n rois emps rois ouvements...

En aparté de la soirée exceptionnelle donnée par l'Atelier des musiciens du Louvre de Grenoble, une promenade historique proposée par François Brunswick a ravi les spectateurs installés dans le joli jardin jouxtant l'église...

Le conteur et metteur en scène : François Brunswick
La musicienne : Agustina Mérono
La femme : Valérie Charpinet

Texte de la Complainte du Delphinet interprétée par Valérie Charpinet


Le conteur et La femme « entrent » et s’installent.

Le conteur  : « Mesdames et Messieurs, Andréennes et Andréens de toujours ou de l’instant, le temps nous étant compté, nous allons vous interpréter, en 3 temps et 3 mouvements, la grande Histoire de St André en Royans, telle que nous avons cru en comprendre les subtilités, à travers le très gros travail effectué depuis des années par « les Amis du Vieux Saint André ».
Top, chronologie !


« flute virevoltante » en intermède ou prolongée sur texte un moment.

… Aux temps antédiluviens et dans le premier millénaire, les premières communautés humaines, les premiers Andréens, n’habitaient pas ici, sur ce mamelon, mais sur la colline d’en face autour le la Roche ! Pourquoi là et pas ici ?
Parce que l’eau, mère de tout peuplement, était en face !… Il devait y avoir un lac derrière cette Roche et des sources sur ce versant.


Arrivée de la femme, sorte de vieux monstre de chiffons-eau-bois... - Elle repart.

On occupa donc des grottes des 2 côtés de la Roche. On chassait, on pêchait et on surveillait la vallée…
Longtemps après, la retenue du lac cède et laisse place à des sorcières, toutes de roches faites, gardiennes du Bec de la Bellière.

Vers 300 après J-C, les Romains installent une villa, au lieu-dit le Palois, au bout du coteau de la Roche. Ils construisent les premières routes et captent l’eau de source. Nous parlons d’aqueduc, de mosaïques, de poteries et même d’une stèle nécropole.
Dans le même temps un village s’installe le long du chemin au pied de la Roche, près des sources.

Musique intermède+danse femme qui deviennent chaotiques…

De l’an 300 à l’an 1000 : 700 ans de chaos !

Cri femme

Invasion des Burgondes… des Lombards …des Musulmans… des Hongrois…

Jeu d’ensevelissement

Les habitants de la Roche passent de l’Empire de Charlemagne au Royaume de Bourgogne en n'y voyant que du feu ! … du sang et des larmes….
La ferme romaine n’est plus que ruine…. Mais des hommes et des femmes sont toujours là… accrochés à la Roche et à ses sources…

Ressort du tas

Air médiéval tranquille

Respiration

1000 - 1250

Pour remettre un peu d’ordre dans le pays, les évêques des villes offrent aux chevaliers, des terres pour défendre le coin. C’est le début des grandes familles nobles andréennes. Ce sont les Comtes d’Albon, Dauphins du Dauphiné qui ouvrent le bal sous le nom de Guigues 1, Guigues 2,3,4,5,6,7 !

Musique cérémonie

Le premier Guigues investit la motte sur laquelle nous nous trouvons, pour faire bâtir une espèce de château en bois avec palissade et tour de guet.
Petite contribution à l’architecture médiévale qui voit dans le même temps se  construire l’Abbaye de Saint Antoine et le Monastère de la Grande Chartreuse !

Retour Femme avec une brouette

Les Guigues profitant d’une paix relative, s’en vont en Croisades, porter le chaos à l’extérieur.

Femme :  «Bon débarras !»

Conteur : «Qu’est-ce que tu dis ?»

Femme : «Mmmmmra»


C’est en 1227, nous disent les archives, que l’on trouve pour la première fois le nom de St André pour ce village d’en face. Or, coïncidence, Guigues VI, alors au pouvoir était dit « André Dauphin ».

1251- Tournant historique !

Le Dauphin Guigues VII échange St André contre Beauvoir. Avec qui ?
Il l’échange avec Raymond Béranger, Seigneur de Pont en Royans. C’est le début de la main mise de Pont en Royans sur le secteur …

La Femme « se rafraîchit » un peu   aguiche, vend et encaisse…

Mais St André dans un premier temps va en profiter. Le village du pied de la Roche va se développer car Beauvoir devient une cour prestigieuse. 3000 courtisans, gens d’armes, artisans, marchands passent là, en face, sur la route de Monteux, reliant Pont en Royans à Beauvoir.

Le femme murmure Aott !

Jackpot ! Cling-Cling !

Et le château de bois, ici, devient peu à peu château de pierres avec des douves, car on a capté l’eau et qui dit captage d’eau dit droit d’eau.

Jackpot ! Cling-Cling.

Le conteur reprend l’argent gagné… La femme pleure.

«Hé ! Femme !
Pourquoi pleures-tu Femme ? Problème d’argent ?
»

Elle secoue la tête négativement.


«Peine de cœur ?»

Oui avec la tête.

… La Femme : « Le Delphinet...»

