
et l’intelligence des textes. Lecteur de Camus et de Combat
il
nous inspira le goût des explications de textes et du débat littéraire. Ce qui
me porta vers de Gaulle ne fut pas seulement le Résistant et l’homme qui sauva
l’honneur de la France, ce fut l’écrivain. Celui qui avait le culte du Verbe et
apporta le témoignage de l’Histoire et de l’Action en un style
superbe.
Charles
de Gaulle a pris sa place à travers les Mémoires
dans
la lignée des classiques. Que les sensibilités puissent différer peut se
comprendre. «
À chacun sa vérité », disait
Pirandello. Que les
Mémoires puissent
figurer dans les grands textes littéraires par contre est à mes yeux une
évidence. Davantage que le président de l’Académie du Gaullisme, c’est l’ancien
élève de Terminale que je fus qui signe cette réponse faite à
Valérie
Sultan
et au snes.
(1)
CNRS
éditions, 60 pages, 4 €.