Ah, c’est vrai ! Nous sommes en 1335 et nous assistons à la naissance de la Gazette People !
Regarde cette pauvre femme, taillable et corvéable à merci qui au lieu de se préoccuper de son sort, pleure la mort du petit André, fils de Humbert II, dernier Dauphin de Beauvoir.
Voici la complainte qui a su traverser les âges (Cliquer ici pour lire les paroles)

Complainte à 2 voix + Musique

1348 - La Peste Noire !

La femme fuit en redoublant de pleurs

 1349 - Transport du Dauphiné à la France d’où l’appellation de Dauphin pour le fils du Roi. St André fait désormais partie de la couronne et voit ses maîtres et fidèles vassaux se succéder. Ils ont nom : Béranger, Béranger-Sassenage,  Allemand de Rochechinard, Clermont, puis François d’Agoult.

 Musique médiévale

Alors St André n’est plus un lieu de passage pour Beauvoir.
Quelques maisons de notables commencent à s’installer dans une nouvelle enceinte du Château… Arthus Prunier 1er du nom, conseiller du Roi et trésorier du Dauphiné, achète St André, Auberives, Presles et Châtelus.

Il est à noter, que quelques deux siècles plus tard, à l’occasion du décès de René Ismidon Nicolas de Prunier, Comte de Saint André, Auberives, Presles, Châtelus, Marquis de Virieu, Lieutenant Général des Armées du Roi, on grava sur cette église ses blasons militaires dont on voit ici la trace.
Pendant ce temps, à St André, on vit avec ses produits de la terre, le panais, qui connais le panais ? la pomme de terre n’étant pas née, les châtaignes, les vignes, les bois…


Le conteur : «Hep-Hep ! Viens là !»

La femme passe avec une brouette et se fait taxer par le conteur…

Elle dit : «Payer, toujours payer »

Le conteur : «Tu parles trop femme ! »

A Pont en Royans c’est le règne des marchands, des artisans, des premiers bourgeois cultivés, … des immigrés… Bref, des Huguenots, des Protestants !

Accélération musique-fin 
        
La femme fuit…

1572 - La St Barthélemy
1573 - Les Protestants emmenés sans doute par le noble de Montbrun attaquent le Château de St André que les habitants réquisitionnés défendent vaillamment. Hélas ils virent avec désespoir brûler leur village, l’église et assistèrent à la fuite de ceux qu’ils avaient laissés là-haut.

Oyez
Et Voyez
Comme en  peu d’espace
Ils ont dessus la  place
Vu brûler  leurs avoirs
Et mourir tous leurs hoirs.

On dit, mais que ne dit-on pas ?… que le Rognon, ruisseau de l’autre côté de la Roche, où femmes et enfants s’étaient réfugiés, coula rouge longtemps.

La femme revient avec du linge rouge en maugréant :
«Sang de Dieu…»

«Tu blasphèmes Femme ?»

«Palsambleu !
»

Elle se signe et s’en va.

1574 - Les Protestants reviennent avec à leur tête Montbrun fils d’un barbier de Pont qui a pris ce nom pour honorer leur Noble chef qui vient d’être décapité en Place aux Herbes de Grenoble. Ils prennent le Château, la garnison s’étant dispersée.
C’est alors que le village dessous la Roche ou ce qui en restait, fut abandonné et se reconstruisit autour du Château, ici.


Reprise musique baroque

La Famille de Lionne installera une Maison Forte nommée Beaujour à la vue des Seigneurs Prunier de St André qui pour ce motif défendirent toute alliance avec les de Lionne.


«On ne s’allie pas avec une Famille qui vous a servi.
Na !»

Un petit-fils Hughes de Lionne fut un grand ministre des Affaires étrangères de Louis XIV…

Après ? Après, Pont en Royans continua à développer sa petite industrie et St André poursuivit sa vie rurale mêlant paysannerie et tradition. Un peu d’élevage, des châtaignes, les vignes, le bois, les céréales et les noyaux !… Ainsi nommait-on les noix tant estimées… Le cerneau ressemblait à un cerveau et la médecine de l’époque lui attribuait des vertus qui préservaient de la folie.

Interruption musique

Rentrée femme avec brouette et noix

Elle se fait taxer.


La femme
repart : «Je finirai par me plaindre »

«Hep, Hep, Femme ! Toutes bonnes choses qu’une aristocratie dévouée taxait gentiment en loyaux serviteurs du roi.»

Reprise musique

1650… Un petit coup de peste…
1680… Agrandissement du château
1688… La nouvelle église est construite.
1707… Son merveilleux plafond à caissons de bois peint en trompe l’œil resplendit.
… Des disettes, de grandes famines… des curés … des nobles… des bons… des braves… des épouvantables…


Quelques notes. Il pleut, il pleut bergère… Ha, çà ira…

Il s’endort.
Il ouvre un œil.  Se rendort.

La femme vient lui tirer la veste, lui remet un papier :  « Doléances »
Elle repart.

Ici on entendit vaguement parler de Révolution en marche.

En 1787, les Andréens refusèrent de payer au curé la dîme sur les vignes basses. Ils allèrent en justice à Grenoble. C’est un procès que les habitants perdirent, mais ils furent sauvés par la Révolution, car il ne fut plus question de payer.

Révolution tranquille à St André même si l’on brûla quelques précieux papiers, même si on spolia quelques biens que les nobles récupérèrent peu après, telle la Marquise de Marcieu, née Prunier de St André qui gardera son Château jusqu’à sa mort en 1830.

Le premier maire sera Paul Atuyer qui démissionnera six mois plus tard refusant « de bouffer du curé ». Pas de terreur à St André !
La première maison communale sera la cure, derrière l’église, celle de Avignon conseiller municipal, citoyen et curé.

St André est débaptisé et devient pour très peu de temps André La Roche.

Commence la culture des pommiers, plus tard du tabac et toujours de la  noix.

La Marquise de Marcieu écrit à son intendant, Monsieur Atuyer en 1806.


«Greffier !»

Lettres. Extraits :

« Je suis bien étonnée, mon cher ATTUYER, que vous ne soyez pas venu m’apporter vous-même votre paye ? vous saviez que nous avions des choses à régler ensemble…

Je vous avais prié de me faire l’emplette de 4 quarteaux de noyaux triés, et de vouloir bien en payer la voiture que je vous rendrai en vous payant les noyaux. Je ne sais si je puis compter que vous me ferez cette emplette. Vous me laissez dans une incertitude désagréable, répondez-moi si vous ne voulez pas venir, si je puis oui ou non compter sur ces noyaux.»

La femme revient changée, lisant…

Musique

«Qu’est-ce que tu fais, Femme ?»

«Cessez de m’appeler ainsi. Appelez-moi "Mademoiselle". Quant à ce que je fais ? J’apprends à lire et à écrire. Un jour je serai institutrice et je pourrai écrire la vraie histoire, pas celle des Prunier, des Lionne ou autres beaux messieurs… J’écrirai celle des Berthuin, des Ferrouillet, des Pascal, des Odier, des Idelon, des Boucher, des Perrin, des Oriol… et des femmes et des hommes qui ont entretenu les chemins, les champs, les fermes qui ont fait tous ces paysages dont on ne parle jamais !»

La femme sort.

1880 - Tournant contemporain dans l’histoire de St André ?
La municipalité refuse de financer la nouvelle route Pont-en-Royans-Vallée de l’Isère qui devait passer là, sur les traces des chemins historiques. Elle sera donc construite en bas vers le tunnel de Bluvinaye.
Les Andréens ont-ils raté leur développement, à ce moment-là, en étant trop près de leurs sous ?
Mais ils y ont gagné leur tranquillité.


La femme : «Tranquillité ! et la Guerre de 14-18 ! et 39-45 ! et ceux qui n’en sont jamais revenus ! et les épidémies de 1917 !  et les inondations de ….. Ne l’écoutez plus ! Suivez moi… je voudrai vous montrer quelque chose… !»

Chanson L’eau vive

Cette tranquillité sera scellée dans les années 1980-1990 par la fermeture des 2 derniers cafés !

Bribes de musiques contemporaines…

Deux derniers évènements, mais de taille ! Tous deux ont participé au sauvetage d’un incomparable Patrimoine.
En 1970, rachat de la partie du château donnant sur la Place par M. Bernard Peigné qui initiera ainsi la restauration de la Place.
En 1992, création de l’Association des Amis du Vieux Saint André qui, entre autres œuvres de Mémoire, ont publié en 2003
« SAINT ANDRÉ en ROYANS de tous les temps »
et eux parlent des Berthuin, des Ferrouillet, des Pascal, des Odier, des Idelon, des Boucher, des Perrin, des Oriol et de tous les autres.


La femme revient : «Alors là, ça va bien !»

Et, plus tard la carte de visite de René-Ismidon-Nicolas de Prunier, Haut et Puissant Seigneur, Messire René –Ismidon-Nicolas de Prunier , Comte de St André, Auberives, Presles, Châtelus, Champeverse, Marquis de Virieu, Baron de Beauchaine, Seigneur de La Buissière, Baron, Bellecombe et autres Places, Lieutenant Général des Armées du Roi, Gouverneur de la Ville de Vienne, Pays et Baillage Viennois, tour et Bourg de Ste Colombe en Lyonnois, lequel Seigneur de son gré…

Texte reproduit avec l'aimable autorisation de François Brunswick


Entonnant "L'eau Vive", la troupe a ensuite conduit les spectateurs enthousiastes sur la place du village, auprès de la fontaine. Le château resplendissait dans la jolie lumière du couchant.

Une manière originale et conviviale de découvrir ou redécouvrir l'histoire de Saint André en Royans !

Un grand merci à tous ceux et celles qui ont participé à cette soirée et aux spectateurs venus nombreux !

 

Saint André en Royans - Samedi 21 avril 2007


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